REGARDS

http://www.regards.fr

  • Pulpe fiction dans les quartiers nord de Marseille - regards.fr
    http://www.regards.fr/politique/societe/article/pulpe-fiction-dans-les-quartiers-nord-de-marseille

    À la tête de son propre centre d’#esthétique, Monia Institut, dans le quartier de Saint-Louis depuis douze ans, Monia Dominique confirme l’emballement. « Je dirais que 50% de ma clientèle a déjà fait soit de la médecine esthétique, soit de la #chirurgie », estime la trentenaire. Native de la Savine, une cité du 15e, sa belle-sœur Alexia abonde. « Aujourd’hui, tout le monde veut la bouche de Kylie et les seins de Kim Kardashian ! », sourit l’esthéticienne. À vingt-cinq ans, elle a subi une rhinoplastie, pour affiner un nez qu’elle n’aimait pas. Fluette, elle montre avec dépit sa poitrine menue sous son soutien-gorge push-up rose pastel. Refaire ses seins ? Elle l’envisage : « Après mon premier enfant ».

    Aujourd’hui, la clinique Phénicia revendique près de 40% de clientes issues des quartiers populaires du Nord de la ville. « C’est une clientèle à la recherche de considération. Mais qui, parfois, ne maîtrise pas tous les codes et a, avec la chirurgie, un rapport de consommation immédiate », analyse Isabelle Delaye, directrice de la communication dans l’établissement. Une mode dont les icônes incontestables du moment sont les sœurs Kardashian, brunes incendiaires aux courbes très avantageuses. « Il faut parfois calmer les ardeurs, prolonge le Dr Marinetti. On nous demande beaucoup de bouches agressives à la Nabilla. Ou des seins décrits comme "naturels" mais qui, en fait, ne le sont pas. Les seins bombés vers le haut, comme Kim Kardashian, ça n’existe pas dans la nature ! C’est importé des États-Unis, c’est le surgical look à l’Américaine. »

    À l’influence des séries et de la téléréalité s’ajoute le poids, tout aussi écrasant, de la publicité, des clips, voire de la pornographie. « La téléréalité est, souvent, une mise en compétition des corps, sur un modèle réactionnaire, néolibéral. Une hiérarchie entre ceux censés être beaux et ceux censés être laids… », note Sophie Jéhel, maîtresse de conférence à l’université Paris 8. Basées sur des caricatures de féminité et de masculinité, ces représentations ont un impact énorme. Dans son cabinet du 5e arrondissement, dans le centre-ville marseillais, ce médecin en convient : « Les jeunes femmes arrivent avec sur leurs portables des photos des actrices de la téléréalité à qui elles s’identifient et donc veulent ressembler ». Sonia, vingt-six ans, qui confesse sans mal avoir subi une double mammoplastie, en témoigne. « Nabilla, ça a été un truc énorme, ici. D’un coup, tout le monde a voulu des gros seins et des Louboutin ! », lâche-t-elle en riant.

    @beautefatale

  • Décentraliser n’est pas démocratiser - regards.fr
    http://www.regards.fr/politique/article/decentraliser-n-est-pas-democratiser

    C’est un faux débat par excellence. La ville est devenue le territoire par excellence de l’organisation sociale, et la métropolisation est le pivot de son expansion. Dès lors, revient sur le devant de la scène ce sempiternel débat sur l’obsolescence de l’État national. Si l’État désigne la puissance publique, il ne relève pas d’un seul territoire. La commune ne fait pas moins partie de la sphère étatique que le département, la région, la nation ou les institutions continentales. La question traditionnelle est de savoir comment fonctionne le grand « tout » de l’État : de façon centralisée ou décentralisée. Dans les dernières décennies, la réponse s’est portée vers la seconde hypothèse, ce que l’on peut tenir pour un progrès.

    #décentralisation #urban_matter #planification_urbaine #ville

    • La « participation citoyenne » est le nouveau pont-aux-ânes du gauchisme culturel propre à la petite bourgeoisie intellectuelle qu’incarne parfaitement Regards entre autres. Ces incantations sans lendemain achoppent toujours sur la réalité des processus décisionnels qui associent les opérateurs privés dominants, l’Etat, le politique, et l’immense armée de réserve d’idiots utiles qui aident à faire fonctionner le tout. Essayez un peu de proposer des ruptures qui permettraient d’un finir avec l’opacité desdits processus décisionnels et vous verrez immédiatement se constituer une sainte alliance des « décideurs » bien décidés à interdire au commun des mortels de s’occuper de leurs affaires...

  • Pas touche à Christophe Girard ou l’image violente d’une défense de classe - regards.fr
    http://www.regards.fr/politique/article/pas-touche-a-christophe-girard-ou-l-image-violente-d-une-defense-de-classe

    Raphaëlle Rémy-Leleu et Alice Coffin, élues écologistes au Conseil de Paris, ont dénoncé le choix de Christophe Girard au poste d’adjoint à la culture. Celui-ci a démissionné jeudi mais Anne Hidalgo et l’exécutif parisien n’ont pas voulu en rester là…

    • force est de constater qu’il existe un parallèle entre la bronca de l’exécutif parisien qui a suivi démission de Christophe Girard et la défense organisée des activités pédophiles de Gabriel Matzneff : dans les deux cas, c’est la perpétuation de mécanismes de défense de classe qui est au cœur du problème. L’élite culturelle parisienne avait défendu Gabriel Matzneff comme aujourd’hui l’élite politique tout aussi parisienne défend Christophe Girard. Les intérêts de la nation ou de la lutte des classes ne sont plus au centre de la bataille politique, même à gauche : on défend son camp, comme dirait le préfet Didier Lallement. Point barre

