En Syrie, les familles de prisonniers face au virus du silence

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  • « Ce sont les plus vulnérables des vulnérables » : les familles de prisonniers syriens face au virus du silence
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/15/en-syrie-les-familles-de-prisonniers-face-au-virus-du-silence_6039713_3210.h

    Alors qu’il est impossible de connaître le bilan réel de l’épidémie de Covid-19 dans le pays, de nombreuses familles en exil s’inquiètent pour leurs proches qu’elles pensent retenus dans les prisons secrètes du régime.
    Elles sont syriennes, réfugiées en Turquie, en Jordanie, au Liban, en Grèce, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Elles ont subi la guerre et tous ses maux : la terreur et les bombes, les destructions, les déchirures, la traque, l’exil. Elles ont vu mourir des voisins, des amis, de la famille. Elles ont quitté leur maison, les lieux de leur enfance ; laissé parfois derrière elles de vieux parents qui ne pouvaient les suivre ; subi dans leur fuite humiliations, harcèlements, chantages. Leurs nuits ne sont jamais tranquilles ; depuis longtemps, les rêves ont déserté. Ne restent que des souvenirs, de l’amertume, les traumatismes. Et pour toutes celles qui ont souhaité nous parler, une obsession qui les maintient en vie et les empêche de vivre : un mari, un père, un fils, un oncle, arrêtés par la police du régime syrien et disparus dans ses geôles sans qu’on ne sache plus rien.

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  • En Syrie, les familles de prisonniers face au virus du silence - Le monde
    Alors qu’il est impossible d’obtenir des informations fiables sur le bilan réel de l’épidémie de Covid-19 en Syrie, de nombreuses familles en exil s’inquiètent de la situation de leurs proches qu’elles pensent retenus dans les terribles prisons secrètes du régime.

    Alors qu’il est impossible d’obtenir des informations fiables sur le bilan réel de l’épidémie de Covid-19 en Syrie, de nombreuses familles en exil s’inquiètent de la situation de leurs proches qu’elles pensent retenus dans les terribles prisons secrètes du régime.

    Elles sont syriennes, réfugiées en Turquie, en Jordanie, au Liban, en Grèce, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Elles ont subi la guerre et tous ses maux : la terreur et les bombes, les destructions, les déchirures, la traque, l’exil. Elles ont vu mourir des voisins, des amis, de la famille. Elles ont quitté leur maison, les lieux de leur enfance ; laissé parfois derrière elles de vieux parents qui ne pouvaient les suivre ; subi dans leur fuite humiliations, harcèlements, chantages. Leurs nuits ne sont jamais tranquilles ; depuis longtemps, les rêves ont déserté.

    Ne restent que des souvenirs, de l’amertume, les traumatismes. Et pour toutes celles qui ont souhaité nous parler, une obsession qui les maintient en vie et les empêche de vivre : un mari, un père, un fils, un oncle, arrêtés par la police du régime syrien et disparus dans ses geôles sans qu’on ne sache plus rien.
    Des milliers de questions sans réponse

    Pas un mot, pas une information, pas le moindre acte d’accusation ni la moindre procédure. Aucun moyen de se défendre, aucune adresse où se rendre. Des milliers de questions sans réponse. Juste la forte suspicion d’un emprisonnement dans des centres de tortures qu’Amnesty International a décrits comme « des abattoirs humains ». Et un deuil impossible. Circulez, oubliez, il n’y a rien à voir. Silence. Les disparus semblent rayés de tous les registres officiels comme de la surface de la terre. Au moins 83 000 encore aujourd’hui, estime le Réseau syrien pour les droits humains qui documente chaque cas.
    Lire aussi A Damas, un « abattoir humain » au cœur de la crise syrienne

    Or voilà que le coronavirus a ravivé l’angoisse de ces familles. Voilà que des histoires circulent à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie, qui les affolent et les laissent imaginer une hécatombe dans le réseau de prisons et centres de détention du régime d’Assad, l’officiel et le clandestin que personne n’a le droit de visiter. Et voilà qu’à la suite des 43 ONG qui, le 16 mars, ont exhorté le gouvernement syrien à relâcher les prisonniers politiques dans la perspective du coronavirus, suivies par l’émissaire de l’ONU réclamant des mesures urgentes pour assurer des soins de protection dans tous les lieux de détention, des épouses, mères, sœurs, nièces de disparus nous ont spontanément contactés pour dire leur panique et attirer l’attention sur le sort des détenus secrets.
    Amal Al Nasin, avocate syrienne et militante des droits de la personne, est directrice du centre d’aide aux réfugiés Amals Healing and Advocacy Center, installé à Antakya, en Turquie, ici, le 16 mars 2019.
    Amal Al Nasin, avocate syrienne et militante des droits de la personne, est directrice du centre d’aide aux réfugiés Amals Healing and Advocacy Center, installé à Antakya, en Turquie, ici, le 16 mars 2019. AMALS HEALING AND ADVOCACY CENTER

    « Ce sont les plus vulnérables des vulnérables ; si le Covid-19 est introduit en prison, il va les décimer », alerte ainsi Amal Al-Nasin, avocate et présidente du Centre Amals Healing and Advocacy pour les familles de réfugiés, qui nous parle depuis Antakya, en Turquie, où elle est exilée depuis 2012. Elle n’a bien sûr jamais visité les centres des services secrets dans lesquels s’entassent les prisonniers arrêtés hors système légal. Mais elle se fonde sur les rapports publiés par Amnesty International, Human Rights Watch, le Réseau syrien pour les droits humains, ainsi que sur les témoignages de prisonniers enfuis, échangés ou libérés, qu’elle recueille depuis les débuts de la révolution, en mars 2011.
    Cinquante détenus pour 24 m2

    Elle peut décrire les geôles puantes et surpeuplées, dénuées de ventilation et souvent de lumière du jour, infestées par les rats. Des cellules de 4 mètres sur 6, contenant jusqu’à une cinquantaine de détenus qui ne peuvent s’asseoir et dormir qu’à tour de rôle, privés d’hygiène, de soins lorsqu’ils sont malades, régulièrement appelés pour des séances de torture d’où ils rentrent en sang. « L’enfer », dit Me Al-Nasin. L’enfer dans lequel se sont déjà introduites des maladies comme la tuberculose et où les prisonniers décharnés, couverts de plaies, n’opposeraient aucune résistance au coronavirus. « Qu’un geôlier soit infecté, ou un nouveau détenu provenant d’une autre prison, et ils succomberaient par centaines, étouffés et sans le moindre soin. Car on ne peut pas attendre des tortionnaires qu’ils s’inquiètent de la santé de leurs victimes ! »

    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/15/en-syrie-les-familles-de-prisonniers-face-au-virus-du-silence_6039713_3210.h

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