BALLAST | Angela Davis et Assa Traoré : regards croisés
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Angela Davis : Je ferais une distinction entre la définition que nous avions de la « révolution » dans les années 1960 et celle à laquelle nous sommes parvenus au XXIe siècle. Lorsque j’étais une jeune activiste, nous étions littéralement entourés de moments révolutionnaires : il y avait la révolution cubaine et tous les mouvements de libération africains. Nous pensions vraiment que nous prenions part à une révolution antiraciste qui allait renverser le capitalisme. À ce stade, nous n’avions pas encore bien saisi le facteur « genre ». Cette révolution n’a pas eu lieu, mais notre activisme a débouché sur de nombreuses évolutions. Aujourd’hui, je parlerais du besoin de révolutions au pluriel, en reconnaissant qu’une révolution n’est pas à circonscrire dans un moment unique. Il ne s’agit pas simplement de renverser l’État ni d’en finir avec le capitalisme — bien que je souhaite que nous parvenions à faire les deux ! Nous avons compris qu’il était aussi question de renverser un capitalisme qui est un capitalisme racial, et qu’il ne peut y avoir de révolution tant que nous ne réglerons pas la question du fantôme de l’esclavage et du colonialisme. Le genre est également apparu comme un élément central dans le cadre d’un changement social radical. Il n’y aura aucun changement tant que nous ne reconnaîtrons pas que la violence la plus répandue dans le monde est la violence genrée. Je pense que les objectifs d’une révolution sont beaucoup plus complexes qu’ils ne l’étaient dans nos conceptions d’alors. Cela inclut évidemment l’appareil répressif d’État — et je suis honorée de participer à cet échange aux côtés d’Assa Traoré. La lutte dans laquelle elle est engagée dénonce de façon claire la violence policière et le racisme structurel comme éléments à part entière de la société française, comme la violence policière et sa généalogie avec l’esclavagisme aux États-Unis d’Amérique.