• Que nous montrent les statistiques réelles sur les vrais couples qui se séparent effectivement dans la France contemporaine ? D’abord que les femmes s’appauvrissent nettement plus que les hommes après une séparation. L’étude déjà évoquée de l’INSEE et de l’INED montre que le niveau de vie des femmes ayant divorcé en 2009 a baissé en moyenne de 20 % un an après la séparation, contre 3 % pour les hommes (et 35 % d’entre eux se sont mêmes enrichis !). Ces données-là ne sont pas simulées mais bien réelles : ce sont celles récoltées par le fisc (déclaration sur les revenus et taxe d’habitation).

      (…)

      Et l’appauvrissement des mères serait sans doute plus marqué encore s’il était mesuré plusieurs années après la séparation, quand se soldent les comptes de l’ensemble de la carrière et des droits à la retraite. Mais ce coût d’opportunité de la prise en charge du travail parental n’est jamais comptabilisé, ni avant, ni après la rupture. Et si France Stratégie tentait plutôt de mesurer ce phénomène, pour l’intégrer dans le calcul des pensions alimentaires et des prestations compensatoires ?

      À cela je rajoute le tag #humiliation et #dévalorisation_des_femmes, cette étude est juste infecte.

  • « La scandaleuse politique grecque de l’Europe », par Jürgen Habermas
    LE MONDE | 24.06.2015
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/24/la-scandaleuse-politique-grecque-de-l-europe_4660360_3232.html

    Le résultat des élections en Grèce exprime le choix d’une nation dont une large majorité se met en position défensive face à la misère sociale aussi humiliante qu’accablante provoquée par une politique d’austérité imposée au pays de l’extérieur. Le vote proprement dit ne permet aucune ergoterie : la population rejette la poursuite d’une politique dont elle a subi l’échec brutalement et dans sa propre chair. Fort de cette légitimation démocratique, le gouvernement grec tente de provoquer un changement de politique dans l’eurozone. En agissant ainsi, il se heurte aux représentants de dix-huit autres gouvernements, qui justifient leur refus en se référant froidement à leur propre mandat démocratique.

  • « La monoculture du palmier à #huile menace toujours la vie des grands #singes »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/23/la-monoculture-du-palmier-a-huile-menace-toujours-la-vie-des-grands-singes_4

    Le débat soulevé par l’intervention de Ségolène Royal autour de la question de l’huile de palme présente dans les pâtes à tartiner est vital pour les grands singes. A l’heure actuelle, le qualificatif « durable » apposé à l’huile de palme, qui se base sur les critères de la certification RSPO (Table ronde sur l’huile de palme durable, en anglais Round Table on Sustainable Palm Oil), n’est pas une garantie suffisante, pour le consommateur, de ne pas participer à la destruction de la forêt tropicale et à la disparition de nos plus proches parents, les grands singes. [...] RSPO, la seule certification qui existe aujourd’hui, autorise l’établissement de plantations de palmiers en monoculture après la coupe rase de tourbières ou de forêts en régénération… Y est autorisé également l’usage de pesticides, certains si toxiques qu’ils sont interdits en Europe (le Paraquat)

    #palme

  • Plafonnement aux prud’hommes : une « destruction du droit du travail » ? - Arrêt sur images
    http://www.arretsurimages.net/breves/2015-06-13/Plafonnement-aux-prud-hommes-une-destruction-du-droit-du-travail-id1

    « Quand le plancher devient le #plafond, c’est qu’on marche sur la tête ! » Sur son blog, l’avocat en droit du travail David Van der Vlist, membre du Syndicat des avocats de France (fondé par des avocats de gauche) et ancien responsable du syndicat étudiant Unef (proche du PS), décortique l’annonce de réforme du gouvernement sur le plafonnement des dommages et intérêts qu’un #salarié peut toucher après un #licenciement abusif devant les #prud'hommes. Une réforme éclipsée cette semaine dans les medias par l’affaire du vol Poiriers-Berlin du Premier ministre.

    Jusque là, le code du travail fixait un #plancher de réparation de 6 mois de salaire pour tout licenciement abusif (sauf dans le cas d’un salarié ayant moins de 2 ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés). Pour Van der Vlist, ce plancher est indispensable : « si l’on veut que l’obligation de fonder le licenciement sur une cause réelle et sérieuse soit respectée, il est indispensable que les conséquences d’un licenciement injustifié soient véritablement dissuasives. [...] Or si un salarié ne peut espérer obtenir que 3 mois de SMIC (3300 € net environ), il aura peu intérêt à saisir un conseil de prud’hommes, a fortiori s’il doit prendre un avocat qu’il devra payer une somme similaire (sans certitude de victoire). A partir de là, l’employeur a un faible risque contentieux puisque peu de salariés risquent de l’attaquer [...] L’employeur peut alors licencier sans véritable motif et le #droit_du_travail est réduit à une déclaration de bonnes intentions. »

    « IL NE SERA, LA PLUPART DU TEMPS, PLUS RENTABLE D’ATTAQUER L’EMPLOYEUR. »

    Or, c’est précisément vers cette situation que la réforme conduit pour le blogueur. Pour tous les salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté, le juge ne pourra plus accorder plus de 3 ou 4 mois de #salaire d’#indemnités, en fonction de la taille de l’entreprise. « Il ne sera, la plupart du temps, plus rentable d’attaquer l’employeur. Dans plusieurs cas, l’ancien plancher devient le maximum. »

    #renard_libre_dans_le_poulailler_libre #économie

  • Une monarchie qui alimente le djihadisme international - Pierre Conesa
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/12/une-monarchie-qui-alimente-le-djihadisme-international_4653063_3232.html

    Mais le salafisme auquel la France est confrontée est un produit d’exportation du wahhabisme saoudien, exemple de stratégie d’influence rarement analysée par notre réseau diplomatique.

    Depuis quelques décennies, la diplomatie religieuse est devenue plus active que la diplomatie de la laïcité et de la tolérance, et l’Arabie saoudite, pays allié et bon client, à qui le boom pétrolier fournit en trois jours ce que le pays gagnait en un an avant 1973, y a joué un rôle particulièrement actif.

    Les dépenses pour « cause religieuse » à l’étranger tournent en moyenne autour de 2 à 3 milliards de livres anglaises par an depuis 1975…

    Arg, #paywall

    Une version ici:
    https://www.facebook.com/pierre.abisaab.1/posts/1628384104070835

    • Ça fait partie d’un dossier intitulé : « L’Arabie saoudite, allié infréquentable ? »
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/12/l-arabie-saoudite-allie-infrequentable_4653130_3232.html

      Le régime saoudien entend réguler les tensions au Proche-Orient et compte sur le soutien occidental pour parvenir à ses fins. Agit-il en puissance stabilisatrice ou en Etat qui attise les conflits dans la région ?

