Magistrale analyse de la situation actuelle en France par Michèle Sibony de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) :
Ce terreau national se combine, il nous faut aussi le rappeler, avec l’arrivée au pouvoir le lendemain du 11 septembre 2001, des thèses néoconservatrices qui sont reprises et s’installent durablement en France et en Europe. Cette idéologie qui remplace l’affrontement idéologique Est Ouest par un affrontement civilisationnel entre ce qui serait l’axe du bien, un occident judéo chrétien conçu pour la forme sous l’influence des chrétiens sionistes américains proches de Bush, affrontant un axe du mal arabo-musulman. Cette vision du monde trouve immédiatement en France ses émules, par une série de personnalités, philosophes, politologues, associatifs, journalistes qui fondent le cercle de l’oratoire, [2] avec par exemple Michel Taubman, journaliste de Arte et responsable i24 news à l’époque, Pascal Bruckner, Jacques Tarnero, P.A. Taguieff, A. Glucksman, Romain Goupil ,Elisabeth Schemla fondatrice du site proche orient.com , Cecilia Gabizon pages islam du Figaro, Monique Canto Sperber directrice de l’ENS, et bien au delà c’est une mouvance néocons qui s’installe à la une des grands médias, chargée de porter l’assaut aux musulmans de ce pays, Alain Finkelkraut, le Charlie Hebdo dirigé par Philippe Val qui y introduit Caroline Fourest, le mouvement des Femen en font partie.
Cette mouvance va impulser en France la désignation des musulmans et arabes comme une classe dangereuse, assignée à une religion incompatible avec une laïcité dévoyée et utilisée comme une arme contre eux. Et phénomène à souligner, dans le même temps, elle introduit l’idée de la défense d’Israël conçu comme allié incontournable dans la lutte contre l’axe du Mal du monde selon Bush. Islamophobie et soutien d’Israël sont ainsi intimement associés.
Dans le néoconservatisme l’alliance avec Israël devient en effet centrale puisque le monde arabo-musulman et le Moyen-Orient arabe en particulier sont l’ennemi principal. Ce conflit qui a toujours été un point important de déstabilisation se retrouve sur la ligne de front, fer de lance des puissances occidentales.
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La population arabo-musulmane postcoloniale se retrouve piégée dans une assignation identitaire religieuse et une instrumentalisation qui fait d’elle une population à risque, par le biais d’un islam in-intégrable, associé à toutes les formes de terrorisme se revendiquant de l’Islam . Autant d’éléments qui favorisent le développement d’un racisme virulent et des mesures gouvernementales légales et ou sécuritaires contre elle.
La population juive, elle, se retrouve assignée par le biais des instances communautaires juives, véritables courroies de transmission de l’ambassade d’Israël, à une identification de type plutôt « national » et un soutien sans faille à la politique d’Israël : l’outil majeur de leur embrigadement sera l’antisémitisme : comme la meilleure réponse à toute critique de la politique israélienne et à toute expression de solidarité avec la Palestine.
A moyen terme, l’antisémitisme a l’immense vertu en effet d’effacer la Palestine du discours politique et de la remplacer par un problème racial et ou religieux entre communautés.
Il faut se souvenir du travail du BNCVA du centre Simon Wisenthal Europe , qui pendant toutes ces années ont désigné comme actes antisémites toute action de solidarité avec la Palestine. Les chiffres de la CNCDH tels qu’analysés par Dominique Vidal montraient eux des pics d’actes antisémites parallèles aux périodes de répression coloniale les plus dures dans les Territoires Occupés : opérations Bouclier de Défense, plomb durci.
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Au plan des relations internationales pour commencer, c’est la déréglementation du droit international et humanitaire qui est à l’ordre du jour néoconservateur et israélien.
La volonté de ne pas sanctionner Israël qui viole toutes les normes de ces droits, (certes il n’est pas le seul), mais il est le seul avec ses alliés occidentaux, contre qui aucun Etat ni l’ONU, ni l’UE ne prend de réelles sanctions : ainsi depuis 2001 les gouvernements français acceptent cette déréglementation et y collaborent activement en ne réagissant pas à l’avis de la CIJ sur le Mur, qui demande des sanctions contre cette construction illégale. Ils ne proposent ni ne mettent en œuvre aucune sanction lors des opérations meurtrières sur Gaza, et refusent toute autre politique que celle définie par le Ministère des affaires étrangères comme une politique de « pressions douces »
C’est ainsi que sera enterré sous les protestations israéliennes, le rapport de la commission parlementaire sur la géopolitique de l’eau remis par Jean Glavany à l’assemblée nationale en décembre 2011 qui décrit la question de l’eau comme "révélatrice d’un nouvel apartheid au Moyen-Orient" .
Les diplomates français attaqués, frappés, par l’armée israélienne ne sont pas défendus ou protégés par leurs gouvernements. C’est le cas du chef de l’antenne consulaire à Gaza, Majdi Shakoura blessé ainsi que sa fille, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2011.
De même, en septembre 2013, la diplomate française Marion Fesneau-Castaing malmenée par l’armée dans la vallée du Jourdain sera finalement blâmée par le gouvernement français.
L’été 2014 pendant l’opération « bordure de protection » le gouvernement français donne même un blanc seing à Israël « qui a le droit de se défendre contre le terrorisme » .
Les 2168 morts de Gaza (dont 70 % des civils selon l’enquête l’organisation israélienne Betselem) nous regardent. Emoi ? Protestation ? Aide gouvernementale ? L’aide promise au Caire n’est pas arrivée. Gaza se meurt lentement sous nos yeux.
Au plan intérieur, c’est le modèle colonial israélien et le sort réservé à la population palestinienne, dans ce contexte du choc des civilisations, qui rencontre et inspire une gestion postcoloniale des populations françaises recluses dans des quartiers séparés.
En 2004, le premier ministre Rafarin formule d’ailleurs explicitement cette inspiration inversée, en recevant à Paris le président israélien Moshe Katzav. Il déclare « la France doit s’inspirer du modèle d’intégration israélien », un modèle de discriminations légales et spatiales.
C’est la même année que sous couvert de laïcité et de citoyenneté à la française, la désignation des arabes musulmans de ce pays comme ennemis de l’intérieur s’opère avec la loi sur le voile (personne ne nous fera plus croire que cette loi visait tous les signes religieux) et ses extensions en cours, que ce soit l’affaire de la crèche baby loup ou le projet visant les universités.
Ce ne sont que des extraits, il faut lire l’intégralité du texte :
▻http://www.ujfp.org/spip.php?article3932
#Michèle-Sibony #racisme #néocons #refus-du-droit-international