/2015

    • Je retiens :
      – L’IA qui joue au GO consomme 400KW quand son adversaire humain consomme 20W. Cette IA ne peut que jouer au GO.
      – L’IA qui reconnait les chats a eu besoin de 200K images pour fonctionner, quand un enfant de 2 ans a besoin de 2 images. L’IA ne reconnait pas le chat dans la pénombre, l’enfant si. Cette IA ne peut que reconnaître des chats, et encore avec un taux de réussite imparfait.
      – L’IA Google de conduite automatique ne sait pas faire la différence entre un panneau stop brandi par un humain pour faire une blague, et un vrai panneau stop.
      – Une IA est un outil, comme le marteau pour enfoncer le clou, construit par l’humain pour résoudre un type de problème particulier. L’IA qui résout tous les problèmes n’existe pas, car l’IA telle qu’elle est construite actuellement se fonde sur des données existantes. L’IA ne crée rien, l’IA régurgite.

    • Ce qui manque ici, comme souvent quand il est question d’IA, c’est de savoir comment la problématique s’inscrit sur le long terme dans les processus de production industrielle ; en particulier pour optimiser la productivité dans l’industrie informatique .

      La question à été un peu traitée à la fin de la vidéo, mais de façon absolument non critique et en ne l’abordant pas du tout sous l’angle spécifique des métiers de la filière informatique, ce qui est quand même un comble devant un public d’étudiantEs du secteur (si j’ai bien compris).

      Je n’ai aucun domaine de compétence pour confirmer l’hypothèse mais je me demande quand même si, avec ces techniques, permettant d’automatiser certaines tâches spécialisées, les développeurs (et de façon générale, les « informaticiens ») n’ont pas du soucis à se faire.

      Un des passages les plus intéressants du Capital (Marx), de mon point de vue, explique comment on est passé de l’artisanat à la manufacture puis à la grande industrie, les ouvriers spécialisés, fabricant, dans un premier temps, à la main des pièces mécaniques destinées à être assemblées dans des machines, puis, les « progrès technologiques » aidant, il n’a plus été nécessaire d’avoir recours au savoir-faire manuel de l’artisan (des métiers de l’horlogerie, notamment) pour construire ces pièces mécaniques. Il était devenu plus rentable de construire ce pièces avec des machines car on y passait moins de temps et cela coûtait moins cher ; c’est ce qu’on appelle la productivité. La question du remplacement ne se posait essentiellement alors qu’en ces termes, de la même façon que la problématique essentielle se pose pour Bezos de savoir s’il est plus rentable de conserver des humains travaillant comme des robots dans ses entrepôts, plutôt que de tout automatiser.

      On gagnerait, il me semble, à ne pas oublier ces déterminants économiques dans l’observation du « progrès technologiques », même si la fiabilité, le respect des sources, la régulation, etc. de ChatGPT,évoquées ici ou là, sont des questions importantes.

      On a essayé de construire tout un tas de machines volantes plus délirantes les unes que les autres avant d’arriver à un produire un modèle d’avion opérationnel. On sait déjà, avec le peu de recul de l’ère internet, que tout le monde s’était emballé, il y a quelques années sur des soit-disant faits historiques qui n’étaient que des fétus de paille (les CD, le web 2.0, etc.). De ce point de vue la vidéo est très utile, en analysant de façon plus rationnelle ce qu’est l’IA (improprement nommée). Pour autant, si on comprend mieux ce qu’est l’IA, on en sait pas beaucoup plus sur les conditions réelles, d’un point de vue industriel, de sa mise en place est sur les raisons pour lesquelles ceux qui ont le pouvoir de décision industriel l’emploient aujourd’hui.

      Comme l’évoquait justement Bookchin, nous ne savons pas exactement à quelle étape de l’évolution capitaliste nous en sommes.Nous n’avons à notre disposition que la focale du réel (avec le recul de l’histoire). Mieux vaut éviter d’essayer de lire dans le marc de café avec des discours sensationnels et de nous en tenir qu’aux réalités tangibles : notamment l’incontournable présence des pouvoirs économiques sur le court des choses.

      Néanmoins, il existe peut-être dans le réel d’aujourd’hui des signes qui peuvent nous indiquer de quoi sera fait l’avenir immédiat.

      Ma question : ne risque pas t-on d’avoir un processus similaire, à celui évoqué ci-dessus par Marx (passage de la fabrication manuelle à une production mécanique), dans les métiers informatiques ? Les professionnels de l’informatique seront-ils pas obligés de passer prochainement par des processus entièrement automatisés pour produire plus ou moins de lignes de code, jusqu’à ce que le savoir-faire du développeur et sa présence ne soient plus nécessaire ?

      Il m’est arrivé de poser la question à des professionnels et j’ai été surpris de constater que la réponse s’imposait presque toujours par la négative (après quand même quelques moments d’hésitation). La question est à nouveau posée ici.

      (Merci de ne pas m’allumer si je raconte des conneries ou si la réponse vous semble évidente)

      Des métiers, des savoir-faire, des gestes techniques, des cultures professionnelles disparaissent, parfois très vite et cela prouve que « ce n’est pas nous qui décidons », contrairement à ce qui est énoncé avec beaucoup de naïveté dans la vidéo.

      Les professionnels qui se retrouvent sur le carreau parce que leur métier n’existe plus sont souvent pris de court car ils ont souvent eu tendance à se rassurer dans une attitude bravache en affirmant, devant les signes avant-coureurs de leur éjection du « marché du travail », que « tout cela ne les touchera pas ». Je peux en témoigner car j’ai travaillé comme photograveur dans les années 80.

    • @cabou je suis bien d’accord et il n’y a pas d’illusion à se faire sur la capacité critique et encore moins marxienne, d’un co créateur de Siri. La vidéo a l’avantage pour moi de dissiper les fantasmes de ce que la soi-disant « IA » est ou n’est pas. À partir de là, une fois les fantasmes voire délires mis de côté, on peut discuter de ce dont tu parles toi, et qui est bien évidemment largement plus central.

      À ce propos : https://seenthis.net/messages/1011672

      Comme pour les autres secteurs de l’économie angoissés par la diffusion des outils d’automatisation (c’est à dire à peu près tous, de la creative class aux artisans, ouvriers, médecins, profs, etc), la déclaration de Fran Drescher mérite d’être rectifiée : ce ne sont pas « les machines » qui vont remplacer « les humains » mais le patronat qui, depuis les premiers théorèmes d’Adam Smith, tente éternellement d’accaparer les nouveaux outils de production pour optimiser l’extraction de la force de travail des employé·es dans le but de maximiser les profits réalisés. De la machine à vapeur à l’IA générative, (presque) rien n’a changé sous le soleil rouge de la lutte des classes, excepté le degré d’efficacité et de violence du processus.

      Évidemment ça marche aussi pour les devs, en tout cas pour de nombreux cas, comme pour à peu près n’importe quel métier spécialisé quoi (plus c’est technique spécialisé, plus c’est facile à reproduire avec assez de data aspirée).

      Plus d’IA, ça veut dire toujours plus de surnuméraires, de gens qui ne créent plus de valeur au sens capitaliste, qui ne servent à rien pour cette organisation du monde.

      #valeur #capitalisme #technologie #surnuméraires

    • merci @rastapopoulos. Content de voir qu’il y a au moins un professionnel qui estime que mon hypothèse n’est pas complètement farfelue :-)

      J’avais zappé ce lien vers Arrêt sur images à cause du paywall et je n’y suis pas revenu après !

      La réinterprétation de la révolte luddite qui a lieu depuis une trentaine d’années me semble effectivement très intéressante. On n’y voit plus forcément une bande d’attardés rétrogrades (à peu de chose près ce qu’en disait Marx et ce qu’en disent encore certains marxistes) mais plutôt l’expression d’une résistance à un pouvoir économique, imposant en guise de « progrès technologique inéluctable », la mise en place directe d’un nouveau type de rapport social de production (eh oui !), une dégradation brutale des revenus et des conditions de vie, une remise en cause du mode vie communautaire (ou social), des savoir-faire de métiers et du rapport qualitatif à ce qui est produit (le « travail bien fait »).

      En clair, il s’avère que le luddisme, n’est ni plus ni moins le premier mouvement de lutte sociale contre l’émergence de la révolution industrielle, elle-même, décrite comme l’étape décisive de la mise en place de la société capitaliste dans laquelle nous sommes encore empêtréEs. Lire, notamment, à ce sujet, le livre de Kirkpatrick Sale La révolte des Luddite , récemment réédité.

      Voilà effectivement qui ne pourra qu’être indispensable à savoir aujourd’hui, à un moment où il est non seulement vital de remettre en cause radicalement ce progrès qui nous est imposé mais qu’en plus, comme tu le fais justement remarquer, c’est le travail en tant que tel, et de façon générale, qui demande à être critiqué et pas seulement le savoir-faire et le rapport qualitatif qui y sont incorporés (comme à l’époque luddite).

    • Je ne sais pas si les IA vont remplacer les développeurs mais penser qu’un développeur n’est qu’un pondeur de code qu’on pourrait automatiser en deux coups de cuillère à pot est une erreur. Je vois bien que la plus grosse difficulté aujourd’hui pour beaucoup de développeurs (notamment débutants), ce n’est pas vraiment coder mais plutôt comprendre et analyser les besoins. Cela fait d’ailleurs des années que les développeurs sont très assistés dans leur flux de travail, pour ce qui est de produire du code en tout cas. A la limite on peut se plaindre que le métier est devenu bien plus industriel et moins artisanal, si on veut faire un parallèle avec les luddites.

