Rennes. Maryvonne, à la porte de sa maison à cause de squatteurs

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  • Quand les #fascistes Bretons s’en prennent aux squatters - #migrants ou non - à #Rennes : l’affaire Maryvonne Thamin, galerie de portraits
    http://www.antifabzh.lautre.net/roazhon/2015/05/dossier-laffaire-maryvonne-thamin-quand-les-fascistes-sen-prennent

    Ouest France relaie #grave : « Maryvonne, à la porte de sa maison à cause de squatteurs »
    http://www.ouest-france.fr/sa-maison-squattee-maryvonne-ne-peut-plus-rentrer-chez-elle-3364084

    L’octogénaire est à la rue [sic...] car sa maison, à Rennes, est illégalement occupée. Il faudra des semaines de procédure avant d’expulser la quinzaine d’occupants que la loi protège. (...) Largement de quoi provoquer des insomnies. « Depuis des jours, je ne mange plus, pleure Maryvonne. Comment peuvent-ils avoir tous les droits sur ma maison ? Quand je pense qu’ils ont tout cassé… » La façade est taguée. Les arbres dans le jardin ont été abattus. Des cloisons ont été détruites. Les squatteurs étant insolvables, la rénovation sera à la charge de la propriétaire. « C’est la loi, soupire-t-elle. Mais les pouvoirs publics pourraient peut-être me dépanner pendant quelques semaines et m’offrir un #logement ? »

    Les habitants du « #Squat de la rue de Châtillon » répondent avec force détails, dont un témoignage de voisin plutôt marrant
    https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=rsUI2BHeRm0

    #propriété #milices

    • La vieille dame bien digne, reçu par mel.

      Maryvonne et le mensonge fasciste

      Elle l’affirme devant les caméras de France 2 : « ça fait deux ans que ça dure », et elle est au bord des larmes. Elle voudrait seulement récupérer son bien, une maison de la rue de Châtillon à Rennes, mais elle en est empêchée par des « squatteurs » qui y ont élu domicile. Fort heureusement, de bons citoyens veillent. Sincèrement scandalisés devant le spectacle de cette dame qui, à les en croire, se retrouve presque « à la rue », ils décident d’organiser un comité de soutien. La situation de la pauvre Maryvonne fait alors la une de la presse locale, puis les médias nationaux s’emparent eux aussi de l’affaire, et surtout Maryvonne obtient le procès des occupants des lieux, prévu le 22 mai. La victoire de la morale et de la citoyenneté paraît toute proche.
      Bien sûr, tout cela n’est qu’une fiction montée de toute pièce. Ce qui se passe en réalité est beaucoup plus trouble. D’un côté, une histoire d’héritage ordinairement sordide – après la mort du compagnon de Maryvonne, les enfants du défunt réclament la part qui leur est due pour la maison de la rue Châtillon. C’est d’ailleurs depuis ce moment-là seulement, et non « depuis deux ans » comme elle le laisse entendre, que Maryvonne s’est manifestée. De l’autre, tout un jeu politique local qui va mobiliser les militants les plus radicaux des environs. La radicalité à l’extrême-droite, on le sait, est faite de coups de poings américains, de ratonnades et de menaces. Le comité de soutien à Maryvonne a organisé une manifestation devant les lieux le premier mai. Ne trouvant personne avec qui en découdre, ses membres sont allés faire un tour en ville en tabassant une personne trouvée sur leur passage – le journaliste de Ouest France qui les accompagnait n’a pas jugé bon de mentionner l’incident. Sans doute avaient-ils attendu au moins cela d’une si belle journée, de sorte qu’ils ne voulaient pas rentrer chez eux sans s’être exercés à ce qu’ils préfèrent : se battre à trente contre un – leur courage a cette forme particulière. Ils n’ont pas pour autant oublié les « squatteurs », qu’ils menacent de mort chaque jour, et encore moins leur avocate, qui subit une pression particulièrement forte.
      C’est donc désormais de notoriété publique : les membres du comité de soutien à Maryvonne font partie de groupuscules de l’extrême-droite locale. (Pour les lecteurs vraiment pressés, voir sur ce point l’article de Libération : http://www.liberation.fr/societe/2015/05/08/maryvonne-la-proprietaire-delogee-par-des-squatteurs-qui-excite-l-extreme. Pour ceux qui veulent des informations plus précises, il y a le dossier constitué par le Collectif Antifasciste Rennais : http://www.antifabzh.lautre.net/roazhon/2015/05/dossier-laffaire-maryvonne-thamin-quand-les-fascistes-sen-prennent). Les principaux acteurs du tapage médiatique autour de l’affaire à un niveau local sont eux aussi des militants connus, en particulier Yann Vallerie, responsable du site Breizh Info, organe de la droite radicale fière de sa radicalité, à distance du trop conciliant FN. Mais il faut également citer l’auteur des premiers articles et reportages du respectable journal Ouest France, Samuel Norah, qui a manifestement des accointances de plus en plus affichées avec la mouvance d’extrême-droite bretonne. Et mentionner enfin la participation active de militants qui se sont fait connaître dans le mouvement populiste-droitiste des « Bonnets rouges ».

