De l’incongruité des pratiques agricoles et alimentaires du XXIe siècle

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  • Idée n°126 : comprendre Xylella

    https://1000ideespourlacorse.wordpress.com/2015/05/31/idee-n126-comprendre-xylella

    Xylella fastidiosa, c’est un problème. Un gros problème (je rappelle pour ceux qui étaient sur Mars ces derniers mois que Xylella est une bactérie pathogène particulièrement retorse, qui s’attaque à pas mal de végétaux, cultivés et sauvages, et qui menace d’arriver bientôt en Corse, vu qu’elle fait des ravages dans le sud de l’Italie). José Bové l’a dit, c’est l’équivalent de la peste. Et si José Bové l’a dit, c’est que c’est vrai. Mais c’est un peu court, je trouve. [...]

    Parce que le plus extraordinaire, c’est que toutes ces pestes sont là pour une bonne raison. Et par « bonne », j’entends bien « positive ». Dans un écosystème dégradé, déséquilibré, affaibli, la seule façon pour cet écosystème de s’en tirer, c’est de réduire sa biomasse globale et de modifier l’équilibre des espèces. Plus assez de nutriments, plus assez de vie biologique, l’écosystème doit éliminer une partie de ses populations pour retrouver un équilibre, et aussi modifier sa génétique générale. Les « pestes » servent à accélérer le mouvement de l’évolution génétique, à éliminer les individus les plus faibles et les moins adaptés (et de ce fait, par leur mort et leur décomposition, relancer les processus biologiques : une nouvelle biodiversité se mettra en place, et de nouveaux cycles pourront se succéder), et font partie de la résilience du système et de son évolution.

    Évidemment, pour les individus sacrifiés, pour ceux qui subissent la peste, et pour nous qui faisons face à un risque terrible de destruction de notre patrimoine agricole, ce n’est pas d’un grand réconfort de savoir que les bactéries sont là pour réparer nos erreurs. Les millions de morts de la peste noire n’auraient sans doute pas été très réconfortés de savoir que l’épidémie était en train de rétablir l’équilibre population européenne/production agricole, et qu’un siècle plus tard démarrerait la renaissance. De même pour nous, si Xylella ou d’autres pestes détruisaient l’essentiel de nos espèces végétales, nous nous moquerions un peu de savoir que les écosystèmes sont capables de retrouver leurs équilibres en quelques siècles.

    Réflexion intéressante, même si on peut ne pas partager l’optimisme qui consiste à croire que les « bactéries sont là pour réparer nos erreurs », etc.

    #écologie, #Xylella_fastidiosa,

    • Revenons-en à notre époque, si semblable au 14ème siècle. Nous avons vécu quelques siècles d’expansion formidable. Expansion due largement à ses débuts à la qualité des systèmes agricoles européens. Nous le savons fort mal, mais ce qui a caractérisé l’agriculture européenne, depuis le 17ème siècle au sud, un peu plus tard au nord, ce sont des systèmes agricoles inédits, agro-sylvo-pastoraux, système d’arboriculture méditerranéen au sud et en montagne, système bocager au nord et en plaine, pour faire simple encore une fois.

      Ce qui caractérisait fondamentalement ces systèmes, c’était l’équilibre entre 3 types principaux de cultures : les arbres et plantes vivaces, les cultures annuelles et l’élevage. Un équilibre capable de maintenir la fertilité des sols, et même de l’améliorer progressivement (aidé en montagne par des réseaux extraordinaires de murs de pierre sèche, par exemple), tout en conservant des écosystèmes complexes, à la biodiversité maximale, comprenant l’ensemble des règnes du vivant (bactéries, champignons, plantes, animaux…), et au sein de ces règnes eux-mêmes la plus grande diversité possible, dans les mêmes espaces. Un équilibre qui évitait toute pandémie, sauf sur les grandes monocultures : phylloxera sur la vigne, mildiou sur la pomme de terre en Irlande.

      Mais le milieu du 20ème siècle est arrivé, et ces systèmes ont été démantelés. Remembrement, ou déprise agricole, c’est selon, monoculture généralisée, utilisation massive de pesticides, d’engrais de synthèse, incendies… Avec pour principal résultat la rupture de ces équilibres. Le principe de l’agriculture conventionnelle étant de laisser le moins possible de biodiversité dans le champ, et dans les régions de production, qui se spécialisent. Le problème, c’est que quand on tente d’éradiquer insectes, champignons et bactéries, il finit toujours par y en avoir un plus malin que les autres, qui mute et devient résistant à tous les pesticides connus. Et là, celui-ci se multiplie. Et comme il trouve un terrain vierge (toutes les autres espèces qui pouvaient occuper le terrain ont été éradiquées ou très affaiblies), la voie est libre pour lui.

