Hervé Kempf : « Ce que nous vivons n’est pas la crise, mais la mutation de sortie du…

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  • Sommes-nous responsables du #changement_climatique ?
    http://lepeuplebreton.bzh/sommes-nous-responsables-du-changement-climatique
    Gaël BRIAND

    Alors que lʼ#écologie était omniprésente dans les médias et la société voilà quelques années, on constate aujourdʼhui une baisse de lʼintérêt pour ce courant #politique. Selon une étude de la société de services en développement durable GreenFlex parue le 1er juin 2015, 23,7 % des Français se disent désengagés face aux problématiques écologiques contre 15 % en 2014. Moins de 19,6 % des personnes interrogées se disent « très soucieuses des problèmes liés à lʼ#environnement » et 19,3 % pensent quʼ « agir pour lʼenvironnement nʼen vaut la peine que si cela leur fait gagner de lʼargent ». Une étude qui en dit long sur nos sociétés capitalistes…

    Le #climat évolue, la #biodiversité trinque et lʼinfluence de lʼHomme sur son milieu nʼest plus à prouver. Pourtant, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre ces problèmes à bras le corps, comme si la planète pouvait supporter encore quelques décennies de #productivisme alors que lʼon sait pertinemment que ses #ressources sʼépuisent. Pire, les États riches se permettent de rejeter la faute sur les États pauvres qui, selon eux, utilisent plus dʼénergies fossiles et donc contribuent plus à la #pollution, ce qui autoriserait les États riches à poursuivre le saccage ! Côté individuel, même chanson : les #médias nous abreuvent de lʼidée selon laquelle « ce sont les petits gestes qui comptent » et sʼétonnent que les Occidentaux persistent à ne pas faire évoluer leur mode de vie, leurs habitudes de #consommation.
    Cʼest probablement que lʼon ne sʼintéresse à lʼécologie que lorsque lʼon est en « sécurité ». Lʼétude de GreenFlex appelle « rétractés » les personnes désengagées. 64 % seraient des hommes et on note une surreprésentation « chez les chômeurs et les populations modestes ». La précarisation actuelle de la société (associé au sentiment de précarisation) nʼincite en effet pas à la prise de recul. Même les CDI ne sont plus sûrs : en 2011, une étude du ministère du Travail expliquait quʼun tiers des CDI avaient été rompus avant la fin de la première année. La tête dans le guidon, la réflexion sur lʼinteraction hommes-milieux paraît malheureusement assez « bobo »…
    Il faut dire que lʼécologie est considérée chez nous sous lʼangle punitif. De lʼécotaxe – qui était une prime à la centralité – aux interdictions de circuler en passant par les barbants « gestes du quotidien », tout est fait pour que lʼécologie soit impopulaire. Lʼétude dont il est question au début de cet article pose la question du « sacrifice » que les gens seraient capables, ou non, de faire pour favoriser la planète. Se soucier de son milieu nécessiterait donc de sacrifier une part de son bien-être ? Cʼest ce que beaucoup de mouvements écologistes tentent dʼinsinuer dans la tête des gens : je sauve le monde car jʼarrête de prendre des bains ! En caricaturant, on peut donc aisément dire quʼun super-héros serait alors un homme sale.
    Même sʼil est évident, à lʼinstar de ce que disent les Colibris, que lʼeffort de chacun est nécessaire, rejeter sur lʼindividu la #responsabilité collective, cʼest oublier que le citoyen nʼest pas maître – en France du moins – des décisions politiques dʼenvergure. Qui peut affirmer, par exemple, que le choix du #nucléaire est un choix individuel ? Qui peut sérieusement estimer que la paix dans le monde commence par la politesse quand, dans le même temps, les États occidentaux au langage si policé vendent des armes dans les zones instables ? Certes, éteindre sa lumière en quittant une pièce et dire « bonjour » à ses voisins sont des attitudes qui ne peuvent pas faire de mal, mais cela ramène la responsabilité à des niveaux sensiblement différents : pour les uns, fermer un robinet, pour les autres, cesser une politique suicidaire.
