Sidération Covid-19 : l’économie suspendue et le tournant 2020 | AOC media

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  • Sidération Covid-19 : l’économie suspendue et le tournant 2020, Yann Moulier Boutang
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    Tournant écologique dans les transports aériens et automobiles, fin du cycle néolibéral de l’austérité salariale, et enfin vrai redémarrage fédéral de l’Union européenne avec le plan de 750 milliards d’euros annoncé par la Commission ce mercredi 27 mai… Tout cela relevait de l’utopie il y a encore quelques semaines. C’est pourtant ce qui se dessine, après la sidération d’avoir vu la mise entre parenthèses d’une économie qui semblait jusque-là surpuissante. Un long flash-back sur le sens de l’épisode coronavirus s’impose.

    La pandémie virale commencée en Chine à l’automne 2019 et qui aura frappé tous les continents au premier semestre 2020 sans qu’il soit possible d’en fixer le terme (automne 2020, année 2021 ?) a provoqué avant tout un effet de sidération. Une sidération ou hébétude qui n’est pas due à l’épidémie elle-même, au caractère unique de ce virus (avec tant d’infectés sans symptômes mais contagieux), ni à son caractère meurtrier. Non, le trait énorme sans précédent, c’est la mise entre parenthèses d’une économie qui semblait surpuissante et occupait tous les esprits la veille. Ainsi que les conséquences de cette suspension qui nous font aller de sidérations en sidérations. Même si plusieurs rapports restés dans les placards avaient alerté sur le risque majeur de pandémies virales et leurs conséquences incalculables.

    Tournant écologique dans les transports aériens et automobiles, fin du cycle néolibéral de l’austérité salariale commencé en 1980 et enfin vrai redémarrage fédéral de l’Union européenne avec le plan de 750 milliards d’euros annoncé par la Commission, ces trois domaines paraissaient, au mieux des utopies au pire des trompe-l’œil. Or voici qu’ils viennent s’inscrire dés l’amorce du confinement sur le Vieux Continent dans la réalité. Nous n’avons pas finis d’être sidérés. Alors, un long flash-back sur le sens de l’épisode coronavirus s’impose.

    Mai 68 plutôt que la Grande Dépression

    Cet événement considérable a vite été comparé aux pires guerres, à la Grande Dépression économique des années 1930, à la peste qui frappa Athènes durant la guerre du Péloponnèse, à la Grande Peste Noire de 1358-1352, ou à celle plus littéraire de Camus. On a convoqué aussi la pandémie de la grippe espagnole, celle du Sida, d’Ebola, voire la catastrophe d’un effondrement de la civilisation de l’Anthropocène, les romans noirs de la science fiction. Toutefois, nous restons un peu sur notre faim quant à la nature des extrémités où l’humanité se trouverait plongée. Et ce d’autant plus que la question de « l’après » commence à tarauder les manifestes, les pétitions.

    Si la sidération et la rapidité de la suspension de la vie économique marquent de leur sceau l’événement coronavirus, alors c’est plutôt aux événements de mai 68 qu’il nous faut comparer le Covid-19 et ses effets. Certes, la cause n’a rien à voir : les « événements de Mai », bornés à un seul pays rentrent dans la grille de la vie politique en raison de l’événement, enfin de la fameuse grève générale tant brandie comme signe de ralliement du mouvement ouvrier. Le second arrêt est mondial ; il touche la « vie nue » de l’animal humain. La mort dans les grandes religions prophétiques (celles du Livre) ou dans les autres (la Pachamama) touche tout le monde, « le pauvre en sa chaumière », les « barrières du Louvre ». Les fléaux familiers à l’historien médiéval ou moderne touchent toutes les classes. « Tous ne mouraient pas mais tous étaient frappés », même si l’inégalité revient vite par la fenêtre.