    • ravi que cela te rappelle visiblement de bons souvenir, @simplicissimus ;-) mais pour ce qui me concerne, justement, autant je porte grand intérêt à l’œuvre de Marx - avec toute la distance critique qui s’impose (et là, je n’évoque même pas sa pratique politique plus que contestable au moment de la première internationale) - autant je n’ai jamais pris cette affaire de « baisse tendancielle du taux de profit » pour quelque chose de bien utile à la théorie révolutionnaire ! Je garde, au contraire, les pires souvenirs de débats furieux sur ce thème de la part de militants empêtrés dans des logiques religieuses défendant des textes sacrés.

      Il n’en reste pas moins que la question du travail à l’heure d’une extrême numérisation et de l’automatisation des moyens de production, quel que soit le secteur d’activité, doit être interrogée aujourd’hui en terme de stratégie de résistance au capitalisme.

      Sans vouloir lancer un quelconque troll je pense que Marx s’est même fourvoyé sur nombre de prédictions globalisantes et autres « lois », sous couvert de scientificité, qui se sont avérées fausses avec le temps ; dont la fameuse baisse tendancielle du taux de profit et l’inéluctabilité de la faillite du capitalisme...

      Voir également à ce sujet, via @colporteur, ce que disait Tronti et qui me semble très pertinent à propos de la prédiction de Marx concernant la prolétarisation croissante et « le passage de l’ouvrier-masse au bourgeois-masse »

      https://seenthis.net/messages/1012626#message1012639

    • Mais pas confond’ le taux de profit, calculable par les prix, et pour des entreprises précises (qui peuvent gonfler ou crasher), et la baisse tendencielle de la valeur qui depuis des décennies est à l’échelle mondiale, globale. Peu importe que telle entreprise ou milliardaire gonfle irrationnellement, ça change rien que sur le système entier ya de moins en moins de valeur (et donc de plus en plus de surnuméraires, entre autre).
      http://www.palim-psao.fr/2015/07/critique-de-la-valeur-et-societe-globale-entretien-avec-anselm-jappe.html

      Cela démontre son caractère intrinsèquement irrationnel, destructeur et auto-destructeur. Le capitaliste particulier doit s’imposer dans la concurrence s’il ne veut pas être écrasé par elle. Il doit donc produire avec le moins de main d’œuvre possible pour vendre à meilleur marché. Cependant, cet intérêt du capitaliste particulier s’oppose absolument à l’intérêt du système capitaliste dans son ensemble, pour lequel la baisse du taux de plus-value, et finalement de la masse de plus-value, représente une menace mortelle, à la longue. Ce qui caractérise la société capitaliste est exactement cette absence d’une véritable instance qui assure l’intérêt général, ne fût-ce que l’intérêt capitaliste. Le capitalisme se base sur la concurrence et l’isolement des acteurs économiques. Là où règne le fétichisme de la marchandise, il ne peut pas exister de conscience au niveau collectif. Toutes les tentatives historiques de « régulation », que ce soit à travers l’État ou à travers des cartels, des accords entre capitalistes, etc., n’ont marché que temporairement. Pendant une longue période, entre les années 1930 et 1970, on parlait souvent de « capitalisme monopoliste » ou « régulé » : l’intérêt général du système capitaliste aurait triomphé sur les intérêts des capitaux particuliers, disait-on, à travers des États très forts et à travers la concentration du capital sous forme de monopoles. Beaucoup de théoriciens marxistes, même parmi les meilleurs, comme l’École de Francfort, Socialisme ou Barbarie ou les situationnistes, y ont vu un stade définitif du capitalisme, marqué par la stabilité. Ensuite, le triomphe du néo-libéralisme a démenti ces pronostics. La concurrence sauvage a fait son retour sur fond de crise, et la dérive autodestructrice du système est devenue visible. Dans l’économie comme dans l’écologie, comme dans le désordre social, chaque acteur contribue, pour assurer sa survie immédiate, à une catastrophe globale qui finalement le frappera avec certitude.


  • http://www.decroissance.org/index.php?chemin=textes/latouche
    « Rupture inaugurale » par Anselm Jappe & Clément Homs (à propos des liens de #Serge_Latouche avec l’extrème droite)

    Des intentions aux actes, l’oiseau rejoint son nid : Serge Latouche vient de publier un entretien dans le magazine d’extrême-droite Eléments (n°167, été 2017) dirigé par #Alain_De_Benoist.

    http://www.palim-psao.fr/2015/12/rupture-inaugurale-par-anselm-jappe-clement-homs.html
    https://reporterre.net/La-decroissance-permet-de-s
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Serge_Latouche
    #rouges_bruns #La_décroissance #Le_passager_clandestin

  • Populisme, attentats : la #philosophie #politique ne dit plus un mot sur les maux - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/idees/populisme-attentats-la-philosophie-politique-ne-dit-plus-un-mot-sur-les-mau

    Face à la victoire de Donald Trump ou au vote en faveur du Brexit, que peuvent dire les philosophes sinon considérer, dans le cadre de la théorie du choix rationnel, qu’il s’agit d’un choix purement irrationnel ? Or cette réponse n’est pas satisfaisante car elle traduit un #mépris des classes populaires. En effet, cela revient à dire qu’une large partie de la population n’est pas à la hauteur de la #rationalité et que ses décisions ne sont pas prises en connaissance de cause. Si l’on ne veut pas creuser le fossé qui sépare les élites et le peuple, il faut éviter que la philosophie politique ne s’adresse qu’à des universitaires dans un champ disciplinaire donné. C’était d’ailleurs la grande promesse des philosophes des Lumières que de pénétrer l’opinion publique.

  • Anselm Jappe et Clément Homs rompent publiquement avec Serge Latouche pour cause de non distanciation explicite avec l’extrême-droite.

    Anselm Jappe vient de publier en cette fin d’année un dernier livre-débat avec Serge Latouche. Mais annonce désormais que le débat est pour l’instant terminé.

    « Rupture inaugurale », par Anselm Jappe & Clément Homs - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2015/12/rupture-inaugurale-par-anselm-jappe-clement-homs.html

    Mais nous devons constater aujourd’hui que la poursuite de ce débat n’a plus de sens. En ce qui concerne Latouche, au lieu de s’améliorer, il a entrepris une démarche où il montre, c’est la moindre des choses qu’on puisse dire, un manque de vigilance envers les récupérations de la décroissance opérées par la « Nouvelle droite ». Latouche semble avoir l’intention de « ratisser large » et de miser sur une espèce de « front décroissant » auquel tout le monde pourrait adhérer, indépendamment de ses positions politiques sur d’autres questions – même A. De Benoist à qui il laisse clairement la porte ouverte dans un entretien de juillet 2013 au site Reporterre[1]. Quand en Italie il n’hésite pas à s’afficher aux côtés d’un certain Diego Fusaro, un disciple de l’ordure Costanzo Preve, qui mange à tous les râteliers des fascistes italiens quand il ne donne pas un entretien en France au magazine Eléments de De Benoist en juillet-septembre 2015 (n°156).

    Dans un moment historique où le nouveau « populisme transversal » avance partout et se propose comme une véritable explication idéologique de la crise du capitalisme destinée à détourner la rage de ses victimes, le refus de participer, fût-ce indirectement ou de loin, à cette entreprise « rouge/brun » est la condition minimale pour qu’un dialogue avec nous soit possible. Nous nous engageons publiquement à cracher au visage de différents De Benoist, Soral, Onfray, Diego Fusaro, etc., dès que nous serons en leur présence, et nous attendons la même attitude de nos interlocuteurs. Latouche ne réussira jamais à enrôler la critique de la valeur dans ses troupes auxiliaires ! Les rares approches contemporaines qui restent fidèles à l’idée d’émancipation sociale combattront évidemment avec toutes leurs forces les nouveaux réactionnaires du populisme transversal – mais sans nécessairement donner raison à la gauche moderniste. La critique de la valeur continuera plutôt à démontrer que ce qui unit ces deux champs, au-delà de leurs différences, est l’anticapitalisme tronqué et la réduction de la critique sociale à une critique de la seule sphère financière.

    #rupture #débat #Serge_Latouche #Anselm_Jappe #critique_de_la_valeur #extrême_droite #décroissance #Nouvelle_Droite #Alain_de_Benoist #sortir_de_l'économie

  • Correspondance sur la naissance du capitalisme et de la valeur, entre Jean-Pierre Baudet et Clément Homs, durant toute l’année 2015.

    Au printemps 2015 une correspondance commença entre Clément Homs (Sortir de l’économie) et Jean-Pierre Baudet (Les Amis de Némésis) au sujet du texte de ce dernier « La naissance du capital et de la valeur à partir du culte religieux », qui était une présentation condensée de son ouvrage Opfern ohne Ende. Ein Nachtrag zu Paul Lafargue « Religion des Kapitals » (Matthes & Seitz, Berlin, 2012).

    Plus largement ces échanges portent sur la naissance du capitalisme et plus particulièrement sur les questions de l’historicité de la valeur, de l’origine religieuse de l’argent dans les monnaies antiques et primitives (référence au livre de Bernard Laum, Argent sacré), de la pertinence de l’analogie entre le capitalisme et la religion, de la naturalisation de l’économique et des formes sociales et catégories capitalistes (travail, valeur, argent, marchandise, etc.).

    J’ai seené (?) le texte de départ de la discussion ici :
    http://seenthis.net/messages/437112

    Première partie de la correspondance au printemps :
    http://www.lesamisdenemesis.com/?p=1420

    Puis cet automne :
    http://www.palim-psao.fr/2015/12/discussion-autour-du-caractere-historique-de-la-valeur-et-sur-la-naissanc

    et

    http://www.palim-psao.fr/2015/12/discussion-autour-du-caractere-historique-de-la-valeur-du-travail-et-de-l

    #anthropologie #Histoire #capitalisme #valeur #économie #critique_de_la_valeur #wertkritik #Jean-Pierre_Baudet #Clément_Homs #correspondance

  • Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste

    La France en guerre ! Peut-être. Mais contre qui ou contre quoi ? Daech n’envoie pas des Syriens commettre des attentats en France pour dissuader le gouvernement français de le bombarder. Daech puise dans un réservoir de jeunes Français radicalisés qui, quoi qu’il arrive au Moyen-Orient, sont déjà entrés en dissidence et cherchent une cause, un label, un grand récit pour y apposer la signature sanglante de leur révolte personnelle. L’écrasement de Daech ne changera rien à cette révolte.

