La première, Nexa, est une vieille connaissance. Lorsqu’elle s’appelait encore Amesys, en 2007, elle a construit un système d’écoute sur mesure pour la Libye de Kadhafi. Rachetée par les commerciaux de l’époque, renommée, elle a fourni le même logiciel au renseignement égyptien.
La manoeuvre est discrète : sous le coup d’une enquête judiciaire dans l’affaire libyenne, blacklistée par les banques et la DGSE, Nexa s’appuie sur une filiale domiciliée à Dubaï : Advanced Middle East Systems (AMESys...). Les clients du Golfe apprécient la proximité.
Fin 2013, elle est contactée par une officine émiratie, Al-Fahad, proche de la famille royale, pour fournir une première brique technologique. Mohammed Ben Zayed, dit MBZ, prince héritier d’Abou Dhabi, a débloqué une enveloppe de 150M€ pour équiper ses alliés égyptiens.
Le contrat est signé en mars 2014 pour un montant supérieur à 11M€. Nom de code : Toblerone. Mais Nexa n’arrive pas seul sur les bords du Nil. Son outil, Cerebro, est couplé à un moteur de recherche qui doit interconnecter plusieurs bases de données.
Fournisseur : Dassault.
Plusieurs ingénieurs de Dassault effectuent au moins cinq déplacements en Egypte entre octobre 2015 et décembre 2016 afin d’installer le produit, de former les opérateurs locaux et de corriger des bugs existants. Sollicitée, la direction du groupe n’a pas souhaité répondre.
Entre juin et septembre, Nexa et ses dirigeants ont été mis en examen pour complicité de torture et de disparitions forcées. Gardés à vue pendant 48h, ils se sont bornés à répéter qu’ils avaient joué selon les règles : « Nous sommes des nerds, pas des experts en géopolitique ».
Lors des perquisitions, les enquêteurs ont saisi 40 téraoctets de données, en cours d’analyse. Interdits de quitter le territoire, les patrons de Nexa se sont trouvés un avocat inattendu, en la personne de François Zimeray, ex-ambassadeur français... pour les droits de l’homme...