    L’effet de sidération de l’épidémie commençait par là. Le lion, les courtisans renards de la fable craignent autant que les misérables. On se fait tester une fois par jour à la Maison Blanche. Mais à l’ère du coronavirus, la science de la clinique est statistique, précise, comme un scalpel : le couperet de l’âge, celui de la morbidité chronique et combinée, le surpoids, les diabètes, les déficiences du système immunitaire. Foin de rhétorique là-dedans : mere facts, rien que de faits. Ils étaient déjà connus des praticiens hospitaliers, des démographes. Mais voici que le compteur des morts en salle de réanimation, dans les EHPAD (et beaucoup plus rarement dans les foyers) est devenu l’horloge quotidienne des chaines d’information avec son bandeau qui passe en continu.

    Éloge philosophique et politique de la suspension des fils intentionnels de l’économie

    Au delà de la pure description, ce qui frapperait le Huron de Montesquieu ou le Persan, s’il pouvait encore en exister à la surface de ce monde puisque l’Iran comme les Yanomami de l’Amazonie ont été frappés eux aussi, ce qui marquera rétrospectivement, c’est l’arrêt, la suspension de l’économie, notamment dans ses manifestations favorites : les transports automobiles, ferroviaires et aériens. Et cela, c’est exactement ce qui s’était produit de façon encore plus forte en Mai 68 puisqu’il n’y avait plus d’essence. C’est le silence, le chant enfin audible des oiseaux, les biches, les sangliers s’aventurant au cœur des lotissements, un jaguar se promenant sur les pentes des moros de Rio de Janeiro, un autre dans les rues de Santiago.

    On a entendu sur les radios françaises : plus de 4, puis 9, puis plus de 12 millions de salariés au chômage partiel soit une bonne moitié des travailleurs du privé, tandis que 40% des actifs demeuraient confinés chez eux. L’économie a été mise entre parenthèses. Le travail n’a pas été suspendu comme en Mai 68, au contraire il a persisté pour les « premiers de corvée », ou bien il est devenu téléporté pour les « premiers de cordée ». Ce qui a été suspendu, c’est le compteur impitoyable de l’argent : lorsqu’on prononce les mots « quoi qu’il en coûte », « quel qu’en soit le prix », on quitte l’économie, on suspend son caractère inconditionnel dans la vie de la cité et sur la vie. Aussi soudainement que la France s’était arrêtée en Mai 1968 avec ses 10 millions de grévistes.

    Avec le même effet étrange, d’une temporalité autre, au delà du confinement, comme la qualité du silence, comme la durée bergsonnienne d’une journée qui se met à s’écouler ni complètement travail, ni repos ou loisir pour les plus chanceux, pas les mères accablées de leur mari et de leurs enfants en permanence. Mais dans tous les cas, on peut parler d’une suspension phénoménologique des fils intentionnels de la « vis activa » : Husserl appliqué à Hannah Arendt. À la différence de Mai 68, ce n’est pas le désir du sujet politique qui s’est trouvé au centre, mais la situation en porte-à-faux où se retrouve l’animal humain au milieu du vivant et du chemin de la vie, pour emprunter à Dante. C’est aussi le sens tout court de l’activité frénétique du capitalisme industriel mondialisé au regard de la vie de la biosphère.

    Une fois prise la mesure de l’ampleur de l’événement (non pas un petit 1% de notre croissance mais 4, puis 6 puis 10 puis probablement 15 ou 20% selon les pays quand à ce séisme succédera le tsunami de ses effets à l’automne et l’année suivante), nous devons nous interroger sur la force de ce qui a pu autoriser cette mise en suspend de ce qui passait jusque-là pour le parangon de la valeur, l’alpha et l’omega de la vie économique en commun, donc « le marché », ce marché devenu l’horizon indépassable depuis l’effondrement du socialisme réel. S’il y a quelque chose d’imprévu dans cette crise, ce n’est pas la nouveauté du virus (cela s’est répété des dizaines de fois ces derniers siècles), c’est qu’un si petit fragment, zombie du vivant, échappé du règne animal, ait pu mettre à genoux l’économie mondialisée au sommet de sa puissance et le troisième âge dont nous étions si fiers de pouvoir inscrire les gains de longévité dans les tablettes de l’Histoire.

