• #effondrement (récit de l’) Me fait penser à une BD publiée chez Adrastia où tu vois une tribu de « djeunes gens » prêt à se barrer de la ville en mode chacun pour sa gueule et tant pis s’il faut écraser celle des autres et dont le but ultime est d’aller se réfugier quelque part dans la France sauvage pour s’initier à la #résilience ...

      Mais on peut les pardonner : il vaut mieux sacrifier un peu d’urbanité en remplaçant son verre de vin en terrasse par du jus de pomme mal filtré consommé dans une grange poussiéreuse plutôt que de faire société avec des gueux mal éduqués.

    • Ils sont designer, créateur sonore, directrice d’école dans l’enseignement supérieur ou encore entrepreneuse dans l’économie sociale et solidaire.

      Il faut bien ça pour pouvoir dire :

      Pour moi, cette crise est une réminiscence : ce sentiment qu’on contrôle sa vie et que d’un coup, tout s’écroule. Je n’ai pas envie de revivre ça.

      Le meilleur est pour la fin : est-ce que ces gens dans la force de l’âge ont des projets de développement local, solidaire et écologique, des activités de subsistance (agriculture, transformation alimentaire, artisanat et réparation) pour le pays dans lequel ils vont vivre et travailler ? Non, ils vont vivre avec la béquille technologique plutôt que dans leur milieu ! Des salaires toulousains et de grands maisons campagnardes !

      Une fois installé, il télétravaillera, sa profession de créateur sonore le lui permet. Pour les autres, des choix sont encore à opérer mais aucun ne compte rompre totalement avec la métropole.

      #survivalisme_chic #écologie_des_riches #écovillage #transition #transition_et_bourgeoisie

    • Via le géographe Matthieu Adam sur Twitter.

      (3) Lettre d’une néorurale aux candidats à l’exode urbain - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2020/05/12/lettre-d-une-neorurale-aux-candidats-a-l-exode-urbain_1787941

      Vous qui rêvez de la campagne, plus seulement pour un week-end, mais pour un véritable projet de vie. On vous attend !

      Lui tourner le dos est un acte de résistance, de réappropriation de nos vies, de notre futur, de l’avenir de nos enfants.

      Quitter la ville, se libérer de la publicité, du coût exorbitant du foncier qui oblige à toujours plus travailler pour pouvoir vivre dignement.

      L’exode urbain 2020 sera à l’image de la génération qui fera ce choix : connectée, ouverte, en quête de sens et de lien.

      Il y a de la place dans les maisons vides, mais aussi et surtout dans le cœur de celles et ceux qui font nos territoires. Si vous saviez combien nous avons besoin de vous !

      « Vivre à la campagne, c’est sortir d’un système qui n’est bon pour personne »
      https://usbeketrica.com/article/vivre-a-la-campagne-c-est-sortir-d-un-systeme-qui-n-est-bon-pour-person

      Plus des trois-quarts des Français habitent aujourd’hui en ville : cette répartition pourrait-elle basculer dans les années à venir, et mener une vague de néo-ruraux en direction de la campagne, portés par la crise économique, la flambée des prix de l’immobilier, les températures caniculaires en ville - Paris aura en 2050 le climat de Canberra - des aspirations en adéquation avec l’urgence climatique, ou tout simplement la banalisation du télétravail ?

      Originaire du Havre, ancienne conseillère politique après des études à Sciences Po Lille, Claire Desmares-Poirrier est engagée depuis dix ans dans le développement d’une ferme bio et d’un café-librairie en Bretagne, à Sixt-sur-Aff, une commune de 2 000 habitants. Avec son compagnon, elle produit des plantes aromatiques et médicinales en agriculture biologique, et des tisanes gastronomiques. Elle publiera en août prochain ce qu’elle espère être un « appel à l’action » : un essai aux éditions Terre Vivante intitulé Exode urbain, Manifeste pour une ruralité positive.

      Elle a quand même l’air de faire quelque chose de ses mains.

    • Pour compléter : les inénarrables aventures de « Nours » & « Plüche » par Bruno Isnardo et Eva Roussel, deux étudiants lyonnais contaminés par les récits de l’effondrement des Servigne et consorts.
      https://bdtoutvabien.tumblr.com/leprojet

      Nours & Plüche sont les petits surnoms que se donnent, entre eux, nos deux héros, avatars des auteurs.
      Plüche est illustratrice et travaille sur un projet de BD, Nours est menuisier et travaille en parallèle sur des projets d’écriture et de photographie. Tous les deux sont fusionnels et vivent heureux et modestement.
      Mais en ce début d’année, l’équilibre économique mondial commence à s’effriter sérieusement et nos deux personnages, habitants d’une grande ville et loin d’être autonomes, vont subir ce qui se révèlera être la plus grande crise économique que l’Histoire ait connue.

      Le lien chez Adrastia :
      http://adrastia.org/tout-va-bien-enfin-ca-va-aller

      Les deux auteurs lyonnais, après avoir découvert l’effondrement, décident de réagir en écrivant cette bande dessinée. Ils cherchent à répondre aux deux questions qui les obsèdent : si ça arrive demain, on fait quoi ? Comment on aborde le sujet avec les gens sans passer pour des fous ?

    • Commentaire à la lecture de l’autre #saloperie de Libé (le journal des CSP+ néoruraux) relayé par @antonin1 depuis le compte Twitter de Matthieu Adam, géographe :
      Quand la gentrification s’exile aux champs : vivre à la campagne, oui, mais avec la fibre et du haut-débit (et des écoles Montessori privées parce que, hein, faudrait pas que notre progéniture se mélange avec les petits bouseux du coin).

  • Hydroxychloroquine : « The Lancet » met en garde contre une étude publiée dans ses colonnes
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/03/hydroxychloroquine-le-journal-the-lancet-met-en-garde-contre-une-etude-publi

    La revue médicale britannique a émis une « expression of concern » sur un article qui avait conduit l’OMS a suspendre provisoirement un essai clinique et la France à mettre fin à l’utilisation à l’hôpital de cette molécule contre le Covid-19.

    La revue médicale britannique The Lancet a émis, mardi 2 juin, une mise en garde (« expression of concern ») vis-à-vis d’une étude publiée dans ses colonnes le 22 mai. L’étude en question, s’appuyant sur 96 000 dossiers médicaux électroniques de patients hospitalisés pour Covid-19 suggérait que ceux traités avec de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine, combinées ou non à des antibiotiques comme l’azithromycine, présentaient un taux de mortalité supérieur et plus d’arythmies cardiaques.
    « D’importantes questions scientifiques ont été soulevées concernant les données rapportées dans l’article de Mandeep Mehra et al, annonce le Lancet dans un communiqué. Bien qu’un audit indépendant sur la provenance et la validité des données ait été commandé par les auteurs non affiliés à Surgisphere [la société américaine qui les avait collectées] et soit en cours, avec des résultats attendus très prochainement, nous publions une expression d’inquiétude pour alerter les lecteurs sur le fait que de sérieuses questions scientifiques ont été portées à notre attention. Nous mettrons cet avis à jour dès que nous aurons de plus amples informations. »

    • Expression of concern: Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19:
      a multinational registry analysis
      https://marlin-prod.literatumonline.com/pb-assets/Lancet/pdfs/S0140673620312903.pdf

      Important scientific questions have been raised about data reported in the paper by Mandeep Mehra et al— Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19: a multinational registry analysis1—published in The Lancet on May 22, 2020. Although an independent audit of the provenance and validity of the data has been commissioned by the authors not affiliated with Surgisphere and is ongoing, with results expected very shortly, we are issuing an
      Expression of Concern to alert readers to the fact that serious scientific questions have been brought to our attention. We will update this notice as soon as we have further information.
      The Lancet Editors

    • https://www.liberation.fr/debats/2020/05/31/hydroxychloroquine-le-christ-s-est-arrete-a-marseille_1789948

      Les auteurs ont pourtant souligné qu’il s’agissait d’une étude à bas niveau de preuve (absence de lien de causalité) et conclure que, seule, une étude randomisée prospective pourrait répondre au lien entre hydroxychloroquine et efficacité/dangerosité dans le traitement du Covid-19. Bref, l’article donnait certes une piste importante, mais ne permettait pas de trancher… Peu importe ! La réponse de nos tutelles OMS et ANSM, a été immédiate et radicale : interdiction des essais sur la chloroquine ! Une réponse couperet qui n’aura évidemment comme conséquence que d’éterniser le débat et d’enraciner des théories obscurantistes ou complotistes. Ainsi, on ne pourra plus démontrer que son protocole ne marche pas, voire qu’il peut être dangereux… Un beau cadeau à la médecine fondée sur la croyance. Quelle aberration ! C’est la victoire totale du Pr Didier Raoult.

      La grande victime de cette spectaculaire et brutale confrontation est donc bien au final la médecine. Pas celle de la croyance, grande gagnante de ce spectacle, mais bien l’autre médecine, la nôtre, celle fondée sur les preuves.

    • On tient le feuilleton de l’été.

      Coronavirus : l’OMS annonce la reprise des essais cliniques sur l’hydroxychloroquine
      https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-l-oms-annonce-la-reprise-des-essais-cliniques-sur-l-hydroxy

      Cette annonce intervient au lendemain de la mise en garde de la revue scientifique britannique « The Lancet » sur une étude publiée dans ses pages le 22 mai.

      L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé, mercredi 3 juin, la reprise des essais cliniques sur l’hydroxychloroquine, neuf jours après les avoir suspendus à la suite de la publication d’une étude dans la prestigieuse revue médicale The Lancet. La revue a publié lundi une mise en garde concernant cette étude, en pointant plusieurs failles méthodologiques.

      Après analyse des « données disponibles sur la mortalité », les membres du Comité de sécurité et de suivi ont estimé « qu’il n’y a aucune raison de modifier le protocole » des essais cliniques, a annoncé le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, au cours d’une conférence de presse virtuelle.

      Le groupe pharmaceutique français Sanofi, qui a annoncé vendredi suspendre le recrutement de nouveaux patients dans le cadre de ses deux essais cliniques sur l’hydroxychloroquine, a déclaré de son côté qu’il examinerait les informations disponibles et mènerait des consultations dans les prochains jours afin de décider s’il reprend ces essais.

  • Êtes-vous prêts à vous déséconomiser ?

    Que le Président s’entoure d’un conseil d’experts économistes ne peut, après la #Covid-19, que susciter l’effroi. Nombreux étaient les chercheurs et les activistes qui savaient déjà combien l’économie peut apparaître détachée de l’expérience usuelle des humains mais la douloureuse expérience de la #pandémie a popularisé ce décalage. Ce sont des millions de gens qui ont vécu la même expérience que Jim Carrey, le héros du #Truman_Show : ils ont fini par crever le bord du plateau et réalisé que le décor se détachait de l’armature métallique qui le faisait tenir debout. De cette expérience, de ce décalage, de ce doute, on ne se remet pas.

