VoilĂ prĂšs de deux semaines que la rumeur court (â»https://twitter.com/ChRabier/status/1255538859137478656?s=20]).
Sur Twitter, on lit des choses comment en rĂ©union dâUFR, on nous a dit quâon pourrait reprendre avec des TD de 15 ; ou nous ne pourrions pas reprendre en prĂ©sentiel, ou encore :
ou encore
Un doyen nous assure que la veille en comitĂ© de direction, rien nâavait filtrĂ©, en dĂ©pit dâune demande insistante ; un autre collĂšgue le contredit : « Nous, on lâa su sur le mode « jâai interdiction de vous dire que⊠», notre PrĂ©sident ayant reçu une lettre cette semaine ». Les Ă©changes allaient bon train, jusquâĂ jeudi soir.
JusquâĂ cette date, nous ne craignions pas des scĂ©narios pour une rentrĂ©e de pandĂ©mie : prĂ©sentiel, prĂ©sentiel mixte, distanciel, rentrĂ©es dĂ©calĂ©es, etc. En bonânes professionnelâles, en effet, nous souhaitons pouvoir anticiper et prĂ©parer, afin que la sidĂ©ration de mars ne devienne pas cafouillage de septembre. Nous tenons Ă ce que nos Ă©tudiant es soient correctement formĂ©s, quâielles aient accĂšs aux connaissances et aux mĂ©thodes que nous souhaitons leur transmettre, quitte Ă rĂ©flĂ©chir plus longuement aux dispositifs quâil nous faut imaginer et Ă demander les moyens dont nous â et dont les Ă©tudiantâes â avons besoin.
En revanche, nous ne souhaitons pas une gestion gouvernementale telle quâelle a commencĂ© : mesures non-urgentes en lieu et place de gestion de lâĂ©pidĂ©mie ; dĂ©faut de budget supplĂ©mentaire pour lutter contre la pandĂ©mie et pour continuer Ă assurer nos missions1 ; communication en lieu et place de consultation et dâadministration. Notre Ă©nergie nâĂ©tait-elle pas encore consacrĂ©e cette semaine Ă rĂ©gler les problĂšmes dâexamens, voire Ă faire voter les modalitĂ©s du contrĂŽle de connaissance modifiĂ©es par lâĂ©tat dâurgence sanitaire. Il Ă©tait temps de disposer de perspectives solides pour la rentrĂ©e.
Câest ratĂ©. Faute dâutiliser la voie officielle et hiĂ©rarchique, la Ministre jette son dĂ©volu sur le Parisien en Ă©dition abonnĂ©s pour distiller des « informations » discutables. De quoi mettre nombre dâentre nous, du professeur en mathĂ©matiques Ă la maĂźtresse de confĂ©rences en littĂ©rature, en passant par des directeurs dâUFR, « en rage ».
Le plan de #dĂ©confinement du #MESRI nous Ă©tait parvenu officiellement mardi 5 mai 2020, soit deux jours avant. Il prĂ©voit que nous serions informĂ©âes mi-juin des dispositions pour la rentrĂ©e. Mi-juin : câest vraiment limite ; on aurait aimĂ© avoir eu idĂ©e des grandes lignes ou des possibilitĂ©s Ă©tudiĂ©es dĂšs maintenant. Mais câest le rĂŽle de lâadministration dâinformer les agents de lâenseignement supĂ©rieur. Ce nâest pas celui dâune journaliste.
Câest pourtant Le Parisien en mode pĂ©age qui publie notre premiĂšre circulaire de rentrĂ©e. Pourquoi Le Parisien ? On ne saura pas, mais la plupart des titres ont, depuis, repris les informations dĂ©layĂ©es au compte-goutte dans lâinterview. LâopĂ©ration de communication laisse entendre un travail Ă©troit avec les prĂ©sidences dâuniversitĂ©s. Elle a un but : elle vise Ă court-cuiter toutes les instances universitaires, les directions opĂ©rationnelles des UFR et les organisations syndicales, qui ont pourtant voix Ă porter au chapitre et qui seront en premiĂšre ligne Ă la rentrĂ©e.
Que dit Frédérique Vidal ?
AprĂšs des banalitĂ©s sur les examens â les universitĂ©s ont fait beaucoup, et elles font toujours beaucoup â et sur les concours en prĂ©sentiel cet Ă©tĂ© â masques ou pas masques â la Ministre est interrogĂ©e sur les « amphithĂ©Ăątres bondĂ©s ».