    Jean Quatremer, un journaliste (que d’habitude on aime bien pour sa chronique européenne), vite suivi par des esprits plus complaisants d’un patronat prompt à « retrousser les manches » des autres, celles de ses salariés, a déclenché une belle polémique. Interloqué de ce qu’un si petit virus bien moins meurtrier qu’Ebola ou que des fléaux chroniques comme l’alcoolisme, la folie au volant, avaient pu produire, ce journaliste talentueux a mis en regard le coût faramineux de cet arrêt surréaliste de la machine et plaidé pour qu’on arrête les frais du confinement. Que n’avait-il pas dit ! Pourtant, il n’était pas l’âne de La Fontaine, ne confessant nulle faute. La réaction d’indignation a été virulente, même si l’on peut se gausser des belles âmes qui braillent aujourd’hui pour exiger trois mois plus tard la « reprise » (autre mot étendard des droites ou honni du Mouvement en Mai 1968). Mais ce qui paraît frappant encore une fois, c’est l’ahurissante unanimité mondiale de la classe dirigeante de droite comme de gauche à arrêter l’économie en ne conservant que ses fonctions vitales.

    Cela a commencé par le président Xi Jinping qui, très logiquement quand on regarde ses débuts dans la province du Fujian, ne jurait la veille que par une croissance à 6,6%, seule garante de la paix sociale. Cela s’est poursuivi avec le chef du gouvernement italien qui la veille pourtant, courrait après la reprise afin d’éteindre son déficit budgétaire et la dette géante du pays. Finalement, toutes les démocraties européennes, même les plus attachées à l’orthodoxie monétaire comme l’Allemagne, ou ne jurant que par les fondamentaux de la mondialisation néolibérale comme le Royaume-Uni, toutes ont, horresco referens, descendu sans ménagements ni délais le pavillon de la croissance et haussé celui de l’arrêt partiel et du confinement. Dans les « démocratures » européennes comme la Hongrie, la Pologne, la Biélo-Russie, l’Ouzbékistan, chez les présidents populistes nord-américain ou brésilien, même capitulation en rase campagne. Même confinement sous diverses nuances, même mise en veilleuse d’une énorme partie de l’activité, bien que dans certains endroits, on ait caché les morts ou interdit de prononcer le mot même du virus. Tous les analystes avaient tellement donné le néo-libéralisme comme triomphant que beaucoup se sont frottés les yeux. Ils ont vite trouvé que la mariée était trop belle. Il devait y avoir un lézard là dessous.

    Un complot, une thérapie de choc pour faire passer la liquidation finale de l’État Providence ?

    Alors sont entrés dans la danse les théories du capitalismes par les chocs (Noami Klein), ou celles teintées de Michel Foucault (près de 35 ans après le décès du maître) ou de Giorgio Agamben[1]. Pareil choc si aisément accepté par le patronat, par les riches, par « ses fondés de pouvoir » dans l’État, devait avoir pour fin d’imposer plus facilement un tour de vis dans l’exploitation, la liquidation de l’État Providence, celle des libertés publiques, l’avènement de Big Brother Numérique que les GAFA californiennes ou les BATX chinoises avaient préparés. Après le terrorisme et son état d’exception, l’état d’urgence sanitaire planétaire allait nous faire avaler un bio-contrôle de la population par le numérique. Le « capitalisme numérique » (Daniel Cohen) devait forcément être tapi en embuscade comme un méchant phénix prêt à resurgir, par miracle et tout guilleret après ce gigantesque tour de passe passe.

