• Non, « Charlie Hebdo » n’est pas obsédé par l’islam, par Jean-François Mignot et Céline Goffette (sociologues)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/02/24/non-charlie-hebdo-n-est-pas-obsede-par-l-islam_4582419_3232.html

    Est-il vrai que ce journal faisait preuve d’une « obsession » à l’encontre des musulmans, comme cela a pu être dit à la suite des attentats, notamment dans une tribune du Monde du 15 janvier 2015, à laquelle ont contribué plusieurs chercheurs ?

    Pour apporter une réponse raisonnée à cette question, nous analysons les 523 « unes » du journal de janvier 2005 (n°655) au 7 janvier 2015 (n°1177). Si les « unes » de Charlie Hebdo ne résument pas à elles seules le journal, elles en sont toutefois la vitrine

    (...)

    A la lecture, il apparaît que Charlie Hebdo, conformément à sa réputation, est un journal irrévérencieux de gauche, indéniablement antiraciste, mais intransigeant face à tous les obscurantismes religieux, musulman inclus. Ce qu’il faut expliquer, donc, ce n’est pas pourquoi #Charlie_Hebdo était islamophobe, mais pourquoi, de nos jours, seuls des extrémistes se revendiquant de l’islam cherchent à museler un journal qui se moque – entre beaucoup d’autres choses – de leur religion.

    #religion #islamophobie

    • Etrange méthode de ne prendre en compte que les couvertures... Par ailleurs, la question n’est pas tellement la quantité que la qualité du traitement de l’islam ! Je ne voulais pas et je ne veux toujours pas qu’on leur fasse du mal, mais on ne s’en sortira pas en réécrivant l’histoire.

    • Le problème n’était pas que Charlie hebdo « soit » islamophobe. Le fait est que, contrairement à ce qu’ils pensaient, l’engagement sincèrement antiraciste et anticolonial du Charlie hebdo « historique » n’a jamais mis ses auteurs à l’abri de commettre des propos et des dessins racistes. Comme on l’a vu il y a peu avec une exposition « antiraciste » du point de vue de son auteur blanc, mais ressentie comme violemment raciste, par les personnes racisées, comme participant de l’histoire coloniale que son auteur s’imaginait, depuis son point de vue de blanc, ainsi « critiquer ».
      (de même, mon propre engagement antiraciste ne me met pas à l’abri de commettre un propos ou un acte, un geste, racistes : je suis blanc et j’ai été élevé, éduqué, j’ai grandi, je me suis constitué dans une société structurellement raciste. Le savoir ne suffit pas à en identifier toutes les manifestations. Par contre, les connaître suppose de s’en remettre à celleux qui en sont l’objet : de les écouter lorsqu’ellils disent le racisme, y compris à gauche, y compris chez les progressistes, chez les libertaires et autres émancipés.
      Mais il est toujours plus confortable de se conforter dans sa haute opinion de soi-même et de sa culture universaliste et éclairée en se contentant de traquer le racisme sous sa forme la plus spectaculaire et socialement admise comme condamnable : le skin, le facho, le frontiste - tandis que l’on continue d’ignorer ses formes les plus omniprésentes, républicaines, démocratiques, quotidiennes et insidieuses, et que l’on peut soi-même continuer d’y contribuer en toute bonne conscience)
      Charlie a commis des unes (et des suivantes) Islamophobes sans avoir pour cela besoin d’afficher une « obsession » pour les musulmans. En fait, à y réfléchir un tout petit peu, on peut très bien contribuer à faire des musulmans un « problème » sans pour autant prêter le flanc à l’accusation d’obsession, ou en s’en défendant.
      Là n’est tout simplement pas la question.

      Par contre, l’attitude qui consiste à dire « on dessine juste ce qui nous fait marrer » n’est pas en soi un argument politique libertaire ou émancipateur. (à n’en pas douter, Konk et les dessinateurs publiés dans Minute et dans tant de publications très peu intéressées par l’émancipation de qui que ce soit dessinent aussi « ce qui les font marrer »).
      Enfin, croire qu’il suffirait de publier des caricatures des religieux, des croyants, des symboles et de tout ce qui est à leurs yeux sacré pour « lutter contre l’obscurantisme » relève de l’idéalisme bourgeoisement rationnaliste le plus étroit, d’une forme de foi .
      Comme l’écrivait il y a près de quarante ans une féministe matérialiste qui figure depuis des années parmi les critiques les plus conséquentes de la stigmatisation actuelle des musulmans :