    Le ralliement de ces jeunes à Daech est opportuniste : hier, ils étaient avec Al-Qaida, avant-hier (1995), ils se faisaient sous-traitants du GIA algérien ou pratiquaient, de la Bosnie à l’Afghanistan en passant par la Tchétchénie, leur petit nomadisme du djihad individuel (comme le « gang de Roubaix »). Et demain, ils se battront sous une autre bannière, à moins que la mort en action, l’âge ou la désillusion ne vident leurs rangs comme ce fut le cas de l’ultragauche des années 1970.

    Il n’y a pas de troisième, quatrième ou énième génération de djihadistes. Depuis 1996, nous sommes confrontés à un phénomène très stable : la radicalisation de deux catégories de jeunes Français, à savoir des « deuxième génération » musulmans et des convertis « de souche ».

    Le problème essentiel pour la France n’est donc pas le califat du désert syrien, qui s’évaporera tôt ou tard comme un vieux mirage devenu cauchemar, le problème, c’est la révolte de ces jeunes. Et la vraie question est de savoir ce que représentent ces jeunes, s’ils sont l’avant-garde d’une guerre à venir ou au contraire les ratés d’un borborygme de l’Histoire.

    Quelques milliers sur plusieurs millions

    Deux lectures aujourd’hui dominent la scène et structurent les débats télévisés ou les pages opinions des journaux : en gros, l’explication culturaliste et l’explication tiers-mondiste. La première met en avant la récurrente et lancinante guerre des civilisations : la révolte de jeunes musulmans montre à quel point l’islam ne peut s’intégrer, du moins tant qu’une réforme théologique n’aura pas radié du Coran l’appel au djihad. La seconde évoque avec constance la souffrance postcoloniale, l’identification des jeunes à la cause palestinienne, leur rejet des interventions occidentales au Moyen-Orient et leur exclusion d’une société française raciste et islamophobe ; bref, la vieille antienne : tant qu’on n’aura pas résolu le conflit israélo-palestinien, nous connaîtrons la révolte.

    Mais les deux explications butent sur le même problème : si les causes de la radicalisation étaient structurelles, alors pourquoi ne touche-t-elle qu’une frange minime et très circonscrite de ceux qui peuvent se dire musulmans en France ? Quelques milliers sur plusieurs millions.

    [...]

    Islamisation de la radicalité

    Presque tous les djihadistes français appartiennent à deux catégories très précises : ils sont soit des « deuxième génération », nés ou venus enfants en France, soit des convertis (dont le nombre augmente avec le temps, mais qui constituaient déjà 25 % des radicaux à la fin des années 1990). Ce qui veut dire que, parmi les radicaux, il n’y a guère de « première génération » (même immigré récent), mais surtout pas de « troisième génération ». Or cette dernière catégorie existe et s’accroît : les immigrés marocains des années 1970 sont grands-pères et on ne trouve pas leurs petits-enfants parmi les terroristes. Et pourquoi des convertis qui n’ont jamais souffert du racisme veulent-ils brusquement venger l’humiliation subie par les musulmans ? Surtout que beaucoup de convertis viennent des campagnes françaises, comme Maxime Hauchard, et ont peu de raisons de s’identifier à une communauté musulmane qui n’a pour eux qu’une existence virtuelle. Bref, ce n’est pas la « révolte de l’islam » ou celle des « musulmans », mais un problème précis concernant deux catégories de jeunes, originaires de l’immigration en majorité, mais aussi Français « de souche ». Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam, mais de l’islamisation de la radicalité.

    Qu’y a-t-il de commun entre les « deuxième génération » et les convertis ? Il s’agit d’abord d’une révolte générationnelle : les deux rompent avec leurs parents, ou plus exactement avec ce que leurs parents représentent en termes de culture et de religion. Les « deuxième génération » n’adhèrent jamais à l’islam de leurs parents, ils ne représentent jamais une tradition qui se révolterait contre l’occidentalisation. Ils sont occidentalisés, ils parlent mieux le français que leurs parents. Tous ont partagé la culture « jeune » de leur génération, ils ont bu de l’alcool, fumé du shit, dragué les filles en boîte de nuit. Une grande partie d’entre eux a fait un passage en prison. Et puis un beau matin, ils se sont (re)convertis, en choisissant l’islam salafiste, c’est-à-dire un islam qui rejette le concept de culture, un islam de la norme qui leur permet de se reconstruire tout seuls. Car ils ne veulent ni de la culture de leurs parents ni d’une culture « occidentale », devenues symboles de leur haine de soi.

    La clé de la révolte, c’est d’abord l’absence de transmission d’une religion insérée culturellement. C’est un problème qui ne concerne ni les « première génération », porteurs de l’islam culturel du pays d’origine, mais qui n’ont pas su le transmettre, ni les « troisième génération », qui parlent français avec leurs parents et ont grâce à eux une familiarité avec les modes d’expression de l’islam dans la société française : même si cela peut être conflictuel, c’est « dicible ».

    [...]

    Des jeunes en rupture de ban

    Les jeunes convertis par définition adhèrent, quant à eux, à la « pure » religion, le compromis culturel ne les intéresse pas (rien à voir avec les générations antérieures qui se convertissaient au soufisme) ; ils retrouvent ici la deuxième génération dans l’adhésion à un « islam de rupture », rupture générationnelle, rupture culturelle, et enfin rupture politique. Bref, rien ne sert de leur offrir un « islam modéré », c’est la radicalité qui les attire par définition. Le salafisme n’est pas seulement une question de prédication financée par l’Arabie saoudite, c’est bien le produit qui convient à des jeunes en rupture de ban.

    [...]

    En rupture avec leur famille, les djihadistes sont aussi en marge des communautés musulmanes : ils n’ont presque jamais un passé de piété et de pratique religieuse, au contraire. Les articles des journalistes se ressemblent étonnamment : après chaque attentat, on va enquêter dans l’entourage du meurtrier, et partout c’est « l’effet surprise : « On ne comprend pas, c’était un gentil garçon (variante : “Un simple petit délinquant”), il ne pratiquait pas, il buvait, il fumait des joints, il fréquentait les filles… Ah oui, c’est vrai, il y a quelques mois il a bizarrement changé, il s’est laissé pousser la barbe et a commencé à nous saouler avec la religion. » Pour la version féminine, voir la pléthore d’articles concernant Hasna Aït Boulahcen, « Miss Djihad Frivole ».

    [...]

    La violence à laquelle ils adhèrent est une violence moderne, ils tuent comme les tueurs de masse le font en Amérique ou Breivik en Norvège, froidement et tranquillement. Nihilisme et orgueil sont ici profondément liés.

    Cet individualisme forcené se retrouve dans leur isolement par rapport aux communautés musulmanes. Peu d’entre eux fréquentaient une mosquée. Leurs éventuels imams sont souvent autoproclamés. Leur radicalisation se fait autour d’un imaginaire du héros, de la violence et de la mort, pas de la charia ou de l’utopie. En Syrie, ils ne font que la guerre : aucun ne s’intègre ou ne s’intéresse à la société civile. Et s’ils s’attribuent des esclaves sexuelles ou recrutent de jeunes femmes sur Internet pour en faire des épouses de futurs martyrs, c’est bien qu’ils n’ont aucune intégration sociale dans les sociétés musulmanes qu’ils prétendent défendre. Ils sont plus nihilistes qu’utopistes.

    Aucun ne s’intéresse à la théologie

    Si certains sont passés par le Tabligh (société de prédication fondamentaliste musulmane), aucun n’a fréquenté les Frères musulmans (Union des organistions islamiques de France), aucun n’a milité dans un mouvement politique, à commencer par les mouvements propalestiniens. Aucun n’a eu de pratiques « communautaires » : assurer des repas de fin de ramadan, prêcher dans les mosquées, dans la rue en faisant du porte-à-porte. Aucun n’a fait de sérieuses études religieuses. Aucun ne s’intéresse à la théologie, ni même à la nature du djihad ou à celle de l’Etat islamique.

    Ils se radicalisent autour d’un petit groupe de « copains » qui se sont rencontrés dans un lieu particulier (quartier, prison, club de sport) ; ils recréent une « famille », une fraternité. Il y a un schéma important que personne n’a étudié : la fraternité est souvent biologique. On trouve très régulièrement une paire de « frangins », qui passent à l’action ensemble (les frères Kouachi et Abdeslam, Abdelhamid Abaaoud qui « kidnappe » son petit frère, les frères Clain qui se sont convertis ensemble, sans parler des frères Tsarnaev, auteurs de l’attentat de Boston en avril 2013). Comme si radicaliser la fratrie (sœurs incluses) était un moyen de souligner la dimension générationnelle et la rupture avec les parents. La cellule s’efforce de créer des liens affectifs entre ses membres : on épouse souvent la sœur de son frère d’armes. [...]

    Les terroristes ne sont donc pas l’expression d’une radicalisation de la population musulmane, mais reflètent une révolte générationnelle qui touche une catégorie précise de jeunes.

    Pourquoi l’islam ? Pour la deuxième génération, c’est évident : ils reprennent à leur compte une identité que leurs parents ont, à leurs yeux, galvaudée : ils sont « plus musulmans que les musulmans » et en particulier que leurs parents. L’énergie qu’ils mettent à reconvertir leurs parents (en vain) est significative, mais montre à quel point ils sont sur une autre planète (tous les parents ont un récit à faire de ces échanges). Quant aux convertis, ils choisissent l’islam parce qu’il n’y a que ça sur le marché de la révolte radicale. Rejoindre Daech, c’est la certitude de terroriser.

