• Une lecture politique des Furtifs
    https://xn--drivation-b4a.fr/furtifs

    Il y a un an, le 18 avril 2019, sortait le très attendu nouveau roman d’Alain Damasio, « Les Furtifs », aux éditions La Volte. Lecteur⋅ices assidu⋅es d’imaginaire, nous avons plongé dans ce nouvel univers avec une curiosité certaine et… nous ne nous sommes absolument pas retrouvé⋅es dans les projections proposées. De nombreux·ses ami⋅es évoluant sur les mêmes terrains que nous ont lu le livre avec pourtant beaucoup d’enthousiasme. C’est cette contradiction qui nous a motivé⋅es à décortiquer les 696 pages du roman, afin de mieux comprendre ce qui nous a gêné⋅es. Nous espérons que ce travail vous aidera pour vos propres analyses. Source : (...)

  • Une lecture politique des Furtifs
    par Mélissa et Lunar de La Dérivation
    https://dérivation.fr/furtifs

    Be critical of the media you love
    Soyons critiques des œuvres que nous aimons.
    —  Feminist Frequency

    Introduction

    Il y a un an, le 18 avril 2019, sortait le très attendu nouveau roman d’Alain Damasio, Les Furtifs, aux éditions La Volte. Il arrivait quinze ans après son précédent, La horde du contrevent. Le lancement s’est fait avec une énorme promotion, et le roman est un succès commercial, avec au moins 95 000 livres vendus.

    Les Furtifs aborde de nombreux sujets sur lesquels nous travaillons quotidiennement  : les enjeux de la société de contrôle, le hacking, les logiciels libres, l’organisation collective, l’éducation populaire, les communs, les zones autonomes en lutte, la guerre des imaginaires… Autant de thèmes qui font partie de nos vies et dont la perspective de mise en récit nous réjouissait.

    Lecteur⋅ices assidu⋅es d’imaginaire, nous avons plongé dans ce nouvel univers avec une curiosité certaine et… nous ne nous sommes absolument pas retrouvé⋅es dans les projections proposées. De nombreux·ses ami⋅es évoluant sur les mêmes terrains que nous ont lu le livre avec pourtant beaucoup d’enthousiasme. C’est cette contradiction qui nous a motivé⋅es à décortiquer les 696 pages du roman, afin de mieux comprendre ce qui nous a gêné⋅es. Nous espérons que ce travail vous aidera pour vos propres analyses.

    Quel sens fabrique le texte  ?

    Cette analyse se déroule au prisme de nos idées et pratiques politiques  : féminisme matérialiste et queer, anarchisme, communisme libertaire, hacktivisme et défense des libertés numériques. Nous ne jugeons pas ici de la qualité littéraire des Furtifs, mais de ce que produit le texte. Nous ne cherchons pas à répondre à la question «   Qu’a voulu dire l’auteur   ?  » mais bien «   Quel sens fabrique le texte  ?  ». Il n’est pas non plus question de porter un jugement sur les personnes qui ont apprécié cette œuvre. Il nous semble tout à fait possible d’aimer une histoire tout en reconnaissant ses limites et ses défauts.

    Plan

    1. Introduction (à lire avant le reste)
    2. Une histoire patriarcale
    a. Protagonistes et points de vue
    b. Un regard profondément masculin
    c. Une banalisation des agressions sexuelles
    d. Assignation et réassignation aux stéréotype de genres
    (article à paraître)
    3. Dérives masculinistes (article à paraître)
    4. Traitement des minorités (article à paraître)
    5. Quelle révolution  ? (article à paraître)
    6. Des pistes laissées de côté (article à paraître)
    7. Conclusions (article à paraître)
    8. Annexe  : analyse des points de vue
    9. Remerciements, bibliographie et inspirations

    #Alain_Damasio #Les_Furtifs

    • Ce graphisme n’a aucun sens, dès lors qu’il s’agit d’analyser une œuvre littéraire où les non dits, le style, le souffle, le rythme, etc, comptent autant que le nombre de signes (ou, alors, on est encore en 1950, à l’école primaire). Les auteurs de cet article, publié incomplet, ce qui est assez désagréable, se donnent beaucoup de mal, car leur méthodo n’est pas la bonne.

    • Je ne vois pas en quoi leur méthodo n’est pas la bonne, la quantité de texte n’est qu’un élément parmi d’autres dans leur argumentaire, et illes démontrent bien que même dans les chapitres où ce sont des femmes qui parlent, c’est pour parler des hommes, et plus particulièrement d’un, du vrai héro central, peu importe le style et le souffle. Tout comme l’argumentation sur le scénario lui-même qui d’après elleux a un ressort typiquement masculiniste (le héro mâle qui après avoir prouvé sa virilité veut récupérer sa femme et sa fille), n’a rien à voir avec la quantité du texte non plus.