    « Le chef de l’État met en place une #commission d’#experts_internationaux pour préparer les grands défis », écrit Le Monde dans son édition du 29 mai et les journalistes d’ajouter : « “Le choix a été fait de privilégier une #commission_homogène en termes de profils et d’#expertise, pour avoir les réponses des académiques sur les grands #défis. Mais leurs travaux ne seront qu’une brique parmi d’autres, cela n’épuisera pas les sujets”, rassure-t-on à l’Elysée ». Pourquoi ne me suis-je pas senti « rassuré » du tout ? M’est revenu le souvenir de la Restauration, à laquelle la Reprise après le confinement risque de plus en plus de ressembler : comme les Bourbons de 1814, il est bien possible que la dite commission, même composée d’excellents esprits, n’ait « rien oublié et rien appris »…

    Il serait bien dommage de perdre trop vite tout le bénéfice de ce que la Covid-19 a révélé d’essentiel. Au milieu du chaos, de la #crise mondiale qui vient, des deuils et des souffrances, il y au moins une chose que tout le monde a pu saisir : quelque chose cloche dans l’économie. D’abord, évidemment parce qu’il semble qu’on puisse la suspendre d’un coup ; elle n’apparaît plus comme un mouvement irréversible qui ne doit ni ralentir, ni bien sûr s’arrêter, sous peine de #catastrophe. Ensuite, parce que tous les confinés se sont aperçus que les #rapports_de_classe, dont on disait gravement qu’ils avaient été effacés, sont devenus aussi visibles que du temps de Dickens ou de Proudhon : la #hiérarchie des #valeurs a pris un sérieux coup, ajoutant une nouvelle touche à la célèbre injonction de l’Évangile : « Les premiers (de cordée) seront les derniers et les derniers seront les premiers » (de corvée) (Mt, 19-30)…

    Que quelque chose cloche dans l’économie, direz-vous, on le savait déjà, cela ne date quand même pas du virus. Oui, oui, mais ce qui est plus insidieux, c’est qu’on se dit maintenant que quelque chose cloche dans la définition même du monde par l’économie. Quand on dit que « l’économie doit reprendre », on se demande, in petto, « Mais, au fait, pourquoi ? Est-ce une si bonne idée que ça ? ».

    Voilà, il ne fallait pas nous donner le temps de réfléchir si longtemps ! Emportés par le développement, éblouis par les promesses de l’abondance, on s’était probablement résignés à ne plus voir les choses autrement que par le prisme de l’économie. Et puis, pendant deux mois, on nous a extrait de cette évidence, comme un poisson sorti de l’eau qui prendrait conscience que son milieu de vie n’est pas le seul. Paradoxalement, c’est le confinement qui nous a « ouvert des portes » en nous libérant de nos routines habituelles.

    Du coup, c’est le #déconfinement qui devient beaucoup plus douloureux ; comme un prisonnier qui aurait bénéficié d’une permission trouverait encore plus insupportable de retrouver la cellule à laquelle il avait fini par s’habituer. On attendait un grand vent de #libération, mais il nous enferme à nouveau dans l’inévitable « marche de l’économie », alors que pendant deux mois les explorations du « monde d’après » n’avaient jamais été plus intenses. Tout va donc redevenir comme avant ? C’est probable, mais ce n’est pas inévitable.

    La #vie_matérielle n’est pas faite, par elle-même, de relations économiques.

    Le doute qui s’est introduit pendant la pause est trop profond ; il s’est insinué trop largement ; il a pris trop de monde à la gorge. Que le Président s’entoure d’un conseil d’experts économistes auraient encore paru, peut-être, en janvier, comme un signe rassurant : mais après la Covid-19, cela ne peut que susciter l’effroi : « Quoi, ils vont encore nous faire le coup de recommencer à saisir toute la situation actuelle comme faisant partie de l’économie ? Et confier toute l’affaire à une “commission homogène en termes de profils et d’expertise” ». Mais, sont-ils encore compétents pour saisir la situation comme elle nous est apparue à la lumière de cette suspension imprévue ?