      Avec également un article de Laurent @bonnefoy : Les Occidentaux doivent tirer les leçons de l’échec de l’option militaire au Yémen
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/12/les-occidentaux-doivent-tirer-les-lecons-de-l-echec-de-l-option-militaire-au

    • Suffit de demander gentiment :

      Une monarchie qui alimente le djihadisme international

      LE MONDE | 12.06.2015 à 15h28
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      François Hollande et le roi Salman à Riyad, le 4 mai.

      On peut rire des imams saoudiens pour qui la Terre est plate (grand moufti Abd Al-Aziz Ibn Baz) ; qu’elle ne tourne pas autour du soleil (cheikh Al-Bandar Khaibari) ; des efforts de la Muslim World League pour faire reconnaître le créationnisme version coranique ; rappeler les premières destructions archéologiques, dont le fameux cimetière Al Baqi des compagnons du Prophète (cheikh Mohamed Al-Tayeb) lors de la prise de La Mecque ; ou s’étonner que les juges ne soient pas tenus d’enregistrer le témoignage de non-musulmans. La liste des inepties saoudiennes, aussi longue que les interdits concernant les femmes, occuperait un double annuaire téléphonique.

      On rit moins de la condamnation de Raef Badaoui à dix ans de prison qu’il n’effectuera probablement pas puisqu’il mourra certainement avant la fin des mille coups de fouet auxquels il est également condamné. Si encore ces règles n’étaient applicables que sur le territoire ! Mais le salafisme auquel la France est confrontée est un produit d’exportation du wahhabisme saoudien, exemple de stratégie d’influence rarement analysée par notre réseau diplomatique.

      Depuis quelques décennies, la diplomatie religieuse est devenue plus active que la diplomatie de la laïcité et de la tolérance, et l’Arabie saoudite, pays allié et bon client, à qui le boom pétrolier fournit en trois jours ce que le pays gagnait en un an avant 1973, y a joué un rôle particulièrement actif.
      Propagande

      Les dépenses pour « cause religieuse » à l’étranger tournent en moyenne autour de 2 à 3 milliards de livres anglaises par an depuis 1975 (l’équivalent de 2,7 à 4,1 milliards d’euros, soit deux à trois fois plus que le budget de la propagande soviétique). Chaque année, plusieurs milliers d’étudiants musulmans sont accueillis dans les universités religieuses du royaume qui exportent imams, livres, média, bourses, écoles, centres islamiques, madrasas… Plus de 1 500 mosquées ont été financées en cinquante ans, en Europe, en Afrique subsaharienne, en Asie et même en Russie. L’argent sert également à ouvrir des campus satellites autour des grands lieux de la théologie musulmane comme l’université Al-Azhar, la plus vieille et la plus influente.

      Une étude des manuels wahhabites trouvés dans les mosquées, réalisée par l’ONG américaine Freedom House, aux Etats-Unis, relève des énoncés comme : « Les musulmans ne doivent pas seulement s’opposer aux infidèles, mais aussi les haïr et les combattre » ou « les démocraties sont responsables de toutes les guerres en association avec les chiites ».

      Un rapport britannique de même nature, du Office for Standards in Education Children’s Services and Skills, constatait les mêmes dérives en 2014 outre-Manche. L’association des leaders musulmans américains a donc rédigé le traditionnel communiqué appelant à « ne pas stigmatiser » et à convaincre par la discussion. Mais est-ce possible dans un pays où la nouvelle loi antiterroriste, promulguée en 2014, qualifie les athées et les manifestants pacifiques de « terroristes ».
      Apocalypse

      L’apostasie comme le blasphème y sont passibles de la peine capitale. Mais certaines interrogations sont plus préoccupantes. D’abord, pourquoi ce pays phare de l’islam n’accueille-t-il aucun réfugié des guerres en Syrie et en Irak et, bien au contraire, construit un mur long de 800 kilomètres, plus long que le mur israélien, pour empêcher des entrées de réfugiés clandestins sur son territoire ? Payer oui, accueillir des camps non ! Solidarité bien ordonnée… L’expulsion forcée de réfugiés est d’ailleurs un mode d’action fréquent à Riyad, comme par exemple à l’encontre des Somaliens.

      Et le djihadisme ? Cette nouvelle version islamique de la lutte anti-impérialiste a supplanté en une trentaine d’années le tiers-mondisme des années 1980 et 1990 avec les mêmes arguments : légitimation de la violence par dénonciation de l’impérialisme et du capitalisme occidental ; solidarité internationale ; promesse d’une société égalitaire et juste ; et enfin dénonciation des partis réformateurs (les Frères musulmans) et des révisionnistes (les mauvais musulmans).

      Durant la guerre soviétique en Afghanistan, entre 1982 et 1989, près de 15 000 des 25 000 combattants étrangers auraient été saoudiens. Le prince Turki, qui finançait 75 % de l’aide aux combattants antisoviétiques, imposa au Pakistan du maréchal Zia des madrasas hanbalites (salafistes) d’où sortiront, dix ans plus tard, les talibans (étudiants en religion) que personne ne vit arriver.

      Dans les années 1980, une quarantaine de groupes terroristes s’entraînaient dans les camps palestiniens de l’OLP. Aujourd’hui, près de cent nationalités sont présentes en Syrie, dont plus de 2 300 Saoudiens. Les réseaux salafistes y ont développé depuis peu les techniques de recrutement des sectes de l’apocalypse en annonçant la fin du monde imminente et le retour du Messie. Si Riyad déploie si peu d’avions contre Daech (autant que les forces danoises et hollandaises additionnées et deux fois moins que la France) et le double contre l’insurrection houthiste au Yémen, c’est que le véritable ennemi du wahhabisme est le chiisme.

      En revanche, les sympathies intérieures à l’égard du salafisme djihadiste sont patentes, et une action militaire trop agressive contre l’EI serait mal comprise à l’intérieur, voire déstabilisatrice. L’immense richesse de l’Arabie saoudite suffit-elle à en faire un allié ? Si oui, contre qui ? La France va-t-elle voter en faveur de la candidature de Riyad à la Commission des droits de l’homme de l’ONU ?