    • Cf. ma réponse au dessus. quantifier du texte littéraire, à base d’aspirateurs sémantiques, je trouve ça bien médiocre. Et pour tout dire, terriblement ringard. De plus, certaines tournures du texte (incomplet) me font penser que la notion de plaisir, centrale à mes yeux dans la lecture, est totalement écartée au profit d’un démontage purement artificiel (c’est leur droit mais c’est aussi le mien de ne pas marcher dans la combine ,-)

    • Mais tu te fixes sur un truc alors que justement je réponds que ce n’est qu’un élément parmi bien d’autres. :)
      Et que même sans la partie quantification mécanique, illes montrent bien que même au niveau du contenu (donc ce que des humains lisent et comprennent), l’argumentation reste valable puisque même lorsque ce sont les femmes qui parlent c’est presque toujours pour parler du même mec. Et que donc la mise en avant (que fait l’auteur lui-même dans des interviews) de l’écriture « chorale », tombe à l’eau, et n’est pas vraiment opérante : les femmes dans l’ensemble vont continuer à avoir du mal à rentrer dedans et à se sentir comme un personnage parmi d’autre (argument de Damasio pour l’écriture chorale), comme dans tout autre œuvre mainstream (Bechdel test fail).

      Quand au plaisir, ça n’a aucun rapport avec cette analyse, c’est désamorcé dès l’introduction : parmi les auteurices, certain⋅es ont aimé le livre, ont pris du plaisir à le lire, et illes aiment généralement ce que fait Damasio. C’est expliqué très clairement dès le début que ce n’est pas du tout une analyse littéraire du livre et qu’à aucun moment ça n’entre en ligne de compte. C’est une analyse purement et uniquement du contenu politique de l’œuvre, donc peu importe le plaisir ou pas qu’on a eu à le lire, c’est totalement hors-sujet de ce texte.

      Nous ne cherchons pas à répondre à la question «   Qu’a voulu dire l’auteur   ?  » mais bien «   Quel sens fabrique le texte  ?  ». Il n’est pas non plus question de porter un jugement sur les personnes qui ont apprécié cette œuvre. Il nous semble tout à fait possible d’aimer une histoire tout en reconnaissant ses limites et ses défauts.

      […]

      Tentons donc d’analyser quels peuvent être les impacts des Furtifs, ce que produit politiquement le livre. Nous vous laissons cependant l’exercice de pointer les contradictions avec les positions publiques de l’auteur.

    • Très sincèrement, pour tout te dire, j’ai trouvé l’intro suspecte, tellement hypocrite. Ce qui a probablement orienté à mon tour la lecture du papier :-) Allez, c’est pas grave.

      (reste que si on enlève le plaisir à un roman, l’analyse uniquement sémantique tombe à l’eau, de facto, hé hé)

      Et, que dire, de l’argument de auteur = ce que dit son œuvre = ce qu’il dit en dehors. On en est encore là ? Franchement ? C’est vraiment nier toute notion du geste littérataire...

    • Oui cette police de la pensée est effrayante. On ne peut éviter de penser à une absence de représentation de la littérature pour ces commissaires, ce n’est qu’une catégorie parmi d’autres dans la production de textes, que l’on peut passer à la moulinette numérique des sripts python.

    • Moi je trouve ça très bien, utile et pertinent. Mais c’est peut-être parce que ça rejoint l’idée que je me suis faite de Damasio à la lecture d’un de ses romans (dont j’ai oublié le titre) — une histoire de mec à moto qui emballe des meufs au nom de la révolution.
      Sur le fond je ne vois pas le problème à traiter les romans comme toute autre production intellectuelle et à les critiquer et en mouliner la matière de la même manière que les autres : scénarios de films (Bechdel), bouquins de management (Boltanski et Chiapello), nécrologies publiées dans un bulletin des anciens élèves (Bourdieu).
      Un roman ne se résume certes pas à un nombre de signes, pas plus qu’un film se résume à ses dialogues ou un tableau à un tas de pigments colorés. Mais le fait de regarder les couleurs n’interdit pas d’autres analyses ni d’autres points de vue.
      Pour ma part je m’interroge sur la violence des réactions que cette étude suscite.

    • Tout pareil que @fil, jusqu’à la dernière phrase ! Et merci @rastapopoulos pour les précisions.

      L’analyse quanti de corpus en littérature, c’est pas un alpha et oméga, c’est une approche en plus, pas récente, et qui aide à comprendre le texte (et ce qui pour d’autres que @davduf et plein de lecteurs est plutôt du malaise : La Horde du contrevent avec ses perso très genrés, très bigger than life comme dans les romans de droite, le faux côté choral qui met en valeur le chef « naturel », ça m’a pas donné envie de lire plus de Damasio). Quand à l’approche sociologique, la compréhension de l’horizon d’attente du lectorat, des tropes du moment, de l’idéologie des auteurs et de leurs stratégies sociales... c’est aussi très intéressant et je ne vois pas pourquoi ce serait faire offense à un auteur aussi « politique » que Damasio que de l’aborder aussi comme ça.

      Mais le plaisir de l’œuvre compte autant. Je regarde avec plaisir des merdes sexistes qui témoignent de leur époque (heureusement révolue, kof kof !).

