• MERES SOLOS : reconnaître le #travail gratuit des #femmes – Le blog de Christine Delphy
    https://christinedelphy.wordpress.com/2020/05/29/meres-solos-reconnaitre-le-travail-gratuit-des-femmes

    Dans ce roman, il s’agit d’un premier enfant, et d’un enfant en bas âge. Et bien sûr qu’il y a des risques pour la #santé de la mère. Le problème, c’est que ces mères n’ont même pas la possibilité, le temps de prendre soin d’elles et de leur santé, en particulier dans certaines circonstances. Automatiquement, le fait qu’elles doivent travailler pour gagner leur vie et s’occuper de cet enfant quand elles sont seules, avec des projets et des objectifs personnels à mener, quand on ajoute à ça le fait qu’il y a une #violence patriarcale à laquelle toutes les femmes sont confrontées, dans le cadre du travail, dans le cadre d’une vie citoyenne, quand il faut assumer cette charge mentale et la charge très concrète du soin de l’enfant, je me disais que dans cette situation, la femme est soumise à plusieurs rythmes ou vitesses extérieures. C’est-à-dire qu’à la fois, elle subit une forme d’accélération du temps, une demande de productivité, professionnellement elle doit travailler dans la rapidité, elle est soumise à cette temporalité-là. Et puis il y a la #lenteur et l’espace-temps qu’exige un enfant. Il faut réussir à jouer dans plusieurs espaces-temps. Donc, dans le roman, ce que je voulais montrer, c’est comment une femme, la narratrice, au moment où elle se retrouve seule avec un enfant, va réaliser ce qu’on attend de la femme contemporaine. D’abord assurer dans la sphère privée, dans la sphère domestique en priorité, et en plus d’agir dans la sphère publique, avoir un métier, avoir un travail, etc. Toutes les femmes doivent assumer plusieurs vies, et même si c’est masqué par la conjugalité, pour la femme seule, c’est vraiment patent. Elle nous révèle cette réalité que d’autres femmes, même si elles sont en couple, vivent aussi. C’est mis à nu, c’est violent, c’est clair.

  • Communication du ministère des Solidarités et de la Vérité – Le blog de Christine Delphy
    https://christinedelphy.wordpress.com/2020/05/19/communication-du-ministere-des-solidarites-et-de-la-verit

    Et cependant, nous sommes de plus en plus pressés par les impératifs économiques : nous savons que les profits n’attendront encore pas bien longtemps sur notre sol, et que si nous ne nous décidons pas à agir, ils s’en iront ailleurs…

    Aussi avons-nous décidé de pousser le seul curseur à notre disposition, celui de l’immunité de troupeau et, pour cette guerre si particulière que la nation rassemblée mène, de substituer à l’impôt du sang, l’impôt du virus. Toutefois, si les balles et les mines antipersonnel frappent aveuglément, nous pouvons, dans la solidarité, rendre plus consciente, plus efficace, et peut-être moins dure économiquement, la propagation du virus.

    Cette nouvelle doctrine, que nous assumons totalement, nous la déclinerons sur deux axes.

    D’abord, nous appelons tous nos citoyens à participer à l’effort national, dans ce grand élan de fraternité dont nous les savons capables, en sacrifiant quelques personnes de leur entourage, notamment des improductifs et des personnes âgées qui ne résident pas en EHPAD, et dont la contamination permettra d’atteindre plus rapidement ce libérateur seuil des 70% de covidés dans la population. Dès maintenant, nous devons, ensemble, faire la part du feu : sur le site Santé publique France, nous vous invitons à communiquer, de manière anonyme si vous le souhaitez, le nom des personnes qui vous semblent susceptibles d’être sacrifiées au bien national, ainsi que les raisons de vos choix honorifiques, car il est beau de mourir, même sans le savoir, pour la préservation de la nation. Afin que des motifs personnels ne viennent entacher la désignation, que seul le bien collectif doit légitimer, une enquête sera, pour chaque cas, diligentée et, sitôt avérée l’exactitude des déclarations, des équipes spécialisées procéderont à la contamination.