      Pierre Conesa est spécialiste des questions stratégiques internationales. Il est l’auteur de l’étude « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? » téléchargeable sur Favt.org

    • Et larticle de Laurent :

      Les Occidentaux doivent tirer les leçons de l’échec de l’option militaire au Yémen

      LE MONDE | 12.06.2015 à 15h41
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      Pendant des affrontements à Aden, le 3 mai. Des soldats de la coalition emmenée par la monarchie saoudienne ont débarqué dans la capitale du sud du Yémen, en proie à de violents combats.

      Le 14 juin doivent s’ouvrir à Genève, sous l’égide de l’ONU, des discussions entre les belligérants d’une guerre que personne n’est en train de gagner. Cette conférence pourrait amorcer un long processus de pacification et réclamera une implication des acteurs internationaux. Celle-ci ne pourra alors se limiter à un suivisme aveugle de la politique saoudienne.

      Il y a deux mois et demi, la coalition militaire emmenée par l’Arabie saoudite débutait son offensive au Yémen. L’opération « Tempête décisive » avait pour objectif affiché de rétablir le pouvoir du président Abd Rabo Mansour Hadi. Celui-ci avait été poussé vers la sortie en janvier par la rébellion houthiste et avait trouvé refuge à Riyad. Il espérait mettre les houthistes à genoux, tout en écrasant leurs soutiens militaires liés aux réseaux de l’ancien président Ali Abdallah Saleh.

      L’attaque saoudienne s’est révélée bien peu « décisive ». La pertinence d’une intervention armée extérieure pouvait déjà en elle-même être considérée comme discutable, mais elle s’appuyait sur une vision stratégique tangible. De fait, les avancées houthistes généraient du rejet de la part de très larges segments de la population yéménite et constituaient une impasse isolationniste. Qui pouvait accepter de voir à la tête d’un pays aussi dépendant que le Yémen une rébellion dont le slogan principal est « Mort à l’Amérique » ?

      L’Iran avait certes choisi de soutenir les miliciens « zaïdites-chiites » dans le pré carré yéménite des Saoudiens mais la République islamique a finalement lâché son allié houthiste. Elle n’a en tout état de cause pas fait de l’offensive saoudienne un casus belli et se tient en retrait en dépit d’un discours offensif.
      Soutien timide à Tempête décisive

      Malgré tout, l’inefficacité de « Tempête décisive » est patente. Les frappes aériennes devaient permettre de « sauver » Aden, la deuxième ville du pays, vers laquelle les houthistes avançaient mi-mars. Les bombardements saoudiens ont participé à sa destruction. La ville portuaire reste l’objet d’âpres combats et les soldats de la coalition n’ont toujours pas pu y poser un pied. Pire, la capacité de projection des houthistes atteint maintenant les villes saoudiennes. Alors que les armes lourdes étaient censées avoir été détruites, début juin, trois missiles Scud étaient tirés vers le nord, explosant au-delà de la frontière.

      En dépit d’une communication efficace et du contrôle exercé sur les chaînes d’information, l’échec de la stratégie yéménite portée par le roi Salman et son fils Mohamed Ben Salman, jeune ministre de la défense, risque bien d’apparaître au grand jour. Leur position pourrait s’en trouver fragilisée, dans un contexte de concurrence au sein de la famille royale.

      Par ailleurs, les pays membres de la coalition n’apportent qu’un soutien timide à Tempête décisive. De fait, la manne pétrolière ne peut pas tout ! Aucune armée ne semble donc prête à jouer les supplétifs des Saoudiens en intervenant au sol. Les Egyptiens gardent un très mauvais souvenir de leur intervention au Yémen entre 1962 et 1967. Le Parlement pakistanais a même voté début avril pour son retrait de la coalition. Ce ne sont pas les 2 100 soldats sénégalais promis mais toujours attendus qui viendront effacer ces affronts ni changer la donne sur le terrain.

      Dans ce cadre, la stratégie aérienne se révèle bien inefficace pour rétablir le pouvoir de Hadi. En revanche, elle tue des civils par centaines, détruit des infrastructures ainsi qu’un patrimoine culturel et archéologique unique au monde. La vieille ville de Sanaa, joyau classé par l’Unesco, le mythique barrage de Mareb, situé au cœur du royaume antique de Saba, ont été touchés par les bombardements.

      Le blocus maritime et aérien imposé par les Saoudiens plonge le pays dans la famine. Les groupes djihadistes sunnites, Al-Qaida mais aussi « l’Etat islamique » qui émerge, voient leur logique sectaire anti-chiite légitimée par l’offensive saoudienne. Ils bénéficient en même temps du chaos ambiant et de l’affaiblissement militaire des houthistes qui les combattaient avec ardeur depuis de nombreux mois.
      Les houthistes uniques responsables

      La communauté internationale est quelque peu perdue face au dossier yéménite. Elle soutient sans grande nuance la stratégie saoudienne et apporte même selon toute vraisemblance une aide logistique à la coalition. En avril, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité (moins l’abstention russe) la résolution 2216 qui demande aux seuls houthistes de rendre les armes et les considère donc comme uniques responsables du conflit. La résolution échoue ainsi à prendre en compte les racines de la détérioration de la situation et l’ampleur du ressentiment de la population à l’égard des Saoudiens mais aussi du pouvoir de Hadi, dit « légitime ».

      Dans ce contexte, qu’attendre de la conférence de Genève que Hadi a lui-même refusé de qualifier de « négociations » ? Sans doute pas grand-chose si les grandes puissances et l’institution onusienne continuent de suivre la logique intransigeante des Saoudiens et de Hadi. A priori, ce dernier ne se rendra d’ailleurs pas à Genève, tout comme son premier ministre, Khaled Bahah, un temps pourtant perçu comme l’homme providentiel.

      Avec l’approche du ramadan qui débute le 18 juin, un cessez-le-feu pourrait toutefois être obtenu. Il ne réglerait rien sur le long terme mais offrirait du répit aux civils comme aux acteurs humanitaires. Il permettrait aussi à la coalition de sortir la tête haute de ce qui devient une impasse stratégique, en offrant du temps pour les négociations.

      Maintenir le pari d’une solution militaire et d’un retour au pouvoir de Hadi lui-même a fait perdre un temps précieux. Il est urgent de mettre en avant des alternatives, élaborées notamment par la diplomatie omanaise. Il est essentiel de faire pression sur l’ensemble des parties en conflit de façon équilibrée. Genève pourrait alors inaugurer une phase de reconstruction, qui sera de toute évidence longue et difficile.

      L’Union européenne, Allemagne en tête du fait de sa diplomatie passée au Yémen, a sans doute là une carte à jouer. Cette dernière, qui devrait aussi impliquer la France, exige certes un peu de compétence mais surtout le courage de faire de la stabilité régionale une authentique priorité, même si cela doit être au prix de quelques contrats d’armement payés en pétrodollars.

