Vers l’émergence d’un nouveau maccarthysme ? | Haoues Seniguer

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  • Mais quelle est encore la différence entre Al Kanz et un propagandiste du choc des civilisations (et, tant qu’on y est, du sionisme) ?
    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/02/20/01016-20150220ARTFIG00078-la-hijra-ces-musulmans-qui-quittent-la-france-pou

    Le blogueur salafiste Fateh Kimouche, plus connu sous le nom d’Al kanz, suivi par des dizaines de milliers de personnes sur twitter, a appelé publiquement les musulmans à faire leur hijra sur son compte twitter, pour fuir le « climat d’islamophobie » en France.

    Al Kanz sur Twitter : Je crains moins la montée de l’islamophobie que les méfaits de ces socialistes au pouvoir ! Même Sarkozy était moins dangereux. Vite la hijra

    Contacté par Le Figaro.fr, il explique : « La jurisprudence en matière de hijra est diverse : certains savants considèrent qu’il est obligatoire pour un musulman de ne pas vivre en terres non musulmanes et que par conséquent la hijra s’impose à chacun ; d’autres pensent que l’on peut vivre en terres non musulmanes dès lors que l’on peut pratiquer librement (on peut prier, on peut jeûner, etc.) ». « Aujourd’hui la dichotomie terres musulmanes et terres non musulmanes est moins tranchée. » assure le blogueur.

    • En réponse à l’article du Figaro, Al Kanz justifie explicitement la hijra par l’alyah. On est bien dans le modèle sioniste.
      http://www.al-kanz.org/2015/02/21/alyah-hijra

      Faire son alyah est désolant, sa hijra très suspect

      En France, nombre de juifs ont peur. Ils ont raison. Nombre de musulmans ont peur, aussi. Ils ont raison. Mais si la peur des premiers est prise au sérieux, la seconde est méprisée par les artisans du problème musulman, communautaristes sélectifs et antisémites bienveillants, souvent islamophobes plus ou moins décomplexés.


    • Je vais essayer d’expliciter l’escroquerie : il s’agit d’un double discours. Il y a deux aspects en même temps :
      – le premier est de présenter le départ comme une réaction à l’islamophobie, de la même façon que le sionisme serait d’abord une réaction à l’antisémitisme ;
      – mais dans le même temps, on recourt à la lecture littérale d’un impératif religieux, qui est détaché de l’islamophobie : la hijra, en parallèle à l’alyah (l’élévation), via l’invocation d’une « jurisprudence en matière de hijra ».

      C’est le premier aspect qui est strictement retenu dans la « réponse » au Figaro (« désolant », « peur »…), alors que le second aspect est celui qui permet d’affirmer initialement que les musulmans sont par nature des étrangers dans leur propre pays (si ce pays est « une terre non musulmane »). Il n’est pas difficile de voir à quel point ce deuxième discours est invraisemblablement dangereux.

    • Islamistes et néo-salafistes sur le Net : Vers l’émergence d’un nouveau maccarthysme ? - Haoues Seniguer (juillet 2014)
      http://www.huffpostmaghreb.com/haoues-seniguer/web-islamistes-neo-salafistes_b_5309855.html

      Si ces trois acteurs, à savoir al-Kanz, Islam et info et N. Ennasri, sont pris ensemble, c’est dans la mesure où ils sont omniprésents sur la Toile, coordonnent régulièrement leurs actions sur le Net, mettant sur le bûcher virtuel leurs cibles du moment. Rien de surprenant. En effet, ils partagent une grande complicité idéologique qui se donne aisément à voir sur les différents réseaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.), qu’ils affectionnent et au moyen desquels ils échangent constamment.

      Ce triumvariat travaille ainsi en parfaite symbiose. Qu’est-ce qui les rapproche ? Un grand conservatisme religieux, un communautarisme assumé (ils en ont au demeurant parfaitement le droit), la détestation des Chiites, une défiance haineuse, arrogante, méprisante et accrue à l’égard des musulmans réels ou supposés qui divergent d’avec eux, ou même des journalistes et chercheurs en sciences sociales qui travaillent sur le fait musulman de manière un peu trop critique à leur goût. […]

      […] On verra également, à travers le renvoi à des tribunes et à des messages postés sur Twitter, que le conflit syrien a dopé ou exacerbé la radicalité du discours néo-salafiste et islamiste français, qui voit partout des soutiens au régime de Bachar al-Assad et l’empreinte d’une complaisance irano-chiite dans le moindre propos, fût-il pondéré, à propos dudit conflit.

      Cependant, ne nous y trompons pas : c’est moins l’avènement de la démocratie qui préoccupe les anti-Assad, que la lutte contre le tyran d’obédience « chiite » ou « alaouite ». Le ton, à l’instar de al-Kanz et de Islam et info, est, le moins qu’on puisse dire, très ambigu sur les appels au djihad des oulémas sunnites sur lesquels ils gardent religieusement silence... Ils préfèrent abonder dans une vision hyper confessionnalisée du conflit fratricide syrien réduit ainsi à sa plus simple dimension religieuse : à leurs yeux, deux camps s’affronteraient : les (toujours) bons Sunnites face aux (toujours) mauvais Chiites et/ou Alaouites... Comme si, au fond, le djihad en Syrie était pleinement justifiable au regard de l’interprétation de leurs référents théologiques patentés principalement basés en Arabie Saoudite.

      (Précision : pas fana de l’ensemble de ce texte. Mais la mobilisation du sunnisme de la plupart des français musulmans au moment du conflit syrien est un point qui me semble vraiment intéressant.)