Extrait de "Pour une restructuration de la dette grecque" 18 juin 2015 | Par Amélie Poinssot
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"La commission a également analysé la composition et l’évolution de la dette hellène à partir des années 1980. Contrairement aux idées reçues, on découvre que loin d’être liée à des dépenses publiques excessives, « qui restaient en réalité plus basses que les dépenses publiques d’autres pays de la zone euro » à la même époque, la hausse de la dette était plutôt due « au paiement de taux d’intérêt extrêmement élevés aux créanciers, à des dépenses militaires excessives et injustifiées, à des pertes de revenus fiscaux en raison des sorties illégales de capitaux, à la recapitalisation étatique de banques privées, et au déséquilibre international créé par les failles dans la construction de l’Union monétaire elle-même ».
Cessation de paiement
Autrement dit, rien à voir, strictement, avec un État grec supposé ultra-dépensier, une fonction publique prétendue pléthorique, ou encore une fraude fiscale endémique qui n’aurait pas son équivalent ailleurs en Europe… Le rapport a le mérite de remettre en place quelques idées reçues sur la Grèce qui ont encore la vie dure, cinq ans après le début de programmes « d’assainissement budgétaire » qui ont asséché l’économie du pays. Mais surtout, il démontre l’absurdité de ces accords : « L’utilisation de l’argent des ’bail-out’ est dictée strictement par les créanciers et il est révélateur que moins de 10 % de ces fonds ont été destinés aux dépenses courantes de l’État. »
En outre, précise le rapport d’audit, « le premier accord de prêt, en 2010, visait principalement à sauver les banques privées grecques et européennes, et à permettre aux banques de réduire leur exposition aux obligations de l’État grec ». Autrement dit, rien n’a été fait pour favoriser la relance, cette politique s’est avérée parfaitement contre-productive.
Le rapport souligne par ailleurs les problèmes que posent ces conventions de prêt signées en 2010 et en 2012 en termes de souveraineté nationale : ces deux accords ont en effet été signés sous le droit anglais et « contiennent des clauses abusives, qui obligent la Grèce à abandonner des aspects importants de sa souveraineté ». Le rôle de chacune des institutions est dénoncé. La BCE, notamment, est accusée d’avoir outrepassé son mandat en ayant imposé, en tant que partie prenante de la Troïka, des programmes d’ajustement macroéconomique, comme la dérégulation du marché du travail.
En conclusion, la dette publique grecque est, pour la commission d’audit, non seulement « insoutenable » économiquement, « illégale » d’un point de vue juridique, « illégitime » car contractée dans des conditions opaques et en contradiction avec les intérêts du peuple grec, mais aussi « odieuse », car les institutions qui ont signé ces accords étaient parfaitement conscientes de tout cela."