    Au reste tout s’expliquait, et le moindre détail (plus ou moins arraché de son contexte par les nouveaux Bouvard et Pécuchet de la médecine) rentrait dans le puzzle. Y compris les pires thèses complotistes. Les accusations de la contamination de l’Empire du Milieu par un GI américain lors des jeux Olympiques des sportifs des armées à Wuhan, à la mi-octobre 2019, les allusions américaines à la fuite du virus d’un laboratoire de Wuhan classé P4 ou P3 c’est-à-dire les degrés les plus élevés de dangerosité, celles de Luc Montagnier, le prix Nobel pour sa découverte du VIH, de la fuite d’un virus créé par l’apprenti sorcier chinois qui aurait combiné un coronavirus avec le virus du sida, ne sont que des codicilles de cette thèse plus englobante d’un grand-complot-capitaliste. Un autre prix Nobel de médecine, le japonais Tasuku Honjo a été enrôlé à son insu et malgré ses démentis dans l’info-tox d’un coronavirus fabriqué par l’homme.

    Si l’on veut résumer cette thèse du choc provoqué, disons qu’elle pousse aux extrêmes les traits de la théorie du bio-pouvoir, c’est-à-dire d’un capitalisme qui gouverne la population en produisant le vivant et en affirmant son pouvoir sur la vie nue (y compris par la menace des virus qui sont une production de mort par réplication mimétique du vivant) pour requinquer par une nouvelle piqûre de consentement, une hégémonie affaiblie.

    L’État Providence largué par hélicoptère ou gros porteur

    Ce que cette thèse n’explique pas, pourtant, c’est l’arrêt général qui en est résulté et qui n’a pas été une crise classique imposée aux classes laborieuses (du monde dans les deux premiers mondes, celui du capitalisme et celui de feu le socialisme ) puisque, et c’est le deuxième aspect stupéfiant de cette crise, non seulement le « capitalisme néolibéral mondial intégré », comme auraient dit Felix Guattari et Gilles Deleuze, a accepté cette suspension sans barguigner, mais il a pris des mesures de soutien aux salariés, aux chômeurs, aux entreprises petites, moyennes ou très grandes comme on n’en avait jamais vu de toute l’histoire du capitalisme. Ce n’est pas de l’argent par hélicoptère qui a été déversé comme le préconisait Milton Friedman et comme on s’était demandé si Mario Draghi ne l’avait pas pratiqué lors de la crise grecque avec la politique de quantitative easing de la Banque Centrale Européenne. C’est carrément le Welfare State (l’État Providence) dans toute sa puissance de frappe qui a été largué par hélicoptère ou par avions gros porteurs. Ce n’est pas le revenu universel, mais une garantie du revenu qui est apparue partout dans les pays riches, en Chine et sous des formes plus atténuées, en Inde, en Amérique Latine et en Afrique.

    S’il y avait complot à la racine de cette crise, il faut dire qu’il a échappé à ses auteurs car : a) c’est le complot le plus cher de toute l’histoire du capitalisme mis à part les deux guerres mondiales du siècle dernier ; b) les transformations qu’il a générées immédiatement comme celles qu’il a laissées entrevoir, sont totalement contre-productives s’il s’agissait d’une stratégie néo-libérale contre-révolutionnaire à la manière de la Tricontinentale qui se réunissait dans les années 1980 quand Margaret Thatcher claironnait fièrement « Tina » (there is no alternative) et surtout « la société, ça n’existe pas ! ( there is no such thing like society). Ce n’est même pas « il faut défendre la société » de Michel Foucault, c’est la société qui s’avère le héros indispensable pour sauver les vivants. Les mesures extraordinaires prises pour amortir l’arrêt de 60% de l’économie se chiffrent déjà après deux mois d’arrêt à près de 15% du PIB mondial et ce n’est qu’un début. Et paradoxalement le confinement, telle une grande marée basse, a laissé à découvert les béances, les blessures par quoi une société prend conscience d’elle-même comme un tout, tandis que les déficits initiaux en appellent d’autres à venir pour réformer radicalement la réforme des hôpitaux. Il faut peut-être avancer une autre hypothèse pour expliquer la Grande Suspension de l’économie-monde.

