Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris

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  • L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat…
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    L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale.
    Cet ouvrage entend contribuer à montrer la nécessité qu’il y a à prendre au sérieux l’Histoire du Moyen Âge, non comme un jeu intellectuel ou érudit ni comme simple moyen de comprendre d’où nous venons (thématique des racines, toujours susceptible de dérives idéologiques) mais afin d’expliquer comment s’est formé le système social occidental. Une première étape consiste à mettre à jour les rapports ambigus que la société libérale a développés envers la société médiévale depuis le XIXe siècle, qui rendent complexe la production d’un discours scientifique sur le Moyen Âge mais en même temps font des usages actuels de la période un symptôme révélateur des blocages sociaux : car quand la société libérale parle du Moyen Âge, c’est elle-même qu’elle met en scène.
    Une deuxième étape entreprend de montrer que la société médiévale, quoique radicalement distincte, n’est pas l’inverse de la société contemporaine, mais bien plutôt sa matrice, contrairement à ce que la mythographie bourgeoise du XIXe siècle a laissé croire. À travers la présentation de deux processus abstraits et interagissants qui s’y sont accomplis, la « déparentalisation » et la spatialisation du social, on tente d’appréhender les fondements du développement de la puissance occidentale à partir du XIe siècle. Celui-ci repose sur une élévation exceptionnelle de la productivité sociale, à un moment où les litterati, c’est-à-dire les savants, étaient au pouvoir. L’histoire de la société médiévale montre ainsi combien une société qui met ses savants à sa tête peut être socialement productive.

    #histoire #recherche #justification_sociale