    Olivier Roy

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/24/le-djihadisme-une-revolte-generationnelle-et-nihiliste_4815992_3232.html

    • Deux petites questions :

      1) « Daech n’envoie pas des Syriens commettre des attentats en France pour dissuader le gouvernement français de le bombarder ». Même si j’apprécie beaucoup le reste de l’article, je ne vois pas en quoi le fait que Daech envoie des Français plutôt que des Syriens rend cette hypothèse ("pour dissuader le gouvernement français de le bombarder") fausse ?

      2) Quelles sont les différences fondamentales (autres que politiques ou religieuses bien sûr, plutôt du côté psychologique ou social entre autres) entre un jeune qui aujourd’hui s’engage dans Daech et un jeune qui dans les années 1970 s’engageait dans la bande à Baader ?

    • Quelles sont les différences fondamentales (autres que politiques ou religieuses bien sûr, plutôt du côté psychologique ou social entre autres) entre un jeune qui aujourd’hui s’engage dans Daech et un jeune qui dans les années 1970 s’engageait dans la bande à Baader ?

      Le niveau de décomposition de la synthèse sociale capitaliste.

      Au-delà et en-deçà des phénomènes « économiques » (chômage de masse, crise environnementale, démantèlement de l’état-providence...) la synthèse sociale capitaliste produit aussi une certaine forme de sujet qui lui est propre et dont les évolutions sont liées à sa décomposition.

      Historiquement, le capitalisme a d’abord forgé le sujet autoritaire, dans lequel des dimensions pré-capitalistes ont été reprises et re-déterminées par les nécessites de la valorisation du capital (c’est le capitalisme de caserne vécu, subi, mais aussi souvent promu aussi bien par l’État, les patrons que par les organisations ouvrières)

      Et puis, au tournant des années 1970, le capitalisme ne peut plus reproduire sa forme de vie sur ses propres base. Le travail productif, pfuitt, disparait à un rythme qui ne peut plus être contré par des tendances compensatrices. Sous les coups de butoir du capitalisme lui-même, sa course à la productivité le mine, contradiction interne qui l’anime et le condamne tout à la fois.

      Du coup, le noyau profond du sujet capitaliste émerge, raboté par l’éviction des dernières scories pré-capitalistes. C’est le règne explicite, au grand jour, du sujet narcissique, du sujet évidé, sans contenu propre (et par là bien conforme aux besoins du capitalisme qui a besoin de personnalités fluides, mais par là-même fragile, prête à s’effondrer à tout moment)

    • Peut-être aussi des parallèles à faire avec la politisation des skinheads dans les années 80... Lumpenproletariat flirtant avec la délinquance et embrigadé comme milice... Et plus loin on peut penser à une partie du vivier de recrutement des Sturmabteilungen.

    • Effectivement, il répond en partie... alors que cette interview date d’il y a un an !!! Merci ! (bon, sauf qu’à l’époque, Olivier Roy différencie Al Qaida de Daech, par le fait que Daech n’intervient pas en occident, tout en reconnaissant que ça peut encore dégénérer, ce en quoi il n’avait pas tort, et en donnant des pistes pour l’éviter, mais il n’a pas été écouté...)

      http://www.franceinter.fr/emission-le-79-olivier-roy-les-jeunes-djihadistes-sont-fascines-par-la-v

    • Effectivement, on ne peut pas mettre la R.A.F. et Daesh dans le même sac d’une « radicalité en soi », se fourvoyant ad nauseam dans une violence nihiliste et non interrogée. C’est la limite de l’analyse de Roy, de faire de la radicalité une catégorie stable à promener d’une époque à l’autre en la rhabillant avec les frusques du moment. Le sujet « radical » est ajusté à chacune des phases et, loin d’être un sujet inchangé dans le fond, qui ferait juste le choix opportuniste de telle ou telle « cause », il exprime l’état courant de la synthèse sociale. A ce titre, le terroriste du 13 novembre est plus proche d’un Andreas Lubitz que d’une Ulrike Meinhof

    • je plussoies sur l’intervention de @ktche
      et ajoute, oui, il y a islamisation, mais il n’y a aucune radicalité dans cette affaire, le soit disant retour aux soit disant racines de l’islam n’est pas une #radicalité, sauf pour les journalistes et autres pense mou, selon eux, ce qui est violent serait radical, voilà ce qui tient pour eux lieu de définition, comme si un #attentat_massacre se devait d’être radical, comme si une bastonnade de babas par la FNSEA était radicale, et les coups de matraques de gazeuses, de flash ball de la police sont-ils radicaux ? ah ben non, c’est les forces de l’odre. Au prie c’est un mauvais emploi de la force.
      ces tueurs ne prennent rien à la racine, ils retournent à la racine pour se chosifier et chosifier, le soit retour aux origines est pas radical, il est conservateur.

    • Des meurtres de masse, Alain Badiou
      http://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/alain-badiou-penser-les-meurtres-de-masse-du-13-novembre-version-texte#III-L

      Ces jeunes se voient donc à la marge à la fois du salariat, de la consommation et de l’avenir. Ce qu’alors leur propose la #fascisation (qu’on appelle stupidement, dans la propagande, une « radicalisation », alors que c’est une pure et simple régression) est un mélange d’héroïsme sacrificiel et criminel et de satisfaction « occidentale ». D’un côté, le jeune va devenir quelqu’un comme un mafieux fier de l’être, capable d’un héroïsme sacrificiel et criminel : tuer des occidentaux, vaincre les tueurs des autres bandes, pratiquer une cruauté spectaculaire, conquérir des territoires, etc Cela d’un côté, et de l’autre, des touches de « belle vie », des satisfactions diverses. Daech paye assez bien l’ensemble de ses hommes de main, beaucoup mieux que ce qu’ils pourraient gagner « normalement » dans les zones où ils vivent. Il y a un peu d’argent, il y a des femmes, il y a des voitures, etc. C’est donc un mélange de propositions héroïques mortifères et, en même temps, de corruption occidentale par les produits. (...) Disons que c’est la fascisation qui islamise, et non l’Islam qui fascine.

    • Réponse à Olivier Roy : les non-dits de « l’islamisation de la radicalité », François Burgat
      http://rue89.nouvelobs.com/2015/12/01/reponse-a-olivier-roy-les-non-dits-lislamisation-radicalite-262320

      Dans les rangs de Daech, après avoir annoncé par deux fois leur disparition, Roy ne pouvait donc logiquement plus accepter de voir des islamistes, ni même des acteurs politiques. Il botta donc en touche en déclarant n’y voir que des « fous » à qui il ne donna... « pas un an ».

      Aujourd’hui, j’ai pour ma part beaucoup de difficulté à ranger les frères Kouachi, fort construits dans l’expression de leurs motivations, dans la catégorie de simples paumés dépolitisés – et de reconnaître chez Coulibally (auteur de l’attaque contre l’Hyper Cacher) quelqu’un qui, entre autres, « ne s’intéresse[nt] pas aux luttes concrètes du monde musulman (Palestine) ».

      Disculper nos politiques étrangères

      Si une telle hypothèse permet à Roy de demeurer cohérent avec la ligne de ses fragiles prédictions passées, elle n’apporte en fait qu’une nouvelle pierre (celle de la pathologie sociale, voire mentale) à une construction qui reproduit le même biais que l’approche culturaliste qu’elle prétend dépasser : elle déconnecte d’une façon dangereusement volontariste les théâtres politiques européen et proche-oriental.

      La thèse qui disculpe nos politiques étrangères a donc tout pour séduire tant elle est agréable à entendre.

    • du même texte de Burgat :

      cette thèse de « l’islamisation de la radicalité » ne s’en prend pas principalement à la lecture culturaliste. Elle condamne surtout, avec dédain, en la qualifiant de « vieille antienne » « tiers-mondiste », une approche dont – sans en reprendre la désignation péjorative – nous sommes nombreux à considérer que, bien au contraire, elle constitue l’alpha et l’oméga de toute approche scientifique du phénomène djihadiste.

      Le discrédit du « tiers-mondisme » consiste ici ni plus ni moins qu’à refuser de corréler – si peu que ce soit – les conduites radicales émergentes en France ou ailleurs avec... selon les termes mêmes de Roy, « la souffrance post-coloniale, l’identification des jeunes à la cause palestinienne, leur rejet des interventions occidentales au Moyen-Orient et leur exclusion d’une France raciste et islamophobe ».

    • S’il faut mettre en lumière les corrélations, comme le propose Burgat, il faut aussi être en mesure d’expliquer les différences d’une façon qui soit ni contingente, ni déterministe.

      Si Burgat esquisse parfois un lien avec l’économie (L’islamisme à l’heure d’Al-Qaida , p.29), il n’y voit qu’un effet « adjuvant » (op. cit. p.83). Mais l’économie n’est pas une sphère juxtaposée à celles de la politique ou de la culture, c’est une forme sociale totale. La « troisième temporalité de l’islamisme » proposée par Burgat peut alors être aussi bien interprétée comme une réaction à la modernisation (une tentative de freiner ou de retourner en arrière) qu’une sorte d’accompagnement de la décomposition de la synthèse sociale capitaliste (sans perspective d’émancipation), avec des variations résultant des stades différenciés dans lesquels cette synthèse sociale s’est trouvée au moment où cette décomposition devient manifeste.

      http://seenthis.net/messages/328965

  • « Pourquoi l’islamisme ne peut pas être expliqué à partir de la religion », par Norbert Trenkle - 16 Novembre 2015

    http://www.palim-psao.fr/2015/05/pourquoi-l-islamisme-ne-peut-pas-etre-explique-a-partir-de-la-religion-pa

    Une confrontation sérieuse avec le phénomène du fondamentalisme islamique requiert un changement de point de vue et une critique conséquente des spéculations culturalistes. Pour aller à l’essentiel, vouloir expliquer l’islamisme à partir de l’islam est à peu près aussi insensé que tenter de faire dériver le national-socialisme de l’épopée des Nibelungen ou de l’Edda poétique. Évidemment, les islamistes fanatiques se réclament avec une insistance aussi provocante que lassante du Coran et du prophète, mais en réalité ils se moquent totalement des discussions et spéculations théologiques ; pour eux, l’islam, c’est ce qu’ils en font, c’est-à-dire exactement ce qui correspond à leur besoin identitaire et subjectif. Les récits religieux transmis ne sont rien d’autre pour eux que des chiffres et des codes culturels dont ils se servent pour consolider leur statut-sujet précaire. Les islamistes sont tout sauf des religieux traditionalistes qui auraient manqué le train de la modernité ou refuseraient de sauter dedans. Il s’agit bien plus d’individus tout à fait modernes, marqués par le capitalisme, qui en tant que tels cherchent un appui dans un collectif en apparence puissant, auquel ils puissent s’identifier.