    Que l’économie puisse apparaître comme détachée de l’expérience usuelle des humains, nombreux sont les chercheurs et les activistes qui le savaient, bien sûr, mais la douloureuse expérience de la pandémie, a popularisé ce décalage. Ce sont des millions de gens qui ont vécu la même expérience que Jim Carrey, le héros du Truman Show : ils ont fini par crever le bord du plateau et réalisé que le décor se détachait de l’armature métallique qui le faisait tenir debout. De cette expérience, de ce décalage, de ce doute, on ne se remet pas. Vous ne ferez jamais rentrer Carrey une deuxième fois sur votre plateau de cinéma — en espérant qu’il « marche » à nouveau !
    >
    > Jusqu’ici, le terme spécialisé pour parler de ce décalage était celui d’économisation. La vie matérielle n’est pas faite, par elle-même, de relations économiques. Les humains entretiennent entre eux et avec les choses dans lesquelles ils s’insèrent une multitude de relations qui mobilisent une gamme extraordinairement large de passions, d’affects, de savoir-faire, de techniques et d’inventions. D’ailleurs, la plupart des sociétés humaines n’ont pas de terme unifié pour rendre compte de cette multitude de relations : elles sont coextensives à la vie même. Marcel Mauss depuis cent ans, Marshall Sahlins depuis cinquante, Philippe Descola ou Nastassja Martin aujourd’hui, bref une grande partie de l’anthropologie n’a cessé d’explorer cette piste[1].
    >
    > Il se trouve seulement que, dans quelques sociétés récentes, un important travail de formatage a tenté (mais sans jamais y réussir complètement) de réduire et de simplifier ces relations, pour en extraire quelques types de passion, d’affect, de savoir-faire, de technique et d’invention, et d’en ignorer tous les autres. Utiliser le terme d’économisation, c’est souligner ce travail de formatage pour éviter de le confondre avec la multitude des relations nécessaires à la continuation de la vie. C’est aussi introduire une distinction entre les disciplines économiques et l’objet qui est le leur (le mot « disciplines » est préférable à celui de « sciences » pour bien souligner la distance entre les deux). Ces activités procèdent au formatage, à ce qu’on appelle des « investissements de forme », mais elles ne peuvent tenir lieu de l’expérience qu’elles simplifient et réduisent. La distinction est la même qu’entre construire le plateau où Jim Carrey va « se produire » et diffuser la production dans laquelle il va devoir jouer.
    >
    > L’habitude a été prise de dire que les disciplines économiques performent la chose qu’elles étudient — l’expression est empruntée à la linguistique pour désigner toutes les expressions qui réalisent ce qu’elles disent par l’acte même de le dire — promesses, menaces ou acte légal[2]. Rien d’étrange à cela, et rien non plus de critique. C’est un principe général qu’on ne peut saisir un objet quelconque sans l’avoir préalablement formaté.
    >
    > Par exemple, il y a aujourd’hui peu de phénomène plus objectif et mieux assuré que celui de l’asepsie. Pourtant, quand je veux prouver à mon petit-fils de dix ans, l’existence de l’asepsie, je dois lui faire apprendre l’ensemble des gestes qui vont conserver à l’abri de toute contamination le bouillon de poulet qu’il a enfermé dans un pot à confiture (et ce n’est pas facile à expliquer par Zoom pendant le confinement). Il ne suffit pas de lui montrer des ballons de verre sortis des mains du verrier de Pasteur dont le liquide est encore parfaitement pur après cent cinquante ans. Il faut qu’Ulysse obtienne la réalisation de ce fait objectif par l’apprentissage de tout un ensemble de pratiques qui rendent possible l’émergence d’un phénomène entièrement nouveau : l’asepsie devient possible grâce à ces pratiques et n’existait pas auparavant (ce qui va d’ailleurs créer, pour les microbes, une pression de sélection tout à fait nouvelle, elle aussi). La permanence de l’asepsie comme fait bien établi dépend donc de la permanence d’une institution — et des apprentissages soigneusement entretenus dans les laboratoires, les salles blanches, les usines de produits pharmaceutiques, les salles de travaux pratiques, etc.
    >
    > En poursuivant le parallèle, l’économisation est un phénomène aussi objectif, mais également aussi soigneusement et obstinément construit, que l’asepsie. Il suffit qu’Ulysse fasse la moindre erreur dans l’ébouillantement de son flacon de verre, ou dans la mise sous couvercle, et, dans quelques jours, le bouillon de poulet sera troublé. Il en est de même avec l’économisation : il suffit de nous laisser deux mois confinés, hors du cadrage habituel, et voilà que les « mauvaises habitudes » reviennent, que d’innombrables relations dont la présence étaient oubliée ou déniée se mettent à proliférer. Se garder des contaminations est aussi difficile que de rester longtemps économisable. La leçon vaut pour la Covid aussi bien que pour les disciplines économiques. Il faut toujours une institution en bon état de marche pour maintenir la continuité d’un fait ou d’une évidence.
    >
    > L’Homo oeconomicus existe mais il n’a rien de naturel, de natif ou de spontané. Relâchez la pression, et voilà qu’il s’émancipe, comme les virus soudainement abandonnés dans un laboratoire dont aurait coupé les crédits
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    > Pas plus que les microbes n’étaient préparés à se trouver affrontés aux gestes barrières de l’asepsie inventés par les pastoriens, les humains plongés dans les relations matérielles avec les choses dont ils jouissaient, ne s’étaient préparés au dressage que l’économisation allait leur imposer à partir du XVIIIe siècle. De soi, personne ne peut devenir un individu détaché, capable de calculer son intérêt égoïste, et d’entrer en compétition avec tous les autres, à la recherche d’un profit. Tous les mots soulignés désignent des propriétés qui ont fini par exister bel et bien dans le monde, mais qu’il a fallu d’abord extraire, maintenir, raccorder, assurer par un immense concours d’outils de comptabilité, de titres de propriétés, d’écoles de commerce et d’algorithmes savants. Il en est de l’Homo oeconomicus comme des lignées pures de bactéries cultivées dans une boîte de Pétri : il existe, mais il n’a rien de naturel, de natif ou de spontané. Relâchez la pression, et voilà qu’il s’émancipe, comme les virus soudainement abandonnés dans un laboratoire dont on aurait coupé les crédits — prêts à faire ensuite le tour du monde.
    >
    > On peut même aller plus loin. Dans un livre plein d’humour (et dans un article récent de Libération), David Graeber fait la suggestion que la « mise en économie » est d’autant plus violente que le formatage est plus difficile et que les agents « résistent » davantage à la discipline[3]. Moins l’économisation paraît réaliste, plus il faut d’opérateurs, de fonctionnaires, de consultants, de comptables, d’auditeurs de toutes sortes pour en imposer l’usage. Si l’on peut assez facilement compter le nombre de plaques d’acier qui sortent d’un laminoir : un œil électronique et une feuille de calcul y suffiront ; pour calculer la productivité d’une aide-soignante, d’un enseignant ou d’un pompier, il va falloir multiplier les intermédiaires pour rendre leur activité compatible avec un tableau Excel. D’où, d’après Graeber, la multiplication des « jobs à la con ».
    >
    > Si l’expérience de la pandémie a un sens, c’est de révéler la vitesse à laquelle la notion de productivité dépend des instruments comptables. Oui, c’est vrai, on ne peut pas calculer bien exactement la productivité des enseignants, des infirmières, des femmes au foyer. Quelle conclusion en tirons-nous ? Qu’ils sont improductifs ? Qu’ils méritent d’être mal payés et de se tenir au bas de l’échelle ? Ou que c’est sans importance, parce que le problème n’est pas là ? Quel que soit le nom que vous donniez à leur « production », elle est à la fois indispensable et incalculable : eh bien, que d’autres s’arrangent avec cette contradiction : cela veut simplement dire que ces activités appartiennent à un genre d’action inéconomisable. C’est la réalisation par tout un chacun que ce défaut de comptabilité est « sans importance » qui sème le doute sur toute opération d’économisation. C’est là où la prise économique sur les conditions de vie se sépare de ce qu’elle décrivait, comme un pan de mur craquelé se détache du décor.
    >
    > « Mais sûrement, diront les lecteurs, à force de disciplines économiques qui instituent l’économie comme extraction des relations qui permettent la vie, nous, en tous cas, nous les producteurs et les consommateurs des pays industriels, nous sommes bien devenus, après tant de formatage, des gens économisables de part en part et sans quasi de résidu. Il peut bien exister ailleurs, autrefois, et dans les émouvants récits des ethnologues, d’autres façons de se relier au monde, mais c’est fini pour toujours, en tous cas pour nous. Nous sommes bel et bien devenus ces individus égoïstes en compétition les uns avec les autres, capables de calculer nos intérêts à la virgule près ? »
    >
    > C’est là, où le choc de la Covid oblige à réfléchir : croire à ce caractère irréversible, c’est comme de croire que les progrès de l’hygiène, des vaccins, et des méthodes antiseptiques nous avaient débarrassé pour toujours des microbes… Ce qui était vrai en janvier 2020, ne l’est peut-être plus en juin 2020.
    >
    > Il suffit d’une pause de deux mois pour réussir ce que les nombreux travaux des sociologues des marchés et des anthropologues des finances n’auraient jamais pu obtenir : la conviction largement partagée que l’économie tient aussi longtemps que l’institution qui la performe — mais pas un jour de plus. Le pullulement des modes de relations nécessaires à la vie continue, déborde, envahit l’étroit format de l’économisation, comme le grouillement des milliards de virus, de bactériophages et de bactéries continue de relier, de milliards de façons différentes, des êtres aussi éloignés que des chauve-souris, des Chinois affamés ou gastronomes, sans oublier peut-être Bill Gates et le Dr Fauci. En voilà une contamination : d’une cinquantaine de collègues à des dizaines de millions de personnes qui rejoignent sans coup férir les très nombreux mouvements, syndicats, partis, traditions diverses qui avaient déjà de très bonnes raisons de se méfier de l’économie et des économistes (aussi « experts », « homogènes » et qualifiés qu’ils soient). L’infortuné Jim Carrey est devenu foule.
    >
    > Ce que la pandémie rend plus intense, ce n’est donc pas simplement un doute sur l’utilité et la productivité d’une multitude de métiers, de biens, de produits et d’entreprises — c’est un doute sur la saisie des formes de vie dont chacun a besoin pour subsister par les concepts et les formats venus de l’économie. La productivité — son calcul, sa mesure, son intensification — est remplacée peu à peu, grâce au virus, par une question toute différente : une question de subsistance. Là est le virage ; là est le doute ; là est le ver dans le fruit : non pas que et comment produire, mais « produire » est-il une bonne façon de se relier au monde ? Pas plus qu’on ne peut continuer de « faire la guerre » au virus en ignorant la multitude des relations de coexistence avec eux, pas plus on ne peut continuer « à produire » en ignorant les relations de subsistance qui rendent possible toute production. Voilà la leçon durable de la pandémie.
    >
    > Et pas simplement parce que, au début, pendant deux mois, on a vu passer beaucoup de cercueils à la télé et entendu des ambulances traverser les rues désertes ; mais aussi parce que, de fil en aiguille, de questions de masques en pénurie de lits d’hôpital, on en est venu à des questions de valeur et de politique de la vie — ce qui la permet, ce qui la maintient, ce qui la rend vivable et juste.
    >
    > Au début, bien sûr, c’était empêcher la contagion, par l’invention paradoxale de ces gestes barrières qui exigeaient de nous, par solidarité, de rester enfermés chez nous. Ensuite, deuxième étape, on a commencé à voir proliférer en pleine lumière ces métiers de « petites gens » dont on s’apercevait, chaque jour davantage, qu’ils étaient indispensables — retour de la question des classes sociales, clairement racialisées. Retour aussi des durs rapports géopolitiques et des inégalités entre pays, rendus visibles (c’est là une autre leçon durable) produit par produit, chaîne de valeur par chaîne de valeur, route de migration par route de migration.
    >
    > Troisième étape, la hiérarchie des métiers a commencé à s’ébranler : on se met à trouver mille qualités aux métiers mal payés, mal considérés, qui exigent du soin, de l’attention, des précautions multiples. Les gens les plus indifférents se mettent à applaudir les « soignants » de leur balcon ; là où ils se contentaient jusqu’ici de tondre le gazon, les cadres supérieurs s’essayent à la permaculture ; même les pères en télétravail s’aperçoivent que, pour enseigner l’arithmétique à leurs enfants, il faut mille qualités de patience et d’obstination dont ils n’avaient jamais soupçonné l’importance.
    >
    > Va-t-on s’arrêter là ? Non, parce que le doute sur la production possède une drôle de façon de proliférer et de contaminer de proche en proche tout ce qu’il touche : dès qu’on commence à parler de subsistance ou de pratiques d’engendrement, la liste des êtres, des affects, des passions, des relations qui permettent de vivre ne cesse de s’allonger. Le formatage par l’économisation avait justement pour but, comme d’ailleurs l’asepsie, de multiplier les gestes barrières afin de limiter le nombre d’êtres à prendre en compte, dans tous les sens du mot. Il fallait empêcher la prolifération, obtenir des cultures pures, simplifier les motifs d’agir, seul moyen de rendre les microbes ou les humains, connaissables, calculables et gérables. Ce sont ces barrières, ces barrages, ces digues qui ont commencé à craquer avec la pandémie.
    >
    > Le nouveau régime climatique, surajouté à la crise sanitaire, fait peser sur toute question de production un doute si fondamental qu’il ne fallait que deux mois de confinement pour en renouveler l’enjeu.
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    > Ce qui n’aurait pas été possible sans la persistance d’une autre crise qui la déborde de toute part. Par une coïncidence qui n’est d’ailleurs pas complètement fortuite, le coronavirus s’est répandu à toute vitesse chez des gens déjà instruits de la menace multiforme qu’une crise de subsistance généralisée faisait peser sur eux. Sans cette deuxième crise, on aurait probablement pris la pandémie comme un grave problème de santé publique, mais pas comme une question existentielle : les confinés se seraient gardés de la contagion, mais ils ne se seraient pas mis à discuter s’il était vraiment utile de produire des avions, de continuer les croisières dans des bateaux géants en forme de porte-conteneurs, ou d’attendre de l’Argentine qu’elle fournisse le soja nécessaire aux porcs bretons. Le nouveau régime climatique, surajouté à la crise sanitaire, fait peser sur toute question de production un doute si fondamental qu’il ne fallait que deux mois de confinement pour en renouveler l’enjeu. D’où l’extension prodigieuse de la question de subsistance.
    >
    > Si la crise sanitaire a rappelé le rôle des petits métiers, si elle a donné une importance nouvelle aux professions du soin, si elle a rendu encore plus visible les rapports de classe, elle a aussi peu à peu rappelé l’importance des autres participants aux modes de vie, les microbes d’abord, et puis, de fil en aiguille tout ce qu’il faut pour maintenir en état une économie dont on s’imaginait jusqu’ici qu’elle était la totalité de l’expérience et qu’elle allait « reprendre ». Même la journaliste la plus obtuse qui continue à opposer ceux qui se préoccupent du climat et ceux qui veulent « remplir le frigo », ne peut plus ignorer qu’il n’y a rien dans le frigo qui ne dépende du climat — sans oublier les innombrables micro-organismes associés à la fermentation des fromages, des yaourts et des bières…
    >
    > Une citation du livre de Graeber sur l’origine de la valeur (vieux débat chez les économistes) résume la situation nouvelle. Il rappelle que la notion de valeur-travail était devenue une évidence au XIXe siècle avant de disparaître sous les coups de boutoir du néolibéralisme au XXe — ce siècle si oublieux de ces conditions de vie. D’où l’injustice sur les causes de la valeur résumée par cette phrase : « Aujourd’hui, si vous évoquez les “producteurs de richesses”, tout le monde pensera que vous voulez parler des capitalistes, certainement pas des travailleurs. » Mais une fois remise en lumière l’importance du travail et du soin, voilà que l’on s’aperçoit très vite que bien d’autres valeurs, et bien d’autres « travailleurs » doivent passer à l’action pour que les humains puissent subsister. Pour capter la nouvelle injustice, il faudrait réécrire la phrase de Graeber : « Aujourd’hui, si vous évoquez les “producteurs de richesses” tout le monde pensera que vous parlez des capitalistes ou des travailleurs, certainement pas des vivants ».
    >
    > Sous les capitalistes, les travailleurs, et sous les travailleurs, les vivants. La vieille taupe continue toujours à bien travailler ! L’attention s’est décalée non pas d’un cran, mais de deux. Le centre de gravité s’est décalé lui aussi. D’autres sources de la valeur se sont manifestées. C’est ce monde-là qui apparaît en pleine lumière, refuse absolument d’en rester au statut de « simple ressource » que lui octroie par condescendance l’économie standard, et qui déborde tous les gestes barrières qui devaient les tenir éloignés. C’est très bien de produire, mais encore faut-il subsister ! Quelle étonnante leçon que celle de la pandémie : on croit qu’il est possible d’entrer en guerre avec les virus, alors qu’il va falloir apprendre à vivre avec eux sans trop de dégât pour nous ; on croit qu’il est souhaitable d’effectuer une Reprise Économique, alors qu’il va probablement falloir apprendre à sortir de l’Économie, ce résumé simplifié des formes de vie
    >
    > [1] Immense littérature, mais en vrac, Sahlins, Marshall. Âge de pierre, âge d’abondance. Economie des sociétés primitives. Paris : Gallimard, 1976 ; Descola, Philippe. The Ecology of Others (translated by Geneviève Godbout and Benjamin P. Luley). Chicago : Prickly Paradigm Press, 2013 ; Martin, Nastassja. Les âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska. Paris : La Découverte, 2016 ; et pour les sociétés industrielles, Callon, Michel, ed. Sociologie des agencements marchands. Textes choisis. Paris : Presses de l’Ecole nationale des mines de Paris, 2013 ; Mitchell, Timothy. Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole (traduit par Christophe Jacquet). Paris : La Découverte, 2013.
    >
    > [2] MacKenzie, Donald, Fabian Muniesa, and Lucia Siu, eds. Do Economists Make Markets ? On the Performativity of Economics. Princeton : Princeton University Press, 2007.
    >
    > [3] 2018. Bullshit Jobs. Paris : Les liens qui libèrent, David Graeber (traduit par Elise Roy) ; et son opinion dans Libération https://www.liberation.fr/debats/2020/05/27/vers-une-bullshit-economy_1789579

    https://aoc.media/opinion/2020/06/01/etes-vous-prets-a-vous-deseconomiser
    #déséconomie #Bruno_Latour #Latour #économie #suspension #le_monde_d'après

    • Signé par de nombreuses personnalités, cet appel du collectif Urgence notre police assassine s’insurge contre la proposition de loi portée par le député Eric Ciotti visant à interdire la diffusion des images de policiers dans l’exercice de leurs fonctions.