    • pas faux, même si j’ai tendance à penser que la culture du viol c’est aussi ça qui se rebiffe devant nous ou plutôt le bon vieux déni derrière lequel se cache la culture du viol (parce que le mec qui se fait dédicacer des livres par matzneff, belle carrière ou pas, engagement pour la culture ou pas, le mec mérite (au moins) quelques soupçons). Et c’est ça, ce déni, qu’on prend dans la gueule, chaque jours tous les jours, à paris comme ailleurs, chez les bourges comme chez les proles, c’est ça, pour moi, qui est à l’oeuvre, plus que la grille de lecture « une classe qui se défend ». Tout le monde chie dans son froc d’affronter vraiment le sheitan qui les habite.

    • Derrière la démission de Christophe Girard, des repas avec Matzneff payés par la Ville, MARINE TURCHI
      https://www.mediapart.fr/journal/france/270720/derriere-la-demission-de-christophe-girard-des-repas-avec-matzneff-payes-p

      Contrairement à ce qu’ont mis en avant Christophe Girard et la mairie de Paris, l’adjoint à la culture n’a pas démissionné seulement à cause de la manifestation, jeudi 23 juillet, de militantes féministes et d’élu·e·s écologistes. Selon nos informations, les services de la Ville de Paris ont découvert, mercredi puis jeudi dernier, trois notes de frais de repas entre l’élu et l’écrivain Gabriel Matzneff, réglés par la Ville.

      L’une datée du 12 février 2019, portant sur un déjeuner au restaurant le Taxi jaune, pour un montant de 85 euros, que Christophe Girard a fait défrayer en tant qu’adjoint à la culture de la Ville de Paris. Les deux autres remontent à 2016 (un dîner) et 2017 (un déjeuner), lorsqu’il était maire du IVe arrondissement de Paris.

      Selon nos informations, Anne Hidalgo a transmis la première de ces notes au parquet de Paris, via son conseiller juridique. Cet élément a été versé à l’enquête préliminaire en cours pour « viols commis sur mineurs » visant Gabriel Matzneff. Christophe Girard avait été entendu comme témoin dans cette procédure, en mars. L’élu a en effet côtoyé l’écrivain dès les années 1980, lorsqu’il était le proche collaborateur du couturier Yves Saint Laurent. C’est par son entremise que les factures de l’hôtel de Gabriel Matzneff avaient été réglées à l’époque par la société Yves-Saint-Laurent (lire notre enquête).

      Gabriel Matzneff, en février 2019, à la librairie « Les Cahiers de Colette » à Paris (IVe), avec à sa gauche Guillaume de Sardes et à sa droite Christophe Girard (Matzneff a en main le roman historique « Perdre la paix. Keynes 1919 » publié en 2015 par Christophe Girard chez l’éditeur suisse Hélice Hélas). © DR
      Gabriel Matzneff, en février 2019, à la librairie « Les Cahiers de Colette » à Paris (IVe), avec à sa gauche Guillaume de Sardes et à sa droite Christophe Girard (Matzneff a en main le roman historique « Perdre la paix. Keynes 1919 » publié en 2015 par Christophe Girard chez l’éditeur suisse Hélice Hélas). © DR
      Le premier repas, celui de 2019, a été justifié par Christophe Girard auprès des services de la Ville comme un déjeuner dans le cadre de la journée écriture-manuscrit, organisée par la Ville trois mois plus tard, le 15 mai 2019. Les deux autres ont été réglés sur son enveloppe de frais de représentation, pour lequel l’élu bénéficie d’une plus grande autonomie, mais qui fait l’objet d’une déclaration annuelle à la mairie centrale.
      Selon nos informations, la maire de Paris a eu connaissance de la première note de frais mercredi soir 22 juillet, après qu’un agent du bureau de l’appui aux élus – chargé de rembourser les frais – a pris l’initiative de faire une recherche, suite à la résurgence médiatique de l’affaire Matzneff et des demandes de démission de Christophe Girard par le groupe écologiste au conseil de Paris. L’exécutif de la mairie n’avait en effet opéré aucune vérification ou enquête administrative.

      Cette note de frais a été transmise au cabinet d’Anne Hidalgo. Puis le directeur de cabinet de la maire, Frédéric Lenica, et le premier adjoint, Emmanuel Grégoire, ont demandé aux services administratifs de la mairie d’effectuer une vérification plus large.

      Il n’a pas été demandé explicitement à Christophe Girard de démissionner. Mais jeudi, en début d’après-midi, Frédéric Lenica puis Emmanuel Grégoire se sont tour à tour entretenus avec l’élu, en lui expliquant qu’il mettait l’exécutif dans une situation intenable, selon nos informations. « Je les ai vus dans mon bureau pour leur lire le communiqué écrit par moi-même, mon conjoint, mes fils aînés et mon avocate », assure de son côté Christophe Girard.

      Puis deux autres notes de frais ont été découvertes, jeudi en fin d’après-midi – celles datées de 2016 et 2017. Vers 18 heures, l’élu a annoncé sa démission à l’Agence France-Presse.

