アレクセイ・ゲルマン監督『神々のたそがれ』予告編 - YouTube

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  • C’est reparti dès ce soir au Cinéma Nova pour de nouvelles projections du viscéral film posthume du maître russe Alexei Guerman.
    Cette expérience radicale d’un univers médiéval plongé dans la boue et le sang coagulé sera projetée ce jeudi à 20h, samedi à 20h également et dimanche à 18h avant la première projection au Cinéma Nova de la première adaptation du livre « Hard To Be a God », « Es ist nicht leicht ein Gott su zein » réalisée par Peter Fleischmann.

    Plus d’info : http://www.nova-cinema.org/spip.php?page=seances

    En bonus : le trailer made in Japan !

    https://www.youtube.com/watch?v=fvcI8TFCifg

    • Souvenir d’un rêve

      Adapté d’un roman des frères Strougatski paru en 1964, Il est difficile d’être un dieu est un film de science-fiction hors norme. Loin des thèmes classiques de l’anticipation, il propose en effet une plongée dans un univers moyenâgeux, mais situé sur Arkanar, une planète semblable à la Terre. Dans un futur indéterminé, les historiens pratiquent en effet l’observation directe du devenir des civilisations in situ. Ils peuvent ainsi se faire une idée précise de l’enchaînement des différents stades historiques selon une vision empreinte de « matérialisme dialectique ». Parmi les membres d’une équipe scientifique envoyée sur Arkanar, Rumata endosse le rôle d’un noble quasi divinisé par la populace. Alors qu’il doit s’abstenir de toute intervention sur le cours des événements, comme le lui commandent ses pairs, il va cependant finir par mener une révolte contre les autorités locales qui veulent étouffer un mouvement naissant d’émancipation et perpétuer ainsi leur régime féodal.
      Au-delà du fait que l’action du film se déroule dans ce contexte peu propice au déploiement spectaculaire d’effets spéciaux propres au genre « science-fiction », son coté hors norme se situe principalement dans sa réalisation. Celle-ci adopte en effet un formalisme radical avec le choix du noir et blanc, une narration parfois elliptique, parfois engluée, des décors fangeux et suintants, des plans-séquences où se côtoient différentes échelles et souvent saturés de personnages tout droit sortis d’un tableau de Jérôme Bosch, notamment dans les scènes d’intérieur. Un autre aspect hors norme de la réalisation est la durée qu’Alexei Guerman y a consacrée, pratiquement treize années de tournage et et de montage entrecoupée par de nombreuses tergiversations. Cependant, la conception de ce film était suffisamment solide pour que le décès du réalisateur n’empêche pas son aboutissement. Il s’agit en quelque sorte d’un film d’un autre temps : a la fois régi par des principes d’une autre époque et travaillé par une temporalité déconcertante.
      Guerman justifie notamment son choix du noir et blanc par le fait que « les souvenirs n’ont pas de couleur ». Si son film se présente comme une remémoration, cela ne peut être que le souvenir d’un rêve. Tous ses choix formels concourent en effet à donner à chacune de ses images la consistance des rêves, où l’impromptu et le nécessaire semblent paradoxalement inextricables. Avec ce parti pris, Guerman offre implicitement un point de vue critique sur les approches « mécanistes » de l’Histoire, qu’elles soient progressistes ou réactionnaires. Dans le mouvement historique comme dans le rêve, ce sont des contradictions complexes qui se combinent. Parmi toutes les instances en jeu, l’une peut finir par prendre la pas sur les autres, mais le sens n’est pas donné par un principe unique a priori, quand bien même serait-il dialectique. Ni contingente, ni mécanique, la lecture raisonnée de l’Histoire ne peut se faire qu’à rebours et certainement pas comme prospective utilitariste.

      (Paru dans Les Lettres françaises de mars 2015)