Assez cocasse quand on pense à la gestion française.
La plupart des dirigeants des régimes autoritaires affichent depuis un mois déni, opacité et répression face à l’épidémie de coronavirus.
Personne n’y croit vraiment, mais qui pourrait prouver le contraire ? La semaine dernière, Pak Myong‑su, le directeur du centre de crise épidémique de Corée du Nord, assurait avec aplomb : « Pas une seule personne n’a été infectée par le coronavirus jusqu’à présent dans notre pays. » Zéro cas, zéro décès, un bilan qui ne s’expliquerait que par une multiplication, depuis le début de la crise, des mesures de distanciation sociale associée à une fermeture des frontières avec la Chine, d’où est partie l’épidémie.
Pour le régime nord-coréen, l’idée est bien de montrer que seule la discipline communiste et le patriotisme ont vaincu le virus. La plupart des autres dictatures, surprises par la vitesse de propagation de l’épidémie, ont d’abord préféré se réfugier dans le déni. Puis, face à l’évidence, jouer sur l’opacité concernant la publication du nombre de victimes.
Priorité à l’économie
Dans une note de l’Institut Montaigne à paraître très prochainement, Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie, explique ainsi le comportement du président turc Erdogan, alors que son pays est le deuxième plus touché de la région avec l’Iran. « Sa gestion de la pandémie se rapproche de celle d’autres dirigeants néoautoritaires : priorité donnée à la survie de l’économie, et donc confinement sélectif – par tranches d’âge notamment –, ce qui suscite d’ailleurs des divisions entre le président et le ministre de la Santé, et entre le gouvernement et le maire d’Istanbul. »
Allusion à Ekrem Imamoglu, devenu depuis l’an dernier, quand il a repris la capitale économique au parti islamiste présidentiel, le premier des opposants. Michel Duclos note que, en Egypte, la réaction au virus du régime du maréchal-président Sissi « s’est inscrite dans ses pratiques habituelles avec déni de réalité, militarisation de la lutte contre la pandémie et criminalisation des lanceurs d’alerte ».
C’est bien parce qu’épidémie et démocratie sont amalgamées que certains dirigeants ont conjugué dissimulation et opportunisme politique. Qu’il s’agisse de la décision du président Poutine de faire passer en catimini la loi de réforme de la Constitution – qui remet les compteurs de ses mandats à zéro, quitte à différer le référendum censé valider le tout – ou du coup d’éclat du Premier ministre hongrois Orbán consistant à se faire confier les pleins pouvoirs par sa majorité parlementaire. L’opposition, qui a voté contre, est qualifiée de « traître » et accusée d’être « du côté du virus ».
Opportunisme politique
Comme l’écrit Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, dans L’année du Rat, un texte remarqué consacré aux conséquences géopolitiques de la pandémie, « certains dirigeants semblent avoir voulu profiter du fait que l’attention de la communauté internationale était accaparée par la crise sanitaire ».
Allusion évidemment à l’annonce d’une réforme constitutionnelle en Russie, à la reprise en main de la monarchie saoudienne par le prince héritier Mohammed Ben Salman en Arabie saoudite, à la concentration des pouvoirs - au moyen de la proclamation de l’état d’urgence « jusqu’à nouvel ordre »– en Hongrie.
Sans oublier la répression impitoyable des contrevenants aux mesures de distanciation sociale aux Philippines, le dirigeant populiste Rodrigo Duterte ayant annoncé début avril que la police mais aussi les chefs de village avaient « ordre d’abattre » tout individu suspecté de braver les consignes sanitaires. « Et ce n’est sans doute que le début », estime le chercheur.