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  • Extrême droite et écologie : « Le localisme est une manière de s’adapter à la demande électorale » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2020/05/19/le-localisme-est-une-maniere-de-s-adapter-a-la-demande-electorale_1788879

    Selon l’historien Nicolas Lebourg, coordinateur de la chaire « citoyenneté » à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, « pour beaucoup à l’extrême droite la question de la société multiethnique et multiculturelle est le seul vrai sujet »

    Peut-on résumer la montée en puissance de l’écologie dans le discours d’extrême droite à une passade opportuniste ?

    Cela dépend des courants et des générations. Si on remonte à 1968, les radicaux d’extrême droite ont cherché un second souffle en tentant de reprendre des mots et des thèmes des gauches à la mode dans leur pays : en Italie avec le maoïsme, en France avec le trotskisme, aux Etats-Unis avec la contre-culture et en Allemagne avec l’écologie. Les radicaux allemands de l’époque se revendiquaient aussi beaucoup d’Otto Strasser, un cadre important du parti nazi qui avait fait scission avant la prise du pouvoir par Hitler et qui défendait une union européenne régionalisée avec une économie partiellement socialisée. Ce thème de la défense des communautés locales a souvent servi de passerelle. Certains ont complètement évolué, par exemple Henning Eichberg qui avait théorisé le concept d’ethnopluralisme et est devenu un homme de la gauche écologique. Chez les néonazis américains, c’était intégré à la passion antisémite, le racisme étant aussi le culte d’un état de nature fantasmé ; et à la fin des années 1970 en France, on a des néonazis eurorégionalistes très écologistes. Quand au Front national, il a eu un grand mal à considérer que la blague rituelle sur les « écologistes pastèques » (« verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur ») ne suffisait pas à solder la question de l’écologie. Quand le FN des années 1990 parlait d’écologie, c’était une manière d’euphémiser un discours sur la race : pour beaucoup à l’extrême droite, la question de la société multiethnique et multiculturelle est le seul vrai sujet.
    Le localisme est-il un régionalisme ?

    Le localisme, ce sont plusieurs idées et pratiques différentes. Pendant des décennies, on a eu un débat dans l’extrême droite entre partisans d’une Europe des nations et des régions, parce que certains pensaient que la région correspondait mieux à l’identité du sol, du sang, de la langue et de la culture. Le principe identitaire a fini par résoudre cette question avec l’idée que « tout ce qui est identitaire est nôtre ». La première génération des identitaires voulait une Europe des régions, « l’Europe aux cent drapeaux » selon la formule d’un ex-collaborateur breton qui était aussi citée chez les Verts des années Waechter. Maintenant les jeunes identitaires n’opposent plus l’attachement aux identités locales et nationales.

    C’est un tournant, qu’une grande partie de l’extrême droite se mette à l’écologie ?

    Le principe du localisme permet de tout fédérer : écologie et ordre ethnoculturel. Philippe Vardon s’intéressait aux « circuits courts » bien avant la direction du PS. Pour le FN en revanche, le localisme est surtout une manière de s’adapter à la demande électorale : depuis les élections locales de 2015, il est clair que la critique de l’aménagement du territoire est un bon argument pour le FN. Marine Le Pen en a fait une offre politique cette année en parlant de « démétropolisation », un terme qui veut éveiller l’écho de la « démondialisation » d’Arnaud Montebourg. Cela fait une offre politique assez cohérente, où le rejet des flux migratoires et des élites est intégré comme élément d’un horizon positif, élément de propagande essentiel qui avait terriblement manqué à Marine Le Pen en 2017.

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    https://www.liberation.fr/france/2020/05/19/ecologie-l-extreme-droite-se-camoufle-en-brun-et-vert_1788880

    #extrême_droite #fascisme #écologie