Analyse géopolitique hors bêlements moutonniers.
Par un banquier privé, spécialiste en gestion de fortune, mais visiblement excellent connaisseur de la Russie.
On le voit, les motivations relèvent de la politique intérieure ; mais elles influenceront la politique étrangère de Washington. Comme Barack Obama a commencé à le faire à Bruxelles, l’Amérique mettra en action tous ses relais directs et indirects pour ce grand enjeu du XXIe siècle.
De façon traditionnelle, elle se positionnera en chantre de la liberté du commerce, mais plus encore en partenaire fiable par rapport à d’autres comme exportateurs d’énergie considérés instables – le Venezuela, le Nigeria ou les nations du Moyen-Orient. Les États-Unis viseront plus spécifiquement les marchés européen et asiatique. Or l’Europe est un marché quasi captif de la Russie (30 % de la consommation en gaz y est assurée par cette dernière) tandis que l’Asie constitue la priorité stratégique définie par Vladimir Poutine. Ostraciser Moscou offre donc un intérêt économique évident : évincer le concurrent russe de ces deux marchés afin de s’y installer.
Il n’est donc pas interdit de s’autoriser une lecture mercantile de l’évolution de la crise ukrainienne. Pour ces deux zones géographiques, les règles d’importation seront largement assouplies grâce au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement – PTCI – avec l’Europe et à l’accord de Partenariat trans-Pacifique – avec l’Asie orientale –, lesquels sont négociés actuellement et simultanément avec les États-Unis. Certes, il faudra quelques années pour régler les questions réglementaires et logistiques, mais le gaz américain se prépare à être exporté vers l’Europe en vastes quantités et ce n’est qu’une question de temps, sans doute bref, pour le pétrole.
La révolution du pétrole de schiste ne va donc pas modifier la carte géopolitique mondiale ; c’est l’instrumentalisation de la géopolitique qui modifiera la carte du marché de l’énergie. Et, si les concurrents d’Uncle Sam ne trouvent pas d’autres débouchés et subissent de plein fouet la baisse de leurs recettes d’exportation, la réussite des États-Unis sera totale.
On notera dans cette analyse parue dans la revue Conflits n°4, janvier-février-mars 2015, Que cherchent les États-Unis avec le pétrole de schiste ? une brillante synthèse incluant les grands traités de commerce et l’ensemble des zones de crise du moment…
Dans cet autre article d’il y a un an (mai 2014, en russe) il faisait remarquer que la dépendance pour le transport du gaz de l’Europe à l’Ukraine était très largement exagérée, faisant remarquer que Nord Stream ne fonctionnait qu’à la moitié de ses capacités…
▻http://expert.ru/expert/2014/27/azartnyie-igryi-na-vyisshem-urovne/?n=87778
Découvert en suivant le fil de cette émission de Géopolitis (RTS) du 20/09/14 Vladimir Poutine : quelles ambitions pour sa Russie ?
▻http://www.rts.ch/emissions/geopolitis/6060787-vladimir-poutine-quelles-ambitions-pour-sa-russie.html