• Coronavirus : les étranges fluctuations du nombre de morts en Ehpad
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/05/22/coronavirus-les-etranges-fluctuations-du-nombre-de-morts-en-ehpad_6040423_32

    Entre le 17 et le 19 mai, le bilan de la direction générale de la santé pour les Ehpad a fortement augmenté, puis diminué de 342 décès. En cause, une mauvaise case dans un formulaire.

    Léger froncement de sourcils, dimanche 17 mai, à la lecture du bilan quotidien de la direction générale de la santé (DGS). En vingt-quatre heures, apprenait-on ce jour-là, 483 décès liés au Covid-19 étaient venus gonfler le funèbre total de l’épidémie pour le porter à 28 108. Voilà un mois que l’on n’avait pas déploré si lourd bilan journalier.
    Sur ces 483 décès supplémentaires, 429 avaient été enregistrés dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad). La redoutée deuxième vague était-elle en train d’arriver, frappant de plein fouet nos aînés ? Nouveau froncement de sourcils deux jours plus tard : mardi 19 mai, le nombre de morts en Ehpad passait de 10 650 à 10 308. Soit 342 « résurrections » en vingt-quatre heures.

    « Il s’agit certainement d’un ajustement des données précédemment fournies par les établissements », suppose la DGS, qui renvoie vers Santé publique France (SPF), puisque c’est SPF qui reçoit, avant de les transmettre à la DGS, les données des Ehpad du pays, lesquels signalent chaque jour avec un formulaire en ligne les décès liés au Covid-19 survenus chez eux.

    « Le − 342 de mardi est lié au + 429 du dimanche précédent, ces fluctuations sont dues à une erreur de saisie de la part d’un groupe d’Ehpad en Ile-de-France », explique-t-on à SPF, qui renvoie à son tour vers l’agence régionale de santé d’Ile-de-France (ARS-IDF), puisque cette dernière, cas unique, possède son propre système de suivi des décès en Ehpad et transmet à SPF les données qu’elle reçoit des 702 établissements franciliens.

    Le mauvais champ du formulaire
    Il arrive parfois qu’un établissement se trompe, ajoute involontairement un zéro ou renseigne le mauvais champ du formulaire. « Un très gros groupe d’Ehpad nous a annoncé beaucoup trop de morts dimanche », confirme l’ARS-IDF. Le plus gros, en l’occurrence, Korian, chez qui six personnes sont mobilisées pour centraliser les données de quelque 300 établissements et les envoyer à SPF (pour le national) ou à l’ARS-IDF (pour l’Ile-de-France).
    Samedi 16 mai, le préposé au formulaire a entré le même nombre (425) dans deux cases différentes du portail de l’ARS-IDF. Une première fois dans la case qui correspond au nombre de salariés présentant les symptômes du Covid-19 dans les établissements Korian d’Ile-de-France depuis le début de l’épidémie – ils sont bien 425. Une seconde fois, par erreur, dans la case « décès à domicile » qu’il n’y avait pas lieu de remplir. Il a bien été indiqué, dans la case adéquate, que deux décès supplémentaires, et non 425, étaient à déplorer en vingt-quatre heures. C’est le mauvais nombre, […]

    #paywall

    et donc, parce que c’est automatisé, il n’y aurait pas de contrôle de validité ou de cohérence ? À quoi servent les bean counters de l’ARS ?

  • L’inquiétante montée des loyers impayés en France
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/05/22/impayes-de-loyers-les-difficiles-arbitrages-du-gouvernement_6040376_3224.htm

    La France n’a pas créé de fonds d’urgence pendant la crise sanitaire, ni instauré de moratoire sur les loyers, comme certains voisins.

    Les signaux d’alerte sur les difficultés de paiement des loyers d’habitation, dans le secteur privé comme dans le social, se multiplient. La ligne de téléphone « SOS Loyers impayés » des agences départementales d’information sur le logement a, en avril, reçu près de 4 000 appels – soit deux fois plus qu’en janvier – et 63 % d’entre eux concernaient la situation économique des locataires. En Seine-Saint-Denis, par exemple, deux tiers des appelants étaient des locataires du parc privé.

    A la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), dont les adhérents gèrent 1,4 million de logements locatifs dans la France entière, l’inquiétude monte dans un quart des départements. Mais quatre sont plus touchés que les autres : les Bouches-du-Rhône, singulièrement Marseille, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et le Nord. Les incidents de paiement y dépassent 10 % et vont jusqu’à 20 % ou 25 % des loyers appelés. « Je ne parlerais pas d’impayés, plutôt de retards même si certains signes laissent craindre plus grave », analyse Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim.