    Cette soif d’identification à un sujet collectif n’a rien de nouveau. Il fait partie de l’équipement de base constitutif de l’individu moderne formaté pour la société marchande et accompagne l’histoire de la modernisation depuis le début du XIXe siècle. Cela ne peut guère surprendre. Car la gageure de devoir se rendre socialement actif comme sujet particulier isolé, toujours soucieux de défendre ses intérêts privés et de ne considérer finalement les autres membres de la société que comme des instruments pour atteindre ce but, cette gageure engendre le besoin pressant de se fondre dans une communauté imaginaire, au sein de laquelle cet isolement et cette instrumentalisation réciproque seraient abolis en apparence. Cette identification à un grand sujet apaise en même temps le sentiment d’impuissance devant son propre rapport à la société, qui fait face à l’individu comme contrainte collective chosifiée, car cela offre la surface de projection idéale pour des fantasmes compensatoires de toute puissance. Si au cours de l’histoire de la constitution du capitalisme ce sont en premier lieu les grands sujets classiques comme la nation, le peuple et les classes qui se sont trouvés sur le devant de la scène, ce sont pourtant les communautés religieuses qui ont depuis bien trois décennies le vent en poupe – et certainement pas seulement dans l’espace estampillé islamique mais également sous la forme du fondamentalisme protestant, des sectes évangéliques en Amérique Latine et en Afrique ou du nationalisme hindou. Au macro niveau de la société, les causes de cette « mégatendance » globale se trouvent certainement dans le déclin des grandes religions séculières de l’époque bourgeoise, avant tout du socialisme et du nationalisme. Car dans la foulée de la mondialisation engluée dans la crise, soit l’État est largement privé de son pouvoir de contrepoids régulateur face aux impératifs du marché, soit – comme dans de nombreuses régions de l’ancien tiers monde – il a été complètement broyé, tandis que dans le même temps la croyance quasi religieuse dans le progrès qui régnait au début tout comme au moment culminant du capitalisme se voit démentie tous les jours par les catastrophes écologiques de plus en plus aigues ainsi que l’exclusion sociale grandissante.

    • Très intéressant, l’article comme le site de manière plus générale.
      Deux petites réserves : le terme générique d’islamisme manque un peu de précision, à mon avis : on y subsume habituellement trop de choses pour que tout ce que dit l’article sur l’islamisme soit valable.
      Par ailleurs cette assertion me semble très fausse et être une erreur très commune dans une certaine gauche radicale européenne :

      S’ajouta à cela le conflit israélo-palestinien, qui a été chargé, au sein du monde arabe et de l’idéologie anti-impérialiste, d’une énorme signification symbolique largement au-delà de son véritable caractère de problème territorial limité et relativement mineur, et transformé en une surface de projection du ressentiment antisémite, dont l’islamisme recueillit également l’héritage.

      Sans partir dans de grands développements, je pense que l’auteur sous-estime grandement d’une part la projection de puissance israélienne dans le monde qui va bien au-delà des territoires occupés voire de son environnement proche-oriental immédiat, d’autre part sa capacité d’influence sur les politiques étrangères au Moyen-Orient de plusieurs Etats occidentaux. J’ajoute que la singularité radicale d’Israël, qui n’est ni un classique Etat-nation, ni une puissance coloniale, ni même un régime d’apartheid, semble échapper à l’auteur. J’en veux pour illustration ce que dit l’auteur du thème du choc des civilisations, popularisé par Huntington, phénomène perçu par l’auteur comme symptôme du fait que l’Occident en général avait besoin de se trouver un nouvel ennemi à la fin de la guerre froide. Ce à quoi je veux bien souscrire. Mais l’auteur semble ignorer qu’en même temps ce thème n’a pas été inventé par Huntington mais par son mentor l’orientaliste Bernard Lewis (double national américano-israélien) qui a été une des référence principale des néo-conservateurs pour dépeindre le Proche-Orient.
      De plus ce passage reprend une représentation commune des Arabes, panarabistes ou islamistes, obsédé par Israël et les complots, et donc antisémites. Ce n’est pas entièrement faux mais il faut voir aussi qu’en « Occident » il y a une doxa officielle qui agit dans les médias et le champ universitaire (par intimidation/répétition) qui consiste à minorer tout cela et à écarter d’un revers de main toute explication historique recourant à la thèse du complot comme si l’histoire politique au vingtième siècle de cette région n’en était pas remplie...

      Bref, quelqu’un qui s’y connaît pourrait-il me dire s’il existe un ouvrage clair et accessible en français qui permette de s’initier aux enjeux théoriques de la critique de la valeur ? Perso je n’ai lu que le « Debord » de Jappe (qui n’aborde pas la question) et le bouquin de Kurz « les Habits neufs de l’empire ».

    • Texte intéressant trouvé sur le site signalé et écrit par le petit groupe post-situ des Amis de Némésis :
      http://www.palim-psao.fr/2015/03/etat-islamique-inc-par-les-amis-de-nenemis.html

      Une fois de plus, la Maison Blanche veut rassembler une coalition mondiale contre l’Axe du Mal. Trois années de guerre devaient suffire, et la première campagne inclut des frappes aériennes en Syrie, ainsi qu’un budget exceptionnel de 500 millions USD. Il s’agit à présent d’aider les « rebelles syriens modérés », après avoir aidé avec les monarchies du Golfe une opposition syrienne comprenant toute une série de milices islamistes, dont l’EI. Ces prétendus « modérés » sont en réalité eux-mêmes dirigés par des islamistes concurrents de l’EI, comme l’alliance baptisée Front Islamique, fortement liée au groupe djihadiste Al-Nosra. Ces groupes islamistes issus d’Al-Qaida essaient de se différencier de l’EI, qui les a défaits militairement, et s’entraînent désormais en Arabie saoudite. En résumé, l’Occident est à nouveau en train d’armer des islamistes contre d’autres islamistes, en espérant servir ainsi ses intérêts géostratégiques et abattre le régime d’elAssad. La radicalisation successive des groupes instrumentalisés n’est qu’une affaire de temps. La personnalité autoritaire est le profil commun entre le fascisme et l’islamisme. Dans les deux cas, il s’agit de se soumettre à un destin inamovible, atemporel, dans les deux cas la haine de celui qui ne se soumet pas (l’infidèle, le chômeur, le marginal, le librepenseur) exprime la souffrance de celui qui a décidé de se soumettre mais ne veut pas avouer que son fétichisme consenti le mutile, dans les deux cas (le lecteur est renvoyé à Psychologie de masse du fascisme de Wilhelm Reich). Les nombreuses et terribles exactions sexuelles au Proche-Orient en sont un exemple pesant. Une vie sexuelle libre y est aussi impossible que la fondation d’une famille tant la misère l’interdit. En même temps, l’imposition du voile et d’autres rituels aux femmes traduit l’échec complet des tentatives d’occidentalisation de ces pays. Rappel de la théorie de l’Abspaltung et du fait que la dégradation capitaliste de l’ordre patriarcal et agricole, qui avait pris des siècles en Europe, se présente brutalement dans les pays arabes et y engendre une peur terrible des femmes, et donc une haine décuplée contre elles. Les autres points sont identiques avec l’article précédent.

      Notes :

      [1] http://www.konicz.info/?p=2929

      [2] http://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=aktuelles&index=9&posnr=622

      [3] [1. L’expansion par la conquête est une constante dans l’histoire, à commencer par la guerre menée par le Prophète aux débuts de l’Islam. De même, la guerre a toujours été une entreprise rationnelle et son succès dépend largement de cette qualité. Ce n’est donc pas en cela que l’EI se singularise forcément. Note des Amis de Némésis]

      [4] [2. Samuel Laurent, dans son livre hâtivement concocté L’Etat islamique, s’étend à juste titre sur la présence massive de l’Etat islamique sur les réseaux sociaux, Twitter et Facebook, qui leur assure une visibilité mondiale, mais ne mentionne même pas la publication des bilans « al-Naba ». Note des Amis de Némésis]

      [5] [3. Chiffres qui pour l’occasion semblent assez ridicules. Note des Amis de Némésis]

      [6] [4. Cette différence semble moins évidente que cela : d’une part l’EI ne se livre à ses horribles destructions que pour mieux accumuler et dominer des pays à exploiter, tout comme l’avait fait le nazisme, et d’autre part sa mainmise sur les ressources (notamment pétrolières) peut très bien produire un return on equity, direct ou indirect, pour ses commanditaires et sponsors. Note des Amis de Némésis]

      [7] [5. Ce qui est sûr, c’est que dans les deux cas, ces massacres génocidaires ont effectivement lieu et sont proclamés comme des objectifs supérieurs à tout le reste : les deux aspects paraissant du coup parfaitement cohérents ; il n’en reste pas moins que, 4 dans un cas comme dans l’autre, ces massacres répondent au souci de s’accaparer les richesses des étrangers ainsi dépossédés (les juifs étant considérés comme des étrangers de l’intérieur) et la « politique » nazie (ou islamiste) traduisant ainsi une « économie » de pillage. Note des Amis de Némésis]

