• La grossophobie m’agresse (plus que l’incitation à l’anorexie) - Ladies & gentlemen
    http://blog.francetvinfo.fr/ladies-and-gentlemen/2015/04/02/la-grossophobie-magresse-plus-que-lincitation-a-lanorexie.html

    Au petit matin, sur une radio que j’ai moins l’habitude d’écouter mais vers laquelle la grève à Radio France m’a portée, la mère d’une ex-mannequin s’exprime sur le « délit d’incitation à l’anorexie » que le Sénat a inséré dans la future loi de santé. Le témoignage est vibrant. C’est celui d’un-e parent-e, qui a assisté, désarmé-e, à la plongée de son enfant dans les abysses de la maigreur maladive, parce que le métier qu’elle exerçait, et dans lequel apparemment elle « excellait », exige une compétence inhumaine, celle de réduire son corps à l’état le plus minimal, de le soumettre à un amincissement interminable et dangereux pour sa santé, possiblement fatal pour sa vie.

    Le témoignage est poignant, mais il est dérangeant aussi, quand la discussion arrive aux solutions pour éviter que des jeunes femmes s’affament pour faire métier d’incarnation de la beauté et que d’autres se rendent malades à leur tour pour leur ressembler. Il est dérangeant quand se pose précisément la question du « métier » et partant, d’un univers professionnel et en l’occurrence d’un secteur marchand qui fait commerce d’injonctions esthétiques. Cela, la témoin le comprend, l’intègre dans sa réflexion, considérant « qu’il faut que ce monde-là continue à faire rêver ». Mais de quoi rêve la haute couture ? La règle est simple, édictée par Karl Lagerfeld, partie prenante s’il en est, qui affirme que « personne ne veut voir de femmes rondes dans la mode ». Alors, reste à négocier à la marge les quelques kilos admissibles qui font curseur entre « maigre » et « ronde » pour définir le point de minceur qui permettra de toper-là sur le dos des femmes.

    (...)

    Car le sujet, ce n’est pas la dimension du cintre, 1 centimètre de plus par ci, 1 centimètre en moins par là, c’est que nous ne sommes pas des cintres. Et nos corps ne sont pas faits pour porter des vêtements, ce sont les vêtements qui sont faits pour habiller nos corps. La couture n’est pas là pour faire « rêver » (sauf peut-être ceux à qui le commerce des morphologies inhumaines rapporte), elle est faite pour imaginer l’élégance. L’élégance, c’est un état d’esprit délicat et raffiné, un savoir-vivre, un tempérament accueillant, un charme aussi, celui de l’inattendu et de la fantaisie, le contraire en somme de la vulgaire détestation de l’autre.

    #poids #mode #sexisme