  • Covid-19 en Amérique latine : « Des coups d’État sont dans le domaine du possible » - regards.fr
    http://www.regards.fr/monde/article/interview-de-pierre-salama-l-amerique-latine-et-la-pandemie

    Pierre Salama. La première catastrophe est effectivement le nombre de décès. Que ce soit au Brésil, au Mexique, au Pérou et maintenant au Chili. Ceci d’autant plus que les chiffres réels sont très supérieurs aux données officielles. Selon le Financial Times lui-même il faudrait les multiplier par 2 ou 3. Tout simplement parce qu’on ne comptabilise pas ceux qui meurent chez eux, notamment et surtout dans les bidonvilles. C’est-à-dire ceux qui n’ont pas accès ou pas facilement accès à la médecine. La discrimination par l’origine sociale de ceux qui sont atteints par la pandémie est particulièrement forte du fait notamment des phénomènes de clusters. Les pauvres sont les premiers atteints par ce type de diffusion de la pandémie. Pas seulement parce qu’ils ont moins accès à la médecine et aux hôpitaux. Mais parce qu’ils ont le plus de comorbidité. Ils sont ceux qui souffrent le plus de malbouffe, d’obésité, de cholestérol, de problèmes cardiaques. Il est plus difficile pour eux de respecter les mesures de précautions recommandées comme se laver les mains, porter un masque, ou respecter les distances sociales. La densité de la population dans les bidonvilles est très grande. L’accès à l’eau courante est limité. Pour les plus pauvres qui vivent dans l’informalité, travailler est une question de survie. Rester confiné et ne pas travailler est une façon de mourir de faim, eux et leur famille. C’est une situation dangereuse. Compte tenu de leur plus grande vulnérabilité, les pauvres sont en attente de réponses immédiates voire miraculeuses. Nombre d’entre eux les trouvent notamment dans les enseignements des églises évangéliques auxquelles leur appartenance est assez massive. Les pauvres ont aussi besoin d’espoir. Il passe par la croyance plutôt que par la raison. Ils peuvent être particulièrement sensibles aux discours d’hommes politiques – souvent d’extrême droite – désignant des boucs émissaires. Par exemple au Brésil, Jair Bolsonaro dénonce tous ceux qui les empêchent d’aller travailler, c’est-à-dire ceux qui proposent le confinement. Ces discours trouvent une résonnance parce qu’ils renvoient à des nécessités vécues. Et effectivement malgré l’ampleur du désastre sanitaire et tous ses propos racistes ou homophobes, Bolsonaro conserve un appui populaire assez important un peu comme Donald Trump aux États Unis. Il conserve un socle de soutien parmi les exclus.

  • APPEL. Décolonisons l’espace public ! - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/appel-decolonisons-l-espace-public

    Un mouvement d’ampleur mondiale exige une décolonisation de l’espace public. De l’Afrique du Sud à Paris, de la Colombie à Lille, des USA à Nantes, de la Martinique à Bordeaux, etc., la planète entière voit se développer des mobilisations pour que cessent les valorisations et mises à l’honneur d’esclavagistes, de massacreurs coloniaux et d’idéologues et théoriciens racistes. Honorés par des statues ou des noms de voies publiques et d’écoles, ces symboles de plus de quatre siècles d’esclavage et d’un siècle et demi de colonisation, constituent une véritable insulte au peuple français en général et aux citoyennes et citoyens issus de ces peuples meurtris par l’esclavage et la colonisation. Ce mouvement est une bonne nouvelle pour tous les partisans de l’égalité. Il doit être soutenu et amplifié pour rendre incontournable la décolonisation, non seulement des espaces publics mais aussi des imaginaires collectifs et de l’histoire officielle.

  • Saint-Gratien : la mairie vandalise un terrain de #foot, les jeunes contre-attaquent - regards.fr
    http://www.regards.fr/politique/societe/article/saint-gratien-la-mairie-vandalise-un-terrain-de-foot-les-jeunes-s-organisent

    L’histoire est intimement liée avec celle de la #pandémie du Covid-19 que nous venons de vivre. Profitant du confinement et de toutes les restrictions de libertés que cela comportait, sans prévenir quiconque, la mairie a décidé de détruire le fameux terrain, en catimini, mettant en avant un « devoir de salubrité publique » par peur que les matchs engendrent un cluster. Quant à l’urgence de cette décision, la municipalité la justifie par l’annonce d’un prochain match contre une équipe de Grigny, avec plusieurs centaines de personnes attendues… match qui devait bien avoir lieu, mais à Grigny. Élu d’opposition et président du MoDem 95, Emmanuel Mikael ne comprend pas grand chose à cette décision soudaine, dont il déplore aussi la radicalité : « Pendant le confinement, au nom des contraintes sanitaires et pour éviter une rencontre "sauvage" d’un tournoi de foot, on détruit le terrain ? »

    Ils n’ont mêm pas pris la peine de publier un arrêté municipal, il n’y a même pas eu de vote en conseil, ce que dénonce Emmanuel Mikael qui rappelle que l’affichage public de travaux est un « minimum réglementaire ». « C’est du vandalisme, de la méchanceté gratuite, injustifiable », s’insurge Zaki Diop, 33 ans, fondateur du collectif Saint-Gratien pour tous.

    #démocratie

  • À quelques heures de l’allocution d’Emmanuel Macron – très attendue notamment sur le thème des violences policières et du racisme –, nous publions ici la lettre ouverte au président de la République du sociologue Éric Fassin.

    TRIBUNE. Le régime de la peur - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/tribune-le-regime-de-la-peur

    Alors que, partout dans le monde, les mobilisations se multiplient contre le racisme et les violences policières, vous tenez à dire qu’en France « le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » Vous désignez des coupables, mais vous n’avez pas l’honnêteté de les nommer, ni le courage d’assumer vos propos, tenus « en privé »… pour être publiés dans Le Monde.

