Réuni depuis hier à Santiago du Chili, le Comité de Bâle, chargé de la régulation internationale des banques systémiques (Too big to fail), est très préoccupé par un mauvais élève. Cette banque, dont l’incurie pourrait provoquer la prochaine crise financière internationale, n’est ni grecque, ni française, ni italienne, ni chypriote : c’est la Deutsche Bank. Plombée par quinze années d’investissements hasardeux, d’opérations illégales et de brutales restructurations, la prestigieuse institution francfortoise est, de plus, menacée d’une amende record aux Etats-Unis pour son implication dans le scandale des subprimes.
A quelques mois des élections allemandes, Angela Merkel assure que le contribuable ne mettra pas la main à la poche pour sauver l’établissement. Mais la déconfiture de la première banque d’Allemagne, huitième du monde, pesant l’équivalent de 10% du PIB… européen, est-elle réellement envisageable ? Coincée entre la menace judiciaire étasunienne, la faiblesse des taux d’intérêts et ses obligations internationales en termes de fonds propres (Bâle III puis dès 2019 Bâle IV), la Deutsche Bank devra tôt ou tard faire appel à nouveau1 aux fonds publics. A moins de trouver in extremis un accord politique avec les Etats-Unis ou un accommodement avec les règles du Comité de Bâle. On serait curieux de savoir ce que Wolfgang Schäuble, le Père la Rigueur de l’euro, si prompt à faire la morale aux Grecs, pense de ces petits arrangements entre amis.
Paradoxalement, l’austère Allemagne des élites pourrait trouver son sauveur dans le futur président « antisystème » Donald Trump2. Son projet d’assouplissement des règles financières introduites aux Etats-Unis par Barack Obama après le krach de 2008 devrait notamment modérer les tenants d’un Bâle IV très exigeant – soit principalement les banques US, actuellement soumises à des normes plus sévères que leurs homologues de l’UE.
Emblème de la puissance économique allemande, la Deutsche Bank en incarne aujourd’hui également la fragilité. L’origine des soucis de la banque puise d’ailleurs à la même source que le prétendu miracle allemand : le démantèlement des protections sociales et la chute des salaires au tournant du siècle. Une politique d’austérité qui avait déprimé la croissance et poussé les banques allemandes à chasser le profit à l’étranger, dans des opérations toujours plus risquées. Qui leur éclatent aujourd’hui au visage.
Fière de son internationalisation, arrogante au point de vouloir imposer son modèle à tous ses partenaires, l’Allemagne est enfin rattrapée par une crise qu’elle n’a cessé d’alimenter. Au risque de choquer : il faut souhaiter que le pays soit frappé suffisamment fort pour délivrer l’Europe de ce modèle austéritaire qui la détruit à petit feu.
• 1. Rappelons que le premier « sauvetage de la Grèce » par l’UE en 2010 eut pour objectif principal de socialiser les créances contractées par les banques françaises et allemandes auprès de leurs homologues grecques.
• 2. A ne pas confondre avec Trump Donald, l’entrepreneur, lourdement endetté auprès de la… Deutsche Bank.