      Laurent Bonnefoy est chercheur du CNRS au CERI/Sciences Po et membre du projet européen When Authoritarianism Fails in the Arab World (WAFAW)

  • La démocratie dans les bras de Big Brother
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/04/la-democratie-dans-les-bras-de-big-brother_4647535_3232.html

    Mireille Delmas-Marty revient sur les enjeux liés à la protection des droits fondamentaux alors que le Sénat examine, depuis le 2 juin, le projet de loi controversé sur le renseignement.
    […]

    #paywall :-(

    • Faut juste demander :)

      La démocratie dans les bras de Big Brother

      LE MONDE CULTURE ET IDEES | 04.06.2015 à 15h10 • Mis à jour le 04.06.2015 à 20h09 | Propos recueillis par Franck Johannès

      Mireille Delmas-Marty, 74 ans, est une juriste infiniment respectée en Europe. Agrégée de droit privé et de sciences criminelles, ancienne professeure des universités Lille-II, Paris-XI, ­Paris-I - Panthéon-Sorbonne, ex-membre de l’Institut universitaire de France, puis au Collège de France de 2003 à 2011, elle a été professeure invitée dans la plupart des grandes universités européennes, ainsi qu’aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Chine, au Japon et au Canada.

      En France, son nom reste attaché au rapport de la Commission justice pénale et droits de l’homme (1989-1990), qui préconisait une réforme profonde de la justice pénale : elle proposait de supprimer le juge d’instruction au profit d’un juge arbitre et d’un parquet doté de solides garanties statutaires. Ayant écrit de nombreux ouvrages, dont Libertés et ­sûreté dans un monde dangereux (Seuil, 2010), Mireille Delmas-Marty revient sur les enjeux liés à la protection des droits fondamentaux alors que le Sénat examine, depuis le 2 juin, le projet de loi controversé sur le renseignement.

      Lire aussi : Renseignement  : la loi examinée en urgence au Sénat
      Le 11-Septembre, «  tragédie  » en trois actes

      Depuis le 11 septembre 2001, la façon d’envisager la sanction pénale a-t-elle changé ?

      C’est plus qu’un changement, c’est une véritable métamorphose de la justice ­pénale, et plus largement du contrôle ­social. Les conséquences des attentats de 2001 se sont enchaînées de façon quasi inéluctable, un peu à la manière d’une tragédie. Le premier acte, l’effondrement des tours jumelles de New York, est un événement mondial  : les auteurs comme les victimes sont de différentes nationalités, et sa préparation comme sa diffusion ont largement intégré des moyens de communication transnationaux, dont Internet. Logiquement, un crime global aurait dû appeler une justice ­globale, rendue par une cour pénale ­internationale. Mais on est très loin de la logique  : il était politiquement impensable que les Etats-Unis ne relèvent pas eux-mêmes un tel défi.

      Le président George Bush a aussitôt ­déclaré la «   guerre contre le terrorisme  ». Il faut s’arrêter sur cette formule, parce que ce n’est pas une simple métaphore. La Constitution américaine ne prévoit pas d’état d’exception  : seul l’état de guerre permet un transfert de pouvoirs au président. Le Patriot Act a donc rendu possible, sur ordre du président, une surveillance de masse et un régime pénal ­dérogatoire allant jusqu’à couvrir l’usage de la torture, voire organiser des assassinats ciblés. Cette stratégie guerrière a eu des conséquences en droit ­international  : pour la première fois, le terrorisme a été assimilé, par le Conseil de sécurité des ­Nations unies, à un acte d’agression. S’agissant d’une agression, les Etats-Unis étaient en légitime défense, une défense qu’ils n’ont pas hésité à élargir à ce ­concept étrange de défense «  préemptive  », qui a servi à légitimer les frappes «  préventives  » contre l’Irak en 2003.

      Quel est pour vous le deuxième acte  ?

      C’est la mondialisation de la surveillance. D’une riposte purement nationale et souverainiste, on est très vite passé à une guerre contre le terrorisme élargie à l’ensemble de la planète, avec l’ouverture du camp de Guantanamo hors du territoire américain, puis avec l’existence d’une «  toile d’araignée  » américaine dénoncée en 2006 par le Conseil de l’Europe – la carte des centres de détention secrets dans le monde et les transferts illégaux de détenus.

      Le troisième acte se joue, aujourd’hui encore, sur plusieurs scènes, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient ou en Europe mais aussi, depuis janvier, au cœur de la France. L’apparition de l’organisation ­criminelle dite «   Etat islamique  » sur les ruines de l’Irak et de la Syrie brouille ­encore davantage les distinctions entre guerre et paix, entre crime et guerre. Avec qui conclure un traité de paix  ? Tous les ingrédients sont réunis pour une guerre civile mondiale et ­permanente.
      «  La justice pénale devient une justice prédictive  »

      Quel est l’impact de ces bouleversements sur le système ­pénal français  ?

      De l’«   association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste   », prévue dès 1986, à l’«  entreprise individuelle à caractère terroriste   », ajoutée en 2014, se confirme l’évolution vers une justice que l’on pourrait qualifier de prédictive. Ce sont des étapes dans l’extension progressive des qualifications pénales en matière de terrorisme, une sorte de dilatation de la responsabilité pénale qui englobe des comportements de plus en plus éloignés de l’infraction. Alors que l’association de malfaiteurs suppose au moins deux personnes, la loi de 2014 n’en vise plus qu’une.

      La différence n’est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative  : à partir du moment où l’entreprise criminelle ne concerne qu’un individu, il est beaucoup plus difficile de trouver des éléments matériels concrétisant le projet criminel. D’où la recherche d’une mystérieuse intention criminelle afin, explique le gouvernement, de placer la répression pénale «  au plus près de l’intention  ». Aujourd’hui, il est possible d’engager des poursuites à l’égard d’un individu avant même toute tentative. Jusqu’où ira-t-on dans l’anticipation  ? Prétendre prédire le passage à l’acte, détecter l’intention, c’est déjà une forme de déshumanisation parce que le propre de l’homme est l’indétermination  : sans indétermination, on n’est plus responsable de rien.

      Quelles sont les autres étapes  ?

      En France, le grand tournant remonte à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, adoptée par une «   droite décomplexée  » qui n’hésite pas à copier le modèle d’une loi allemande de la période nazie. Ce texte va très loin puisque en permettant l’incarcération d’un condamné après l’exécution de sa peine, pour une durée renouvelable indéfiniment par le juge au vu d’un avis de dangerosité, la loi renonce au principe de responsabilité.