      Empêcher de filmer et diffuser des images de violences policières, c’est livrer les victimes à encore plus d’arbitraire
      Dans une proposition de loi, le député Eric Ciotti et d’autres parlementaires veulent faire condamner d’une amende de 15 000 € et d’une peine de 6 mois d’emprisonnement toute personne qui diffuserait des images de policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Éric Ciotti ne s’en cache pas : il vise directement l’application Urgence Violences Policières lancée au mois de mars par le collectif Urgence notre police assassine et mise en libre accès (sur Apple Store et Android) afin de lutter contre les violences et crimes de la police et de la gendarmerie.

      Selon Eric Ciotti et les porteurs de ce texte, cette loi viserait à « protéger » la police.

      Mais qui faut-il protéger ?

      Zyed Benna, Bouna Traoré, Amadou Koumé, Lahoucine Ait Omghar, Abdoulaye Camara, Amine Bentounsi, Ali Ziri, Hocine Bouras, Mourad Touat, Babacar Gueye, Rémi Fraisse, Wissam El Yamni, Lamine Dieng, Aboubakar, Fofana, Adama Traoré, Angelo Garand, Karim Taghbalout, Ibrahima Bah, Shaoyo Liu, Romain Chenevat, Gaye Camara, Allan Lambin, Steve Maia Caniço, Zineb Redouane, Cédric Chouviat, Mohamed Habsi… Ce sont des dizaines et des dizaines de personnes - dont une majorité d’hommes non-blancs, souvent issus des quartiers populaires - qui sont mortes entre les mains de la police ces dernières années, et ce dans des circonstances rarement éclaircies. Sur la seule période de confinement qui nous précède, près d’une quinzaine d’hommes sont encore venus allonger la liste de ces tués, asphyxiés, noyés, traqués, pourchassés. Presque à chaque fois, les policiers impliqués ne sont pas inquiétés ou sont vite blanchis faute de « preuves », et souvent au mépris des nombreux témoignages les incriminant.

      Les vidéos sont capitales : elles sont des preuves.

      À côté de ces dizaines de crimes policiers, les violences se multiplient sous d’autres formes qui vont de l’insulte raciste tels que « bicot », « bougnoule », « sale arabe », « bamboula » à la mutilation en passant par les incessants contrôles au faciès. Là encore, c’est dans les quartiers populaires que ces violences s’exercent notablement depuis des décennies. Mais elles ont fait une irruption fracassante dans les mouvements sociaux, ces dernières années, notamment dans les manifestations des Gilets Jaunes, provoquant la multiplication des images de ces violences et leur diffusion dans différents médias. Grenades et tirs de LBD à bout portant, passages à tabac, croche-pieds, coups de poing, de pied, de matraque… Le pouvoir de ces graves images a réveillé bon nombre de consciences sur la réalité de ces pratiques policières et a permis d’expliquer le nombre extraordinaire de blessés et de mutilés. Elles ont aussi ulcéré la police et ses syndicats – Alliance en tête – qui voudraient continuer d’avoir, au sens propre, les mains libres. Ces derniers se félicitent donc publiquement de cette proposition de loi, qu’ils ont appelée de leurs vœux, car peut-on agir plus librement que lorsque l’on reste dans l’ombre ?

      #police #crimes_policiers #Violences_policières #vidéo #racisme #justice

  • La député LREM #Frédérique_Meunier a déposé une proposition de #loi le 19 MAI 2020...

    "PROPOSITION DE LOI VISANT À INSTAURER L’ENSEIGNEMENT NUMÉRIQUE DISTANCIEL DANS LES LYCÉES, COLLÈGES ET ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES".

    Cette proposition de loi a un seul article qui introduit le mot
    « obligatoirement » au deuxième alinéa de l’article L 131-2 du code de
    l’éducation."

    Et regardez ce deuxième alinéa de l’article L 131-2 :

    Article L131-2 (Modifié par Loi n°2005-380 du 23 avril 2005 - art. 11
    JORF 24 avril 2005) - voir : https://www.ac-amiens.fr/dsden02/sites/dsden02/IMG/pdf/code_de_l_education_1_.pdf
    – L’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les
    établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par
    les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix.
    – Un service public de l’enseignement à
    distance est « OBLIGATOIREMENT » organisé notamment pour assurer
    l’instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une
    école ou dans un établissement scolaire.

    Ce qui était concevable uniquement en volontariat deviendra probablement obligatoire pour les enseignants...

    Or, avant cette loi :

    le décret portant sur le télétravail dans la fonction publique a été modifié le 5 mai 2020. Comme le souligne l’analyse d’Académia, il faudrait une loi pour changer la nécessité du #volontariat pour mettre les #personnels de la #fonction_publique en #télétravail. Cela n’a donc pas été modifié dans le décret du 5 mai 2020 amendant celui du 11 février 2016. Mais ledit décret prévoit désormais que lorsque le travailleur demande à télétravailler, « l’administration peut autoriser l’utilisation de l’équipement informatique personnel de l’agent ». Et soudain, tout s’éclaire. Nous rendre la vie impossible sur note lieu de travail à l’aide de mesures sanitaires si drastique qu’elles sont intenables en présentiel, c’est nous pousser à demander à télétravailler et à faire du distanciel, sans que les universités n’aient à débourser le moindre rond pour les coûts (matériel, communication, etc.) découlant de l’exercice de nos fonctions…

    #le_monde_d'après #ESR #école #enseignement #enseignement_à_distance #distanciel #France #obligatoire #travail

    Copié-collé de messages reçus via la mailing-list Facs et Labos en lutte.

    • Faudra-t-il transformer les universités en supermarchés pour y revoir les étudiants ?

      Alors que se prépare déjà une rentrée de septembre où l’enseignement à distance risque d’avoir une grande part, il est important d’exprimer que le tout-numérique est inacceptable.

      La scène est devenue banale : un appel est lancé, une tête apparaît dans une fenêtre, puis d’autres suivent. Soudain, un enseignant, fébrile, dans une pièce tant bien que mal isolée des autres occupants du domicile, s’essaie à dispenser ce que l’on appelait autrefois un cours. C’est ainsi que, dans un silence d’outre-tombe numérique, ce personnage malhabile s’emploie à singer quelques-uns des artifices pédagogiques d’antan : humour, interpellations ou art de la rhétorique. Sauf que cette fois-ci, rien. Le silence et l’écho de sa seule voix résonnent en guise de réponse à ce qui permettait jadis de capter l’attention et de partager des idées. Désormais, l’enseignant numérique fait cours, mais sans vraiment savoir à qui il s’adresse. Cet enseignant se rassure toutefois en se disant qu’en ces temps de crise, lui aussi est au « front » et qu’il n’est pas question d’abandonner ses étudiants. Pourtant il ressent une grande frustration et un sentiment de faire autre chose que ce pour quoi il avait choisi d’embrasser ce métier.

      La crise sanitaire que nous traversons a surpris par sa soudaineté en bouleversant profondément nos quotidiens. L’enseignement supérieur n’est pas en reste de ce choc. Face à la crise, l’injonction à la continuité pédagogique fut immédiate, et bon nombre de collègues se sont employés avec zèle à maintenir un semblant de normalité. Les outils d’enseignement à distance ont alors déferlé, chacun y allant de son nouveau logiciel à installer, si bien que les PC sont rapidement devenus de véritables démonstrateurs pour enseignants virtuels. Pourtant, alors que la crise se tasse, et que nous commençons à disposer de données sur l’incidence mineure de ce virus sur les moins de 50 ans, nous observons que certains semblent prendre goût à ce climat de crise.
      Deux métiers différents

      Tandis que nous ignorons beaucoup de choses sur le devenir de cette épidémie, nous voyons un nombre conséquent de responsables de l’enseignement supérieur pratiquer le zèle dans leurs anticipations, prévoyant dès le mois de mai la dégradation sine die de nos conditions d’enseignement. C’est ainsi que, sous ces injonctions anxiogènes, nous sommes priés d’imaginer une rentrée de septembre autour de scénarios invraisemblables : des étudiants ayant cours une semaine sur deux, des cours en ligne (sans consentement des enseignants, donc ?) ou encore de réduire la vie étudiante à néant.

      S’il est compréhensible de parer à tous les scénarios, pérorer ex cathedra sur ce que « sera » la rentrée de septembre dès mai trahit l’inavouable : certains profitent de cette crise pour avancer leur propre agenda. Ne nous y trompons pas : l’expérience de l’enseignement à distance pour tous est globalement un fiasco. S’il est d’ordinaire un complément utile de l’enseignement en présentiel, sa substitution intégrale en montre toutes ses limites.

      D’abord, nous constatons qu’enseigner à distance n’est pas qu’une transposition de l’enseignement physique face caméra. Il s’agit de compétences tout à fait différentes et donc de deux métiers différents. Transmettre est un acte complexe, dans lequel l’enseignant fait appel aux sens, à l’émotion et à différentes techniques pédagogiques. De plus, les étudiants ne sont pas tous égaux face au numérique et à l’apprentissage !

      La difficulté majeure de cette forme d’enseignement reste l’absence d’implication émotionnelle entre l’étudiant et l’enseignant. C’est une des raisons pour lesquelles l’apprentissage par Mooc [« Massive Open Online Course », cours en ligne ouverts à tous, ndlr] est un échec à former en masse : au mieux, seuls 10% des Mooc sont terminés par les personnes inscrites, alors même qu’elles sont volontaires !
      Injonctions pressantes

      Ensuite, nous pouvons questionner ce que cette évolution, que certains voudraient voir durable, dit de la vision divergente autour de notre profession. Pour ceux qui, ayant adopté goulûment la novlangue pédagogique et ses approches « par compétence », considèrent que l’enseignement à l’université doit être exclusivement une formation opérationnelle utilitariste, le cours en ligne est une aubaine pour alléger la charge (budgétaire ?) de l’enseignement présentiel. Mais cette fascination pour le virtuel conduit aussi à une négation de ce qu’est la vie étudiante, faite d’interaction en cours, certes, mais aussi d’amitiés et d’expériences structurantes à un âge où se bâtit la vie d’adulte. Là encore, le numérique n’est qu’un pis-aller.

