L’hommage inédit de la France aux victimes des massacres de Sétif

#6ScxReyjp7zmjk4D.99

  • 70 ans après, l’hommage inédit de la France aux victimes des massacres de Sétif, Guelma et à Kheratta - Le Monde
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/04/20/l-hommage-inedit-de-la-france-aux-victimes-des-massacres-de-setif_4618948_82

    Un « geste fort et symbolique ». C’est ainsi que le secrétaire d’Etat aux anciens combattants et à la mémoire, Jean-Marc Todeschini, a qualifié son déplacement dans la ville algérienne de Sétif, dimanche 19 avril, à 300 km à l’est d’Alger. Cette visite est la première d’un représentant du gouvernement français pour commémorer, soixante-dix ans après, les massacres du 8 mai 1945, considérés comme le véritable premier acte de la guerre d’Algérie.
    Accueilli à l’aéroport de la ville par son homologue, Tayeb ­Zitouni, le ministre des moudjahidine, M. Todeschini a déposé une gerbe de fleurs devant le mausolée de Saal Bouzid, ce jeune scout tué le 8 mai 1945 pour avoir brandi un drapeau algérien. Ce jour-là, alors que la France fête la victoire contre le nazisme, l’histoire tourne au drame dans l’Est algérien, à Sétif mais aussi à Guelma et à Kheratta, où les manifestations sont réprimées dans le sang. En quelques semaines, des milliers d’Algériens – entre 10 000 et 45 000, selon les sources – seront tués, ainsi qu’une centaine d’Européens.

    « En me rendant à Sétif, je dis la reconnaissance par la France des souffrances endurées et rends hommage aux victimes algériennes et européennes de Sétif, de Guelma et de Kheratta » , a inscrit le secrétaire d’Etat dans le livre d’or du musée de la ville, appelant Français et Algériens, « au nom de la mémoire partagée par nos deux pays (…), à continuer d’avancer ensemble vers ce qui les réunit ».
    « Tragédie inexcusable »
    En 2005, l’ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, avait évoqué une « tragédie inexcusable ». En 2008, l’ambassadeur Bernard Bajolet avait pointé la « très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque dans ce déchaînement de folie meurtrière », ajoutant que « le temps de la dénégation est terminé ». Une reconnaissance formulée au plus haut niveau en décembre 2012 par François Hollande. Devant le Parlement algérien, le chef de l’Etat français avait dénoncé la colonisation, « un système profondément injuste et brutal », reconnu « les souffrances (…) infligées au peuple algérien », dont les massacres de Sétif. « Le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles », poursuivait le président.
    Soixante-dix ans après, et en dépit de ces « pas » vers une histoire commune, le travail de mémoire reste un exercice difficile . L’annonce du voyage de ­M. Todeschini a provoqué de nombreuses réactions ces dernières semaines. En France, l’Union nationale des combattants (UNC) avait exprimé sa « stupeur » face à une « provocation inacceptable ». L’association d’anciens combattants dénonce cette visite comme « une démarche supplémentaire de repentance » de la France.
    « Cette visite est la traduction des propos tenus par le président de la République en décembre 2012. (…) Le geste joint à la parole », a clarifié dimanche M. Todeschini, ajoutant : « Je ne suis pas dans un acte de repentance. »
    Afin de limiter les polémiques, aucun discours officiel n’a accompagné la cérémonie de Sétif . Le secrétaire d’Etat a également pris soin d’inscrire ce déplacement dans le cadre plus large d’un « voyage mémoriel ». « Aucune mémoire n’est oubliée », a fait valoir M. Todeschini, qui s’est aussi rendu au cimetière marin de Mers el-Kébir, où 1 300 marins français furent tués dans une attaque britannique en juillet 1940, ainsi qu’au cimetière militaire du Petit Lac, à Oran, en présence d’une dizaine d’anciens combattants algériens.