• Au revoir Mamoune - Un jour à la fois
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2011/12/13/Au-revoir-Mamoune

    Ma tante chérie,

    Tu m’as donné tant que je ne saurai pas te remercier correctement pour l’écoute qui aura toujours été la tienne quand je venais me confier à toi. J’étais si proche de cette confiance et de ton amour inconditionnel que j’ai publiquement avoué que j’aurais dû t’avoir comme mère et nous aimions à en plaisanter. Ma propre mère chérie s’en amusait elle-même. Je crois que cela tenait à ta personnalité et à la mienne, et je pense que tu m’as donné bien des traits qui ont fait que maman parlait toujours de toi en commençant par t’appeler « Laurence », et quand elle voulait parler de moi, elle disait d’abord « Nicole ». Cette confusion me plaisait. J’espère continuer à m’appeler « Nicole » dans sa bouche et de l’entendre t’évoquer avec le prénom de sa fille.

    D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré aller à « Théophile Gautier » quand j’étais petite fille. J’adorais y rencontrer ta « tribu Perlès », Mamizanne était « ma copine », ton grand frère Alain me faisait pleurer de rires, n’oublie pas de le leur rappeler, je ne les ai pas oubliés. J’adorais que tu me racontes tes aventures pendant la seconde guerre mondiale, et j’étais éperdue admirative de tes prouesses que je me promettais d’émuler toujours.

    Quand j’ai grandi et senti que je n’étais pas toujours à la hauteur, c’est vers toi que je me suis tournée. C’est à toi que j’ai confié mes tourments, parce que tu savais garder un secret. Tu savais aussi donner des conseils, des directions à suivre, sans braquer, sans passer de jugement de valeur. Tu étais d’un tel bon sens que tu savais toujours donner envie de choisir la bonne chose à faire quand il y avait un dilemne. Il ne fallait pas t’en conter beaucoup pour que tu comprennes tout de suite ce qui se jouait, et tu avais un compas moral infaillible.

    Tu m’as appris la droiture et à ne pas avoir peur d’être directe. Tu m’as montré le chemin énergique de la bonne humeur et de l’optimisme à toute épreuve. Tu m’as raconté les tiennes, d’épreuves, sans jamais en cacher la teneur, sans camouflage et sans fioriture, et ces partages m’ont nourrie et fortifiée comme tu me le souhaitais, parce que tu étais nourricière avec cette épice supplémentaire de la fortitude morale qui jamais ne disparaîtra, et que j’espère un jour transmettre à mon tour aussi bien que tu l’auras fait pour tes proches.

    Tu as partagé toutes mes grandes décisions en exclusivité, tu as été sur ma route comme un phare rassurant et toujours lumineux, que ce fut dans les temps calmes, comme dans les plus fortes tempêtes. Aujourd’hui, d’apprendre que mon phare s’est éteint me remplit de tristesse et de chagrin, mais je sais aussi que les plus lointaines étoiles continuent de diffuser leur lumière longtemps après leur disparition, et je continue de recevoir la tienne.

    Un jour, lorsque nous étions toutes les deux à partager l’un de nos déjeuners en tête-à-tête décisifs, tu m’as rappelé la nécessité d’être pimpante quoi qu’il advienne. Je t’ai promis formellement de ne jamais oublier cette leçon. Par la suite, le mot « pimpante » est devenu notre cri de ralliement secret, celui qu’il suffisait de prononcer pour effacer tous les soucis, toutes les déprimes, tous les passages à vide qui surgissaient sur nos deux chemins à un moment ou à un autre. Je ne sais pas si tu aimais autant que moi la résonnance de « pimpante », mais toujours est-il que tu te réjouissais toujours de m’entendre affirmer que je tenais ma promesse et ce jusqu’au bout même lorsque mon éloignement géographique à l’autre bout du monde avait fini pas rendre les échanges plus flous et vagues entre nous au quotidien.

    Aujourd’hui ma tante chérie, je viens te dire adieu, et je sais que nous nous reverrons, avec nos beaux yeux bleus qui sourient toujours. Repose en paix Mamoune et ne m’oublie pas.

    Ta nièce, Laurence