      Certains collègues se veulent rassurants et expliquent que tout ceci n’est que passager. On voudrait les croire et imaginer qu’après avoir investi des millions d’euros dans des logiciels, des plateformes et des équipements numériques, les universités les remisent ensuite aux côtés des stocks de masques d’Etat pour la prochaine crise. Pourtant, un doute peut nous saisir en lisant certaines injonctions pressantes à nous « transformer ». N’oublions pas qu’en France, le temporaire en temps de crise a souvent des airs de pérennité. Qui se rappelle encore que l’impôt sur le revenu a été créé initialement pour financer la Première Guerre mondiale ? Cent ans après, l’impôt persiste. Faut-il en déduire que la guerre a été plus longue que prévu ?

      Cette tribune n’aura probablement aucune incidence sur le cours des choses, et chaque collègue prend place dans le camp des fatalistes ou des optimistes. Néanmoins, il est important d’exprimer que le tout-numérique est inacceptable. Faudra-t-il que nous déguisions nos universités en églises pour pouvoir y bénéficier de la liberté de culte et ainsi les rouvrir ? Ou bien faudra-t-il y installer des supermarchés pour que les étudiants puissent y reprendre leur place ? L’absurdité et l’asymétrie des règles de reprise d’activité masquent mal le sacrifice générationnel qui est programmé contre la jeunesse qui va affronter le chômage, après avoir été privée de ses études.

      Nos étudiants méritent notre indignation publique. Si elle ne suffit pas et que nous refusons d’être complices du naufrage numérique, il faudra alors songer à quitter le navire pour aider cette génération sacrifiée autrement.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/05/29/faudra-t-il-transformer-les-universites-en-supermarches-pour-y-revoir-les
      #temporaire #pérennité #tout-numérique #émotions #enseignement #MOOC #métier #normalité #transmission_du_savoir #implication_émotionnelle #vie_étudiante #indignation #génération_sacrifiée

    • Le gouvernement reporte la responsabilité politique de l’abandon du présentiel sur les universités, à grands coups de circulaires particulièrement suggestives mais qui n’imposent rien, voir

      https://services.dgesip.fr/T712/S780/fiches_pratiques_et_informations

      Voir en particulier fiche 10 :
      https://services.dgesip.fr/fichiers/Fiche_10_-_Hybrider_la_formation_dans_un_contexte_restreint.pdf
      et fiche 6 :
      https://services.dgesip.fr/fichiers/Fiche_6_-_Evaluer_et_surveiller_a_distance.pdf

      Message reçu via la mailing-list Facs et Labos en lutte, le 02.06.2020.

      Avec ce commentaire supplémentaire :

      Pour Rennes 1, nous avons reçu le document en pj, qui nous réclame aussi comme en Franche Comté du 20% de présentiel 80% de distanciel, pour pouvoir tout désinfecter, ce qui n’est écrit nulle part dans les fiches de la DGESIP.

      Dans mon UFR, je me retrouve à réclamer d’enseigner le samedi pour pouvoir ne pas enseigner à distance.

      La question des horaires est délicate. Si les conditions politico-sanitaires imposent des salles peu remplies, les amphis vont être une denrée rare, et je préfèrerais, je dois dire, faire cours le samedi (en me libérant un autre jour) plutôt que de reprendre le cirque du téléenseignement.

      Et ce qui est dingue, c’est la sidération collective qui est la nôtre, là où il faudrait, partout, réclamer des moyens humains pour dédoubler les groupes.

      –-> La pièce-jointe dont elle parle est la « PROPOSITION DE LOI VISANT À INSTAURER L’ENSEIGNEMENT NUMÉRIQUE DISTANCIEL DANS LES LYCÉES, COLLÈGES ET ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES » (voir ci-dessus) où elle a surligné ce passage :

  • « Plutôt mourir du Covid que de la faim », Clyde Marlo-Plumauzille , historienne, chargée de recherches au CNRS
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/27/plutot-mourir-du-covid-que-de-la-faim_1789586

    Les émeutes de la faim, qui semblaient appartenir au passé, ressurgissent avec la pandémie, et on sait toute la charge politique dont elles sont porteuses.

    « La faim nous tuera avant le coronavirus » (Angola, le Monde, 16 avril) ; « Ici, on a plus peur de mourir de faim que du coronavirus ! » (Mayotte, Charlie Hebdo, 6 avril) ; « Nous mourrons de faim » (Chili, El Mostrador, 18 mai). Des pays riches, comme des pays pauvres, de l’Amérique latine à la péninsule indo-pakistanaise en passant par l’Europe et l’Afrique, résonne la clameur des forçats de la faim dont les rangs ne cessent de s’étoffer sous l’effet de la crise du coronavirus. Partout, les associations d’aide alimentaire se retrouvent confrontées à une demande croissante. Les Restos du cœur, qui font face notamment à l’afflux des étudiants et des travailleurs pauvres, évoquent pour la France une multiplication « par deux ou par trois » du nombre de bénéficiaires.

    Selon une projection du Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU du 21 avril, le nombre de personnes au bord de la famine ne cesse d’augmenter et risque même de doubler, passant de 135 millions à 265 millions d’ici à la fin 2020 (1). Pour David Beasley, directeur du PAM, la conclusion à en tirer est sans nuance : « Nous sommes au bord d’une pandémie de la faim. »

    On pensait les « émeutes de la faim » révolues, appartenant très largement aux siècles qui nous précédaient. Elles avaient été ainsi une des formes principales du répertoire de la colère des sociétés européennes confrontées à la transformation et à la marchandisation de leur agriculture du XVIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle sous l’effet de la révolution industrielle. Elles avaient également pu éclore en Russie, à l’occasion des grandes manifestations de février 1917 à Saint-Pétersbourg et à Moscou, qui aboutiront au renversement du régime tsariste. Dans le courant des années 60-70, elles s’étaient déplacées dans les pays du Sud anciennement colonisés sous l’effet de l’explosion démographique et de la multiplication des conflits armés. En 2008, ou en 2011 à l’occasion des « printemps arabes », elles avaient encore fait l’actualité, sans pour autant qu’on s’en souvienne.

    Ces derniers mois pourtant, au Liban, au Chili ou encore au Venezuela, des mouvements de contestation éclatent dans les quartiers populaires et les banlieues des grandes villes. En Seine-Saint-Denis, le préfet les redoute (Canard enchaîné, 22 avril). Hommes et femmes se retrouvent à braver les couvre-feux et les mesures de confinement pour réclamer un simple droit, celui de manger (2).

    Passées comme présentes, ces émeutes demeurent les « formes élémentaires de la protestation » (Laurent Mucchielli) et la faim, toujours, se politise. C’est pour restituer cette part politique des contestations populaires d’Ancien Régime que l’historien britannique E. P. Thompson avait ainsi formulé l’expression d’« économie morale » (3). Dans son sillage, l’anthropologue James C. Scott avait quant à lui évoqué une « éthique de la subsistance » pour analyser les luttes et les arts de la résistance paysanne dans l’Asie du Sud-Est des années 60 (4).

    Si les formulations et les horizons d’attente de ces mobilisations sont en fonction de l’époque dans lesquelles elles se produisent, reste que, à travers le temps, elles partagent en commun d’interroger ce qui doit faire société et ce qui constitue une vie vivable. Aujourd’hui, elles s’invitent à nouveau dans le débat public, mais peinent toujours à être reconnues pour la charge politique dont elles sont porteuses, à savoir la défense d’une sécurité d’existence de toutes et tous. Les stratégies politiques et sanitaires mises en place continuent de faire largement l’impasse sur ces problématiques, préférant débloquer tout au plus quelques aides ponctuelles. Les élites économiques, quant à elles, déjà affairées à reprendre le contrôle du « monde d’après », entendent poursuivre une logique marchande néolibérale dont la volonté de croissance s’appuie sur la décimation des biens sociaux les plus élémentaires. Cette surdité est criminelle, et, pendant ce temps, de plus en plus d’hommes et de femmes se retrouvent à devoir « choisir entre mourir de faim ou mourir du coronavirus » (Belgique, la Libre, 18 mars).

    (1) https://insight.wfp.org/wfp-chief-warns-of-hunger-pandemic-as-global-food-crises-report-launche.
    (2) Revue de presse de Caroline Broué et Roxane Poulain, « la Faim plus dangereuse que le coronavirus », 1er mai, France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus/la-faim-plus-dangereuse-que-le-coronavirus

    .
    (3) « The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », Past and Present, 1971.
    (4) The Moral Economy of the Peasant. Rebellion and Subsistence in Southeast Asia, 1976.

    #pandémie #émeutes_de_la_faim

  • Dérogation au secret médical : quelle médecine voulons-nous ?
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/22/derogation-au-secret-medical-quelle-medecine-voulons-nous_1788929?xtor&#x

    Avec l’obligation de déclarer les cas positifs à la CPAM, la crise du Covid-19 abîme la relation de confiance entre médecin et patient. Il y a …

    • Je trouve l’ensemble terriblement mauvais. En gros : de la #moraline dans l’autre sens.

      A ce titre, en termes d’incidence létale, l’épidémie de sida des années 80-90 ne souffre aucune comparaison possible avec l’épidémie de Covid-19. Le mal était nettement plus dangereux, en l’absence de trithérapie, et il a fallu longtemps pour lutter contre les préjugés qui touchaient les victimes de cette maladie, à savoir des attaques en règles contre leurs mœurs et pratiques sexuelles.

      Je suis heureux qu’on ait déjà découvert un traitement contre Covid 19… Covid vient de tuer 30 000 personnes en quelques semaines en France, et on n’a que des estimations de ce que cela aurait donné sans mesures strictes pour limiter sa propagation (estimations généralement catastrophiques).

      Alors toute l’argumentation : « regardez, SIDA était bien pire mais on n’a pas rendu sa déclaration obligatoire par les médecins », déjà ça me semble foireux.

      Sans non plus parler des modes de transmission excessivement différents (on n’attrape pas le SIDA parce qu’on a passé quelques heures assis l’un à côté de l’autre dans un bureau). Je sais bien que ça a pu délirer dans les années 80 (notamment paranoïa homophone), mais quelqu’un de séropositif peut circuler dans la cité, aller au cinéma, prendre les transports en commun, etc. sans jamais contaminer personne. Ce qui n’est pas du tout le cas d’un porteur du coronavirus. C’est tout de même cet aspect qui rend totalement différente la réaction collective aux cas identifiés.

      Ce qui d’ailleurs permet de faire passer une telle énormité :

      Par conséquent, il n’était peut-être pas du ressort de la médecine de ville de participer à la qualification des états de certains, vis-à-vis du Covid-19 – ce n’est pas un dépistage de maladie au sens strict car être porteur de Covid-19 ne veut pas dire être malade.

      Autre difficulté : le SIDA est une maladie chronique quand on survit. Pas Covid. Au bout de quelques semaines, si tu n’es pas dans la petite minorité qui en est décédée, avoir eu Covid n’a aucun impact sur ta vie sociale, professionnelle, amoureuse… (au contraire : tu es peut-être même immunisée). Faire savoir, par le « piratage » ou je ne sais quelle méthode tarabiscotée, que quelqu’un a eu Covid, n’est pas stigmatisant.