    Dans le seul secteur social, le taux d’impayés est passé de 4 %, en temps ordinaire, à 4,8 % en avril, selon Marianne Louis, secrétaire générale de l’Union sociale pour l’habitat, qui regroupe les 600 organismes HLM à la tête de 4,5 millions de logements. « Et ce sont tout de même 200 millions d’euros de moins dans nos caisses, déplore-t-elle. Nous pouvons gérer la situation avec des mesures internes de report, de lissage, mais si cela devient structurel, durable, nous ne savons pas y remédier et l’Etat devra nous aider, par exemple en revalorisant les Aides personnalisées au logement [APL], sous-indexées ces dernières années. »

    Chômage de longue durée

    La Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil), qui accueille et accompagne, dans le parc privé, en pension ou en foyer, 35 000 ménages en difficulté a, elle, constaté que sur un échantillon de près de 8 000 logements, les incidents de paiement augmentaient, en avril, de près de 49 % par rapport au mois précédent. « Nous avons été étonnés de cette hausse spectaculaire dans la mesure où la moitié de nos locataires sont aux minima sociaux et nous pensions qu’ils ne subiraient pas de baisse de ressources, explique Sébastien Cuny, délégué général de la Fapil. Mais la hausse de leurs dépenses, la perte des petits boulots, l’absence de pourboires, expliquent cette aggravation », détaille M. Cuny.
    Tous les bailleurs redoutent, en juin ou juillet, un basculement vers le chômage de longue durée d’une bonne part des 8 millions de salariés actuellement en chômage partiel et que, parmi les 3 millions de travailleurs indépendants, beaucoup ne retrouvent pas un niveau d’activité et de ressources suffisant, sans oublier le sort des 256 000 intermittents du spectacle. Les enjeux économiques sont de taille puisque les locataires de France, tous secteurs confondus, versent 60 milliards d’euros de loyers et qu’un taux d’impayés qui passerait de 2 % à 4 % signifierait 1,2 milliard d’euros de recette annuelle en moins pour les bailleurs.

    Le gouvernement ne veut pas, pour le moment, envisager de moratoire sur les loyers comme certains voisins européens le pratiquent. A Lisbonne, par exemple, 24 000 ménages ont vu leurs loyers d’avril à juin suspendus, et un délai accordé jusqu’au 1er janvier 2022 pour les rembourser sans frais ni pénalité. En Allemagne, les propriétaires ne peuvent pas lancer de procédure d’expulsion à l’encontre d’un locataire qui n’aurait pas honoré sa quittance entre le 1er avril et le 30 juin et qui bénéficie d’un délai de deux ans, jusqu’au 30 juin 2022, pour la rembourser.

    Pour le moment, la seule mesure mise en œuvre par le gouvernement français est la prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 10 juillet, qui suspend donc l’exécution des expulsions déjà ordonnées par la justice mais n’empêche pas les bailleurs de réclamer leurs loyers et de lancer des procédures qui pourraient aboutir à des vagues d’expulsions futures.

    Crainte d’un « effet d’aubaine massif »

    « Il faut absolument créer un fonds national d’aide à la quittance », réclament, en chœur, Sébastien Cuny et Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre qui observe que « pour 2,7 millions de ménages, le loyer pèse plus de 35 % de leurs revenus, leur laissant, pour vivre, moins de 650 euros par mois et par unité de consommation ».

    Julien Denormandie, ministre du logement, a suggéré que les locataires à la recherche d’une aide frappent à la porte des Fonds de solidarité logement (FSL), dans chaque département ou dans les grandes intercommunalités, globalement dotés de 350 millions d’euros et qui subissent, depuis 2015, une baisse constante de la contribution de l’Etat. « Les FSL sont d’ores et déjà sous-dotés, difficiles à mobiliser, hétérogènes d’un département à l’autre et pas du tout dimensionnés à une hausse des impayés, constate M. Domergue. Pour éviter la spirale de l’endettement et de l’expulsion, pourquoi ne pas attribuer des aides individualisées durant quelques mois ? », suggère-t-il.

    Pour trouver les 200 à 500 millions d’euros nécessaires, les idées ne manquent pas, comme solliciter Action Logement (le 1 % logement des entreprises) qui pourrait, par exemple, débloquer une aide d’environ 150 euros par ménage et par mois, pendant trois mois, ou accorder des prêts à hauteur de 3 000 euros pour traiter les cas les plus urgents… Mais, jusqu’ici, Bercy et Matignon s’y refusent, craignant « un effet d’aubaine massif ». Autre idée : mobiliser les dépôts de garantie des locataires, soit 4 milliards d’euros dans le secteur privé, 1,7 milliard d’euros dans le public, et les regrouper dans un fonds éventuellement géré par la Caisse des dépôts et consignations.
    A plus long terme et selon une suggestion du député du Val-d’Oise (Ecologie Démocratie Solidarité, ex-La République en marche), Aurélien Taché, pourrait être rendue obligatoire une assurance de loyers impayés.

    #logement #loyers