    Je fais partie de ce petit nombre d’universitaires qui étudient « l’intersectionnalité », concept que vous dénoncez sans rien y comprendre. Mais qu’importe votre ignorance ? Votre mépris du travail universitaire, il nous est familier – à l’heure où vous jugez urgent de relancer la LPPR qui s’emploie à démanteler la recherche par une politique du court terme.

    LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
    >> LPPR : le monde universitaire se mobilise contre la « privatisation progressive de la recherche »

    Ce qui est inquiétant, c’est que vous reprenez la rhétorique d’extrême droite, relayée par des médias comme Le Point qui a cru bon, par exemple, d’accoler mon nom à ceux d’Éric Zemmour et Alain Soral en tête de « ces idéologues qui poussent à la guerre civile » (sic). L’anti-intellectualisme n’est-il pas au cœur du projet néofasciste aujourd’hui incarné par Jair Bolsonaro au Brésil et Donald Trump aux États-Unis ?

    • Monsieur le Président,

      Alors que, partout dans le monde, les mobilisations se multiplient contre le racisme et les violences policières, vous tenez à dire qu’en France « le #monde_universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » Vous désignez des coupables, mais vous n’avez pas l’honnêteté de les nommer, ni le courage d’assumer vos propos, tenus « en privé »… pour être publiés dans Le Monde.

      Je fais partie de ce petit nombre d’universitaires qui étudient « l’#intersectionnalité », concept que vous dénoncez sans rien y comprendre. Mais qu’importe votre #ignorance ? Votre #mépris du travail universitaire, il nous est familier – à l’heure où vous jugez urgent de relancer la #LPPR qui s’emploie à démanteler la recherche par une politique du court terme.

      Ce qui est inquiétant, c’est que vous reprenez la #rhétorique d’#extrême_droite, relayée par des médias comme Le Point qui a cru bon, par exemple, d’accoler mon nom à ceux d’#Eric_Zemmour et #Alain_Soral en tête de « ces idéologues qui poussent à la guerre civile » (sic). L’#anti-intellectualisme n’est-il pas au cœur du projet néofasciste aujourd’hui incarné par Jair Bolsonaro au Brésil et Donald Trump aux États-Unis ?

      C’est pourquoi vos propos contre des universitaires sont le révélateur de toute une #logique_politique. Votre refus d’un #savoir_critique participe en effet d’un double #déni. D’une part, vous voulez empêcher que l’on nomme les #violences_policières. Le 7 mars 2019, en pleine crise des gilets jaunes, vous déclariez ainsi : « Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. » Pour vous, ce qui est intolérable, ce ne sont pas ces morts, ces yeux crevés, ces mutilations ; c’est le fait de les nommer. D’autre part, vous prétendez être « aveugle à la race », alors que vous l’êtes seulement au #racisme (pour reprendre le titre de mon texte de 2006 dans l’ouvrage que j’ai co-dirigé : De la question sociale à la question raciale ?). Dans un cas comme dans l’autre, vous rejetez le mot pour ne pas reconnaître la chose.

      Or il se trouve qu’aujourd’hui, en France, les racistes évitent le plus souvent de parler « des races » (au pluriel) : blanche, noire, juive… À Marion Maréchal, qui « refuse de s’excuser en tant que blanche » (oubliant que ce sont d’abord des Noirs, et non des Blancs, qui ont mis un genou à terre), Marine Le Pen peut ainsi faire la leçon en se drapant dans une rhétorique universaliste : « Se mettre sur un plan racial, c’est tomber dans un double piège. Celui des indigénistes, des racialistes, alors qu’il faut rester sur un plan républicain. C’est aussi tomber dans le piège de l’américanisation, alors que rien ne se construit, en France, en fonction de communautés. » Désormais, ce sont des antiracistes, universitaires ou militants, qui parlent de « la race » (au singulier), pour rendre visible le mécanisme social d’assignation à une place inférieure.

      Votre double déni est aujourd’hui poussé à l’absurde : la #racialisation de la « #question_sociale », elle résulte des #discriminations_raciales, et d’autant plus qu’elles sont cautionnées, voire encouragées par les pouvoirs publics. À défaut de lire les travaux des universitaires, écoutez au moins le Défenseur des droits, dont l’enquête a établi que le risque de contrôle policier est 20 fois plus élevé pour les jeunes hommes arabes ou noirs. Et vous ne pouvez pas ignorer non plus une autre institution de la République : la #justice. En 2015, lorsque la cour d’appel, confirmant la réalité des #contrôles_au_faciès, a condamné la France pour « faute lourde », en vue de se pourvoir en cassation, l’État a dû les justifier : arrêter des étrangers supposerait de contrôler des gens qui… ont l’air étranger. Autrement dit, pour l’État, il y a des Français qui en ont l’apparence, d’autres non. La condamnation définitive date de 2016 : depuis votre élection en 2017, qu’avez-vous fait contre les contrôles au faciès ? Sans parler des sanctions, où sont les récépissés ? En laissant faire, vous encouragez. Vous êtes responsable de ces discriminations, et donc de la racialisation de la société.

      Ce choix de l’#aveuglement dessine une politique visant à faire passer à marche forcée vos réformes néolibérales. En premier lieu, vous jouez sur la peur des électeurs, et surtout des plus âgés, qu’il s’agisse d’immigration ou d’ordre public : avec cette politique qu’on peut dire « insécuritaire », tant elle produit le sentiment d’#insécurité qu’elle prétend combattre, vous faites concurrence à l’extrême droite ; mais c’est elle qui en récoltera les bénéfices, et non vous qui prétendez faire barrage contre elle. Deuxièmement, avec la #répression brutale contre les #mouvements_sociaux, vous tentez d’instiller la #peur ; décourager ainsi de manifester, c’est une #politique_d’intimidation.