      [8] [6. La formule reste elliptique. Nous supposons qu’il s’agit d’une récession à l’échelle mondiale de la socialisation par le travail, à laquelle répondent des formes de socialisation barbares. Dans ce cas, la formule s’applique aussi bien aux pays condamnés à une guerre civile ininterrompue, comme l’Iraq, la Syrie, la Libye, le Liban, l’Afghanistan, le Yémen, et aux zones « de non-droit » dans les pays occidentaux. Note des Amis de Némésis]

      [9] [7. Cette nouvelle armée en expansion permanente, prête à exécuter les basses œuvres un peu partout où ses chefs, connus ou cachés, lui disent d’aller semer la destruction, est dirigée comme on sait par un certain Abou Bakr al-Baghdadi, de son vrai nom Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri, natif de Samarra (d’autres sources disent Fallujah ou Diyala) en Iraq. Selon certaines sources (Samuel Laurent, op. cit., Seuil 2014, p. 121 à 124), qui sont contredites par d’autres, lui ainsi que l’Etat-Major qui l’entoure (une dizaine d’hommes), aurait été faits prisonniers par les Américains en 2004, en raison de nombreux crimes déjà commis à cette époque. Ce qui leur était reproché justifiait donc de très longues périodes de détention. Or, ces hommes auraient tous été libérés en bloc quelques mois plus tard, sans aucun motif visible. Donc, avec des motifs invisibles. De là à imaginer que se répète ici la politique secrète et absurde qui avait déjà présidé à la création d’Al-Qaida, il n’y a pas très loin : mettre en place des organisations criminelles pour les utiliser contre un ennemi commun (à l’époque les Soviétiques en Afghanistan, aujourd’hui les régimes iranien, iraquien et syrien) et pour s’assurer d’une main mise directe sur les champs pétrolifères. Laisser une armée de criminels détruire des pays entiers en se disant que le moment venu, on les remettra dans leur boîte. Pour d’autres sources, comme Wikipedia, les dates ne sont pas les mêmes – arrestation en 2005 et libération en 2009 – et il est avancé qu’al-Baghdadi aurait été arrêté par erreur, et donc relâché sans problème au bout de quatre ans. Note des Amis de Némésis

    • @souriyam en français, c’est surtout Jappe du coup, donc il y a Les aventures de la marchandise, en 2003. Je ne crois pas qu’il y ait de brochure plus courte avec uniquement les trucs de base, sans rentrer dans les détails. @ktche une idée d’un ouvrage ?

      M’est-avis que les participants aux groupes de critique de la valeur feraient bien de s’associer avec des spécialistes de l’éducation populaire, pour vulgariser les théories dans un langage commun, avec des exemples, des schémas, ou que sais-je encore…

    • M’est-avis que les participants aux groupes de critique de la valeur feraient bien de s’associer avec des spécialistes de l’éducation populaire, pour vulgariser les théories dans un langage commun, avec des exemples, des schémas, ou que sais-je encore…

      Oui surtout Clément :-p

  • « We Gotta Get Out Of This Place (On doit se barrer d’ici !) », entretien d’Anselm Jappe avec Alastair Hemmens
    http://www.palim-psao.fr/2015/11/on-doit-se-barrer-d-ici-entretien-d-anselm-jappe-avec-alastair-hemmens.ht

    Excellent et lonnngue interview d’Anselm Jappe, de cet été.

    La gauche radicale n’a jamais condamné que l’oppression que l’appareil bureaucratique exerçait sur la collectivisation socialiste de la propriété, mais n’a pas condamné le rôle du travail lui-même, ni la façon dont il était organisé. Même les anarchistes ont eu tendance à prendre part au culte de l’ouvrier. Ce n’était que parmi les artistes, les poètes et les bohèmes – en particulier, les surréalistes – que vous pouviez trouver un refus du travail. Après 1968, le rejet du travail a commencé à émerger au sein de certains secteurs de la classe ouvrière, en particulier dans le nord de l’Italie, et chez de nombreux jeunes qui ne se sont plus identifiés à une vie passée à travailler. D’un côté, cela a constitué une sorte de laboratoire pour les formes nouvelles, plus « flexibles », postmodernes du travail qui prétendent dépasser la distinction même entre travail et loisir. D’un autre côté, dans les tendances « autonomes » et « post-ouvriéristes », on peut trouver un refus du travail hétéronome. Ce refus, cependant, est resté subjectif, sans une compréhension théorique de la double nature du travail, et a donc conduit à des résultats douteux : ou bien on fait l’éloge des machines qui sont censées travailler à notre place, ce qui entraîne une technophilie et l’acceptation d’un processus par lequel les êtres humains sont remplacés par de la technologie, ou bien on célèbre le « free-lance » , où les gens sont censés gérer leur propre travail et posséder eux-mêmes les moyens de production (dans le secteur de l’information et de la communication, par exemple), en oubliant que ces gens restent totalement dépendants des mécanismes de marché. Typiquement, les théoriciens post-ouvriéristes parlent de « l’auto-valorisation » comme d’un objectif positif, au lieu de s’interroger sur l’ensemble du processus par lequel l’utilité d’un produit est subordonnée à la « valeur » elle-même donnée par la quantité de travail mort que ce produit contient.

    #interview #critique_de_la_valeur #wertkritik #Anselm_Jappe #travail #capitalisme

  • Pour en finir avec l’économie. Décroissance et critique de la valeur, de Serge Latouche et Anselm Jappe
    http://www.palim-psao.fr/2015/09/parution-de-l-ouvrage-pour-en-finir-avec-l-economie-decroissance-et-criti

    Potentiellement intéressant dialogue entre ces deux contempteurs de l’économie.

    Cet ouvrage est le fruit d’échanges entre Serge Latouche et Anselm Jappe. Durant toute sa carrière universitaire, Serge Latouche a enseigné l’épistémologie des sciences économiques. En se penchant de manière critique sur ces fondements, il s’est rendu compte que l’ensemble des présupposés de l’économie était très mal assuré. Anselm Jappe, quant à lui, est arrivé à une conclusion très proche à travers une relecture des catégories de l’économie, telles que la marchandise, le travail, l’argent ou la valeur, qui sont en même temps des formes de vie sociale.

    La vie économique qui nous apparaît comme la base naturelle de toute vie humaine et le fondement de toute vie sociale existait-elle dans les sociétés précapitalistes ? L’objet même de la réflexion des économistes n’est-il pas plutôt une « trouvaille de l’esprit », une invention, un imaginaire qui a désormais colonisé notre esprit et nos vies ? Si l’économie est une création historique finalement assez récente, comment fonctionnaient les sociétés pré-économiques ? Comment s’est inventée, au fil du temps, cette économie dans la pratique comme dans la réflexion ?

    Réfléchir à un futur différent pour notre société implique de penser l’impensable, de réaliser l’improbable, pour enfin selon le mot de Serge Latouche « sortir de l’économie ». Un enjeu majeur pour notre avenir…

    Serge Latouche, professeur émérite à la faculté de droit, économie et gestion Jean-Monnet de l’université Paris-Sud est l’un des « contributeurs historiques » de la Revue du MAUSS. Il est directeur du Groupe de recherche en anthropologie, épistémologie de la pauvreté et un des fondateurs de la revue d’étude théorique et politique de la décroissance Entropia. II a développé une théorie critique envers l’orthodoxie économique et dénoncé l’économisme, l’utilitarisme dans les sciences sociales et la notion de développement. Il est un des penseurs les plus connus de la décroissance, thème de ses nombreux ouvrages.

    Anselm Jappe a fait ses études à Rome et à Paris où il obtient un doctorat de philosophie. Il enseigne l’esthétique à l’école d’art de Frosinone et de Tours. Ancien membre du groupe Krisis, il a publié de nombreux articles dans divers revues et journaux. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un important essai sur Guy Debord. Il fait partie du courant de la « nouvelle critique de la valeur » fondant une critique contemporaine du capitalisme par une relecture de l’œuvre de Karl Marx.

    #livre #décroissance #critique_de_la_valeur #wertkritik #Serge_Latouche #Anselm_Jappe #économie #capitalisme #travail #Marx #sortir_de_l'économie

  • « Et c’est reparti... À quand l’explosion de l’immense bulle mondiale de liquidités ? », par Tomasz Konicz
    http://www.palim-psao.fr/2015/08/et-c-est-reparti-a-quand-l-explosion-de-l-immense-bulle-mondiale-de-liqui

    En clair, sous la surface des événements « normaux » du marché, on sent grandir un scepticisme et une défiance chez des acteurs visiblement hantés par le pressentiment que la dynamique actuelle de spéculation – la bulle de liquidités résultant de la politique monétaire expansive des banques centrales – est au fond intenable. Chacun se doit de participer le plus longtemps possible à l’exploitation du filon, mais fait montre en même temps d’une disposition croissante à se retirer immédiatement en cas de turbulences. Dans ces circonstances, comme le faisait remarquer Business Insider, les incidents se situant à la frange des grandes vagues de choc qui ébranlent le système peuvent être particulièrement recherchés : « À mesure que la liquidité s’assèche lors des périodes de volatilité, l’étendue et le volume des mouvements du marché s’amplifient ». Ce qui se profile ici, c’est le retour de la constellation de crise que nous avons connue pendant le krach financier mondial de 2007-2008, lorsque les marchés s’étaient « gelés » à la suite du choc de la faillite de Lehman Brothers, et que l’octroi de crédits interbancaires avait quasiment disparu : les acteurs des marchés financiers ne se faisaient plus confiance.

