Pas inintéressant, mais de manière très habituelle, il y a un énorme point aveugle dans ce genre d’article : rien sur l’organisation confessionnelle du statut personnel. Du coup, comme souvent (en matière de mœurs, patriarcat, inégalités hommes-femmes…), on reste dans l’approche culturelle/sociétale (un peu pénible à mon goût, parce que je ne vois pas quels progrès on peut espérer si on reste à ce niveau).
Il n’y a qu’une assez cryptique évocation du législateur dans le dernier paragraphe, mais rien sur ce fait fondamental : tout ce qui touche au statut personnel au Liban (couple, famille, mariage, enfants, héritage, etc.) ne relève pas d’une loi commune à tous les Libanais.es, mais est géré par les différentes communautés religieuses dotées de leurs propres tribunaux.
Par ailleurs, il faut aussi aborder le fait que ce n’est pas l’État libanais qui organise la protection sociale (refuges pour les femmes, allocations), mais que les individus disposent, comme principal filet de sécurité, d’une socialisation de proximité : la famille et des associations essentiellement communautaires.
De fait, aborder la question du sexe, des rapports de couple, de l’avortement, des enfants, en ignorant le fait que :
(1) toutes les questions juridiques concernant ces aspects sont, comme tout le statut personnel, réglées par des tribunaux religieux (et dire qu’ils sont conservateurs et peu favorables aux femmes et/ou aux relations hors mariage est un euphémisme…) ;
(2) une femme qui voudrait dépasser ces blocages étant donc condamnée à aller contre « sa communauté » (les institutions du statut personnel), elle n’a plus tellement accès aux outils de protection sociale (logement, aide au revenu, aide familiale, garde des jeunes enfants…), puisque l’essentiel de ces structures sont elles-mêmes confessionnelles. (Question qui touche en fait tout le monde, y compris les jeunes couples, les homosexuels, etc., qui ne peuvent pas facilement se permettre d’envoyer valser leur famille et leur communauté, à moins d’avoir déjà leur autonomie financière – ce qui pourrait déjà expliquer une partie de la « sociologie » du rapport aux questions de mœurs.)
(On pourrait aussi ajouter l’énorme disproportion entre le nombre de femmes – qui « restent » au Liban – et d’hommes – qui s’expatrient largement –, déséquilibre qui influe énormément sur les questions de couple, y compris intimes. Et plus généralement la question de l’accès des femmes au travail. Mais bon : le gros manque ici c’est de ne pas évoquer la question la confessionnalisation du statut personnel au Liban.)