      Ce #régime_de_la_peur, il dit d’abord votre peur. Monsieur le Président, vous avez peur de votre jeunesse. Celle-ci n’est pas gagnée par le cynisme désabusé des élites médiatico-politiques, qui finissent par s’accommoder de tout et par accepter n’importe quoi ; elle est prête à se mobiliser pour des causes comme le racisme – quelle que soit sa couleur ou son origine. Mais au lieu d’entendre sa protestation contre la dérive anti-démocratique de votre régime, vous n’y voulez voir qu’un symptôme d’angoisse. Bref, vous tentez de la psychologiser pour mieux la dépolitiser.

      Et ce n’est pas tout. Monsieur le Président, vous avez peur de votre police. C’est que vous en avez besoin pour imposer votre politique. Tout le monde l’a bien compris lorsqu’à la veille des mobilisations contre la réforme des retraites, les forces de l’ordre ont obtenu d’être épargnées : elles conservent leur « régime spécial » pour mieux réprimer dans la rue l’opposition à un projet prétendument universel. Votre peur est incarnée par le ministre de l’Intérieur qui recule à chaque fois que les syndicats de policiers élèvent le ton. Le contraste avec la campagne médiatique lancée par le ministre de l’Éducation contre les professeurs « décrocheurs » est frappante : Christophe Castaner est le ministre des policiers ; à l’évidence, Jean-Michel Blanquer n’est pas celui des enseignants.

      Or les idées d’extrême droite sont aujourd’hui majoritaires parmi les forces de l’ordre. Pour se faire entendre, des policiers n’hésitent pas à participer à des manifestations illégales. Si celles-ci se multiplient, c’est qu’elles ne sont jamais sanctionnées ; sont-elles même interdites ? Ils se sentent en position de force – quitte à endosser la posture de victimes. La ministre de la Justice elle-même s’abstient de condamner des consignes syndicales contraires à la loi : « Non, c’est pas légal ; mais la question n’est pas celle-là ! », s’agace Nicole Belloubet. Au contraire, elle réaffirme avoir « parfaitement confiance dans la #police_républicaine ». Autrement dit, la police est au-dessus des lois. On ne saurait être plus clair. Vous avez peur de la jeunesse, et vous la réprimez ; vous avez peur de la police, et vous capitulez. Votre régime de la peur fait peur pour la #démocratie ; c’est un régime inquiétant.

      Monsieur le Président, dans quelques heures, vous allez prendre la parole ; sans doute aborderez-vous ces questions. Pour ma part, je ne perdrai pourtant pas mon temps à vous écouter. En effet, ce qui m’importe, ce ne sont pas vos discours ; ce sont vos actes. Vous serez jugé sur les choses, et non sur les mots, tant par les électeurs que par l’Histoire. Prenez garde : à force d’acclimater politiquement ses idées et ses pratiques, sous prétexte d’y résister, vous pourriez bien rester comme le fourrier du #néofascisme.

      #Macron #peur #régime_de_la_peur #université #Didier_Fassin #intersectionnalité #culpabilité #France #ethnicisation #tribune #responsabilité

      –-

      voir aussi :
      https://seenthis.net/messages/860428

  • Pourquoi les gilets jaunes n’ont-ils pas vu la couleur des quartiers ?
    http://www.regards.fr/politique/article/pourquoi-les-gilets-jaunes-n-ont-ils-pas-vu-la-couleur-des-quartiers

    Inégalités territoriales et sociales, violences policières… Malgré des combats partagés, la convergence entre le mouvement des « gilets jaunes » et les mobilisations des banlieues populaires n’a pas eu lieu. Nos trois invités, impliqués dans ces luttes, discutent de l’isolement politique des « quartiers ». Entretien avec Assa Traoré, porte-parole du comité Vérité et justice pour Adama, Marie-Hélène Bacqué, qui participé à la création de la coordination nationale des quartiers populaires Pas sans nous, et Azzédine Taïbi, maire communiste de Stains et conseiller départemental de Seine-Saint-Denis. Source : Regards

  • TRIBUNE. Partout, le feu - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/tribune-partout-le-feu

    C’est que la perception sociale de la production et de la perpétuation de la violence raciale par la police est différenciée selon le territoire national. La question raciale, c’est toujours l’ailleurs : les États-Unis, l’Afrique du Sud ou le Brésil. Scruter les plaies américaines permet aux élites françaises de tenir celles de l’autre rive pour révolues, sinon sans matière. Une longue-vue offre à la conscience plus d’aise qu’un miroir – fût-il de poche. La dénégation des violences racistes en France plonge pourtant ses racines dans la conception historique, juridique et politique d’une République qui ne connaîtrait et reconnaîtrait que des citoyens et serait, par là même, aveugle à l’origine des individus – condition et promesse d’un véritable traitement égalitaire. Mais cet universalisme de papier a façonné des Hommes et d’autres qui l’étaient moins : en son nom, les détenteurs du capital ont volontiers légitimé l’entreprise coloniale à l’extérieur des frontières nationales, et, à l’intérieur de ces dernières, contribué à maintenir les femmes et les strates sociales qu’ils dominaient dans une forme de semi-citoyenneté. L’organisation politique républicaine – exaltée avec autant d’ardeur que l’on aime à accabler le « modèle communautariste américain » – n’est, en réalité, pas dissociable des perceptions racialisées des groupes sociaux. L’idée selon laquelle certains ou certaines seraient des êtres plus universels que d’autres, dès lors plus légitimes à vivre, respirer, fauter ou parvenir à leurs objectifs, produit des inégalités que la catégorie « sociale » n’épuise pas : des inégalités raciales de traitement scolaire, médical, professionnel, judiciaire, administratif et policier. Ainsi, en France, « selon les sites d’observation, les Noirs couraient entre 3,3 et 11, 5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés […]. Les Arabes ont été généralement plus de 7 fois plus susceptibles d’être contrôlés ; globalement ils couraient quant à eux entre 1,8 et 14, 8 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés par la police (ou la douane) sur les sites retenus. » [2]