    Lʼobjet de ce point de vue nʼest pas dʼaffirmer que le principe de pollueur-payeur est néfaste ou de justifier un gaspillage inadmissible, mais dʼinterroger sur lʼun des fondements qui a prévalu à la pensée politique écologiste, à savoir le « risque ». À force de tout évaluer à lʼaune du risque, on en fait le principe de nos valeurs, dit en substance Ulrich Beck dans son ouvrage La société du risque (1986). La conscience écologique fait partie de ce jeu depuis les années 70 et cela sʼest accentué à partir de la fin du XXe siècle. Ce sont par exemple les écologistes qui ont créé ce qui appartient aujourdʼhui au vocabulaire politique de tous les « décideurs », à savoir le « principe de précaution ».
    Plus récemment, on a vu fleurir des agences de notation et des procédures en tout genre définissant lʼ« acceptabilité » du risque. Car notre vie est devenue une course dʼobstacles au milieu de « risques » : manger est risqué, se déplacer est risqué, boire est risqué, faire lʼamour est risqué…
    Tout cela pour dire que la société actuelle est régie par la peur et cʼest à lʼaune de cette peur, de ce risque hypothétique, que lʼon prend des décisions. Or, les États rejettent la responsabilité sur les individus, justifiant leur propre irresponsabilité par le fait que – loi de lʼoffre et de la demande oblige – cʼest lʼindividu qui choisit ce quʼil consomme (ex. : #OGM ou non) et que, par conséquent, le pouvoir est entre ses mains de citoyen. Le paradoxe, cʼest quʼalors que lʼindividu fait des efforts en tentant de réduire les risques, lʼÉtat lui impose des risques collectifs bien plus graves. Si bien que lʼindividu lambda ne perçoit pas le changement, malgré ses efforts. Ceci peut, en partie du moins, expliquer le fait que nombre de citoyens se désintéressent de ce sujet pourtant ô combien primordial. Ces personnes ont parfaitement conscience de lʼétat de la planète, mais dès lors quʼils ne peuvent pas agir réellement, concrètement, à grande échelle sur ce phénomène, ils le laissent de côté.
    Lʼécologie ne peut pas être cosmétique. Or, le capitalisme en fait un objet de marketing parmi dʼautres. Lʼécologie, au contraire, impose un changement de paradigme profond que le pouvoir doit prendre en compte dans ses politiques. Quand notre société aura monté cette « marche », on pourra peut-être enfin parler de réduction de la production et façonner une société qui vivent en fonction de ses besoins et non de ses envies. Cela nʼa rien de frustrant, mais nécessite simplement une adaptation de la technique à ces impératifs. Un choix politique qui sous-tend une législation adéquate. Encore faudrait-il que le citoyen ait le pouvoir de lʼimposer. Et pour cela, il faudrait revoir nos institutions pour que les décisions se prennent à lʼéchelon le plus petit. On appelle ça « subsidiarité » et cʼest un principe de base de la démocratie. Or, dès lors que la démocratie nʼest pas effective, il est injuste de faire porter la responsabilité sur les individus…

    Assez prévisible dans une société où la question de la
    #démocratie et de la #représentation (cc @aude_v) est éludée, et où le #libéralisme a évacué la question de la #justice_sociale. On se retrouve avec un pouvoir sur lequel on n’a plus la possibilité d’agir et qui nous balance des sermons « #développement_durable » hypocrites et infantilisants.