      Occuper l’espace de l’ennemi
      Ce que l’extrême-droite attaque tout d’abord, c’est la loi sur le Droit au logement opposable du 5 mars 2007. En vertu de cette loi, si les occupants d’un lieu ne sont pas expulsés dans les 48 heures (qui correspondent à la notion assez floue de « flagrant délit »), ils peuvent revendiquer l’habitation de ce lieu. Il n’est pas difficile à l’heure actuelle de faire fond sur le ressentiment à l’égard de ceux ou celles qui seraient « privilégiés » du fait même de leur statut de précaires. C’est pour le moins un paradoxe – appelons cela le paradoxe du « précaire privilégié ». L’image du précaire privilégié est abondamment utilisée par l’extrême-droite poujadiste, que reprennent aujourd’hui aussi bien les militants radicaux comme Yann Vallerie que les journalistes qui y trouvent la recette éprouvée pour susciter le scandale et l’indignation. C’est ce fond poujadiste français qui est mobilisé par les différentes formes prises par l’extrême-droite – du FN aux groupuscules radicaux dont il est question dans cette affaire.
      Mais, là comme ailleurs, le problème est plus profond. Car il ne s’agit pas seulement des stratégies de quelques groupuscules fascisants, couverts par un ou deux « intellectuels ». Il s’agit d’une collusion entre ces groupuscules, la police et les instances politiques nationales. La police est en effet intervenue pour « protéger » les occupants de Châtillon, mais cette protection a pris la forme particulière de l’absence lorsqu’une menace réelle pèse sur les lieux ; et celle, plus curieuse encore, d’ajouter à la pression et aux menaces à l’encontre des habitants par le biais des zélés de la BAC. Quant aux élus locaux, il semble qu’ils aient aussi leur mot à dire : ainsi une élue UMP a accepté de donner une interview sur le site de Breizh Info.
      Cette collusion rappelle bien des éléments que l’on pouvait déjà trouver dans les situations récentes. Pensons seulement à Sivens : des militants de la FNSEA, ouvertement apparentés au FN pour certains d’entre eux, viennent déloger les occupants de la ZAD, et molester (coups, voitures retournées ou brûlées) celles et ceux qui voudraient leur apporter de l’aide. Tout cela sous les yeux bienveillant de la police, et avec la bénédiction tacite des dirigeants locaux et nationaux (du côté du PS, cette fois-ci). Ces faits qui n’ont été que peu relayés dans la presse nationale ont un air déjà vu : on ne va pas faire semblant de s’étonner d’une telle collusion, qui est évidente pour tous ceux qui ont été engagés dans des combats politiques au cours du siècle passé. Mais on sent bien aussi, à regarder l’espace politique qui se dessine aujourd’hui, qu’ils ont aussi, ces faits, quelque chose de tout à fait nouveau, au moins dans le contexte actuel. Et cette nouveauté est bien celle d’un espace politique de plus en plus façonné par les valeurs et les réflexes de l’extrême-droite. La droitisation des instances dirigeantes, incarnée exemplairement par Manuel Valls, est un effet de la dérive qui, depuis quelques années, déporte l’espace politique tout entier vers la droite.
      Il serait bien naïf de ne voir là qu’une triste évolution des « mentalités ». Ce qui est en jeu ici est en réalité une stratégie. Peu importe de savoir jusqu’à quel point et à quel degré elle est concertée. L’important est qu’une cohérence se dessine à partir des intérêts attachés aux différents groupes concernés (des groupes de radicaux aux élus qui font leur niche dans le jeu parlementaire).
      Cette stratégie peut se résumer ainsi dans ses grandes lignes : il s’agit d’occuper les lieux et les formes de lutte qui étaient investis par les ennemis (les « gauchistes ») et de les retourner contre eux. C’est ce qui se passe en particulier avec la revendication du « territoire » : à Sivens, comme en d’autres endroits, la défense d’un territoire menacé a été mise en avant par les activistes qui sont venus occuper le site. Mais les militants de la FNSEA et leurs acolytes ont répondu en disant « le territoire, c’est nous », c’est-à-dire ceux qui se lèvent tôt pour travailler et qui habitent depuis des générations dans la région (on fermera les yeux sur le fait que nombre de ceux qui ont joué les gros bras sont précisément venus d’autres régions).
      C’est quelque chose d’analogue qui se produit en ce moment à Rennes, par le biais de « l’affaire Maryvonne ». Le « droit au logement » : voilà qui semble être, énoncé comme tel, un combat pour l’extrême-gauche. Mais il suffit de retourner la manière de l’entendre pour se retrouver au côté d’ADSAV : le « droit au logement », alors, c’est celui du bon propriétaire qui réclame ce qui lui est dû (et ici, on fermera les yeux sur le fait que Maryvonne, en tant qu’usufruitière, n’a aucun droit à demander l’expulsion).
      Il faut donc bien parler d’une stratégie d’ensemble qui vise à réduire l’espace politique de l’ennemi (à quoi participent autant les lois sur « l’anti-terrorisme » que celles sur la gestion des précaires). Or, les ennemis ne sont pas la « gauche », mais les militants activistes et les précaires qui tentent de s’organiser. Comme par hasard, les habitants de la rue de Châtillon sont les deux à la fois.