    Pourtant, il ne saurait être de « racisme structurel » qu’américain…

    • Le texte de l’appel :

      Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans faux-semblant : gigantesque et brutale. Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits.

      Nous n’avons plus peur des mots pour désigner la réalité de ce qui opprime nos sociétés. Pendant des décennies, « capitalisme » était devenu un mot tabou, renvoyé à une injonction sans alternative, aussi évident que l’air respiré – un air lui-même de plus en plus infecté. Nous mesurons désormais que le capitalocène est bien une ère, destructrice et mortifère, une ère d’atteintes mortelles faites à la Terre et au vivant. L’enjeu ne se loge pas seulement dans un néolibéralisme qu’il faudrait combattre tout en revenant à un capitalisme plus « acceptable », « vert », « social » ou « réformé ». Féroce, le capitalisme ne peut pas être maîtrisé, amendé ou bonifié. Tel un vampire ou un trou noir, il peut tout aspirer. Il n’a pas de morale ; il ne connaît que l’égoïsme et l’autorité ; il n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. Se fédérer, c’est répondre à cette logique par le collectif, en faire la démonstration par le nombre et assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis.

      Mais nous ne sommes pas seulement, et pas d’abord, des « anti ». Si nous n’avons pas de projet clé en mains, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à théoriser, penser mais aussi pratiquer des alternatives crédibles et tangibles pour des vies humaines. Nous avons besoin de les mettre en commun. C’est là d’ailleurs ce qui unit ces expériences et ces espérances : les biens communs fondés non sur la possession mais sur l’usage, la justice sociale et l’égale dignité. Les communs sont des ressources et des biens, des actions collectives et des formes de vie. Ils permettent d’aspirer à une vie bonne, en changeant les critères de référence : non plus le marché mais le partage, non plus la concurrence mais la solidarité, non plus la compétition mais le commun. Ces propositions sont solides. Elles offrent de concevoir un monde différent, débarrassé de la course au profit, du temps rentable et des rapports marchands. Il est plus que jamais nécessaire et précieux de les partager, les discuter et les diffuser.

      Nous savons encore que cela ne suffira pas : nous avons conscience que la puissance du capital ne laissera jamais s’organiser paisiblement une force collective qui lui est contraire. Nous connaissons la nécessité de l’affrontement. Il est d’autant plus impérieux de nous organiser, de tisser des liens et des solidarités tout aussi bien locales qu’internationales, et de faire de l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif, une patiente et tenace collecte de forces. Cela suppose de populariser toutes les formes de démocratie vraie : brigades de solidarité telles qu’elles se sont multipliées dans les quartiers populaires, assemblées, coopératives intégrales, comités d’action et de décision sur nos lieux de travail et de vie, zones à défendre, communes libres et communaux, communautés critiques, socialisation des moyens de production, des services et des biens… Aujourd’hui les personnels soignants appellent à un mouvement populaire. La perspective est aussi puissante qu’élémentaire : celles et ceux qui travaillent quotidiennement à soigner sont les mieux à même d’établir, avec les collectifs d’usagers et les malades, les besoins quant à la santé publique, sans les managers et experts autoproclamés. L’idée est généralisable. Nous avons légitimité et capacité à décider de nos vies – à décider de ce dont nous avons besoin : l’auto-organisation comme manière de prendre nos affaires en mains. Et la fédération comme contre-pouvoir.

      Nous n’avons pas le fétichisme du passé. Mais nous nous souvenons de ce qu’étaient les Fédérés, celles et ceux qui ont voulu, vraiment, changer la vie, lui donner sens et force sous la Commune de Paris. Leurs mouvements, leurs cultures, leurs convictions étaient divers, républicains, marxistes, libertaires et parfois tout cela à la fois. Mais leur courage était le même – et leur « salut commun ». Comme elles et comme eux, nous avons des divergences. Mais comme elles et comme eux, face à l’urgence et à sa gravité, nous pouvons les dépasser, ne pas reconduire d’éternels clivages et faire commune. Une coopérative d’élaborations, d’initiatives et d’actions donnerait plus de puissance à nos pratiques mises en partage. Coordination informelle ou force structurée ? Ce sera à nous d’en décider. Face au discours dominant, aussi insidieux que tentaculaire, nous avons besoin de nous allier, sinon pour le faire taire, du moins pour le contrer. Besoin de nous fédérer pour mettre en pratique une alternative concrète et qui donne à espérer.

      Dès que nous aurons rassemblé de premières forces, nous organiserons une rencontre dont nous déciderons évidemment ensemble les modalités.