      Sinon, parler d’« enquête de mœurs » alors qu’on vient de faire le parallèle avec le SIDA est dangereusement exagéré.

      Autre gros souci : tout le principe de l’article, dès le titre, consiste en la dénonciation d’un changement de paradigme dans la relation patient-médecin. Or les maladies à déclaration obligatoires, ça existe déjà. Je veux bien qu’on pose la question concernant Covid-19, pourquoi les autorités le font sans l’expliciter, qu’est-ce qui serait différent ici, mais pas prétendre qu’on serait en train de changer de modèle de société à cause de ce point précis.

    • Oui les maladies (infectieuses) à déclaration obligatoire existent et aucun médecin n’a remis en cause le principe, je crois que c’est plutôt les nouveautés sur lesquelles cet article n’insiste peut-être pas assez... Je ne les connais pas bien mais il y a entre autres la rémunération à la pièce des médecins pour ces #données_personnelles, l’appli #StopCovid. On va aller creuser très loin sur des personnes ciblées parce qu’on n’a pas les moyens de faire des tests massifs ?

    • aucun médecin n’a remis en cause le principe

      Mais c’est très exactement le fondement de ce billet (par un médecin psychiatre) : exiger des médecins de communiquer les résultats des tests positifs est ici clairement présenté comme un changement de paradigme intolérable (trahison de la relation patient-médecin).

      Sur la rémunération à la pièce, certes. Mais considérer tout de même que si tu imposes un boulot à quelqu’un sans le payer, ça va aussi faire un scandale.

      Et encore une fois : ces considérations partent du principe que le traçage des contacts, dans la cas d’une maladie qui n’est ni sexuelle, ni chronique, serait par principe d’un coût exorbitant pour les individus (comme la séropositivité), et cela sans même considérer le rapport à une nombre de morts énorme, ou au choix d’euthanasier les vieux.

    • J’ai lu des médecins qui rappellent qu’on n’a pas besoin d’inventer de nouveaux process parce qu’ils ont déjà l’obligation de déclarer les maladies infectieuses et que ça ne leur pose pas de problème. Ce qui leur pose problème, c’est la nouveauté du dispositif.

  • Les catastrophes aussi ont leur star-system - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/10/les-catastrophes-aussi-ont-leur-star-system_1787917

    Je peux plus y accéder, j’ai trop lu Libé ces derniers temps. @arno, ça pourrait t’intéresser puisqu’il y est question de comparer la mortalité du Covid à celle d’autres causes qui n’intéressent personne et touchent les pays pauvres. J’ai vu en passant une phrase sur « multiplions la mortalité par 12 si on avait pas fait de confinement, ç’aurait pas été la mort et de toute façon c’est que des vieux ».

  • Les femmes seront-elles les perdantes de l’après-Covid ? | Slate.fr
    https://www.slate.fr/story/190431/titiou-droits-egalite-femmes-homme-feminisme-apres-crise-pandemie-covid-19-cha

    On peut dire que les femmes ont bien participé à l’effort général. On a été solides. On a été fiables.

    Mais distinguez-vous au loin la belle arnaque qui s’annonce ?

    On la voit déjà partout, alors même que les féministes ne cessent d’alerter sur le sujet. (Vous pouvez aller voir le #coronaviril.) Quels députés ont eu la parole après l’intervention du Premier ministre à l’Assemblée nationale ?

    Il y a aussi eu l’équipe 100% masculine de StopCovid.

    Qui parle du futur ? À la radio, à la télé, dans les journaux, des hommes.

  • En Seine-Saint-Denis, le virus de la ségrégation raciale - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/07/en-seine-saint-denis-le-virus-de-la-segregation-raciale_1787705

    Lorsqu’au début du confinement, des personnalités et des articles annoncent dans les médias qu’en Seine-Saint-Denis, l’incivilité est généralisée, que nul ne respecte le confinement, et que les policiers venus le faire respecter sont attaqués, pourquoi ne pas les croire ? Cela fait tellement longtemps qu’on entend ou qu’on lit que dans ce département, pourtant situé aux portes de Paris, la police n’oserait plus intervenir alors que la drogue et son argent couleraient à flots, et - sans s’inquiéter de la contradiction - que les filles n’auraient plus le droit de sortir dans les rues que tiendraient les salafistes…

    En France, l’ordre racial est une composante de l’ordre social qui se mesure précisément au fait que la majorité des médias et sans doute de l’opinion est d’avance disposée à croire qu’il se passe en Seine-Saint-Denis des choses proprement extraordinaires, totalement différentes de ce qui se passe ailleurs, évidemment dangereuses et inquiétantes ! A tort, pourtant, car dans ce département, des gens vivent et travaillent normalement, à ceci près que le stigmate qui leur est imposé rend tout plus compliqué.

    D’un côté, le silence sur les inégalités raciales vis-à-vis de la contamination, et de l’autre, le vocabulaire de l’indiscipline mobilisé pour décrire le non-respect du confinement des banlieues populaires. Cette représentation tranche avec l’indulgence avec laquelle on décrit de simples « promeneurs » parisiens, que l’on humanise volontiers pour permettre l’identification.

    Celles et ceux qui nous invitent à penser une société meilleure pour demain ne semblent pas avoir mesuré la dette immense que Paris aura vis-à-vis du « 9-3 », et toutes les agglomérations vis-à-vis de leurs « quartiers ». Aucune société plus égalitaire et plus juste ne sera bâtie sur des fondations héritées de la ségrégation raciale. Il faudra enfin s’y attaquer, car s’il y a fort à parier que dans la France de demain, les « statistiques ethniques » resteront l’épouvantail qu’en ont fait des générations de politiques, cela n’empêchera pas les proches des victimes de cette crise de demander des comptes.
    Rokhaya Diallo journaliste et réalisatrice , Jérémy Robine maître de conférences en géopolitique

    #racisme #premiers_de_corvée #93 #9-3

  • (20+) Prévenir ou guérir, un modèle à dépasser - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/05/prevenir-ou-guerir-un-modele-a-depasser_1786946

    En créant des attentes inatteignables et forcément déçues –un ressort majeur de la culpabilité judéo-chrétienne– la quête du risque zéro et la promotion de l’abstinence causent souvent plus de dommages que de bénéfices individuels et collectifs. Aveugles à la diversité des situations sociales et des risques d’exposition au virus, ces approches ne sauraient donc constituer l’alpha et l’oméga de nos approches face au Covid-19.

    A l’inverse, les stratégies de réduction des risques –formulées dans les combats féministes, l’antipsychiatrie ou la lutte contre le sida – ont démontré les vertus d’une promotion de la santé partant des besoins vécus, et confiante dans la capacité des humains à faire des choix éclairés pour leur santé.
    Savoir et pouvoir

    Réduire les risques, c’est accepter le fait que les individus s’exposent à des dangers divers, par nécessité ou par choix, et les outiller pour composer avec, notamment en leur donnant les moyens de se protéger. Depuis plusieurs semaines, les réponses au Covid-19 mettent en œuvre, sans nécessairement les nommer comme telles, des approches de réduction des risques. Les masques et les tests (tant attendus), les gestes barrières, la distanciation sociale… sont autant de mesures pour limiter les contacts avec le virus, dans un contexte d’incertitudes sur le nombre de personnes touchées et leur contagiosité. En notant que dans les premières semaines le discours des autorités de santé a joué sur cette ambiguïté : « ne vous exposez pas au virus »... mais avec en sous texte « ce n’est pas pour votre santé, mais pour ne pas faire exploser le système de santé ». Ce qui a conduit une grande partie du public à croire qu’en adoptant des mesures de « protection » il évitait d’être infecté alors qu’il allait seulement être infecté plus lentement. Or l’approche de réduction des risques suppose que la personne, ou la population, qui la met en œuvre ait une conscience éclairée de ses comportements. Dans le cas présent c’était tout l’inverse.

    Des centaines de milliers de personnes ont par exemple continué à aller travailler, et ont expérimenté in situ les mesures de précaution, le plus souvent en bricolant avec les moyens du bord.

    Parmi les « confiné-e-s », beaucoup se sont astreints à rester chez eux le mieux (ou le moins mal) possible. D’autres ont cherché à aménager le confinement, en s’octroyant des moments choisis avec des ami-e-s ou des voisin-e-s, en sortant plus qu’une fois par jour de leur logement exigu ou en dépassant leur périmètre kilométré. Dans la plupart des cas, loin d’être le fait d’irresponsables, ces comportements répondent à des besoins fondamentaux, en termes de subsistance, d’équilibre psychique ou de bien-être. Et si on envisageait ces « écarts » à la norme comme des mécanismes d’adaptation créatifs, plutôt que comme des formes coupables de relâchement ?

    Que sait-on aujourd’hui, avant d’aborder le déconfinement, de la compréhension et des savoirs acquis par la population française sur les ressorts de l’épidémie, à titre individuel et collectif ? « Savoir=pouvoir » disaient les slogans d’Act Up : ce savoir partagé est indispensable pour une réduction des risques partagées par tou-te-s.
    Gabriel Girard sociologue, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), militant de la lutte contre le sida , Jean-Marie Le Gall acteur communautaire, militant de la lutte contre le sida

    #santé_publique #santé_communautaire

    • En notant que dans les premières semaines le discours des autorités de santé a joué sur cette ambiguïté : « ne vous exposez pas au virus »... mais avec en sous texte « ce n’est pas pour votre santé, mais pour ne pas faire exploser le système de santé ». Ce qui a conduit une grande partie du public à croire qu’en adoptant des mesures de « protection » il évitait d’être infecté alors qu’il allait seulement être infecté plus lentement.

      Voilà : éviter que tous et toutes ne soyons contaminé·es en même temps (dsl) afin « d’afflatir la courve » en étalant la vague et permettre aux services de réa de ne pas être complètement à la ramasse, ce qui, les crapules dirigeantes l’avaient bien compris, aurait fait vraiment mauvais genre mais aurait surtout engagé leur « responsabilité pénale ». Sinon, oui, on ne nous permet ainsi que d’être à notre tour contaminé·es mais à plus longue échéance. Tant qu’il y aura des lits dispo en réa, avec tout ce que comportent comme aléas, une éventuelle contamination et un éventuel passage par la case « assistance respiratoire ».

      (Et du coup, je suis pas prêt d’arrêter la nicotine...)

    • Relâchement ? Au fond, ces préoccupations autour du non-respect du confinement n’ont jamais cessé au cours des deux derniers mois. Elles témoignent de nos peurs ancrées et de la culture sanitaire intériorisée par la plupart d’entre nous : une approche paternaliste et coercitive, dans laquelle les individus en viendraient toujours –par faiblesse, irresponsabilité ou hédonisme– à s’affranchir des normes de prévention. Le recours au terme de « relâchement » n’est d’ailleurs pas neutre. Référence religieuse par excellence, le « relaps » (c’est-à-dire la rechute dans le péché ou l’hérésie !) est associé de longue date à la santé publique, du moins à ses approches moralistes. Consommation d’alcool et de drogues, comportements sexuels, etc. : la lutte contre le relâchement s’accompagne toujours d’une exigence de rigueur absolue, qu’on parle d’abstinence ou de risque zéro.