      Enfermer un être humain, non pour le punir, mais pour l’empêcher de nuire, comme un animal dangereux, c’est une véritable déshumanisation et une dérive considérable. La justice pénale devient une justice prédictive, et la sanction punitive se double d’une mesure préventive, dite de sûreté – qui en réalité repose sur la prédiction. Traditionnellement, le droit pénal est pourtant fondé sur la ­culpabilité, établie, construite sur des éléments de preuves. La dangerosité, en revanche, relève d’un pronostic sur l’avenir, voire d’un soupçon, impossible à prouver  : faute de preuves de leur culpabilité, certains détenus de Guantanamo n’ont ainsi pas pu être jugés.

      Le projet de loi sur le renseignement adopte-t-il la même logique  ?

      Ce projet va en effet dans le même sens  : la police devient, elle aussi, prédictive. Deux mots-clés, empruntés au Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale, reviennent dans la présentation du projet de loi  : «  connaissance  » et «  anticipation  ». Avec les progrès du numérique, on arrive à agréger dans les fameux big data une telle masse de données que l’interprétation, en intégrant les techniques de profilage et les algorithmes de prédiction, relève de plus en plus d’une logique d’anticipation, une sorte d’extension dans le temps. Au lieu de partir de la cible pour trouver les données, on part des données pour trouver la cible.

      Y a-t-il des points communs entre le Patriot Act et l’arsenal législatif français  ?

      Oui et non. Non, parce que nous n’avons, en France, ni procédé à un transfert de pouvoir massif vers le président de la République, ni créé des commissions militaires pour juger les terroristes, ni autorisé l’usage de la torture. Notre arsenal n’est donc pas un «  droit d’exception  », comme l’a répété le premier ministre, Manuel Valls, bien qu’il concède «  des mesures exceptionnelles  ». Oui, car il y a aussi des points communs avec la riposte américaine, ne serait-ce que l’expression de «  guerre contre le terrorisme   », que le Conseil de l’Europe considère pourtant comme «   un concept fallacieux et de peu d’utilité  ». «   Les terroristes sont des criminels et non des soldats, et les crimes de terrorisme ne peuvent être assimilés à des crimes de guerre, même s’ils peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité », précise une résolution de l’Assemblée parlementaire adoptée en 2011.

      Lire aussi : Peut-on comparer la loi française sur le renseignement et le Freedom Act américain ?

      Cette guerre à caractère national n’empêche pas la globalisation des pratiques de renseignement, y compris par transfert de blocs de données, parfois non encore décryptées, au service d’un pays allié. On retrouve ainsi en France l’ambiguïté du Patriot Act qui affiche son nationalisme et intègre en réalité des pratiques globales.

      Voyez-vous, à partir de la lutte contre le terrorisme, une extension du domaine de la sanction  ?

      L’effet 11-Septembre, cette métamorphose de la justice pénale, de la culpabilité à la dangerosité, ne s’est pas limité au terrorisme. La riposte américaine a levé un tabou, celui de l’Etat de droit, soumis à des principes fondamentaux et à des droits indérogeables. En France, la loi sur la rétention de sûreté n’a ainsi rien à voir avec le terrorisme et concerne d’autres domaines de la criminalité – les viols, les meurtres, les enlèvements, la séquestration…

      La loi sur le renseignement est plus ambiguë  : elle est essentiellement légitimée par sa référence au terrorisme mais elle a un contenu beaucoup plus large, car elle permet une surveillance dans de multiples champs – les intérêts économiques et scientifiques français, ceux de la politique étrangère, la criminalité et la délinquance organisée, les violences collectives.

      Il y a une porosité des différents domaines du droit pénal, comme s’il y avait une propagation de la peur, du terrorisme à d’autres formes d’infractions telles que la criminalité sexuelle ou la criminalité organisée. Puis on en arrive à l’amalgame entre la peur de la criminalité et celle de l’immigration. Il faut distinguer cette «  peur-exclusion  », qui conduit au rejet de l’autre, de la «  peur-solidarité  », qui est meilleure conseillère puisqu’elle suscite, autour de phénomènes globaux comme le changement climatique, une sorte de solidarité mondiale que le philosophe allemand Jürgen Habermas nomme «  communauté involontaire ». Il reste encore à passer à une communauté cette fois ­volontaire.
      «  Ben Laden a gagné son pari  »

      La démocratie peut-elle lutter efficacement contre le terrorisme sans renier ses principes fondamentaux  ?

      Poser ainsi la question, c’est dire que le reniement des principes fondamentaux permettrait a contrario de lutter réellement contre le terrorisme. Il suffit d’observer ce qui s’est passé depuis l’invasion de l’Irak pour se convaincre du contraire  : nous sommes devant un champ de ruines. La violation des principes fondamentaux n’a pas produit de résultats très convaincants en termes de sécurité, c’est le moins qu’on puisse dire. On peut déjà craindre que Ben Laden ait gagné son pari. Il souhaitait détruire la démocratie, il avait en tout cas pressenti qu’il allait la jeter dans les bras de Big Brother.

      Pour être efficace sans renier les droits fondamentaux, la démocratie doit éviter un certain nombre de pièges, et notamment celui que la Cour européenne des droits de l’homme avait décelé dès l’«  affaire Klass  » de 1978, déjà une affaire d’interceptions de sûreté, d’écoutes, en matière de terrorisme  : c’est l’illusion du risque zéro. Rêver d’une sécurité parfaite, ce serait oublier l’avertissement satirique de Kant, qui avait ouvert son Projet de paix perpétuelle sur l’enseigne d’un aubergiste évoquant la paix éternelle des cimetières, la seule durable. L’illusion serait de croire, et de faire croire, qu’il est possible de supprimer tous les risques.
      L’un des détenus du camp de Guantanamo, en 2002.

      A l’époque, la Cour avait d’ailleurs précisé que «   les Etats ne sauraient, au nom de la lutte contre le terrorisme, prendre n’importe quelle mesure jugée par eux appropriée  ». Le danger serait, pour reprendre la formule de la Cour européenne, «  de saper, voire de détruire la démocratie au motif de la défendre ».

      Qu’est-ce qui n’est pas justifié par l’antiterrorisme  ?