      Si la mondialisation l’aide à se déplacer, notre peste n’en est que plus rapide à se diffuser, mais sa virulence est bien due au fait qu’elle trouve, comme Yersinia pestis au moyen âge, le champ libre à son explosion. Des organismes affaiblis pour les pestes antiques, des écosystèmes affaiblis pour les pestes modernes.

      En Méditerranée, d’immenses écosystèmes ont souffert, depuis un siècle, d’incendies, d’abandon, puis de reprise agricole partielle, mais avec des moyens modernes souvent brutaux : labours profonds, surpâturage, irrigation abusive, engrais, pesticides, destruction systématique de la biomasse surnuméraire… Les murs de soutènement qui retenaient les sols se sont effondrés, des haies ont été supprimées… Le climat a un peu changé sur le bassin, mais il a beaucoup changé localement, là où la couverture végétale a été largement modifiée. On pompe de l’eau dans toutes les nappes. Bref, les écosystèmes, aussi bien naturels que cultivés, ont été soumis à rude épreuve. Ce qui est surprenant, ce n’est pas qu’il arrive aujourd’hui toutes sortes de problème. Ce qui serait surprenant, c’est qu’il n’en arrive pas. Ce serait surprenant, et pour tout dire dommage.

    • Face à Xylella, il faut donc sans doute fermer les ports et stériliser les zones touchées. Sans doute faut-il le faire, pour éviter Xylella en Corse, et la ruine des régions agricoles déjà touchées. Pour gagner du temps, aussi. Mais si nous nous arrêtons là, si par ailleurs nous ne travaillons pas à rééquilibrer nos écosystèmes, si nous ne travaillons pas à comprendre pourquoi Xylella (et le Cynips, et Tuta absoluta, et le charançon rouge, et les abeilles qui meurent, et tout le reste), alors ce temps gagné ne servira à rien, et nous n’en aurons pas fini de voir la liste des « pestes » s’allonger. Nous devons quitter le moyen âge dans notre gestion des #écosystèmes, comme nous l’avons fait dans la gestion des populations humaines.

      C’est là un enjeu de Xylella qui va bien au-delà de savoir si oui ou non elle arrivera chez nous . Si Xylella arrive à nous faire comprendre ça, alors ce sera finalement la meilleure chose qui soit arrivée ces derniers temps. Sinon, l’empêcher d’arriver ne fera que retarder la catastrophe.

    • L’impact social de la peste du milieu du XIVe siècle en Europe, c’est aussi, du fait du délitement des liens par réduction massive de la population, la montée en puissance d’un appareil militaire s’appuyant sur la soldatesque (qui perçoit une solde, en argent sonnant et trébuchant, plutôt qu’une part en nature, même extorquée par la force ou la ruse)

      En fait d’adaptation, (y avait-il d’ailleurs une telle « nécessité » de s’adapter pour la société européenne : autrement dit son évolution ne pouvait-elle venir que d’un facteur externe contingent devant assurer le « déblocage » d’une situation où la reproduction de la synthèse sociale n’était irrémédiablement plus assurée sur ces bases propres ?). En fait d’adaptation donc, une des conséquences de la peste, c’est un renversement qui fait la part belle à des éléments jusque là subalterne dans la vie quotidienne : l’appareil militaire et l’abstraction monétaire.

    • son évolution ne pouvait-elle venir que d’un facteur externe contingent devant assurer le « déblocage » d’une situation où la reproduction de la synthèse sociale n’était irrémédiablement plus assurée sur ces bases propres ?

      C’est vrai que la question se pose. Quand Fabien dit :

      Dans un écosystème dégradé, déséquilibré, affaibli, la seule façon pour cet écosystème de s’en tirer, c’est de réduire sa biomasse globale et de modifier l’équilibre des espèces. Plus assez de nutriments, plus assez de vie biologique, l’écosystème doit éliminer une partie de ses populations pour retrouver un équilibre, et aussi modifier sa génétique générale.

      Je suis pas d’accord avec le fait que ce soit la seule façon. Dans un agrosystème en tout cas on peut augmenter la biomasse (notamment le carbone du sol là où l’humus est très dégradé) et augmenter la biodiversité, en limitant dans le même temps l’érosion physique et les pertes d’eau utile.
      C’est d’ailleurs ce qu’il dit à la fin de l’article.

    • Comme @rastapopoulos : très étrange façon de présenter les choses. Le système est doué de raison, de la capacité d’anticiper, etc. Un peu comme si dans le système proie/prédateur dont on discutait il y a peu, les proies « décidaient » de se laisser manger « pour » faire baisser le nombre de prédateurs…
      A priori, la disparition/destruction d’espèces dégage des niches écologiques pour d’autres.

