Avec Thomas Piketty, pas de danger pour le capital au XXIe siècle, par Frédéric Lordon (avril 2015)
►http://www.monde-diplomatique.fr/2015/04/LORDON/52847
On peut bien répéter, avec constance et sur mille pages, que les #inégalités croissent quand r (le taux de profit) est supérieur à g (le taux de croissance), on n’a rien expliqué tant qu’on n’a pas donné les déterminants du taux de profit et du taux de croissance propres à chaque période. Or chacune a les siens, qui dépendent de l’agencement particulier de ses structures. Lequel est le produit de luttes politiques et, disons le mot, de luttes de classe. C’est parce que 1936 a préparé le terrain, parce que les élites libérales des années 1920-1930 ont été liquidées, parce que le patronat s’est couvert de honte dans la collaboration, parce que le Parti communiste français est à 25 % et parce que l’URSS tient les capitalistes en respect que le lendemain de la seconde guerre mondiale voit un impressionnant mouvement de synchronisation institutionnelle au terme duquel le rapport — de forces — capital/travail bascule en faveur (relative) du second terme : contrôle serré des capitaux, réduction à croupion de la Bourse, concurrence internationale hautement régulée, politique économique orientée vers la croissance et l’emploi, dévaluations régulières, voilà ce qui fait la croissance à 5 % et le capital ramené (de force) à un peu plus de décence.