      Plus récemment, dans une autre affaire ­allemande sur la surveillance par GPS (Uzun c. Allemagne, 2010), la Cour européenne des droits de l’homme a précisé qu’« eu égard au risque d’abus inhérent à tout système de surveillance secrète, de telles mesures doivent se fonder sur une loi particulièrement précise, en particulier compte tenu de ce que la technologie disponible devient de plus en plus sophistiquée ». Au nom de la lutte contre le terrorisme, le droit au respect de la vie privée peut donc être restreint, mais sous certaines conditions : de légalité, de proportionnalité et de contrôle démocratique.

      En revanche, le caractère absolu de l’interdiction de la torture et des « traitements inhumains » fait obstacle à toute dérogation. Ce caractère, affirmé dès 1978 (Irlande c. Royaume-Uni), a été réaffirmé en 2008 (Saadi c. Italie), alors que le gouvernement anglais soutenait que l’objectif de sécurité nationale devrait permettre d’assouplir le principe. La cour a répondu qu’elle «  ne saurait méconnaître l’importance du danger que représente aujourd’hui le terrorisme  », mais que ce danger «  ne saurait dispenser les Etats de protéger la personne contre le risque de torture ou de mauvais traitement  ». L’interdiction de la torture reste la borne infranchissable  : c’est un droit indérogeable.
      «  Pour se protéger, la démocratie doit éclairer les choix  »

      Y a-t-il d’autres pièges  ?

      L’anticipation, quand elle est sans limite, peut être dangereuse. C’est un problème difficile. Comme le soulignait Nassim Nicholas Taleb dans Le Cygne noir (Les Belles Lettres, 2012), le monde, en devenant plus complexe, devient aussi plus imprévisible, et cette imprévisibilité attise les peurs de la société. La tentation est alors forte de glisser vers une société prédictive. Déjà, des propositions surgissent pour transposer le principe de précaution – inventé à propos de l’environnement et réservé aux produits dangereux – aux risques humains. L’anticipation peut conduire à la déshumanisation.

      Pour se protéger, la démocratie doit éclairer les choix et expliciter, outre les critères de gravité, les conditions d’acceptabilité du risque : quels risques sommes-nous prêts à accepter pour préserver nos droits et libertés ? La mission de la Cour européenne des droits de l’homme consiste justement à tenter de répondre à cette question, mais c’est aussi au législateur national de s’en préoccuper. C’est pourquoi le contrôle efficace de la collecte, du stockage et de l’interprétation des données autorisés dans la loi sur le renseignement sera l’une des clés pour évaluer ce texte.

      Finalement, protéger la démocratie, c’est peut-être apprendre à rebondir sur les ambivalences d’un monde où la peur, quand elle ne favorise pas la haine et l’exclusion, peut être un facteur de solidarité. Face au terrorisme comme aux autres menaces globales, il faut garder à l’esprit l’appel du poète Edouard Glissant à la « pensée du tremblement », une pensée qui n’est « ni crainte ni faiblesse, mais l’assurance qu’il est possible d’approcher ces chaos, de durer et de grandir dans cet imprévisible ». Si nos sociétés y parviennent, Ben Laden aura perdu. A moins qu’il ne soit trop tard et que la guerre civile mondiale soit déjà là. A défaut d’une justice mondiale efficace, c’est une police mondiale sans ­contrôle qui risque alors de s’instaurer.

      Lire aussi : La loi sur le renseignement mettra-t-elle en place une « surveillance de masse » ?

      À LIRE

      Libertés et ­sûreté dans un monde dangereux, de Mireille Delmas-Marty (Seuil, 2010).

  • Ce billet d’opinion très intéressant et qui tranche avec les discours (primaires) ambiants - Dans le Monde co-signé par Jean Radvanyi entre autre :

    Il est temps de refonder une école française de pensée stratégique sur la Russie

    Depuis plus d’un an et demi, la crise ukrainienne a mis en lumière le dynamisme des recompositions (géo)politiques dans l’espace postsoviétique : cette région du monde est en mouvement, et ce mouvement impacte directement l’espace européen. L’enjeu est loin d’être limité à l’avenir des marges orientales de l’Europe. La Russie et l’Europe partagent un même continent, et ne peuvent avoir des trajectoires historiques cloisonnées.

    La crise ukrainienne – de la Crimée au Donbass – a également révélé à quel point le paysage stratégique français était polarisé sur la question. Non qu’il faille viser l’unanimité des points de vue. Mais on ne peut qu’être inquiet de la pauvreté relative du débat stratégique. Comme souvent concernant l’espace postsoviétique, seules les positions radicales aux deux extrêmes du spectre – la simple reproduction du discours du Kremlin, ou le renouveau d’une russophobie viscérale – se sont exprimées. Diabolisation et dénonciations ont laissé l’opinion publique, les médias et les cercles de décision politiques et économiques dans l’impasse intellectuelle et stratégique.

    Cette situation est le résultat des nombreuses années durant lesquelles la Russie et les pays de l’ex-URSS ont été considérés comme les parents pauvres du débat stratégique français. L’État s’est largement désinvesti de son soutien à la production d’un savoir sur la région, accélérant la chute des études russes et eurasiennes dans les universités françaises, et siphonnant les fonds alloués à la connaissance des langues et contextes locaux. Dans les centres d’analyse stratégique, la zone Russie-Eurasie est devenue un secteur marginal, les jeunes esprits brillants étant invités à s’investir dans des sujets plus porteurs, ou n’arrivaient pas à accéder aux lieux de visibilité. Bien sûr, dans ce climat morose de désintérêt pour la région, quelques exceptions ont tenu bon et ont appris à gérer au mieux la rareté des fonds, de ressources humaines et de soutien administratif.

    Il manque toutefois à la France une école de pensée globale structurée autour de trois grands enjeux :

    1/ Faire dialoguer les spécialistes des questions de politique intérieure, d’identité et de culture avec ceux qui s’occupent du secteur économique et des politiques étrangères et de défense. On a vu à quel point la crise ukrainienne était au carrefour des questions intérieures et des questions internationales – et les guerres de mémoire en cours n’en sont qu’à leurs débuts ;

    2/ Favoriser le dialogue, courant dans le monde anglo-saxon mais absent en France, entre les think tanks et la recherche universitaire ;

    3/ Replacer les enjeux liés à la Russie dans un contexte global qui touche l’Europe de plein fouet : viennent à l’esprit, parmi bien d’autres, flux migratoires, désespérance sociale qui pousse à la radicalisation, nouvelles infrastructures transcontinentales chinoises, etc.