    #économie

    • Cette aporie de la politique de crise capitaliste caractérise au reste également la querelle sans fin des keynésiens et des néolibéraux en matière de politique conjoncturelle, où chacune des deux parties a parfaitement raison de critiquer les propositions de la partie adverse. Car s’il est désormais manifeste que les programmes de relance keynésiens financés à coups de dettes ne peuvent maintenir le système en marche que sur le court terme, à l’instar du proverbial « feu de paille », il n’est pas moins flagrant que les plans d’austérité néolibéraux conduisent tout droit les pays où ils sont mis en application à l’effondrement socioéconomique. L’unique conclusion logique que l’on devrait tirer de ces épuisants débats consisterait à reconnaître que le capitalisme n’est visiblement plus capable de fonctionner sans un endettement croissant.

  • Retour historique sur la critique de la valeur au Brésil
    http://www.palim-psao.fr/2015/07/la-critique-de-la-valeur-au-bresil-entretien-avec-robson-de-oliveira.html

    Tu es toi-même originaire de Fortaleza, je crois, et tu y as côtoyé les activités du groupe Critica Radical qui se fonde depuis plusieurs années sur les analyses, notamment, de R. Kurz. Quelle est l’origine de ce groupe et au travers de quelles activités et luttes nos camarades brésiliens s’y organisent-ils ?

    R de O. : Le groupe Crítica Radical est né des mouvements sociaux issus de la lutte contre la dictature. Au départ, c’étaient des gens qui participaient à la lutte contre la dictature au sein des partis politiques. Je pense que le plus important, ici, c’est de raconter le début de la rupture avec le marxisme traditionnel. Le groupe a été toujours très actif dans les mouvements sociaux ouvriers – à un moment donné, le groupe détenait le contrôle sur des syndicats importants – mais aussi dans des mouvements de professeurs, de sans-abri et de gens affamés de province à cause de la sécheresse. Il ne faut pas oublier les actions au sein de l’Union des femmes – thème tabou au sein de la gauche de l’époque, pour laquelle il n’y avait pas de question féminine, mais seulement une question ouvrière. Le groupe a participé à quelques dizaines d’occupations de terrains en ville, ce qui enrageait les propriétaires qui attendaient la montée des prix. Dans ces occupations, le groupe essayait, en plus de chercher à organiser les gens pour la révolution, de créer des espaces propices à la discussion des formes d’auto-organisation et de solidarité, pour tenter de dépasser la stricte lutte pour un logement individuel. Mais ce n’était pas évident. Aussitôt les gens installés, les discussions perdaient de leur ardeur et la vie marchande l’emportait sur d’autres préoccupations. Mais la victoire venait de la lutte des gens en action, donc il fallait espérer. Une façon d’espérer était de se présenter aux élections. C’est comme ça que le groupe (qui participait aux partis, mais qui s’organisait aussi dans des partis clandestins) a obtenu des postes de députés, de conseillers municipaux, jusqu’à conquérir la mairie en 1985, dans une élection qui a rencontré une énorme participation populaire, et où la première femme de gauche était élue à la tête d’une mairie de capitale de province. À cette époque, le groupe était inscrit au Parti des Travailleurs tout en s’organisant autour d’un autre parti, mais clandestin.

    #Histoire #Brésil #critique_de_la_valeur #wertkritik #Marx #Robert_Kurz

    • À cette époque, la fin des années 80, l’industrie métallurgique dans notre ville a dû s’adapter aux standards de productivité mondiaux pour pouvoir exporter. La conséquence directe : le licenciement. Le débarquement de la technologie a chassé un nombre considérable d’ouvriers des entreprises. Ceux qui restaient devenaient plus réticents à faire grève. Tout ce contexte a finalement conduit à ébranler les certitudes du groupe. La voie choisie pour essayer de comprendre ce contexte historique de fin de la dictature à travers la conciliation, de désillusion face à la politique, de désillusion face au socialisme et de changements dans le procès de production qui économisaient du travail dans les secteurs où le groupe avait une implantation syndicale était celle de revenir aux textes de Marx.

      [...]

      Ce fut précisément le fragment sur les machines qui retint l’attention. L’idée d’une contradiction interne au capital, la compréhension du capital comme contradiction en procès permanent, l’idée donc d’une crise au sein de la forme de production de la richesse capitaliste, la valeur, au fur et à mesure que le travail mort se substitue au travail vivant, et la compréhension de ce remplacement comme le dernier acte de la société marchande a bouleversé les certitudes du groupe

      NB : pour éviter une mésinteprétation, je précise que, pour la critique de la valeur, travail mort ou travail vivant, c’est toujours du travail, et qu’en tant que catégorie spécifique du capitalisme (le travail producteur de marchandise), il doit être pareillement soumis à la critique quelle que soit sa forme passagère dans le cycle d’accumulation.
      La contradiction de ce procès réside dans le fait que l’accumulation de travail mort est une « pulsion » irrépressible du capital (augmentation permanente de la productivité) alors même qu’elle supprime à terme la possibilité d’accumuler le travail vivant qui est la seule source de la reproduction du capital et, par là, la forme de synthèse sociale qu’il représente.

  • Critique de la valeur et société globale. Entretien avec Anselm Jappe
    http://www.palim-psao.fr/2015/07/critique-de-la-valeur-et-societe-globale-entretien-avec-anselm-jappe.html

    Très bonne interview je trouve, pas très longue et pas très compliquée à lire.

    Il y a actuellement des auteurs qui prennent acte de cette nécessité de changer de civilisation ; mais souvent ils négligent la critique de l’économie politique et se perdent dans le moralisme ou la simple psychologie, et en conséquence ils se limitent à opposer la présente époque néo-libérale à des phases précédentes du capitalisme qu’ils croient être plus « saines ».

    #critique_de_la_valeur #wertkritik #interview #Anselm_Jappe #économie #philosophie #capitalisme #travail #travail_abstrait #crise

    • Les exclus – qui finiront bientôt par être la très grande majorité de la population mondiale – n’ont pas seulement de grandes difficultés pour assurer leur survie matérielle. Ils souffrent aussi parce qu’ils n’ont pas de place dans le monde et qu’on les prie implicitement de quitter la scène, étant donné qu’on n’a pas besoin d’eux. Souvent on les traite en parasites ou en criminels, surtout quand ils sont obligés de changer de pays ou sont les descendants de gens qui y ont été obligés. Tout le monde sait confusément qu’il sera « superflu » à moyen terme, même ceux qui ont encore un travail. Cette menace permanente crée la sourde rage populiste qui actuellement se diffuse partout. « Être superflu » est presque toujours vécu comme une faute individuelle, comme un manque d’adaptation à une évolution donnée pour inévitable. Cela rend très difficile d’adopter des stratégies collectives et favorise plutôt la recherche de boucs émissaires. Mais la réponse ne pourra pas consister dans une « intégration » des exclus : le système capitaliste est en fort déclin et a épuisé ses possibilités d’intégration. De plus, il n’est en rien désirable d’y être intégré. Encore moins s’agit-il d’un problème d’ordre purement psychosocial ou symbolique qu’on pourrait résoudre en redécouvrant des « valeurs ». La question (qui reste ouverte) est plutôt de savoir si cette époque de convulsions débouchera sur une société profondément différente où le travail (le travail abstrait !) ne constituera pas le lien social et où une forme de concertation sociale moins fétichiste sera possible.

  • Pourquoi l’islamisme ne peut pas être expliqué à partir de la religion, par Norbert Trenkle
    http://www.palim-psao.fr/2015/05/pourquoi-l-islamisme-ne-peut-pas-etre-explique-a-partir-de-la-religion-pa

    Face à la terreur islamiste, il faut donc se poser la question, non pas de ce que cela à voir avec « l’islam », mais de savoir pourquoi, parmi tous les religionnismes qui ont éclos et grandi au cours des dernières décennies, l’islamisme a pris la forme particulièrement agressive face aux dites valeurs occidentales et pourquoi il a fait émerger une aile terroriste aussi puissante. On ne pourra trouver une réponse à cette question que si nous l’arrachons au ciel des spéculations théologiques fumeuses pour la ramener sur le terrain de l’analyse et de la critique sociale, et si nous étudions de plus près les conditions politiques et sociales spécifiques qui ont favorisé la naissance et le déploiement de l’islamisme.

    #religion #religionnisme #islamisme #islam #identité #capitalisme #critique_sociale #Krisis #Norbert_Trenkle

  • Les vases vides font toujours beaucoup de bruit. A propos d’une certaine réception de la critique de la valeur en France (partie 1)
    http://www.palim-psao.fr/2015/03/les-vases-vides-font-toujours-beaucoup-de-bruit-a-propos-d-une-certaine-r

    Pas de précisions théoriques ou explicatives, mais des commentaires de Clément Homs sur comment la critique de la valeur est reçue en France pour l’instant.

    Pas encore fini de tout lire.

    Jean-Marie Vincent et André Gorz :

    Côté réception en France, ce sont au début des années 2000, deux auteurs - le philosophe marxiste Jean-Marie Vincent et André Gorz - qui ont marqué leur intérêt et se sont « rapprochés » de certaines thématiques propres à la Wertkritik.

    Autrement, c’est Vincent qui a incité André Gorz (lui aussi germanophone) à se procurer en Allemagne les ouvrages de Kurz, et tout un rapprochement avec la Wertkritik a été affirmé de manière plus positive. Durant les dernières années de sa vie Gorz alla jusqu’à se réclamer ouvertement de ce courant tout en entretenant une correspondance avec plusieurs auteurs autrichiens notamment avec le journaliste viennois Franz Schandl qui publie Streifzüge[5]. Son dernier ouvrage Ecologica (2008) est fortement marqué de cette empreinte, que l’on retrouve également dans la discussion qu’il a avec le livre de Jappe, Les Aventures de la marchandise.