Nous avons demandĂ© aux Ă©tablissements de prĂ©voir que les #cours_magistraux puissent ĂȘtre offerts Ă distance. Ils sont en train de regarder si câest possible. On se prĂ©pare Ă plusieurs scĂ©narios mais avec une ligne : les dates de la rentrĂ©e ne seront pas dĂ©calĂ©es.
Que faut-il entendre ? Ce qui est non-nĂ©gociable, ce nâest pas la qualitĂ© de la formation, câest la #date_de_la_rentrĂ©e. « Les cours magistraux [seront] offerts Ă distance » : lâenseignement nâĂ©tant pas un #service, les enseignantâes-chercheurâses « nâoffrent » pas des cours, mais assurent un #enseignement. Or câest lâensemble de la #pĂ©dagogie quâil faut revoir, en concertation. Cela prend du temps et requiert des moyens. Nous nâaurons donc ni lâun ni les autres.
La question de la journaliste qui suit semble venir directement de la bouche de la Ministre.
Est-ce que les #cours_Ă _distance vont rester pour de bon Ă lâuniversitĂ©, mĂȘme aprĂšs la crise ?
Il est dĂ©jĂ classique de proposer des #enseignements_hybrides, oĂč une partie se fait Ă distance. Que lâon puisse franchir un pas supplĂ©mentaire pour les cours magistraux, les Ă©quipes y rĂ©flĂ©chissent. Mais on nâapprend pas uniquement dans des livres ou sur ordinateur. Il faut des interactions avec les enseignants. Câest essentiel.
Non : il nâest pas classique de proposer des enseignements hybrides, si cela veut dire suppression de cours magistraux. Certes, nous nâavons pas attendu ce MinistĂšre pour dĂ©velopper des stratĂ©giques pĂ©dagogiques sophistiquĂ©es, reposant sur lâenquĂȘte de terrain2 ou les tutoriels vidĂ©o, par exemple. Pour autant, il ne sâagit pas de jeter le bĂ©bĂ© avec lâeau du bain. Les cours magistraux sâavĂšrent une entrĂ©e indispensable Ă la matiĂšre, Ă la curiositĂ©, aux savoir-faire, des compĂ©tences rhĂ©toriques, une entrĂ©e dâautant plus rĂ©ussie quâils reposent sur les Ă©paules dâenseignantâes chevronnĂ©âes. Les travaux dirigĂ©s le sont tout autant et demandent souvent davantage de travail, mĂȘme sâils sont moins rĂ©munĂ©rĂ©es. Il faudait donc dâabord nous laisser, nous â enseignantâes-chercheurâses, doyenânes de facultĂ©, directions de diplĂŽmes â nous laisser organiser une #nouvelle_pĂ©dagogie, quitte Ă amĂ©nager les amphithĂ©Ăątres et les salles de TD, afin quâĂ©tudiantâes et enseignantâes soient satisfaitâes de la formation dispensĂ©e3.
Notre trravail repose sur celui — absolument essentiel — des personnels administratifs, et notamment des collĂšgues de la scolaritĂ©. Ces personnes — trĂšs majoritairement des femmes — ont assurĂ© depuis le dĂ©but de lâannĂ©e dĂ©jĂ , et dans des conditions de travail difficile depuis le confinement , un travail remarquable pour que nos Ă©tudiant·es connaissent une scolaritĂ© aussi normale que possible, en rĂ©pondant de surcroĂźt aux nombreuses questions quâils ou elles pouvaient avoir. Dans un scĂ©nario « On ne change pas la date de la rentrĂ©e » qui prĂ©voit donc la clĂŽture de Galaxie le 1er juillet, puis la prĂ©paration de la rentrĂ©e et la finalisation administrative pour les enseignant·es-chercheur·ses pour le 10 juillet, que ces collĂšgues continuent de travaillent sans repos pour assurer un caprice de ministre4.
JusquâĂ hier soir, nous universitaires nâavions donc aucune idĂ©e claire des scĂ©narios que prĂ©parait le MinistĂšre. Nous savions dĂ©jĂ que ce nâĂ©tait pas la note qui faisait la qualitĂ© dâun diplĂŽme mais la formation dispensĂ©e. Nous savons dĂ©sormais que ce nâest pas la date de rentrĂ©e qui doit prĂ©valoir mais la prĂ©paration et la coordination. Nous avons devinĂ© que nous allons prĂ©parer cette rentrĂ©e seulâes. Pendant que la Ministre ira visiter les plages.
Lien :
UniversitĂ©s : la ministre annonce « des cours Ă distance Ă la rentrĂ©e », par Christel Brigaudeau, Le Parisien, 7 mai 2020, 20h44 : âșhttp://www.leparisien.fr/societe/universite-la-ministre-annonce-des-cours-a-distance-a-la-rentree-07-05-20