    • Anecdote personnelle

      Il y a 17 ou 18 ans de cela, j’essayais vainement de faire comprendre aux gentils militants écolos de Chiche ! qui disputaient d’opposition aux OGM qu’il était intellectuellement désarmant de lutter en acceptant le langage de l’ennemi. Qu’on se désarmait soi-même en acceptant de parler en termes de « risques » et de « peur ».
      Qu’en l’occurrence, il ne s’agissait pas de « risques », mais de certitudes - l’ « incertitude » concernant seulement, question ô combien passionnante !, où, quand et comment - sur qui - les conséquences morbides de telle ou telle nouvelle technologie seraient d’abord perçues...
      Qu’il s’agissait de manifester un refus de ces conséquences et de donc leurs causes, et certainement pas d’adopter le langage de leurs promoteurs.

      Quand aux peurs, aux prises de risque, on pouvait et on devait en parler entre amis, entre alliés, entre personnes de confiance : mais les politiser ne signifiait certainement pas d’en faire état, encore moins les brandir comme argument devant un pouvoir que l’on combat.
      Nous n’étions pas nombreux (et où je me trouvais - Grenoble - j’étais souvent bien seul) à formuler cet type de critique, et ne fumes guère écoutés. L’ « information au consommateur » et le « principe de précaution » étaient des slogans tellement plus vendeurs, tellement plus porteurs à très court terme, et ce milieu écologiste semblait pour beaucoup, dont c’était la première expérience d’engagement, une forme d’alternative à une réelle politisation, à une prise de conscience un peu douloureuse des réalités des luttes sociales.

      Mais les ébauches de luttes d’alors (je pense aux campagnes contre les OGM en particulier) semblent bien loin aujourd’hui

      #ancien_combattant
      #vieux_ronchon

    • vu sur twitter : https://twitter.com/clemence_h_/status/638632249152417792

      Vous savez quand sur un produit alimentaire ou un billet de train on affiche l’empreinte Co2 ? C’est pour individualiser le problème.
      Ce sont des grandes entreprises de l’agro-alimentaire ou de transport (RATP, SNCF) qui affichent ça. Elles ont un pouvoir d’action énorme !!
      Mais si implicitement elles rejettent la faute sur vous... Elles n’ont plus besoin d’agir. Ça devient votre responsabilité, VOUS devez changer
      Le + vicieux dans tout ça c’est que les gens pensent que c’est un progrès en soi d’afficher le Co2. Mais ça bloque tout progrès structurel.
      La SNCF supprime des trains et des milliers d’emploi depuis des décennies. Mais voyez combien vous émettez pour un Paris-Bordeaux !!!
      On vit dans un système climaticide. On ne pourra pas sauver le climat en changeant individuellement nos consommations ! Ça ne suffira jamais
      Et ils savent que ce sera toujours insuffisant !! C’est pour ça que les grandes entreprises individualisent le truc !!!!
      Et c’est pour ça que quand Naomi Klein écrit un livre anti-capitaliste Antoine de Caunes lui demande ce qu’il peut faire individuellement.
      Parce que changer le système, agir collectivement, prendre des mesures politiques fortes- tout ça n’est pas dans nos esprits.

      #libéralisation #atomisation

  • La sobriété heureuse ou comment rester sur sa soif ? (entretien original)
    http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=3365

    Avec les crises économiques et écologique, plus rien ne sera comme avant, le bling-bling a fait son temps. Voici venue l’ère de l’alter-consommation, du consommer moins et mieux, du #sobre et du #solidaire. Signes de ces temps nouveaux, le développement des Amap, la naissance de monnaies alternatives comme le Sol Violette [1] à Toulouse et la parution d’une littérature abondante sur le sujet, tout cela s’accompagnant, à mon sens trop souvent, d’insupportables leçons de morale (du genre : « Tu as fait quoi, toi, aujourd’hui pour la planète ? » ) et d’une drôle de sémantique, où l’on tente de nous expliquer l’abondance frugale, la sobriété heureuse, la simplicité dans la béatitude, appelant à la bonne volonté des citoyens, pour un monde où chacun serait libre et heureux.
    N’y a-t-il pas, là, une indécence à demander de consommer moins à quelques millions de personnes qui, déjà, n’arrivent à boucler les fins de mois.

