• Boycott d’un prix : pourquoi 145 écrivains ne sont pas « Charlie » - Libé.fr http://www.liberation.fr/societe/2015/04/30/boycott-d-un-prix-145-ecrivains-ne-sont-pas-charlie_1280002

    6 romanciers au départ, ils sont désormais 145 à boycotter la remise du prix PEN America Center qui doit remettre à l’hebdomadaire satirique français un prix pour « le courage et la liberté d’expression », le 5 mai à New York. Leurs noms sont dévoilés sur le site The Intercept.

    Parmi eux, Wallace Shawn, Craig Lucas, Eve Ensler, Joyce Carol Oates, Michael Ondaatje, Peter Carey ou Francine Prose. Ces écrivains, dont le nombre ne cesse d’augmenter, avaient expliqué leur position ce mercredi, dans une lettre ouverte collectivement signée : « Les caricatures du prophète représenté par Charlie Hebdo peuvent être interprétées comme la cause d’une plus grande humiliation et souffrance » pour une catégorie de la population française qui est « formée par un héritage colonial et dont une large partie est musulmane pratiquante ».

    Les romanciers condamnent l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo mais accusent l’hebdomadaire satyrique de se moquer « d’une partie de la population française déjà marginalisée et victimisée ». Surtout, ils ne comprennent pas la décision du PEN American Center, une célèbre association mondiale d’écrivains, d’honorer l’hebdomadaire : « Il y a une différence entre soutenir une liberté d’expression qui va à l’encontre de l’acceptable et récompenser une telle liberté d’expression. [Charlie Hebdo] semble très sincère dans son dédain de toutes les religions. »

    « L’ARROGANCE CULTURELLE DE LA FRANCE »
    L’Australien Peter Carey qui a remporté deux fois le prestigieux Booker Prize a expliqué au New York Times qu’en décidant d’attribuer cette récompense, la société littéraire allait au-delà de son rôle traditionnel de défense de la liberté d’expression contre la censure gouvernementale. « Un crime horrible a été commis, mais était-ce une question de liberté d’expression pour que PEN America s’immisce là-dedans ? » , s’est interrogé l’écrivain. « Tout cela a été aggravé par l’apparent aveuglement du PEN v is-à-vis de l’arrogance culturelle de la France, qui ne respecte pas son devoir moral à l’égard d’une grande partie de sa population », a poursuivi l’auteur, en référence aux critiques sur les choix éditoriaux du magazine, qui vise trop souvent l’islam et son prophète selon certains.

    Mais la société littéraire se défend : « Si nous approuvions la liberté d’expression seulement à ceux avec qui on est d’accord, la notion même de liberté d’expression serait très limitée », explique Andrew Solomon, président américain du PEN : « La récompense n’est pas nécessairement en accord avec le contenu exprimé ».

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    Cette polémique avait déjà été sur le devant de la scène aux États-Unis au lendemain de l’attentat du 7 janvier. Certains médias de la presse anglo-saxonnes avaient refusé de publier la une de Charlie où figurait la caricature de Mahomet. Quelques intellectuels n’avaient pas non plus souhaité « être Charlie » comme la romancière américaine Joyce Carol Oates, qui considère le journal satirique comme sexiste et xénophobe.

    Sur @OrientXXI Dossier "Le choc Charlie hebdo" http://orientxxi.info/documents/dossiers/le-choc-charlie-hebdo,0792 Checkpoint Charlie, un trait d’union à sens unique http://orientxxi.info/magazine/checkpoint-charlie-un-trait-d,0791 et « Ils haïssent nos libertés » http://orientxxi.info/magazine/ils-haissent-nos-libertes,0795