      #le_monde_d'après #convergence #résistance #convergence_des_luttes #se_fédérer #détresse #impuissance #diffraction #guerre_sociale #inégalités #capitalisme #capitalocène #néolibéralisme #égoïsme #autorité #profit #productivisme #collectif #alternative #alternatives #bien_commun #commun #commons #partage #solidarité #marché #concurrence #compétition #rapports_marchands #affrontement #auto-organisation #autonomie #démocratie #brigades_de_solidarité #mouvement_populaire #fédération #contre-pouvoir #alternative

  • Thierry Robert : « Nous arrivons à la fin des stocks alimentaires en Seine-Saint-Denis » - regards.fr
    http://www.regards.fr/la-midinale/article/thierry-robert-nous-arrivons-a-la-fin-des-stocks-alimentaires-en-seine-saint

    Pendant la période du confinement, on a accueilli des gens qui n’étaient jamais venus frapper aux portes d’associations, comme le Secours populaire français. Sur les 1.270.000 personnes qui sont venus nous voir pendant ces deux mois, 45% sont des personnes que nous ne connaissions pas auparavant – qui n’avaient jamais sollicité aucune aide – et qui n’avaient jamais été identifiées comme des personnes vivant dans la pauvreté ou la précarité. Une partie de ces personnes ont basculé dans la pauvreté pendant le confinement et nous craignons que ça soit encore le cas aujourd’hui et dans les mois qui viennent. Avec les licenciements prévisibles des semaines à venir, on craint qu’une grande vague supplémentaire s’ajoute à celle déjà enregistrée avec des situations dramatiques pour de nombreuses familles en France et en Europe.

  • Geoffroy de Lagasnerie : « La police ne sert pas d’abord à appliquer la loi mais à éliminer des groupes sociaux » - regards.fr
    http://www.regards.fr/la-midinale/article/geoffroy-de-lagasnerie-la-police-ne-sert-pas-d-abord-a-appliquer-la-loi-mais

    Annotations :

    « Dans les quartiers populaires, la question de la vie, du rapport au dehors, à l’espace public, à la masculinité, d’avoir peur d’être tué en sortant de chez soi (il y a quand même un garçon noir ou arabe qui est tué par mois par la police en France) conduit à une production de subjectivité dont le rapport à soi est structuré par la question du rapport à la police. » « L’un des agents qui est responsable de la déscolarisation notamment des jeunes garçons des quartiers populaires noirs ou arabes, c’est la police qui va les cibler pour des petits délits que les Blancs aussi commettent. Ils vont rentrer dans l’appareil pénal, ce qui va les exclure de l’appareil scolaire. » « (...)

    #.entretien #.vidéo #:Geoffroy_de_Lagasnerie #polices #racisme #Banlieues #violence #Etat #Etat_policier #Justice

  • « La police ne sert pas d’abord à appliquer la loi mais à éliminer des groupes sociaux »
    https://www.youtube.com/watch?v=4YZo8Vl9QTA

    Son livre, “Le combat Adama”, co-écrit avec la militante Assa Traoré, sort aujourd’hui aux ⁦éditions Stock⁩. Ordre policier, violences policières, contrôle aux faciès, discrimination : le sociologue et philosophe ⁦Geoffroy de Lagasnerie⁩ est l’invité de la Midinale.

    http://www.regards.fr

    VERBATIM

    Sur ces institutions qui excluent les Noirs et les Arabes des quartiers populaires
    « Je ne suis pas “pas concerné” par la police mais je le suis positivement, c’est ce qui me permet d’avoir les choses dont je bénéficie. »
    « En France, 65% des prisonniers sont noirs et arabes – et c’est plus qu’aux Etats-Unis. »
    « Le fait que des individus comme moi aient pu réussir scolairement est préconditionné par le fait que d’autres aient été exclus du système scolaire par l’intermédiaire de la police. »
    « Plusieurs institutions comme l’école, la police, fonctionnent ensemble pour aboutir à l’élimination de certains jeunes, notamment noirs et arabes. »

    Sur le rôle de la police dans un Etat de droit
    « Très souvent, on a l’impression que l’Etat de droit dans lequel nous vivrions aurait aboli l’arbitraire. »
    « La loi transfère l’arbitraire du souverain à la police : la police aujourd’hui a un pouvoir arbitraire sur nos vies. »
    « Aujourd’hui, la frontière entre Etat policier et Etat de droit est beaucoup plus flou que ce dont on a l’impression. »
    « Il y a une différence énorme entre la manière dont on se représente l’activité de la police et la réalité. »
    « Toutes les statistiques sur le contrôle d’identité, sur la patrouille montrent qu’il n’y a aucun rapport entre la diminution de la délinquance et l’activité de la police ordinaire. »
    « La police produit plus d’illégalismes qu’elle ne les constate. »
    « Si tu mets autant de policiers en Seine-Saint-Denis que dans les grandes banques de la Défense, tu vas aboutir à une sélection d’illégalismes très différente, des gens différents en prison et du coup, un ordre social très différent. »
    « La loi est un donné et les illégalismes étant infinis, la police sélectionne les types de délit qu’elle veut maximiser pour abattre des groupes sociaux. Et aujourd’hui, parmi eux, il y a les jeunes garçons des quartiers populaires. »

    Sur le rôle de l’intellectuel par rapport à la critique du système
    « Très souvent, ce qui nous est présenté comme critique, c’est la manière dont un système est en train de se régénérer. »
    « Le rôle de l’intellectuel, c’est d’interrompre les catégories spontanées pour nous permettre de prendre un peu de distance par rapport au langage qui parfois nous emprisonne. »