      Ces stratégies d’éviction du risque appartiennent à l’arsenal pluriel des mesures de santé publique et elles sont pour certains, dans certaines circonstances, des points d’appui utiles pour prendre soin de soi. Elles ont aussi un rôle social dans nos sociétés inquiètes, en promettant –en apparence du moins– une forme de certitude sur le risque.

      [...]

      Mais réduire les risques, c’est aussi accepter que les personnes visées par des mesures de santé publique sont souvent les meilleures expertes de leurs situations. C’est même l’un des enseignements fondamentaux des mobilisations de patient-e-s et d’usagèr-e-s du système de santé depuis plusieurs décennies. Or, dans l’épidémie actuelle, la prise en compte de ces points de vue situés fait trop souvent défaut.

      Les débats publics sur la sortie du confinement en offrent un bon instantané. On fait « comme si » le 11 mai allait représenter une rupture franche pour des millions de citoyen-ne-s. On se demande si nous allons « comprendre », « être capables » de nous adapter et de nous protéger, « être responsables », ne pas « transgresser » les recommandations officielles, etc. Ces perspectives, souvent infantilisantes, semblent oublier que nous vivons avec le Covid-19 depuis près de deux mois ! Des centaines de milliers de personnes ont par exemple continué à aller travailler, et ont expérimenté in situ les mesures de précaution, le plus souvent en bricolant avec les moyens du bord.

      [..]

      Les perspectives de la « vie avec » le virus
      A l’approche du déconfinement progressif, on parle beaucoup du retour à l’école et au travail… Mais comment allons-nous, par exemple, redéfinir nos élans amicaux, amoureux, affectifs et sexuels dans les prochaines semaines ou mois ? Ici, la définition des gestes barrières va se faire plus incertaine : se toucher, se prendre dans les bras, s’embrasser ou avoir du sexe rendent possible la transmission du virus. Cette reprise des relations sociales, incluant les dimensions affectives et sexuelles, va voir émerger des stratégies multiples de rapprochements mesurés, de mises à distance plus ou moins choisies ou d’évitements –avec son corollaire inévitable de rejets et de renoncements. Tout le monde n’est pas égal dans ces tâtonnements relationnels. Le risque est grand que les circonstances redonnent vigueur aux conceptions hétéronormatives du couple « refuge », et aux discours moralisants sur le multipartenariat. Ces conceptions sont d’ailleurs déjà à l’œuvre, preuve en est qu’aucune case sur l’attestation dérogatoire aux déplacements n’est prévue pour aller rejoindre son-sa conjoint-e ou son-sa partenaire hors les liens implicites du couple cohabitant.

      Dans ce cadre, l’un des défis sera collectivement de nous doter d’espaces de partage d’expériences, afin d’apprendre les un-e-s des autres, mais aussi de pouvoir trouver du soutien si nécessaire. Les associations et les structures en santé sexuelle et en prévention du VIH et des IST vont avoir un rôle clé à jouer dans ces processus de socialisation des problèmes… et des solutions !

      Elles peuvent ou pourraient déjà prendre un rôle à la fois de témoin des réalités vécues et de diffuseur d’une information utile, compréhensible et appropriable par les différents groupes de populations. Si l’on se réfère à l’épidémie de VIH/sida n’oublions pas que plusieurs décennies après le début de l’épidémie en France un étudiant sur cinq croit encore que le virus peut se transmettre par les piqures de moustiques.
      [...]

      #culture_sanitaire_paternaliste #infantilisation #moralisme
      #expertise #Soin #politique_du_soin

  • Cartographie numérique : La carte, objet éminemment politique : vers un déconfinement différencié par départements
    http://cartonumerique.blogspot.com/2020/05/la-carte-du-deconfinement.html

    Le gouvernement français a fait connaître la carte destinée à préparer le déconfinement qui sera mis en oeuvre à partir du 11 mai 2020. Il s’agit d’un déconfinement progressif qui sera différencié en fonction des départements. Il s’agit d’une situation inédite qui introduit une différenciation, voire une inéquité entre les territoires de la République. Cette carte, en apparence assez simple avec ses trois couleurs vert-orange-rouge, pose question sur le plan sémiologique. Elle interroge quant au choix des données et au sens général à lui accorder. Aussi peu scientifique que pédagogique, la carte du déconfinement s’est transformée en mème sur les réseaux sociaux où elle fait l’objet de détournements humoristiques.

    #cartographie #covid-19

    • Covid-19 : des cartes très politiques

      Le système de #classement des #départements utilisé par le #gouvernement pour préparer le #déconfinement n’a que l’apparence d’une démarche scientifique.

      Lors de sa conférence de presse de jeudi, le ministre de la Santé a présenté trois cartes « reflétant l’activité virale du Covid-19 » dans les départements français, sur lesquelles sera en partie fondée la stratégie de déconfinement à partir du 11 mai.

      Avec leur classement en trois catégories des départements, elles apparaissent comme la garantie que les décisions du gouvernement seront fondées sur une analyse statistique objective. Pourtant, les cartes ne sont pas des images « scientifiques » indiscutables (1), surtout lorsqu’elles sont utilisées par des politiques en temps de crise. Il est donc important de déconstruire l’idée qu’il existe des départements rouges, orange et verts.

      Un #titre, une #légende

      Une carte n’est vraiment lisible que si elle comprend au moins un titre et une légende qui explique les choix graphiques opérés. Celles qui ont été diffusées jeudi comportaient des légendes lacunaires : pas de précision sur les pourcentages décrivant la « circulation active de l’épidémie » (carte 1), pas de description de la « capacité » des hôpitaux pour analyser la « tension hospitalière » (carte 2), pas d’information sur la façon dont la « synthèse » est établie (carte 3).

      Quelles sont les sources, la date ou la période de référence ? Aucune réponse à ces questions, même si les jours suivants, une précision sur les pourcentages a été ajoutée sur la première et la deuxième carte. Pour leur défense, elles sont issues d’une conférence de presse où Olivier Véran donnait des explications plus précises, mais il est étonnant qu’aucun document plus explicite n’ait été diffusé ensuite.

      Le titre de la première carte est problématique : ce qui est montré sur celle-ci ne correspond que très partiellement à « la circulation active du virus », car cela impliquerait de rendre compte d’un mouvement sur une certaine durée. On attendrait donc un indicateur dynamique montrant un flux ou comparant un état à deux dates précises. Or nous avons ici la représentation d’une moyenne de pourcentages statiques, à savoir la part de suspicion de cas de Covid-19 parmi les passages aux urgences par jour et par département.
      Problème de données

      C’est pourtant ce critère qui a valu au Cher, à la Haute-Corse et au Lot d’être classés rouges alors que leurs voisins étaient souvent verts. Le gouvernement a remédié à cette « erreur » dès le lendemain. Comment ? On ne sait pas : d’après les chiffres publiés les jours suivants (2), certains départements passés du rouge au vert possèdent toujours des parts importantes de suspicion de Covid-19 parmi leurs passages aux urgences (plus de 20% de moyenne sur sept jours pour la Haute-Corse jusqu’à dimanche, par exemple).

      Cette erreur de comptage révèle un autre problème fondamental : l’indicateur choisi pour exprimer la circulation du virus est apparemment trop réducteur, car trop sensible aux infimes fluctuations qui peuvent être enregistrées d’un jour à l’autre dans les départements les moins touchés et les moins peuplés. Des particularités liées au jour de l’enregistrement (il y a moins de passage aux urgences les dimanches) ou une erreur de saisie ou de calcul seront très visibles dans les pourcentages produits à partir d’une petite population comme dans le Lot (81 passages par jour en moyenne), alors qu’elles seront presque totalement lissées avec une population importante comme à Paris (885 passages).

      Le dimanche 26 avril, 52 passages aux urgences ont par exemple été enregistrés dans le Lot, dont 2 étaient dus à une suspicion de Covid-19 (soit 3,8%). Avec ce mode de calcul, il aurait suffi de 4 personnes de plus avec suspicion de Covid-19 ce jour-là pour que le pourcentage monte à 11,5%, et que le département tombe dans la catégorie rouge. En comparaison, 4 passages de plus n’auraient provoqué que 0,5% d’augmentation de la part des suspicions Covid-19 aux urgences à Paris. Le lendemain, il y a eu 102 passages dans le Lot dont 11 pour une suspicion Covid-19, soit une « circulation active du virus » de 10,8%… Bien que les cartes du gouvernement fassent une moyenne sur sept jours (ce qui ne lisse que partiellement ces fluctuations), il est clair qu’un tel indicateur n’est pas assez stable ni assez complexe pour fonder la stratégie de déconfinement (3).
      Discrétisation

      Un autre problème tient à la manière dont les catégories (vert, orange, rouge) ont été construites. Admettons que la carte de « la circulation active du virus » publiée mercredi soit fondée sur les moyennes de la part quotidienne de passages aux urgences dus au coronavirus entre le 22 et le 28 avril. Sur cette période, 33,8% des passages aux urgences dans le Cher sont dus à une suspicion de Covid-19, il y en a 10,2% dans la Nièvre et 9,7% dans l’Yonne. Selon les catégories du gouvernement, la Nièvre et le Cher, qui ont plus de 20% d’écart, sont englobés dans la même catégorie rouge (supérieur à 10%), alors que l’Yonne est dans la catégorie orange (de 6 à 10%).

      Injuste semble-t-il ? Ceci correspond au problème de la discrétisation, qui désigne la répartition des valeurs en catégories, effectivement nécessaire à la lisibilité de ce type de carte. Pour choisir les seuils qui les déterminent, il existe plusieurs méthodes statistiques. Ici, il y a eu discrétisation, mais on ne sait pas comment. A quoi correspond donc ce seuil de 10% qui risque de prendre beaucoup d’importance dans nos vies les prochaines semaines ? Un seuil épidémiologique établi scientifiquement ou statistiquement ? Un nombre choisi pour sa rondeur ?

      Autre problème : le nombre de catégories. Suivant les règles habituelles de représentation des données (la sémiologie graphique) (4), un nombre minimum de quatre catégories – idéalement cinq – serait préconisé. Ici, les raisons politiques ont dicté un résumé de la réalité en trois catégories simplificatrices ; il devrait n’en rester plus que deux en fin de semaine.

      Problème de #sémiologie

      Pour signifier visuellement la progression continue de pourcentages, la sémiologie préconise d’utiliser une même gamme de couleur, du clair au foncé. Selon ces règles, les cartes de la « circulation active du virus » et de la « tension hospitalière » sont donc fausses, car elles passent du vert, à l’orange, au rouge. Aucun cartographe n’est tenu d’appliquer absolument ces règles. Toutefois, cette entorse révèle un choix graphique à but politique : elle sert à faire correspondre les cartes à l’opposition binaire entre « vert » et « rouge » exposée quelques jours plus tôt par le Premier ministre devant le Parlement.