    • D’abord, pourquoi des mots, apparemment contraires, ainsi associés ? Pourquoi des personnes comme #Pierre-Rabhi, #Serge-Latouche ou d’autres ont-ils adjoint heureuse à #sobriété ? A mon avis parce que, dans nos sociétés de #croissance, de nombreux mots ont été détournés par un système de #production d’une avidité permanente.

      Le dictionnaire nous dit qu’une personne est sobre, si elle boit et mange avec modération, si elle vit sans excès, sans luxe ou si elle agit avec mesure. Je n’y vois rien de négatif, ni de triste. Presque tous les philosophes, passés comme présents, valorisent cette sobriété-là qui permet de faire la différence entre l’utile et le futile, entre l’usage justifié et le gaspillage, etc.

      Ce qui s’est passé c’est que notre système, basé sur la croissance, a eu tendance à dévaloriser la sobriété ou la frugalité pour une raison facile à comprendre : ces mots s’opposent à la croissance perpétuelle du chiffre d’affaires, des ventes, de la production de tout et n’importe quoi. A mon avis, donc, ceux qui qualifient d’heureuse la sobriété veulent simplement retrouver le sens originel du mot sobriété qui n’a rien à voir avec l’austérité.

      Seconde remarque, vous trouvez cette idée de sobriété heureuse culpabilisante. Ce le sera si l’on fait peser sur le seul consommateur individuel le poids des changements nécessaires, changements qui doivent porter beaucoup plus sur des orientations collectives que sur de petits gestes individuels pour la planète. Et puis je trouve, moi aussi, qu’il serait indécent de demander à des gens qui vivent déjà très modestement - c’est-à-dire au moins 1/3 des Français - de se mettre à la frugalité. Mais, à mon avis, la plupart des avocats de la sobriété ne tombent pas dans ces travers. Par exemple, lorsqu’ils parlent de sobriété énergétique, certes ils disent qu’il faut veiller individuellement à ne pas surchauffer les logements mais ils demandent, surtout, d’engager des investissements massifs d’isolation thermique, source d’emplois utiles, de bien-être pour tous, y compris par la réduction des factures énergétiques.

      Enfin, je ne crois pas que ces thèmes soient portés par des bobos aisés. Ça a pu être en partie vrai dans le passé mais, je le constate, ça ne l’est plus. Le public vient très nombreux dans les débats sur ce que j’appelle l’objection de croissance, et encore plus depuis que nous sommes en crise profonde. Or le public est désormais composé de personnes très diverses, en particulier de jeunes qui sont très loin d’appartenir aux catégories aisées. Au contraire même, ils sont plus proches du seuil de #pauvreté que du seuil de richesse.

    • http://seenthis.net/messages/187774

      Ce n’est pas à la mère célibataire qui gagne 800 € par mois comme caissière, trois jours par semaine et avec des horaires impossibles, qu’il faut demander de réduire sa #consommation d’énergie. On a là un enjeu de #justice_sociale. D’ailleurs, la consommation d’énergie et de matière augmentent selon le gradient des revenus. Réduire collectivement la consommation d’énergie, c’est réduire beaucoup plus fortement celle des plus riches. D’une part parce qu’il est logique de leur demander plus d’effort, puisque ce sont eux qui consomment le plus. Ensuite, cela permettra aux #classes_moyennes, qui devront porter le gros de la réduction de la consommation, de l’accepter plus facilement. Enfin, cela changera le modèle : pour l’instant, les super-riches définissent pour la société un modèle général de surconsommation ostentatoire ; ils sont les premiers acheteurs de tous ces objets superflus et très sophistiqués que la classe moyenne tente ensuite d’acquérir afin de les imiter. Si on change la façon dont se comporte la couche sociale au sommet de la société, on change le modèle général de la consommation.