• France : « Il y a un trop grand nombre d’immigrés » affirme Ménard interrogé sur les fichiers d’enfants « musulmans » - Libé http://www.liberation.fr/societe/2015/05/05/fichage-des-enfants-musulmans-le-parquet-ouvre-une-enquete_1291250?xtor=r -

    Une enquête est ouverte pour « tenue illégale de fichiers en raison de l’origine ethnique ».
    « Dans ma ville il y a 64,6% des enfants qui sont musulmans dans les écoles primaires et maternelles. » C’est ce qu’a déclaré le maire de Béziers Robert Ménard (élu avec le soutien du Front national) lundi soir dans Mots Croisés sur France 2, consacrée à la guerre ouverte au Front national. Mais d’où sortent ces chiffres ? « Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a, classe par classe, les noms des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit de le faire », répond tout naturellement Robert Ménard à la question posée en toute fin d’émission par la journaliste Anne-Sophie Lapix, relayant une question posée par plusieurs internautes. Et Robert Ménard de s’enfoncer un peu plus en ajoutant : « Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence ». (à écouter à 1’23)

    Problème : les statistiques ethniques ne sont pas autorisées en France. C’est inscrit dans la Constitution : toute « distinction de race, de religion ou de croyance » entre citoyens est bannie. Un principe décliné dans la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978, qui interdit la collecte et le traitement de « données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ». La loi prévoit seulement quelques dérogations, notamment pour les travaux de recherches étudiées au cas par cas par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Une enquête pour « tenue illégale de fichiers en raison de l’origine ethnique » a donc été ouverte ce mardi et une perquisition a été menée par la SRPJ de Montpellier à la mairie de Béziers.

    Mais l’édile se défend et récuse l’idée de fichage. Il n’y a « aucun fichier, aucune fiche informatique ou manuscrite en mairie de Béziers » s’est justifié Robert Ménard lors d’une conférence de presse ce mardi. Mais lorsque les journalistes lui demandent d’expliquer comment il peut avancer un pourcentage aussi précis sur le nombre d’enfants « musulmans » dans les écoles de sa ville, le maire répond « Je réserve cette réponse au juge d’instruction. Vous croyez que j’ai là la liste des enfants ? […] J’ai de la mémoire. » Robert Ménard affirme, sans sourciller, vouloir des statistiques ethniques en France pour le bien des enfants : « Ce n’est pas pour montrer du doigt les gens. J’ai juste envie de les aider ». Quelques minutes plus tard, il finit par admettre qu’il y a selon lui « un trop grand nombre d’immigrés » et que l’intégration est « impossible » en France.

    Midi Libre rapporte que le maire n’a fait que confirmer des propos qu’il avait déjà tenus dans les pages du quotidien régional le 3 janvier dernier. Dans cet article, le maire de Béziers parle d’un changement de population dans sa ville, s’appuyant là aussi sur un pourcentage sorti de nulle part : « Dans le vieux Béziers, avec 80% de femmes voilées, tu ne vois que ça » affirme alors le maire.

    Ces révélations ont provoqué de vives réactions, dont celle de François Hollande. Pour le chef de l’Etat, le fichage d’élèves est « contraire à toutes les valeurs de la République ». Le Premier ministre Manuel Valls a également réagi sur Twitter ce mardi :

    « Ficher des enfants selon leur religion, c’est renvoyer aux heures les plus sombres de notre histoire », a déclaré le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. La ministre de la justice Christiane Taubira fait le même parallèle.

    La ministre de l’Éducation Najat Valaud Belkacem a elle aussi rappelé que le fichage des élèves « musulmans » sur la base de leur nom est « illégal » et « profondément anti-républicain ». Deux membres du Conseil national du PS, Mehdi Ouraoui et Naïma Charaï, ont annoncé de leur côté avoir saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et le Défenseur des droits Jacques Toubon. L’ancienne secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts Cécile Duflot a elle appelé à la suspension du maire de Béziers lors des questions au gouvernement à l’Assemblée.

