Deux sociologues piègent une revue pour dénoncer la « junk science »

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    • Le canular est disponible ici : http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/1647/files/2015/03/Automobilit%C3%A9s-proposition-Soci%C3%A9t%C3%A9s-JPT-2014-MX-V2.pdf

      Résumé :
      Le présent article vise à mettre au jour les soubassements imaginaires d’un objet socio-technique urbain contemporain : l’Autolib’. Sur la base d’une enquête de terrain approfondie, elle-même couplée à une phénoménologie herméneutique consistante, nous montrons que la petite voiture de location d’apparence anodine, mise en place à Paris en 2011, se révèle être un indicateur privilégié d’une dynamique macro-sociale sous-jacente : soit le passage d’une épistémê « moderne » à une épistèmê « postmoderne ». A travers l’examen de l’esthétique du véhicule (que l’on caractérise comme poly-identificatoire), comme de ses caractéristiques et fonctionnalités les plus saillantes (la voiture électrique connectée illustre le topos contemporain de « l’enracinement dynamique »), nous mettons au jour les diverses modalités socio-anthropologiques qui permettent d’envisager l’objet « Autolib’ » comme le produit/producteur, parmi d’autres choses, d’un nouveau « bassin sémantique ».
      Mots-clés : Autolib’ ; postmodernité ; topique socio-culturelle de l’imaginaire

    • Quelques notes de Maffesoli pour la revue Société à propos du canular : http://www.cairn.info/revue-societes-2014-4-page-115.htm

      La revue Sociétés a fait l’objet d’un canular qui a abouti à la publication d’un article parodique rédigé, non par Jean-Pierre Tremblay, mais par deux jeunes sociologues, anciens étudiants de Michel Maffesoli, et dont l’un a entamé un travail de thèse sur la sociologie de l’imaginaire il y a 12 ans.
      L’article a été relu par deux personnes ; un avis a été négatif, l’autre favorable vu le sujet, réservé sur « le côté un peu jargonnant ».
      S’agissant de la rubrique « Marges » de la revue, qui accueille des articles très divers, parfois de très jeunes auteurs ou d’auteurs non francophones, avec plus d’indulgence que le « dossier », cet article a été accepté et publié.
      C’est une erreur et je m’en excuse auprès de tous nos lecteurs.
      Ce « canular » n’entache cependant pas la qualité d’une revue, publiée depuis plus de 30 ans et qui compte de nombreux et fidèles abonnés.
      Gardons cette « affaire » dans les limites, comme le dit Descartes, de la droite raison et du bon sens réunis.
      Michel Maffesoli

    • Dans Le Nouvel Obs : http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150318.OBS4920/et-michel-maffesoli-voulu-reinventer-la-sociologie-seul-contre-
      Et Michel Maffesoli voulut réinventer la sociologie... seul contre tous

      Si cette affaire peut avoir une quelconque utilité, ce serait en invitant toute la profession à réfléchir. Il faut certes contrôler au mieux la validité des affirmations, mais il faut aussi éviter que cela aboutisse à un discours sans aspérités, qui ne fâche personne, qui devienne creux ou ’langue de bois’", un sociologue anonyme

    • Quelques réflexions épistémologiques ici : http://www.anthropiques.org/?p=1521
      Quelques réflexions au sujet de la nouvelle affaire Maffesoli

      Maffesoli, dans Le Monde, déclare qu’il ne veut pas être un scientifique, puisque précisément, « la sociologie n’est pas une science, mais une "connaissance". Une connaissance bien sûr rigoureuse, mais dont le paradigme n’est pas la mesure ». Je passe sur la question de la rigueur. Quinon et Saint-Martin me semblent avoir démontré qu’il n’est pas nécessaire d’être si rigoureux que cela pour écrire un article accepté dans une revue maffesolienne. Ce qui m’arrête, c’est l’assimilation de la science et de la mesure. Voilà une épistémologie très vieux jeu et en même temps très actuelle, avec laquelle Maffesoli donne paradoxalement raison à certains de ces adversaires. Car il ne manque pas de gens pour penser, comme lui, que la science, c’est la mesure. D’où la profusion d’études quantitatives en tout genre, y compris en sociologie. Je ne vais pas, bien sûr, soutenir la thèse inverse. La mesure fait assurément partie de la boîte à outils scientifique. Mais la mesure en elle-même ne garantit absolument pas la scientificité de la démarche. On peut mesurer - et on mesure de fait - à peu près tout et n’importe quoi. Ce qui donne parfois des connaissances certes quantitatives, mais pas moins mythiques que les connaissances de la sociologie maffesolienne.

