Nucléaire : l’EPR, ou la folle histoire d’un acharnement

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    Il devait être le joyau de la filière nucléaire française : l’EPR de Flamanville n’a jamais été si proche du crash, après l’alerte récente de l’autorité de sûreté sur les défauts de sa cuve. Une alerte grave qui vient se rajouter aux six années de retard et au triplement du coût. Depuis dix ans, industriels et État ont fait de ce réacteur un enjeu irrationnel de grandeur nationale. Chronique d’un aveuglement.

    Ségolène Royal a beau affirmer que l’EPR « n’est pas condamné », le chantier du réacteur nucléaire de Flamanville n’a jamais été si proche du crash après l’alerte lancée le 7 avril par l’autorité de sûreté du nucléaire (ASN) sur des anomalies de fabrication de la cuve du futur réacteur. Des défauts de la composition de l’acier ont été détectés dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur en construction. Si bien que leur tenue mécanique n’est pas garantie dans les conditions extrêmes de charge (chaleur, pression, radioactivité…) que leur imposera le fonctionnement de l’EPR, le réacteur le plus puissant du monde, avec 1600 MegaWatts (MWe).

    Cette cuve est une pièce très importante pour la sûreté car elle contient le combustible nucléaire, et sert de barrière de confinement de la radioactivité. Selon l’expert Yves Marignac, directeur du bureau d’études Wise-Paris, ces défauts de fabrication sont « susceptibles, par leur taille et leurs caractéristiques, de remettre sérieusement en cause la démonstration de sûreté du réacteur ». Il a publié une note d’analyse détaillée à ce sujet.
    Le chantier de l'EPR, à Flamanville (Benoît Tessier/Reuters).Le chantier de l’EPR, à Flamanville (Benoît Tessier/Reuters).

    EDF et Areva espèrent encore démontrer la conformité des équipements de l’EPR aux critères de sûreté de l’ASN, à qui ils vont soumettre un nouveau programme d’essais. S’ils échouent, le constructeur devra réparer ou remplacer les pièces défectueuses. Des opérations techniquement inédites et probablement très coûteuses. La réparation ou le remplacement des équipements défectueux apparaît « difficilement réalisable et particulièrement coûteux dans le cas du fond de cuve, selon Yves Marignac. C’est bien l’avenir de l’ensemble du projet Flamanville-3 qui est remis en question ».

    C’est d’autant plus problématique que certaines calottes des cuves des EPR en construction en Chine (Taishan 1 et 2) ont été fabriquées selon un procédé similaire. Des pièces semblables pourraient aussi avoir été produites à l’avance pour le projet de réacteur Hinkley-Point C, que la Grande-Bretagne est en train d’acheter à EDF. En attendant, le chantier de Flamanville se poursuit. Son coût pourrait désormais atteindre 9 milliards d’euros, soit près du triple de son prix initial, estimé à 3,3 milliards en 2007. Au plus tôt, il sera en pleine activité en 2018, soit six ans après sa date prévue de mise en service.

    Pour la filière nucléaire française, c’est un véritable coup de semonce. Car la sûreté affichée du réacteur était son premier atout commercial. Au point qu’Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva, avait déclaré après la catastrophe de Fukushima en 2011 que « s’il y avait des EPR à Fukushima, il n’y aurait pas de fuites possibles dans l’environnement » et que « les caractéristiques d’architecture de l’EPR répondent à un certain nombre de critères de sûreté qui sont au top niveau. Je le constate à chaque fois que je vais sur ce chantier »