      C’est l’application visuelle d’une rhétorique politique, dont l’efficacité est renforcée par les connotations des deux couleurs choisies : vert = bien, sécurité ; rouge = mal, danger. Cela nous force à lire une séparation radicale entre les départements alors qu’il n’en est rien dans les données de départ. C’est peut-être pour cette raison que les cartes de jeudi ont provoqué la colère des habitants du Lot, de la Haute-Corse ou du Cher, choqués de se découvrir rouges.

      Ces cartes ne sont pas justes. Elles ne sont pas non plus complètement fausses. Elles constituent en revanche de parfaits (et très grossiers) exemples d’utilisation politique de cartes statistiques, qui jouent sur les nombreuses alternatives offertes aux cartographes. Les cartes sont des discours et doivent donc être contextualisées, datées, sourcées, signées et, en retour, critiquées. C’est à ce prix qu’elles peuvent être comprises pour ce qu’elles sont : au mieux de merveilleux outils heuristiques et pédagogiques, au pire des images de propagande potentiellement dangereuses.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/05/05/covid-19-des-cartes-tres-politiques_1787381

    • Exemples d’autres cartes possibles avec les mêmes données :
      https://signaletbruit.substack.com/p/ce-que-le-dbat-autour-de-stopcovid

      Illustration de notre premier numéro sur la mise en données du COVID-19, cette cartographie montre l’impact des conventions de représentation sur notre appréhension d’une réalité. En gardant le même indicateur (hospitalisations pour 10000 habitants) et les mêmes données, mais en faisant varier la taille des catégories utilisées, on obtient 4 cartes très différentes. L’auteur n’a malheureusement rien pu faire pour la Côte-d’Or et le Doubs.

  • Corona Chroniques, #Jour50
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour50

    LUNDI 4 MAI 2020 - JOUR 50 MATIN. Se réveiller et se dire qu’il reste une semaine à tirer ; sans trop savoir si c’est long ou court, une semaine ; se lever et se demander comment on se lèvera, justement, et quel sera le réveil, exactement. Sur France Inter, le désir d’amnésie sonne déjà. Augustin Trapenard lit une lettre de Michel Houellebecq. On monte le son, sans trop y croire, mais on se raccroche à tout ce qu’on trouve, la moindre lueur, le premier os à ronger venu, le plus infime soupçon de (...) #Coronavirus

    / Une

    https://www.franceinter.fr/emissions/lettres-d-interieur/lettres-d-interieur-04-mai-2020
    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/02/la-lecon-des-grands-romans-d-epidemie-par-orhan-pamuk_1787082
    http://www.davduf.net/IMG/mp3/merci_a_toi_o_soignant_vlasta_ray.mp3

  • Tutos partout, santé publique nulle part !


    Quel point commun entre apprendre à coudre son propre masque sur Internet, aider à l’accueil des migrants ou donner au Téléthon ? C’est le règne du « do it yourself », qui révèle l’incurie de l’Etat.

    Vous avez remarqué ? Ils sont partout. Les « tutos ». A chaque moment de la crise et du confinement. Tutos partout et masques, surblouses, respirateurs nulle part. D’abord, il y eut le « comment se laver les mains ». Et ses variations infinies : étatiques, musicales, illustrées, dessinées, en réalité augmentée, décalées.

    Puis vînt le temps du « comment fabriquer des masques ». Avec ou sans élastique, avec ou sans couture, avec ou sans tissu. Des tutos délivrés par tout ce que l’humanité compte de diversité : femmes de ménage mexicaines, couturières espagnoles, adolescentes youtubeuses beauté, médecin chef des armées, ancien soldat des forces spéciales, survivalistes ayant enfin trouvé l’utilité sociale qu’ils briguaient.

    Nous entrons désormais dans le temps où s’avancent en cohorte les « comment laver son masque ». En tissu. A 60 degrés. Avec de vieux draps. Sans avoir besoin de faire une machine à laver pour trois masques toutes les quatre heures. Avec un fer à repasser. Au savon de Marseille. Au vinaigre blanc. Sans détériorer les fibres. Chaque étape est un vertige. Chaque question un abîme. Chaque vertige et chaque abîme conduisant à d’autres tutos, forums et pages Wikipédia (au mieux) ou Doctissimo (au pire). Sur les tutos toujours à tâtons, nous avançons.

    Face à ces tutos du « démerdez-vous braves gens » se dressent à l’opposé, les postures dominantes du « laissez-nous faire et ayez confiance » dès qu’il s’agit de techno-surveillance ou de solutionnisme bon teint masquant opportunément les carences de l’Etat.

    Notre société a vu depuis longtemps émerger la figure du hacker, qui est aussi celle du maker. Makers qui sont d’ailleurs bien plus anciens sociologiquement et techniquement que les hackers (qui sont liés à la contemporanéité de l’informatique), puisque les makers, eux, renvoient aussi à « l’ouvriérisation » de l’agir social et technique précédant le fordisme et la première révolution industrielle ; un temps où chaque foyer comportait ses makers détenteurs de savoirs opérationnels aujourd’hui souvent générationnellement oubliés ou délaissés : couture, tricot, jardinage, et tant d’autres. Tant de savoirs transmis hier par héritage social et aujourd’hui par tutoriel capital.

    Une société de makers donc. Et l’avènement concomitant du Do It Yourself. Le DIY – prononcez « Di aïe waï ». Et sa question souvent oubliée ou refusant d’être frontalement posée : Do It ? Why ? Le faire ? Nous-mêmes ? Pourquoi ?

    Faites-le vous-mêmes : secourir des migrants en Méditerranée

    Pourquoi se retrouve-t-on dans la situation d’accepter de faire nous-mêmes, dans l’urgence, ce que d’autres auraient dû faire pour nous dans la prévoyance ? D’autres que nous finançons par nos impôts, par exemple. D’autres qui pourraient l’être par une politique fiscale plus juste et redistributive, autre exemple.

    Car le DIY, le « faites-le vous-mêmes », dépasse naturellement le seul cadre du bricolage pour s’étendre, dans nos Etats libéraux, à des secteurs entiers de l’accompagnement social et humanitaire : pensons ici aux associations seules en charge de l’accueil des migrants, pensons ici aux Restos du cœur, pensons ici à tout ce que faute de le « faire » nous-mêmes nous « finançons » nous-mêmes : du Téléthon aux innombrables appels aux dons se substituant à des financements publics pérennes et à des choix budgétaires impensés ou impensables pour la doxa libérale.

    Faites-le vous-mêmes. Secourir des migrants en Méditerranée. Faites-le vous-mêmes. Loger des exilés mineurs à la rue. Faites-le vous-mêmes. Offrir des repas chauds à des gens dans la misère. Faites-le vous-mêmes. Financer la recherche publique sur les maladies génétiques. Faites-le vous-mêmes.

    Alors nous l’avons fait. Certains en tout cas. Et c’est pour cela que ce monde a tenu et tient encore. Le courage et l’humanité de quelques-uns permettent à tous les autres de ne pas se vomir au visage en se croisant dans un miroir.

    Le chef de la start-up nation aime d’ailleurs à le rappeler avec son ton compassé de mauvais acteur de théâtre : « Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. » Et faites-le vous-mêmes. Mais qu’a fait le pays pour les témoignages incessants, insistants, invitants, des soignants, des enseignants, des avocats et de tant d’autres ?

    Le tutoriel comme injonction politique

    Pour taire ces questions, il n’y a que cette musique lancinante : demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. Lavez-vous les mains. Fabriquez des masques. Lavez vos masques. Recommencez.

    Le tutoriel comme injonction politique. Puisqu’il y en a, des tutoriels, alors qu’attendez-vous pour vous mettre au travail ? Et le DIY comme politique de santé publique. Fabriquez vos masques, vos respirateurs. Et demain vos lits d’hôpitaux et vos médicaments. Nous sommes passés à deux doigts d’un tuto chloroquine aux effets dévastateurs.

    Il est bien sûr des initiatives remarquables. Chacun en connaît dans son environnement proche. A La Roche-sur-Yon, des bénévoles fabriquent et assemblent chaque jour des visières imprimées en 3D dans le fablab local. A Nantes, des équipes de chercheurs issus du monde de la robotique et de la santé, alliées à des entrepreneurs, des industriels et des agences gouvernementales, ont développé en quelques semaines un projet remarquable de respirateur artificiel à bas coût et open source : le Makair. Des actions et des projets littéralement vitaux. Car, sans ces gens-là, d’autres seraient morts aujourd’hui et d’autres mourraient demain.

    Mais cette réalité même interroge. Non pour en dénigrer les acteurs. Ni même pour opportunément en faire le prétexte à une stigmatisation des manquements de l’Etat. Cette réalité interroge car cette réalité s’installe. Et s’installant, elle nous installe aussi dans la croyance que l’incurie manifeste d’un Etat pourrait être compensée par les efforts de chacun. Et que cela suffirait à résoudre le nœud gordien du manque « d’argent magique » et du « quoiqu’il en coûte ». Cette idée est aussi toxique que celle affirmant que l’Etat peut tout. L’Etat ne peut pas tout. Nous ne le pouvons pas non plus. Mais au-delà de l’Etat et des citoyens qui en sont à la fois et le grain et l’ivraie, il est des politiques. De santé publique notamment. D’accès aux soins. De prise en charge des plus faibles. De droit au logement. Et tant d’autres.

    Pour ces politiques-là, et pour celles et ceux qui en sont actuellement les garants gouvernementaux, l’environnement linguistico-managérial de « l’Etat plateforme » et de la « start-up nation » légitiment un ensemble de dérives des fonctions sociales premières de l’altruisme qui devient un simple Do It Yourself mais For Others. Fais-le toi-même pour les autres. Injonction aussi commode qu’à tiroirs. Car ce Do It Yourself For Others est une énième forme de techno-exploitation : des formes classiques du digital labor (qui est un « faites-le vous-même à la place de l’algorithme ») aux formes circonstancielles visant à pallier l’incurie des Etats et des politiques de santé publique comme avec ces couturières (des femmes, encore…) se réunissant en collectif (« Bas les masques ») pour dénoncer le systématisme des demandes de bénévolat qui leur sont adressées.

    C’est la suite logique et surtout tragique du discours macronien des vœux à la jeunesse, du « demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays ». Une suite non dite parce qu’indicible publiquement. Mais que chacun comprend, entend, et intègre par résignation, pas assimilation, par contagion, par imposition de la main invisible du marché libéral, la main du capitalisme qui, quoiqu’il en coûte, reverse aux actionnaires leur quote-part d’argent magique : « demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays ». Et si vous ne faites rien, alors ne venez surtout pas vous plaindre. Mais il est des plaintes légitimes. Continuons de les faire entendre.

    Olivier Ertzscheid enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes

    https://www.liberation.fr/debats/2020/05/03/tutos-partout-sante-publique-nulle-part_1786984