    Sur la base d’un tel constat, il est temps de refonder une école française de pensée stratégique sur la Russie. Temps de faire tomber les clichés sur une Russie qui ne serait qu’un monstre froid avide d’expansion territoriale, ou à l’autre extrême, d’une Russie seule en mesure de sauver l’Europe de ses démons libéraux et transatlantiques. Temps d’avoir une vision proactive vis-à-vis de la Russie et de mettre en place de nouvelles plateformes où la recherche sur ce pays puisse s’élaborer en prenant en compte la profondeur historique, la dimension économique, les contextes locaux ou encore l’expression du pluralisme qui existe en Russie même. Temps que tous ceux qui contribuent à la prise de décision puissent s’appuyer sur des analyses objectives – qui intègrent aussi bien le long passé des relations franco-russes que les tensions et rivalités contemporaines – et soient libérés des différents lobbies qui se sont multipliés ces dernières années, et qui cherchent à influencer nos perceptions.

    L’Allemagne vient de décider, en janvier 2015, de financer un nouvel institut d’étude entièrement dédié à la Russie et l’espace eurasiatique, doté d’un budget de 2,5 millions d’euros. La France aurait avantage à suivre cet exemple. Il ne s’agit pas de mettre en place une nouvelle institution qui viendrait s’ajouter aux autres mais de créer des synergies nouvelles dépassant les traditionnels blocages franco-français et les concurrences institutionnelles, ainsi que de générer des analyses collectives libérées de concepts trop chargés idéologiquement.

    Il serait dommageable que Paris reste silencieux sur des enjeux qui touchent à l’avenir de l’Europe. De plus, une nouvelle école de pensée stratégique sur la Russie servira également de relais de la politique française d’influence globale au sein de l’Union européenne et dans le dialogue avec les États-Unis.

    Une certitude demeure : la Russie sera encore là dans les prochaines décennies. Mieux la comprendre doit nous permettre d’anticiper les trajectoires stratégiques pour affirmer les intérêts de la France et de l’Europe dans cette aire géopolitique essentielle.

    Signataires, par ordre alphabétique :

    Mathieu Boulègue, Associé pour le cabinet de conseil AESMA, Pôle Eurasie
    Isabelle Facon, Chercheur, Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS)
    Kevin Limonier, Chercheur, Institut Français de Géopolitique, Université Paris VIII
    Marlène Laruelle, Professeur, Elliott School of International Affairs, George Washington University
    Jérôme Pasinetti, Président du cabinet de conseil AESMA
    Anaïs Marin, Marie Curie Fellow, Collegium Civitas, Varsovie
    Jean Radvanyi, Professeur des universités, INALCO
    Jean-Robert Raviot, Professeur, Etudes russes et post-soviétiques, Université Paris Ouest Nanterre
    David Teurtrie, Chercheur associé au Centre de recherches Europe-Eurasie (CREE), INALCO
    Julien Vercueil, Maître de conférences de sciences économiques, INALCO
    Henry Zipper de Fabiani, ancien Ambassadeur de France
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/02/il-est-temps-de-refonder-une-ecole-francaise-de-pensee-strategique-sur-la-ru

    #russie

  • Pôle emploi doit ouvrir l’accès aux données sur les chômeurs, Stéphanie Delestre, PDG de Qapa.fr ( "274 975 offres à pourvoir maintenant. Des milliers d’entreprises recrutent sur Qapa. Ne manquez pas ces opportunités" )
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/02/pole-emploi-doit-ouvrir-l-acces-aux-donnees-sur-les-chomeurs_4645957_3232.ht

    900 000 emplois non pourvus ou difficilement pourvus [ben voyons], 5 millions de #chômeurs : cherchez l’erreur. Fluidifier le marché de l’emploi passe par l’ouverture des #données détenues par #Pôle_Emploi à tous les acteurs du #marché_du_travail.

    Le système administré et centralisé qu’est Pôle emploi est inapte à réaliser de manière parfaitement efficiente l’adéquation entre les offres et les demandes sur le marché du travail. Aujourd’hui, la qualification des demandes d’emploi par les opérateurs publics se fait par des références à des nomenclatures préexistantes et faiblement évolutives (par exemple la nomenclature ROME [répertoire opérationnel des métiers et des emplois]), peu adaptées à l’accélération des mutations économiques et technologiques ou des changements de parcours professionnels.

    Les offres présentées à un demandeur d’emploi par les institutions spécialisées sont ainsi souvent peu pertinentes. Dans ces conditions, c’est souvent la stratégie individuelle d’un demandeur d’emploi qui lui permet de trouver le bon employeur, intéressé par ses compétences et son parcours et lui proposant un emploi correspondant à sa recherche et à ses souhaits d’évolution professionnelle.

    De 2 heures à 30 minutes par jour

    Or, les stratégies individuelles sur le marché de l’emploi ne font pas encore l’objet d’une observation et d’une interprétation pertinentes pour en faire émerger une intelligence collective propice à l’#efficience_du_marché. Par ailleurs, les demandeurs d’emploi sont confrontés à des difficultés sociales directement liées à leur situation : la passivité et la rupture progressive du lien social rendent d’autant plus difficile leur réinsertion durable sur le marché du travail.

    De nombreux travaux de recherche (Krueger et Mueller, Université de Princeton, 2011) montrent que l’intensité de la recherche d’emploi diminue substantiellement au long d’une période de #chômage. Il est ainsi observé sur un échantillon de demandeurs d’emploi américains qu’après trois mois de chômage la durée quotidienne de recherche d’emploi chute de 2 heures à 30 minutes par jour.

    Avec plus de 5 millions de chômeurs et environ 500 000 offres d’emploi disponibles à un instant « T » sur le marché, c’est la mise en relation efficiente entre l’offre et la demande, entre les candidats et les offres d’emploi, qui doit se développer grâce au numérique (qui offre la possibilité de traiter des grandes quantités de données en temps réel) et à Internet (qui met en relation automatique et en temps réel l’offre et la demande).

    Écosystème de services

    La précision et la quantité des informations sont les clés pour obtenir les meilleurs résultats de matching (appariement). Pôle emploi dispose pour cela d’une énorme quantité « #matière_première » (les CV des chômeurs et les offres d’emploi) sur laquelle un écosystème de services et d’applications innovants peut se nourrir et se développer rapidement pour lutter contre le chômage [ben voyons].

    Ces données sont aussi intéressantes pour les acteurs publics locaux afin de comprendre les besoins de chaque bassin d’emploi, les besoins en formation par secteur d’activité, etc. Les usages sont infinis. Alors pourquoi Pôle emploi refuse-t-il l’accès à ses données, contrairement à ce que recommande le secrétariat général à la modernisation de l’action publique ? Est-ce la peur que de nouveaux acteurs apportent un meilleur service ? Est-ce la peur que le chômage baisse vraiment, et que l’activité même de Pôle Emploi soit à réinventer ?