    • Les auteurs du canular reviennent à la charge le 9 mai 2015 : http://zilsel.hypotheses.org/1979
      D’une polémique à l’autre… en passant par la compréhension. Petite note bio-méthodologique

      Un extrait d’une discussion que vous trouverez dans l’article :

      Mon interlocuteur : « – Je ne comprends pas… Comment peux-tu travailler sur un sujet que tu critiques en même temps ?
      – En, fait, le “maffesolisme”, même s’il est le point de départ de ma thèse, avec l’affaire Teissier, n’est qu’une petite partie de mon terrain, qui porte bien plutôt sur le réseau de chercheurs “ésotéristes” fédéré dans les années 1960, 70 et 80, par l’islamologue Henry Corbin et le sociologue Gilbert Durand…
      – Oui, mais même s’il s’agit d’une petite partie, comment peux-tu travailler là-dessus de manière objective, si tu les critiques par ailleurs ?
      – Hé bien, comme je te l’indiquais, ce n’est qu’une petite partie de mon terrain… Mais je ne vois pas bien ou serait la contradiction : tu peux bien critiquer, dans un premier ou dans un second temps, les bases épistémologiques d’une théorie particulière, le mode d’administration de la preuve qui y prévaut, et, dans un autre temps, chercher à décrire et à comprendre cette théorie dans toutes ses ramifications conceptuelles, en mettant en suspend la question de son adéquation avec la réalité, non ?
      – Tu critiques Maffesoli, mais tu es d’accord avec ce que disent Henry Corbin et Gilbert Durand, Durand que Maffesoli présente pourtant comme son “Maître” ?
      – (moi, m’échauffant un peu :) Non, pas du tout ! Leur vision du monde, à Corbin et à Durand, leur conception ésotériste d’une “chevalerie spirituelle” garante de l’équilibre cosmique, n’est pas du tout ma tasse de thé ! Je suis agnostique, moi, je ne crois pas en l’existence d’une connaissance secrète salvatrice, réservée à une élite spirituelle, et capable de sauver l’humanité… Mais so what ? C’est comme si tu reprochais à un ethnologue de faire un terrain exotique, parce qu’il n’est pas acquis à la vision du monde des indigènes qu’il étudie…
      – (mon philosophe, toujours calme et sceptique :) Humm… Donc tu travailles sur des objets que tu n’apprécies pas ? Pas plus Maffesoli, que Durand et Corbin…
      – (moi, agacé :) – Mais où est le problème, encore une fois ? Moi, je cherche à comprendre ces braves gens, comme le ferait n’importe quel ethnologue perdu en Amazonie. Et même si leurs visions respectives de l’homme et du monde ne sont pas les miennes, ça n’empêche pas que j’ai bien plus de sympathie pour les théories de Durand et Corbin, qui constituent l’objet central de ma thèse, que pour celles de Maffesoli, que je critique à l’occasion. De même, comme je te le disais tout à l’heure, que j’ai beaucoup plus de sympathie pour les grandes fresques philosophico-apocalyptiques de Heidegger et de l’Ecole de Francfort (ce sont de belles histoires, après tout, non ?), que pour les élucubrations et falsifications freudiennes. Même si je ne crois, à titre personnel, à aucune de ces charmantes mythologies intellectuelles.
      – (mon philosophe, toujours imperturbable et sceptique) : Mouais… Reste que je ne comprends toujours pas bien comment tu peux…
      – (moi, tranchant :) Et moi je ne comprends pas pourquoi tu n’écoutes pas ce que je te répète depuis tout à l’heure, et pourquoi tu me mets dans une boîte qui n’est pas la mienne ! Parlons d’autre chose… »