    • Quand à la notion de plaisir, elle a été extrêmement vive au départ pour ma part, à chaque extrait de ci ou de ça que je lisais, consciente de la prouesse technique dans les allitérations, puis, et Alain Damasio l’a reconnu lui même quand nous nous sommes rencontré-e-s sur la zad, l’aspect mascu a commencé à me poser probleme.
      https://lundi.am/Abecedaire-de-la-ZAD
      (Oui c’est un portrait que j’ai fait de lui à l’occasion, ce serait aussi assez « amusant » de parler de comment il ne figure pas dans la sélection de ses photos de presse, etc. Et oui, le texte est bien « P comme Puissance ».)
      Fait assez « amusant » aussi, bien que tout à fait logique sentimentalement parlant, il s’est rapproché des figures les plus « héroïques » de ses romans qu’il a rencontré / retrouvés sur la zad quand, dans le même temps, nous étions d’autres non-héroïques à nous en éloigner à cause de validisme, de sur-représentation victorieuse, etc.
      Alors excuse moi, @davduf, mais pour qu’il y ait du plaisir, il faut qu’il n’y ait pas de gène. Et cette analyse arrive à point nommé après bien des attentes pour expliquer comment certaines visions dystopiques peinent à nous envoler plus loin, puisqu’il assume un rôle clairement de visionnaire politique dans toutes ses interviews, tant elles sont plombées par des schémas patriarcaux ancestraux. Elle me redonnera peut-être du plaisir et l’envie de lire, qui sait ? ;)

    • Mais vous avez tous le droit de brûler qui vous voulez (même si je trouve ça pas gentil en l’espèce) : ce n’est pas la question. La question est celle d’utiliser des scripts python et un texte incomplet mais plein de chapitres aux titres frémissants pour démolir un roman. Je réitère, je trouve ça ringard (@Antonin1 le dit lui-même, ça n’a rien de récent, ce qui est récent, c’est d’afficher sa techonologie en tête de gondole sur le blog en question, et d’exciter les geeks ici, hi hi)

      Je ne soulève que des questions de principe. Plaisir de lire (et d’écrire), capacité à séparer personnages d’un roman/son créateur. C’est absolument tout. Chacun ses priorités.

      Personnellement, le poids politique d’AD m’enchante et me donne bien plus d’espoirs que les scripteries citées plus haut. Voilà, tout, et j’en resterai là les amis.

    • C’est encore totalement hors sujet, script ou pas script il n’y a aucun rapport : là encore les auteurices de cette anlayse le disent dès le tout début : elles ne jugent aucune personne, donc pas Damasio non plus : elles jugent le texte et lui seul et ce qu’il produit politiquement. Peu importe qui l’a écrit, ce texte contient des idées politiques et il produit des effets politiques sur ceux qui le lisent : mais lesquelles, voilà ce que montre leur texte. Ensuite dans un deuxième temps, illes laissent le soin aux lecteurices de juger de leur côté si ces effets politiques sont raccords avec ce que cherche à faire l’auteur d’après lui-même, ya aucune invention là-dedans.

      Donc c’est vraiment la facilité pour détourner le sujet de dire « séparation entre l’auteur et son œuvre ». C’est bien l’œuvre qui est jugée ici, pas l’auteur.

      Ce qui n’empêche pas de juger l’auteur après-coup, une fois qu’on a vu que l’œuvre aboutissait à des conséquences politiques qui ne nous conviennent pas (mascu, culte héroique, pas chorale du tout, etc). Vu que cet auteur indique parfaitement lui-même être pro-révolutionnaire, et que son œuvre fait partie de ses idées. Et justement son poids politique serait plutôt inquiétant si c’est pour mettre en avant des idées qui ne nous plaisent pas.
      Mais je le répète ça c’est nous de notre côté, après-coup. Là pour ce qui est de l’analyse, c’est vraiment sur l’œuvre et que dit-elle, que produit-elle (= des choses pas super du tout politiquement).

      Sinon annexement, alors même que ces auteurices annoncent ne pas être des pro de l’écriture, pas des universitaires, mais des gens qui ont pris sur elleux des heures de boulot, de décortiquage, de notes, sur leur temps libre, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à publier le contenu au fur et à mesure, en plusieurs parties, comme tout bon vieux blog. C’est fort de détournement de critiquer sur ce point de la forme. :)

    • Ces échanges me font surtout penser qu’il semble difficile dans les romans de genre francophones de se départir du héros unique, christique, qu’il est encore difficile de parler de la sexualité hétérosexuelle, de la virilité de manière non stéréotypée, que les personnages sont des James Bond ou rien là où mine de rien, des auteurs anglo-saxons arrivent à mettre en scène des personnages avec des ambiguïtés. Je pense à la dernière trilogie de SF que j’ai lue, Rosewater, où si on a aussi un héros rédempteur-sauveur qui se la pète, il a des contrepoints divers, et a le mérite d’être ambigu dans le sens où il n’est pas tout puissant, y compris dans sa sexualité. Et il est entouré de personnages de femmes qui ne sont pas surnuméraires ou à son service.