    Pour accélérer le retour des chômeurs à l’emploi, Pôle emploi doit ouvrir en #open_data ses fichiers d’offres d’emploi et de demandeurs d’emploi [bigre]. En d’autres termes, transformer ses fichiers en données publiques, accessibles à toutes les entreprises dont l’objet est la #fluidité du marché de l’emploi. La lutte contre le chômage doit être la grande cause nationale de la France. Tout demandeur d’emploi doit pouvoir réclamer que sa #candidature soit accessible à tous les recruteurs potentiels !

    La création d’un corps de 200 agents contrôleurs indique bien ce qui donne le la : à Pôle la non indemnisation, les « emplois aidés » et les contrôles, le placement aux #opérateurs_privés, et à qui voudra s’en occuper (...), l’info sur les droits (toujours changeants, soumis à l’arbitraire, conçus pour déstabiliser, produire l’#insécurité_sociale maxi), les recours, la défense des chômeurs.

    • Franchement, les offres de Pôle Emploi, ce sont les rebus. Dans l’ordre, les jobs sont distribués par recrutement interne (cela peut-être un ex précaire, genre stagiaire, rarement intérimaire, un CDD), cooptation (la boite sait qu’elle va avoir besoin de quelqu’un, elle demande aux salariés en place de recommander quelqu’un, le job est pourvu avant même d’être libre et ça reste entre gens inclus), réseau professionnel (comme la cooptation, ça circule en petit comité sans jamais que le poste soit ouvert) et si vraiment on ne trouve pas (ce qui est rare), annonce dans les médias métiers spécialisés. Pour Pôle Emploi, c’est les boites minables avec jobs et conditions minables et gros turn over (donc pas de recommandations internes), les CDD d’un jour ou deux, voir d’une heure, les contrats aidés (donc les jobs de merde), les annonces légales (le job est déjà pourvu, mais il faut publier une annonce quand même), voire les fake : pour faire croire que la boite va bien, pour se constituer un fichier de CV gratos.

      Ça, c’est la putain de réalité du marché du travail.
      Je n’ai jamais eu de job en répondant à une annonce, en envoyant mon CV, jamais. Toujours par contact direct, par un pote, etc. Toujours.

      Alors leurs stats des emplois disponibles, c’est gravement de la merde en barre, tout comme leurs stages de recherches d’emplois ou l’on apprend que les méthodes qui ne marchent jamais.
      On ne change pas une équipe qui perd.

      http://blog.monolecte.fr/post/2012/02/06/dans-les-choux

  • Aides au logement : qui sera visé par la réforme des APL ? - Challenges.fr

    http://www.challenges.fr/actu-immo/20150522.CHA6064/aides-au-logement-qui-sera-vise-par-la-reforme-des-apl.html

    Un rapport parlementaire plaide pour des aides concentrées...

    ...il préconise pour des « raisons d’équité et d’efficacité », d’allouer les aides aux étudiants « qui en ont le plus besoin », ce qui représenterait une économie annuelle de 180 millions d’euros.

    L’APL versée aux étudiants serait modulée en fonction de 3 critères déjà pris en compte dans le système des bourses : « le revenu des parents, l’éloignement géographique et les cas de rupture familiale ». (...)

    ...les députés préconisent de cibler l’#APL sur « les ménages les plus modestes et dont les difficultés d’accès à un #logement sont réelles », en intégrant le #patrimoine dans l’#évaluation des ressources, comme c’est le cas pour l’attribution du Revenu de solidarité active (#RSA). Les biens y sont considérés comme procurant un #revenu annuel égal à 3% du montant des capitaux.

    La mesure, qui concernerait « 10% des allocataires qui ont un patrimoine supérieur à 30.000 euros », selon le rapport, génèrerait une économie budgétaire annuelle chiffrée à 150 millions d’euros.

    Aussi les « très élevés » coûts de gestion de ces aides par les Caisses d’allocations familiales (Caf), 600 millions d’euros annuels, seraient réduits si elles étaient « stabilisées par périodes de 3 ou 6 mois », et non révisées à chaque #changement_de_situation des ménages.
    (...)

    Les députés demandent aussi au gouvernement de renoncer à la « quasi-suppression », à compter du 1er janvier 2016, de l’APL accession.

    Une telle mesure « nuirait grandement à la capacité des ménages aux revenus modestes et moyens d’accéder à la propriété, tout en aggravant à court terme, le déficit public ». Car en touchant 12.100 opérations, dont 8.400 constructions neuves, elle réduirait les recettes fiscales de « 150 à 200 millions d’euros », annulant ainsi les économies escomptées.

    #austérité

  • #Le_Corbusier fut-il fasciste ou démiurge ?

    Le cinquantième anniversaire de la mort de l’architecte Le Corbusier (1887-1965), auquel le Centre Pompidou consacre une rétrospective qui ouvre ses portes le 29 avril, provoque un regain de publications, d’expositions et de colloques qui célèbrent ou vont célébrer la mémoire du grand homme.

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/04/29/le-corbusier-fut-il-fasciste-ou-demiurge_4625047_3232.html
    #fascisme #architecture #urbanisme

    • Le Corbusier, fasciste ou séducteur ?http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/03/le-corbusier-fasciste-ou-seducteur_4646539_3232.html

      Selon Jean-Louis Cohen, professeur d’histoire de l’architecture, les méandres politiques du Corbusier s’expliquent par une nécessité séductrice plutôt que par de véritables convictions (...)

      Ses méandres politiques révèlent sa vision #élitiste de la politique. Il partage celle-ci avec beaucoup de #réformateurs leurrés un temps par la rhétorique révolutionnaire de Vichy, ou tentant de jouer à l’intérieur du système, et dont certains entreront dans la Résistance. Cette posture ne trahit pas un simple #opportunisme, trait caractéristique d’un métier qui ne s’accomplit qu’avec des moyens matériels supposant de fortes décisions publiques. Elle relève de la séduction, car c’est bien là le registre dans lequel opère Le Corbusier. Face aux dirigeants auxquels il entend arracher des #commandes, il en intériorise le discours, qu’il reprend à son compte en tentant de les convaincre. Il reprocha ainsi à Staline de ne pas être assez révolutionnaire et donna à Bata des leçons sur la vente des souliers. En dépit des son amitiés pour des idéologues réellement engagés dans les politiques pétainistes, c’est dans l’ordre de la séduction qu’il restera à Vichy, sans passage à l’acte politique.