    Guigou et Wajnsztejn :

    Il y avait bien eu autrement un petit ouvrage en 2004 de deux non-germanophones – L’évanescence de la valeur. Une présentation critique du groupe Krisis, J. Guigou et J. Wajnsztejn - qui avait suscité une certaine hilarité, mais son confusionnisme systématique, sa connaissance lacunaire des thèses de ce courant et ses nombreuses mésinterprétations qui enlevaient à l’ouvrage sa prétention à « présenter » quoi que ce soit du projet théorique de Krisis, n’appelaient aucune réponse – ce qu’ils prirent semble-t-il très mal. Je me rappelle encore Jean-Marie Brohm rappelant à ses étudiants de Montpellier où ce Guigou avait été professeur de sociologie, qu’on ne pouvait prendre connaissance d’un auteur au travers de la littérature de seconde ou de troisième main ou même à partir de traductions plus ou moins mal faites. Toujours préférer aller à l’original ! – conseil qui vaut aujourd’hui aussi bien pour Heidegger, Hegel, Marx, que Kurz ou Jappe.

    Jean-Pierre Garnier et le Monde Diplo :

    On s’en douterait, mais il ne fallait également pas chercher une réelle réception dans la gauche altercapitaliste du Monde Diplomatique et d’ATTAC, qui depuis longtemps aussi désemparée que désarmée face au capitalisme, ne pouvait que déblatérer contre-vérités et insignifiances à l’image – pour n’en citer qu’une - de la pathétique recension en-dessous de toute critique du recueil de Kurz, Vies et mort du capitalisme qu’allait publier coup sur coup dans la revue Divergence puis Le Monde Diplomatique, l’« universitaire libertaire » Jean-Pierre Garnier. Ces intellectuels ne nous aiment pas et c’est vraiment de bonne guerre. Tout le logiciel idéologique de cette gauche de stabilisation de la forme de vie capitaliste, ne peut nous faire part que de son propre effondrement théorique devant les circonstances historiques présentes.

    À propos de la communisation, de Bruno Astarian, de la post-ultra-gauche :

    Du côté de la communisation, quand vous prenez un post-ultra-gauche comme Nicolas Will (alias « Bruno Astarian »), qui vous explique encore que la valeur et le travail sont transhistoriques dès le début de son Essai sur la presse et le capital (UGE-10/18, 1976) comme trente ans plus tard dans Le travail et son dépassement (Senonevero, 2001)[7], et qui porte encore une vision totalement tronquée du fétichisme, c’est sans surprise qu’une « critique » même de Postone sous sa plume ne peut qu’enfiler tous les poncifs les plus éculés du marxisme traditionnel sur le terrain de la théorie du capital (lecture classiste consubstantielle au sociologisme marxiste, prolétariat comme sujet révolutionnaire, etc.). Dans un texte de commentaires à l’emporte-pièce, il n’y a vraiment que Bruno Astarian pour noter que la Wertkritik brillerait par « l’absence de problématique de la crise » - sic !- (ou encore que « sa limite fatale est d’oublier la crise »). Quand il ne confond pas le « programmatisme » avec le « marxisme traditionnel » qui est une catégorie bien plus englobante puisqu’elle elle touche aussi bien la vieille théorie du capital que celle de la révolution. C’est cette incapacité de certains « communisateurs » de voir que les limites du « programmatisme » sont déjà contenues dans le marxisme traditionnel quant à sa théorie du capital, qui les laisse à mi-chemin, à la fois un pied en dehors et un pied à l’intérieur du marxisme traditionnel. En-deçà même de Jacques Camatte en tout cas, qui au moins sur certains aspects limités avait rompu avec le marxisme traditionnel quant à la théorie même du capital. Le courant post-ultragauche qui a pris pour thème aujourd’hui la « communisation », n’a finalement toujours fait qu’opérer (à partir des années 60-70) une rupture dans la théorie de la révolution (ce qui est déjà pas mal) à l’intérieur même du cadre restait inchangé d’une théorie du capital pieds et poings liés dans le marxisme le plus traditionnel.

    Sur le fait de chercher les fausses pistes plutot que des solutions clé en main :

    Quand on arrête deux secondes d’interpréter systématiquement comme une simple « trahison » ou comme l’effet de circonstances historiques défavorables, les échecs de toutes les prises de pouvoir réformistes comme révolutionnaires de la gauche au XXe siècle, il y a pour autant à la « gauche de la gauche » des militants qui voient bien que tout le vieil anticapitalisme tronqué hérité du XIXe siècle n’a plus aucune prise sur le capitalisme de crise en ce début du XXIe siècle. La Wertkritik porte une contribution à l’édifice afin de déplacer franchement les lignes dans le milieu anticapitaliste révolutionnaire, pour ne pas seulement porter une rupture dans la théorie de la révolution mais avant tout pour opérer une rupture dans la théorie même du capital et ce sur la base de ce qu’en Allemagne plusieurs courants – depuis la Neue Marx Lektüre de Backhaus et Reichelt - appellent le « Marx ésotérique ». C’est à mon avis à la fois peu et beaucoup. N’en déplaise aux consommateurs de marchandises-théoriques qui reprocheront toujours l’absence de « solutions à micro-onder » sur le champ, c’est afin d’éviter de faire bouillir les marmites de l’histoire trop vite que la Wertkritik ne cherche en rien à se transformer en un guichet automatique pour solutions clés en main à refourguer avec leurs garanties décennales. La critique de la valeur depuis le début cherche déjà à indiquer avec certitude quelles sont les mauvaises pistes qui assurément ne nous amèneront pas à sortir du monde social du capital mais à nous y enfoncer plus encore.

    Sur le fait de chercher des méchants coupables plutôt que réfléchir aux causes systémiques (Lordon et Friot par exemple) :

    La désignation des coupables individuels (le contre-panthéon des Milton Friedman, Margareth Thatcher, Ronald Reagan, Mario Dragi, Jérôme Kerviel, …) ou collectifs (la classe politique corrompue, le Satan américain, l’Allemagne, le F.M.I., les paradis fiscaux, Goldman Sachs, l’Union Européenne, la Troïka, la main d’œuvre étrangère, les Juifs, etc.) à mettre au pilori, constitue une conception anticapitaliste fétichisée qui reste pieds et poings liés dans la « cage d’acier » des formes sociales capitalistes dans lesquelles nous sommes piégés (la classe prolétaire comme la classe bourgeoise, notera Marx). Sans parler des thèses conspirationnistes qui pullulent désormais jusque dans la frange radical-chic de la gauche agambenienne, foucaldienne et deleuzienne, de type Comité invisible (mais pas seulement) et sur lesquelles nous reviendrons peut-être par la suite. En ce qui concerne toute la pathétique kermesse des économistes chagrinés, des marxistes, des régulationnistes, des « friotistes », des « pikettistes » et des keynésiens, ils ne savent que trop vouer aux gémonies le méchant « capital financier » conçu comme un simple « parasite » (les banques, la finance et les paradis fiscaux) au nom de la défense du « bon capital » productif de l’économie soit disant réelle, pourvoyeuse d’emplois et de salaires pour les « honnêtes travailleurs ». Depuis les années 80, avec l’anti-néolibéralisme s’est substituée à la possibilité d’une pensée marxienne cohérente qui vise la totalité dialectique capitaliste, une critique petite-bourgeoise du néolibéralisme économique qui n’est que le sac à mouchoirs d’une immense nostalgie pleurnicharde qui ne cherche plus qu’à revenir à la vielle configuration du « bon capitalisme » des Trente Glorieuses pour échapper au mauvais « capitalisme de casino ». Frédéric Lordon ou Bernard Friot sont pour beaucoup les économistes en chef de cette sous-critique. Critique qui n’a toujours su que dénoncer la financiarisation et le marché (Hitler parlait déjà de « capital rapace » à ce propos) pour mieux naturaliser le capitalisme à papa des travailleurs aux mains calleuses qui produisent des « richesses » et notamment la richesse abstraite capitaliste (la valeur) qui continue à être leur présupposé (sous le contenu de cette hilarante « convention de valeur » ou sous celui du travail abstrait). Confortablement installée dans le système fétichiste basé sur la machine du travail abstrait qui est à elle-même sa propre fin, cette gauche altercapitaliste qui fétichise la « défense des services publics », revient toujours à la niche d’une position altercapitaliste traditionnelle : conquérir le pouvoir pour opérer « une redéfinition globale du marché en direction de l’Etat social » comme l’écrit encore récemment ce prurit de la pensée bourgeoise qu’a toujours été Axel Honneth. Une pseudo-critique qui tricote et bavarde depuis la fin du XIXe siècle autour de la justice économique, sociale et maintenant écologique (!), sans jamais remettre en cause, en tant que telles, les formes sociales intrinsèquement capitalistes que sont le travail, la valeur, l’argent, la marchandise, la forme juridique du droit, la démocratie, la politique et l’Etat, qui n’ont qu’un demi-millénaire d’existence.

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  • Parution de Roswitha Scholz, « Simone de Beauvoir aujourd’hui. Quelques annotations critiques à propos d’une auteure classique du féminisme » (Le Bord de l’eau, 2014)
    http://www.palim-psao.fr/article-parution-d-un-ouvrage-de-roswitha-scholz-simone-de-beauvoir-aujou

    À cet égard, Roswitha Scholz occupe une place singulière dans le paysage féministe puisqu’elle rejette tour à tour les postures du féminisme différentialiste incarnées notamment par Luce Irigaray, du féminisme matérialiste de Christine Delphy et encore des gender ou queer studies incarnées par Judith Butler. Roswitha Scholz réussit, au sein de ce court essai, le tour de force de passer en revue ces diverses postures à travers une critique exigeante des positions classiques de Simone de Beauvoir. L’auteur explore ainsi les arguments existentialistes du Deuxième sexe de Simone De Beauvoir pour les confronter au cadre contemporain de la socialisation capitaliste.

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