    Face à ces accusations, Robert Ménard dénonce « l’hypocrisie monstrueuse » de la gauche en rappelant que Manuel Valls, alors député PS, avait annoncé en 2009 vouloir déposer une proposition de loi préconisant le recours aux statistiques ethniques.

    Si le fichage d’enfants est avéré, le maire de Béziers peut être sanctionné par la CNIL et être poursuivi en justice. Le profilage communautaire est passible d’une peine de cinq ans de prison et de 300 000 euros d’amende.

  • « Nous, femmes journalistes politiques et victimes de sexisme... » - Libération
    http://www.liberation.fr/politiques/2015/05/04/nous-femmes-journalistes-en-politique_1289357

    Tant que la politique sera très majoritairement aux mains d’hommes hétérosexuels plutôt sexagénaires, rien ne changera. Nous aurions adoré pouvoir toutes signer ce texte sans avoir à se retrancher derrière l’anonymat. Mais certaines d’entre nous sont dans des situations professionnelles compliquées et n’ont pas besoin qu’on rajoute de la discrimination à des conditions de travail délicates. Ne pas subir le machisme pour l’avoir dénoncé, en quelque sorte. En 2015, ce que nous aurions vraiment aimé, c’est de ne pas avoir à écrire cette tribune.

    • Et donc la suite en réponse @sabineblanc
      http://www.liberation.fr/societe/2015/05/05/sexisme-en-politique-faut-il-donner-les-noms_1292176

      Mais nous souhaitions dénoncer un climat ambiant, pas focaliser l’attention sur les dix ou quinze auteurs des comportements que nous décrivons dans le texte. Si nous avions donné dix noms, on n’aurait parlé que d’eux pas d’un phénomène général, fréquent à tous les échelons et dans tous les partis, auquel beaucoup plus d’élus participent par leurs habitudes, leurs manières de faire. »
      « Au bout de six signalements, on dénonce »

      Pour Julien Bayou, co-porte-parole d’EE-LV, la pertinence des actions collectives n’est plus à prouver. Il a déjà pratiqué le « name and shame », notamment au sein du collectif Génération Précaire. « Il est utile au débat d’"outer" les sexistes, mais de manière éthique. Imaginons, dans le cas des femmes journalistes, que vous vous signaliez les noms des députés qui vous harcèlent. Au bout de 5, 6 signalements, y’a pas photo : on dénonce. La dénonciation collective évite à la victime de se sentir seule, de culpabiliser. Cela permet aussi de ne pas être dans quelque chose qui ressemble à de la vengeance personnelle. Il faut cibler les caricaturaux. Si vous prenez les pires, je peux vous dire que les autres vont sentir le vent du boulet passer. »

      Les militantes du collectif féministe La Barbe, qui débarquent sans prévenir dans les colloques universitaires ou les assemblées générales d’entreprise trop uniformément masculins avec leurs postiches, diffusent régulièrement sur les réseaux sociaux les noms des entreprises et des participants à ces raouts d’hommes. Pour Sophie, une militante « barbue » qui ne tient pas à donner son nom de famille, « c’est comme un jeu de massacre : une quille tombe et en emmène d’autres avec elles. Il ne s’agit finalement jamais d’une simple affaire individuelle, mais de toute une organisation masculine qui est dévoilée. »

    • Je pense qu’il y a un principe moral de présomption d’innocence qui joue, et porter des accusations nominatives c’est aussi s’exposer à être attaqué en diffamation, et ça peut faire très mal quand on est isolée … car c’est de cela dont il s’agit quand une minorité de la minorité ose s’exprimer : ne pas se retrouver ostracisé= devoir se taire une seconde fois.

      Il est vrai que devoir attendre 5 ou 6 témoignages avant de nommer l’agresseur et agir, ça fait quand même beaucoup de temps durant lequel d’autres femmes auraient pu être épargnées.