Violations du confinement et violences conjugales,
la « routine » de police secours à Clichy
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[...]Le portefeuille de la brigade locale de protection de la famille (BLPF), c’est le baril de poudre du commissariat », explique, de l’autre côté du couloir, Anne Le Dantec, la commissaire de Clichy. Elle en a encore parlé ce matin en réunion de direction départementale ; les chiffres sont inquiétants. Certes, les plaintes pour violences conjugales ont baissé de 20 % car « les victimes ont moins d’excuses pour sortir de chez elles avec le confinement. Elles n’ont plus cette vie sociale qui parfois fait contrepoids et les pousse à partir et à déposer plainte ».
Mais un autre indicateur a, lui, explosé. A Clichy, les interventions de la police sur le terrain pour ce motif ont augmenté de 69,85 % depuis le 17 mars. « Avec la médiatisation du phénomène, les voisins appellent plus. Et là, ils nous contactent d’autant plus qu’ils sont chez eux toute la journée, et qu’ils entendent les hurlements et les bousculades », analyse-t-elle.
Sur les ondes ces soirs d’avril, les appels au 17 pour violences conju- gales sont incessants.
[...] 22 h 34, encore un appel radio. « Violences sur femme enceinte », secteur nord de Clichy. [...] Un quinquagénaire hirsute et moustachu, en claquettes peignoir, ouvre la porte [du logement signalé]. Il semble ivre, se débat, est menotté dans les parties communes en hurlant qu’il a « mal au bras » et que « c’est elle qui [le] frappe ».
A l’intérieur du logement, sa compagne est allongée en position fœtale, presque sur le sol, à côté du berceau blanc de son bébé à venir dans moins d’un mois. Le matelas est encore sous plastique. La future mère pleure en silence. Dans un souffle, elle reconnaît que ça arrive souvent. Elle ne connaît personne en France pour l’aider, elle vient du Sénégal. Ses yeux sont injectés de sang. Sur son cou, il y a des traces rouges d’étranglement. Lui est conduit en garde à vue, pendant que la jeune femme refuse de porter plainte et de faire constater ses blessures.
Les lendemains de ces soirées propices aux violences faites aux femmes, Anne Le Dantec relit un par un les comptes rendus des interventions de la nuit. Souvent, elle renvoie les dossiers pour plus de vérifications, car ces mains courantes sont importantes, « c’est l’un des seuls moyens qu’on a de mesurer ce qu’il se passe dans les foyers avec le confinement ». Elle et Mélanie Venance s’y attendent, après le 11 mai, le nombre de plaintes pour violences conjugales devrait à son tour exploser.