  • Dominique Méda : « Les plus forts taux de surmortalité concernent les “travailleurs essentiels” »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/23/dominique-meda-les-plus-forts-taux-de-surmortalite-concernent-les-travailleu

    En revanche, l’équivalent britannique de l’Insee, l’Office for National Statistics (ONS), a exploité les données de mortalité par le Covid-19 (« Coronavirus (Covid-19) Roundup ») sous l’angle socioprofessionnel. L’une de ses études analyse les 2 494 décès impliquant le coronavirus intervenus entre le 9 mars et le 20 avril dans la population en âge de travailler (20-64 ans) en Angleterre et au Pays de Galles. La profession étant indiquée sur le certificat de décès, on peut comparer la composition socioprofessionnelle des personnes décédées du Covid-19 à celle de l’ensemble des personnes décédées du même âge et du même sexe.

    Les plus forts taux de surmortalité concernent en premier lieu les travailleurs des métiers du soin à la personne (hors travailleurs de la santé, car les médecins et infirmières n’ont pas enregistré de surmortalité), suivis des chauffeurs de taxi et d’autobus, des chefs cuisiniers et des assistants de vente et de détail ; autrement dit, ceux que l’ONS décrits comme les « key workers », les « travailleurs essentiels ». L’ONS a aussi montré la plus forte probabilité pour les non-Blancs de décéder du coronavirus, en partie explicable par des facteurs socio-économiques.

    L’étude :
    https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/conditionsanddiseases/articles/coronaviruscovid19roundup/2020-03-26

  • Eliane Viennot : Le Covid-19 s’attaquerait-il aussi à la langue française ?
    https://christinedelphy.wordpress.com/2020/05/12/eliane-viennot-le-covid-19-sattaquerait-il-aussi-a-la-lan
    https://theconversation.com/debat-le-covid-19-sattaquerait-il-aussi-a-la-langue-francaise-13781

    Car pourquoi le masculin serait-il générique, et pas le féminin ? La réponse existe : parce que ses pouvoirs ont été accrus aux dépens du féminin, de manière délibérée, depuis qu’il existe des gens qui s’autorisent à dire le droit en matière de grammaire et de vocabulaire. Des hommes, jusqu’au beau milieu du XXe siècle.

    Précisons : aucun théoricien n’aurait soutenu, jusqu’en avril 1944, que les femmes sont incluses dans les discours au masculin, car cela aurait impliqué que les droits élaborés pour les hommes étaient valables pour elles aussi. Dans cette phrase, par exemple, qui parle de la loi : « Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, art. 6). On sait que pour exercer ce droit, les femmes ont dû attendre la décision du Conseil national de la Résistance. C’est après seulement qu’on a pu prétendre qu’elles étaient incluses dans les mots « citoyen » et « représentant ». C’est donc après seulement que de bonnes âmes ont mis au point la théorie du « masculin générique ».

    Pourquoi cette Une de Corse-Matin, le 12 avril, avec une quarantaine de visages féminins accompagnés de la manchette « On est avec eux » ? Pourquoi ces titres sur « nos héros » ? Pourquoi cette insistance, chez tant de journalistes, à camper sur « Bonjour à tous » ? Et pourquoi cet acharnement à parler du virus qui s’attaque à « l’homme », comme si les femmes étaient épargnées, comme si le mot « humain » n’existait pas depuis des siècles ?

    Deux ans après #MeToo, ces gens savent tout cela, et il est à parier qu’ils n’ont pas digéré ce que visent ces campagnes, à savoir le recul de la domination masculine. On peut parier qu’ils trouvent « autrice » et « maitresse de conférences » ridicules. Et que pour eux le « monde d’après » peut bien continuer d’être dirigé par des hommes, comme l’avouait si bien, le 5 avril, la Une du Parisien. Cependant, contrairement aux femmes qui sont mortes, tuées par le Covid-19 ou par leurs compagnons – puisque le massacre continue, et même s’amplifie à l’occasion du confinement le féminin se relèvera de cette crise, et il poursuivra sa (re)conquête du terrain. La crise aura été, aussi, celle d’une masculinite aiguë difficile à soigner – mais dont on connaît le remède : l’égalité.

    #langue #féminisation #femmes #travailleuses #égalité #domination_masculine