      Pauvre propriétaire !
      Comment comprendre la nouvelle force des idées de droite en France ? S’il est vrai que le glissement du PS vers une politique de droite de plus en plus extrême n’en est qu’un effet (le PS n’a jamais rien fait d’autre que suivre le courant), il faut tout de même voir que la politique de gauche des dernières décennies a rendu possible la recomposition de l’espace politique de droite. Car en ne gardant de la politique de classe que la défense du « travail » ; et en le traduisant, dans le sens du courant, en « emploi » et en « croissance », la gauche à fait disparaître toute différence entre elle et ses ennemis d’origine. Les cortèges pour le moins bigarrés de la lutte des bonnets rouges en 2013 en Bretagne sont un exemple de cette nouvelle confusion. La gauche, même extrême, en se sentant engagée à montrer patte blanche à ceux qui la désignaient comme constituée de dangereux révolutionnaires, a fini par acquiescer au modèle de nos adversaires : celui de la citoyenneté et de la morale, où « chaque un » désigne finalement un travailleur aspirant à la tranquillité chez lui avec sa famille.
      Les promesses de Marx sont repoussées tellement loin, que pour ceux pour qui la purge de la « crise » est synonyme de plus de précarité quotidienne, il n’est plus si aisé de voir un recours à gauche. Il n’est plus très visible que, lorsqu’il s’agit de penser le changement socio-économique qui est en cours, il y a bien une alternative. Certains choisissent de voir dans l’extrême-droite le rassemblement des vrais anticapitalistes, qui vont faire la révolution contre les profiteurs en tous genres (multinationales délocalisatrices autant que précaires hors-normes) : une révolution nationaliste, pour la famille, le travail, la propriété. Une révolution pour défendre « le petit commerce de proximité qui vivote à l’ombre de Carrefour », une révolution pour que surtout rien ne change. Voilà comment l’extrême droite peut prétendre défendre à la fois les pauvres et les propriétaires. En l’occurrence, les pauvres propriétaires contre ces profiteurs de squatteurs précaires.
      La force d’un espace politique s’appuie sur les divisions qu’il met en avant. Tant que les termes des débats et les pensées de la situation se posent à partir de cette division, l’espace politique nous est retiré. Et il est alors possible pour l’extrême droite d’occuper les termes qui étaient les nôtres. Ce n’est qu’en affirmant sans embarras la division entre le peuple de l’égalité et le peule de la propriété que nous pourrons tisser un espace politique propice.

      #égalité