• Michel Barrillon, De la nécessité de sortir du faux dilemme primitivisme/progressisme, 2016
    https://sniadecki.wordpress.com/2020/05/10/barrillon-primitivisme

    En s’appuyant sur la critique de la valeur, Anselm Jappe expose un raisonnement comparable : dans son « besoin boulimique de trouver des sphères toujours nouvelles de valorisation de la valeur », le capital étend progressivement « la production marchande à des secteurs toujours nouveaux de la vie », « en occupant et en ruinant les sphères non marchandes ». La valeur, résume Jappe, est « une espèce de “néant” qui se nourrit du monde concret et le consomme ». Ce monde concret, ce sont entre autres les communautés traditionnelles et leurs milieux naturels de vie. Cependant, contrairement à Luxembourg, Jappe condamne cette dynamique qui, sans doute, provoquera l’effondrement du capitalisme, mais pour abandonner aux hommes « un paysage de ruines » d’autant plus difficiles à redresser qu’auront été écrasées « les autres formes de vie sociale […] qui auraient pu constituer un point de départ pour la construction d’une société postcapitaliste ».

    :p

    Pour revenir au XVIIIe siècle, l’histoire se montre juge paradoxal : de l’image du Sauvage rattachée à ce siècle, on ne retient habituellement que celle qualifiée abusivement de « rousseauiste » : la vision misérabiliste des économistes est ignorée. Or c’est précisément cette conception qui, par la suite, sera reconnue comme une vérité de fait indiscutable, tandis que la représentation du « bon sauvage » sera reléguée dans la mythologie. Ce basculement traduit l’hégémonie du capitalisme et de l’idéologie économique dans les consciences. La nostalgie de l’âge d’or primitif ne connaîtra un véritable renouveau que dans la seconde moitié du XXe siècle. Entre-temps, l’ethnologie s’est constituée comme discipline scientifique. Par leurs travaux, certains anthropologues jouèrent un rôle décisif dans la réhabilitation de la figure du Sauvage : Claude Lévi-Strauss avec notamment sa critique radicale de l’histoire universelle [28] ; Marshall Sahlins par sa remise en question décapante de la vision misérabiliste du primitif ; Pierre Clastres par son analyse originale de la question du pouvoir dans les sociétés « contre l’État »…

    #Histoire #progressisme #primitivisme #anthropologie

  • Bertrand Louart, À écouter certains écolos, on a l’impression que les machines nous tombent du ciel !, 2020
    https://sniadecki.wordpress.com/2020/05/14/louart-itw-casaux

    Interview de @tranbert par Nicolas Casaux

    Nicolas Casaux : Je me suis entretenu avec Bertrand Louart, auteur, notamment, de Les êtres vivants ne sont pas des machines (éd. La Lenteur, 2018), animateur de l’émission Racine de Moins Un sur Radio Zinzine, rédacteur du bulletin de critique des sciences, des technologies et de la société industrielle Notes & Morceaux choisis (éd. La Lenteur), contributeur au blog de critique du scientisme Et vous n’avez encore rien vu…, et membre de la coopérative européenne Longo maï où il est menuisier-ébeniste.

    #critique_techno #anti-industriel #écologie #démocratie #acier #production #machine-outil #communalisme

  • Rapiécer le monde. Les éditions La Lenteur contre le déferlement numérique | Terrestres
    https://www.terrestres.org/2019/12/20/rapiecer-le-monde-les-editions-la-lenteur-contre-le-deferlement-numeriqu

    L’objectif de leurs écrits est de construire une critique anticapitaliste de la technologie qui ne soit pas réactionnaire. Une critique en acte qui associerait la parole et l’action, l’analyse critique et la construction de nouveaux mondes. Si, à partir du XIXe siècle, le progrès technique s’est inventé comme la condition de possibilité de l’émancipation sociale et de la liberté, peu à peu s’est imposé un divorce croissant entre ce progrès technique et le progrès humain. La thèse des textes publiés à la Lenteur est que le numérique actuel accélère ce divorce ancien, que les technologies dites numériques facilitent de plus en plus le démontage des droits sociaux, des solidarités tout en restreignant sans cesse la liberté. Loin de rompre avec les logiques de destruction et de contrôle des techniques modernes, les technologies numériques apparaissent de plus en plus comme le franchissement d’un nouveau seuil. Ce constat semble de plus en plus partagé, comme le montre les mobilisations massives autour des compteurs communiquants Linky et les doutes autour de la cybersurveillance et l’impact écologique et énergétique croissant des infrastructures et objets numériques. La thèse selon laquelle le numérique est un enjeu politique central, qui implique de lutter contre les entreprises et l’État qui rendent cette dépendance au numérique généralisée, s’étend.

    #technocritique #critique_techno #La_Lenteur #François_Jarrige #livre

    • Comment envisager d’instaurer un monde vivable et écologiquement moins destructeur si partout explosent les consommations énergétiques, des infrastructures matérielles destructrices, et des promesses abstraites et creuses sur les futurs technologiques heureux. Mais aussi, que signifie concrètement s’opposer à l’informatisation du monde et de nos vies alors que le consumérisme high tech ne cesse d’être vantée, promue et encouragée partout, y compris dans les milieux militants qui invitent à liker, tweeter et partager sur Facebook leurs actions pour les rendre visibles.

      […]

      L’informatique offre de multiples avantages et facilités apparentes – c’est comme ça qu’il s’impose – tout en multipliant les nouvelles complexités, les nouvelles dépendances et les nouvelles fragilités. Les deux vont ensembles et sont indissociables, c’est toute l’ambivalence de ce qu’on nomme le « progrès technique ». Ce débat travaille de nombreux groupes militants qui consacrent un temps croissant à s’agiter sur le net, et une revue en ligne comme Terrestres elle-même n’est pas exempt de ce défaut en faisant le choix de circuler en ligne, via des réseaux sociaux, tout en invitant à redevenir terrestre. Il ne s’agit pas de culpabiliser ni de renvoyer aux usages individuels, car la plupart des gens n’ont pas choisi ni ne sont enthousiastes face à la numérisation en cours. Il s’agit d’abord de penser ces questions d’un point de vue collectif et global, et de s’opposer aux discours officiels et médiatiques dominants, conditions préalables à la possibilité de formes de vies et d’expérimentations différentes.

      […]

      Contre le philosophe et économiste Frédéric Lordon, la critique se fait plus ravageuse puisqu’il est présenté comme un habile rhéteur, aux positions visibles dans la gauche radicale contemporaine, mais qui refuse obstinément de penser la question technique comme une question politique, ni d’affronter totalement le monde réel tel qu’il est.