      … ce n’est pas par hasard.

      #téléologie

    • à propos de la soldatesque dont parlait @ktche
      http://seenthis.net/messages/184058

      pour nourrir une armée, il faut que les #soldats puissent acheter avec des pièces de la boustifaille sur des marchés ; pour cela, il faut créer des marchés – où les soldats pourront acheter des poules, des fruits, des légumes ; ce que font les conquérants en exigeant que les #taxes soient payées en pièces métalliques. L’or et l’argent étant acquis par la guerre, extraits des mines par des esclaves et distribués aux soldats ;
      pour obtenir ces pièces et payer les taxes, les peuples « occupés » sont donc forcés de vendre leurs poules, fruits et légumes aux #militaires ; bingo.

  • Le burger-éprouvette passe de 250 000 à 10 € en deux ans | Mr Mondialisation
    https://mrmondialisation.org/le-burger-eprouvette-passe-de-250-000-a-10e-en-deux-ans

    En 2013, la première dégustation de burger fabriqué en laboratoire avait lieu à Londres. L’occasion pour Mark Post, scientifique néerlandais et créateur du burger in vitro de faire valoir son projet. Mais le prix exorbitant du bout de viande, estimé à 250 000 € ne permettait pas d’imaginer une production de masse. Ce bémol de taille pourrait faire partie du passé, puisque l’on apprend aujourd’hui que le coût de production de ce que la presse Britannique surnomme le « Frankenburger » aurait drastiquement chuté pour désormais avoisiner les 10 €.

    c’est super appétissant comme vous pouvez le voir

    « Dans vingt ans, on pourra avoir dans nos supermarchés deux produits ayant exactement le même goût et la même apparence. L’un provenant de la vache qui comportera une écotaxe et impliquera que des animaux aient été tués. L’autre venant du labo sans que personne n’ait eu à souffrir et potentiellement moins cher. »

    Si les arguments avancés par Mark Post sont séduisants et nous permettent d’imaginer, à l’instar de l’association PETA, que cette nouvelle forme de production sonnerait à terme le glas des abattoirs et des élevages industrialisés, elle n’est pas sans poser quelques questions d’ordre éthiques.

    Outre le mythe de la protéine animale indispensable à la survie et la bonne condition physique qui se verront perpétués, l’exploitation d’animaux sensibles est une condition sine qua non pour le prélèvement de tissus musculaires indispensables aux laborantins. Mais quid quand le procédé sera adapté aux protéines végétales ? Faire pousser des salades en laboratoire sera-t-il moins éthique ? Pour Tara Garnett, directrice du département de recherche sur la nourriture à l’Université d’Oxford, le problème est tout autre :

    « On a 1,4 milliard de personnes sur la planète qui sont obèses ou en surpoids et en même temps 1 milliard qui se couchent avec le ventre vide. La solution n’est pas simplement de produire plus mais de changer notre système d’approvisionnement et le prix de la nourriture. »

    #malbouffe #viande_in_vitro #agriculture_cyborg #agro-industrie #zootechnie #système_technicien #administration_du_désastre #inégalités
    à mettre en perspective avec http://seenthis.net/messages/251701

  • We’re treating soil like dirt. It’s a fatal mistake, as our lives depend on it
    George Monbiot
    http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/mar/25/treating-soil-like-dirt-fatal-mistake-human-life

    It’s literally and – it seems – metaphorically, beneath us. To judge by its absence from the media, most journalists consider it unworthy of consideration. But all human life depends on it. We knew this long ago, but somehow it has been forgotten. As a Sanskrit text written in about 1500BC noted: “Upon this handful of soil our survival depends. Husband it and it will grow our food, our fuel and our shelter and surround us with beauty. Abuse it and the soil will collapse and die, taking humanity with it.”

    The issue hasn’t changed, but we have. Landowners around the world are now engaged in an orgy of soil destruction so intense that, according to the UN’s Food and Agriculture Organisation, the world on average has just 60 more years of growing crops. Even in Britain, which is spared the tropical downpours that so quickly strip exposed soil from the land, Farmers Weekly reports, we have “only 100 harvests left”.

    Landowners around the world are now engaged in an orgy of soil #destruction
    To keep up with global food demand, the UN estimates, 6m hectares (14.8m acres) of new farmland will be needed every year. Instead, 12m hectares a year are lost through soil degradation. We wreck it, then move on, trashing rainforests and other precious habitats as we go. Soil is an almost magical substance, a living system that transforms the materials it encounters, making them available to plants. That handful the Vedic master showed his disciples contains more micro-organisms than all the people who have ever lived on Earth. Yet we treat it like, well, dirt.

    #sol