    Sur les violences policières
    « La police a le monopole des outils violents : elle a le doit de taper, de mutiler, de tirer, d’attraper, d’ouvrir de force… »
    « Soit on dit qu’il n’y a pas de violences policières parce qu’on dit police = violences, soit on dit qu’il n’y a que des violences policières. »
    « Par exemple, dans le cas de l’agression de Théo, s’il n’y avait pas eu de perforation de l’anus, on n’aurait pas dit qu’il y avait violences alors que toute la scène est violente. »
    « Je préfère substituer à la catégorie de violences policières, celle d’ordre policier, c’est-à-dire que la police est par essence violente et c’est en général qu’il faut remettre ça en question. »

    Sur le travail de David Dufresne avec Allo Place Beauvau
    « Même si le travail de David Dufresne est admirable parce qu’il a permis de montrer les stratégies politiques de terroriser les manifestants pour les faire rentrer chez eux, l’enthousiasme qu’il y a eu autour de son travail dans les journaux mainstream m’inquiète. »
    « D’une certaine manière, le travail de David Dufresne est un peu complice de l’ordre policier. »
    « Pour moi, montrer la seule présence d’un flic dans une manifestation, j’appellerai ça Allo Place Beauvau. »
    « Il est très difficile de dire que la police est illégale parce qu’elle est dans un situation où elle est créatrice de lois : elle fonde la légalité de son action par la ratification de la hiérarchie, l’IGPN, les juges et les politiques. »
    « Un Etat où la police crée la loi, c’est ce qu’on appelle un Etat policier. »
    « Aujourd’hui, on n’a pas réussi à concilier idée de police et enjeux démocratiques. »

    Sur le contrôle au faciès et la logique de discrimination
    « Un Noir ou un Arabe a 80% de chance d’être contrôlé par la police sur une année alors que c’est entre 15 et 16% pour un Blanc. »
    « Si on dit qu’un contrôle au faciès, c’est de la discrimination, on produit un mode de critique qui est désarmé si la pratique est égalitaire. C’est-à-dire que si les Blancs et les Noirs étaient contrôlés pareillement, on n’aurait plus rien à dire. »
    « Avec la logique de discrimination, on n’est pas en train de critiquer le contrôle d’identité mais seulement l’application différenciée par les forces de police. »

  • Pourquoi les corps subalternes sont-ils toujours déshumanisés ? - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/pourquoi-les-corps-subalternes-sont-ils-toujours-deshumanises

    Autrement dit, puisque les corps des Africain.e.s et des « prostituées » semblent voués à être exposés à un danger certain, autant les mobiliser d’une manière qui soit utile à d’autres corps, plus précieux. Pas une seule fois, l’idée de la sollicitation d’un consentement de la part des propriétaires de ces corps réduits à des supports expérimentaux, n’émerge durant cette conversation.

    Si ces propos ont suscité une large vague de condamnations, totalement justifiées, c’est parce qu’ils font écho à une déconsidération historique des corps subalternes.

    Depuis le début de l’épidémie, l’on entend régulièrement des commentaires inquiets quant à la catastrophe que pourrait constituer l’épidémie du coronavirus si elle s’amplifiait sur le sol africain dans les proportions de ce qui se produit en Chine, en Europe ou aux États-Unis. En effet, les structures hospitalières des 54 pays du continent ne seraient probablement pas en mesure de prendre en charge l’intégralité des patients, faute de moyens suffisants. Toutefois, ces anticipations inquiétantes et catastrophistes semblent aussi traduire un étonnement malsain – peut-être inconscient – quant au caractère inéluctable du destin tragique, forcément, d’un continent qui ne pouvait pas être épargné. Comme s’il était inconcevable qu’il ne soit pas effroyablement touché. Les précédentes décennies ont malheureusement fait de l’Afrique le théâtre d’un nombre affolant de malheurs et de tragédies, si bien que l’on semble désormais habitué à voir ses habitant.e.s en proie aux plus atroces souffrances. Les famines d’enfants, les guerres ou génocides, les pandémies, naufrages de réfugié.e.s et autres catastrophes ont fini par être inconsciemment associées au continent africain, comme s’il s’agissait d’une sorte de malédiction intrinsèque à ce territoire. Qu’une épidémie puisse frapper le monde, sans que l’Afrique ne prenne sa part, parait donc invraisemblable tant la souffrance des Africain.e.s est devenue une évidence.

  • Contre la résilience - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/contre-la-resilience

    Dans une tribune du Monde, la philosophe Eva Illouz mettait déjà en garde en 2016 contre les « usages idéologiques » de l’idéal de la résilience, qui « prive de légitimité les sentiments négatifs, pourtant inévitables et même nécessaires » dans les situations objectivement injustes et révoltantes. « Nos sociétés imposent au moi un devoir de performance psychologique où la psyché doit se montrer plus forte que les structures sociales, parfois écrasantes. »

    Macron ne s’y trompe pas. En baptisant son opération militaire « Résilience », le président signale qu’il ne s’attaquera surtout pas aux causes structurelles de l’épidémie : la destruction des habitats naturels et de la biodiversité qui favorisent la transmission du virus entre espèces, la mondialisation qui accélère la diffusion planétaire de l’épidémie, la démolition de la recherche publique scientifique qui nous prive de connaissances scientifiques sur les coronavirus et la dislocation de l’hôpital public qui complique le traitement des malades. Il n’est pas question, donc, de changer de système pour empêcher de futures épidémies, mais de sauver le système actuel et de tenter de survivre à la prochaine épidémie.