L’homosexus normaticus entre mariage unidimensionnel et droits sexuels

/revue-mouvements-2007-1-page-8.htm

  • En bossant, hier, j’ai écouté ce débat un peu distraitement :
    http://pluzz.francetv.fr/videos/ce_soir_ou_jamais.html
    Thème : la révolution du féminin a-t-elle déjà triomphé ?
    En fait, par moments, ça va plus loin et plus large que cette question (difficile à situer et à piger dans ses présuppositions d’ailleurs).

    Alors comme tous les débats c’est infiniment pénible, c’est l’échevèlement permanent du discours, ça part dans tous les sens dans un bordel de première bourre, tout le monde gueule, se coupe, crie, sur-crie, cause à qui mieux mieux et le plus fort possible, réagit à l’affect, ramène tout à son petit niveau quand c’est pas à sa petite personne et puis surtout ceux et celles qui auraient véritablement quelque chose à dire et qui pourraient le dire clairement, intelligemment et sans vergogne comme Geneviève Fraisse et Marie-Hélène Bourcier (de ce que j’ai compris, il -ou ile ? ou el ? ou îlle ce serait pas mal- est en train de changer son prénom mais de ce que j’ai pu en entendre dans des documentaires c’est un merdier administratif de type soviétique ++) sont artificiellement mis en face de zozos absolus qui s’arrogent, à tort et à travers, le droit de parler, à tort et à travers. Et c’est juste cette frontalité là qui leur sert de légitimité, comme dans tous les débats. Il faudra donc supporter une sorte de demi-duchesse prétentieuse (Bidule Levet) toute fiérote de s’introniser philosophe quand seul un pauvre concours et deux trois paires de bonnes notes l’y autorisent et pleurant les grands archétypes naturalistes de la féminité perdue à grands renforts de courcaillements traînants, et un couillon de premier ordre qui vient, tout pareil, nous agiter sous le nez une fantasmatique martyrologie masculine savamment étayée sur, tindin, des pubs et des expériences de cabinet personnelles (Truc Clerget). Mais, à plusieurs moments, Marie-Hélène Bourcier (qui gagne là de loin la palme de l’intelligence et pas seulement théorique) dit des choses remarquables : non seulement il (ile, îlle ?) envoie péter la rhétorique maniérée du débat, mais pointe surtout, pour la question des genres et des transsexes, le risque permanent de la réindexation (sic). Ca l’amène à penser tout ça comme une prolifération et invention infinie (sic aussi ou à peu près) des genres et des sexes, souplement, politiquement, au plus près du désir et surtout sans que ce soit sans cesse doublé par une grille analytique ou une taxinomie, bref, par une perpétuelle réflexivité classificatrice. Ca a l’air de rien peut-être mais on dirait bien que c’est pourtant fondamental pratiquement. En tout cas ça lui (luie ? loui ?) permet de théoriser -et vivre- ça au plus près des mélanges réels, de façon apparemment joyeuse, sans se raconter d’histoires et sans l’esprit de sérieux justement si lourd qui découle de toute indexation, même quand elle est critique. Geneviève Fraisse avait l’air de dire en substance la même chose quand elle parlait de sortir des philosophies de l’identité et de penser les mélanges (sic de chez sic) de genres, mais après, j’ai pas compris et c’était fugace, les deux avaient l’air de s’opposer justement sur cette question de l’identité avec un texte de je-ne-sais-plus-qui à l’appui, c’est vraiment dommage parce que c’est là que ça commençait à croustiller...
    Enfin bon en tout cas, par fragments, dans les petits coins, il doit y avoir des choses à en tirer.

    (la rediff est disponible jusqu’à vendredi pas plus)

    • Comme l’indexation automatique de Seen this a fait tout le travail (oui indexer dès fois c’est bien aussi), je vois qu’il n’y avait rien sur les travaux de M-H Bourcier, et il se trouve qu’il y a pas mal d’articles très très bons en ligne.
      (je précise avant les liens que : si jamais l’administration française réussit un jour à changer son état-civil sans en passer par un procès kafkaïen de dix ans, faudra réindexer tout ça sous le bon patronyme ; comme quoi en fait, indexer c’est toujours un peu, mouais).

      Un article de Multitudes datant de l’ère pré seenthisienne :
      La fin de la domination (masculine)
      Pouvoir des genres, féminismes et post-féminisme queer
      par Marie-Hélène Bourcier
      http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MULT_012_0069

      C’est très très clair et super bien foutu, l’article dresse un panorama des mouvements critiques du féminisme et pointe surtout un enjeu théorique de fond quant à la construction des genres, entre la puissance symbolique chez Bourdieu et le pouvoir performatif chez Butler. Ca s’achève sur une traversée de la théorie queer qui éclaire cette histoire d’identité dont il était question plus haut : "L’une des solutions queer est alors la prolifération d’identités — dont les identités de genre non naturalisées —, de manière à rendre le couple homme/ femme,Madame et Monsieur Ramsay suffisamment problématiques pour entraver les modes de reproduction de l’identité occidentale. Cela suppose aussi d’abandonner une conception du pouvoir qui a partie liée avec les conceptions univoques et fixistes de la domination : celle d’un pouvoir souverain qui ne s’exercerait qu’en un seul lieu. C’est précisément cette vision du pouvoir qui, pour rassurante ou intimidante qu’elle soit, empêche de penser l’interconnexion des formes d’oppression et de résistances."

      Puis sur Cairn : Queer Move/ments :
      http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MOUV_020_0037
      Où pour le coup on en vient logiquement à Foucault qui, si je comprends bien, semble servir, après boostage problématique, de matrice théorique queer quelque part entre la domination symbolique de Bourdieu et le pouvoir performatif de Butler.
      "La volonté de dénaturalisation et d’utilisation de l’identité dont témoignent ces queer/move/ments que l’on vient d’entrevoir suppose de concevoir
      l’identité comme un instrument politique stratégique, susceptible de servir à déconstruire les identités masculine et féminine, homosexuelle et hétérosexuelle qui secrètent des formes de violence et d’oppression. Raison pour laquelle l’on ne saurait « être » queer, ni homme ni femme d’ailleurs. Non parce que l’idéal est le dépassement des identités ou des genres – ce serait tomber dans le piège dépolitisant de l’individualisme ou du dandysme – ou parce que l’on viserait à éradiquer les rapports sociaux de sexe pour reprendre une terminologie plus matérialiste – mais finalement peu réaliste. C’est plutôt que les identités sexuelles sont multipliables et « resignifiables », corps compris. S’il fallait ajouter un cinquième queer/mouve/ment qui nous permette de nous situer sur la spirale, ce serait celui représenté par une nouvelle génération d’activistes et de théoriciennes,
      les queer kings, qui ont en commun cette fois d’avoir décroché de la définition butlérienne de l’identité sexuelle (comme étant performative et l’effet des performances de genres) parce qu’elle oubliait les pratiques sexuelles, le corps et les effets de l’incorporation."

      Deux autres (pas lus) :
      Des « femmes travesties » aux pratiques transgenres : repenser et queeriser le travestissement
      http://clio.revues.org/255 (à télécharger avec l’onglet en haut à gauche)
      http://www.cairn.info/revue-mouvements-2007-1-page-8.htm
      L’homosexus normaticus entre mariage unidimensionnel et droits sexuels

      et puis enfin :
      http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-melange-de-genres-14-