      « [...] il y a une grande différence entre se divertir et croire posséder l’arme absolue, et il est dangereux de confondre les deux [...] »
      (C. Delphy, « protoféminisme et antiféminisme », Les temps modernes, 1976)

      Les dessinateurs et rédacteurs de Charlie Hebdo ont payé tragiquement cher un idéalisme qui ne pouvait que nourrir et venir renforcer, par ses tapageuses contributions à la stigmatisation actuelle ciblant les musulmans (contrairement à ce qu’ils prétendent, des caricatures, même talentueuses et sans tabou, n’ont jamais eu le pouvoir d’émanciper personne - plus sûrement, celui de conforter leurs auteurs dans leurs rigolardes certitudes) , l’égarement meurtrier de quelques uns de ceux qu’il était supposé combattre.

      Il ne s’agit pas de ménager qui que ce soit, de devenir « pro-islam » ou exceptionnellement tolérant vis à vis d’une religion plutôt que d’autres.
      Il s’agit bien plus de connaître le temps où l’on se trouve, et d’accepter d’assumer ce que l’on y fait, d’en entendre la critique. Moi qui ne suis pas racisé, qui suis blanc, si je veux agir en antiraciste, si je veux agir contre le racisme, alors c’est la parole des personnes racisées qui doit m’importer plus que tout, et surtout plus que ma simple définition de privilégié de ce que je m’imagine être le racisme. Et si les racisé-e-s sont croyant-e-s, je ne peux certainement pas me permettre de venir à l’unisson de l’Etat Français leur tenir paternellement un discours anticlérical, encore moins venir les sommer de renoncer à leur foi, les sommer de donner des gages de laïcité. Quoi que je puisse penser des religions, je ne peux espérer contribuer à en en combattre aucune aux côtés de l’Etat, aux côtés d’un Pouvoir. Pour paraphraser un fameux barbu, et aussi frustrant cela puisse-t-il être pour mon anticléricalisme jubilatoire et mon irréligiosité primesauitière réunies, je tiens que la religion des racisés sera combattue par les racisé-e-s eux-mêmes, et qu’ellils le feront très vraisembablement en leurs termes, le jour où la première question à laquelle ellils sont confronté-e-s ne sera plus celle de l’infériorité qui leur est très laïquement faite dans une société raciste.

    • @martin5 Amen to that, de la première à la dernière ligne.

      Sauf que, dans le cas de Charlie, en se concentrant sur les dessins, on oublie que le journal était dirigé par un type qui professe une vision du monde néoconservatrice, et que c’est ce type-là qui a orchestré le « coup » des caricatures de Mahomet, ce qui donne à l’entreprise une signification clairement islamophobe. Un « détail » que beaucoup refusent de voir, à la fois dans l’équipe de Charlie (Luz dans son interview à « Vice » : « Charlie est un journal anarchiste ») et au dehors. Si le reste de l’équipe avait vraiment voulu se montrer à la hauteur de ses convictions antiracistes affichées, elle aurait dû refuser de se laisser entraîner dans cet engrenage pour ne pas cautionner les visées de son taulier, dont elle ne pouvait pas ignorer la nature (sans parler de ses ambitions personnelles, sa nomination à la tête de France Inter ayant découlé directement de la notoriété et de l’"union sacrée" permises par les caricatures, avec le soutien apporté par Sarkozy à ce moment-là, et sans parler non plus de ce que l’affaire lui a rapporté financièrement : http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/que-va-faire-icharlie-hebdoi-de-tout-son-argent-865615.html).

    • Pas compris grand chose non plus…

      Les associations sont très générales (Religion, c’est pas très spécifique). Néanmoins, la persistance de l’association (très générale) Religion / Violence est certainement significative. Comme indiqué en conclusion, le découpage en périodes de trois mois produit des échantillons de petite taille et donc une faible puissance statistique (id, il faut que l’effet soit très important pour pouvoir être considéré comme significatif).

      Et il faudrait aller regarder quelle est (sont) la (les) religion(s) impliquée(s) dans cette association.

      Par ailleurs, l’approche statistique n’a pas grand sens pour interpréter la une (et l’ensemble du numéro) du 8 février 2006…

    • Entièrement d’accord, ca s’arrête là... Je conseille « Choron dernière » de pierre carles que j’ai vu hier, à tous les intéressé par Charlie, les vrais... L’interview, de denis robert par Schneiderman sur arrêt sur image est sympa aussi !

      cheers...