    Le prix de la mort est politique : bio-pouvoir ou bio-puissance ? « Le droit à la vie quoiqu’il en coûte »

    Tout a un prix en ces temps d’économisme triomphant, le Lifetime value (ce que vous vaudrez en termes de consommation tout au long de votre vie) que calculent les assurances pour déterminer votre prime, les banques pour vous consentir un prêt, un prêt étudiant par exemple. À l’autre extrémité de l’existence, vaut-il la peine de vous sauver la vie si votre vie ne vaut pas grand chose en terme de flux de revenus futurs ou de patrimoine déjà accumulé, ou s’il ne vous reste plus grand temps à vivre ? Cette évaluation de la vie humaine, comme « viande » ainsi qu’avait déjà peinte Francis Bacon, n’est pas différente de celle de l’éleveur qui suppute le bon moment pour envoyer sa vache laitière à l’abattoir. Et c’est probablement cette grande mise en équivalence marchande, qui nous repousse de plus en plus dans la consommation carnée. Yuval Harari l’a bien relevé dans sa réflexion récente qui propose d’industrialiser la production de protéines véganes.

    La gestion de la population comme production de bras utiles, de soldats, de chair à canon est passée par les politiques hygiénistes au XIXe siècle, par l’application mécaniste des lois de l’hérédité de Mendel dans la sélection des bonnes « races » avec les eugénistes américains, scandinaves puis nazis au XXe siècle. Les progrès de la connaissance dans la génétique ont fait surgir de nouvelles tentations de clonage de l’humain pour fabriquer des organes, de modification du génome, de production du vivant y compris humain. Est sacré ce dont on ne peut s’approcher et qu’on ne peut fouler aux pieds (ta abata en grec, comme le tombeau d’Œdipe à Colonne). Si la science nous fait approcher de plus en plus de la « production et modification du vivant », la vie des humains peut se calculer, s’évaluer et par là affaiblir, même en temps de paix, le deuxième commandement « tu ne tueras point ». C’est cette réalité dérangeante que Peter Sloterdijk avait remuée dans son petit texte très polémique Règles pour le parc humain face au vieil humanisme de Jürgen Habermas.

    Le trans-humanisme n’est pas en reste. Aussi, au fur et à mesure que les règles de l’évaluation du prix des choses s’étendent au vivant animal, puis au vivant humain, de nouvelles définitions comme de nouveaux tabous éthiques se mettent en place. À partir du moment où l’avortement devient légal, l’embryon n’est plus considéré comme une personne dès la conception, mais la prise en compte de la dignité du corps de la femme et de sa volonté prend le pas sur le réflexe de la horde d’augmenter son nombre. Les progrès de la médecine permettant l’acharnement thérapeutique (en particulier le maintien en vie de personnes dans un coma sans espoir de retour) mais aussi la sédation définitive, la question se retrouve au centre du droit de mourir dans la dignité. Les manipulations génétiques sortent aussi du domaine de la science fiction, ce qui conduit les législations nationales comme internationales à prohiber le clonage humain.On en a eu un rappel en novembre 2018 quand le Dr He Jiankui a annoncé avoir produit des bébés génétiquement modifiés pour les immuniser du virus du sida. Devant le tollé mondiale, le gouvernement chinois s’est résolu, peut-être à contre-cœur, à sévir contre cet apprenti sorcier.

    Mais, dans des sociétés vieillissantes où les plus de 65 ans vont constituer un tiers de la population tandis que le prix de la vie devient une quantité économiquement évaluable, c’est la mort dont le prix devient politiquement incalculable. Autrefois les guerres se calculaient froidement par leur coût en morts estimés ou réalisés. Le soir de la bataille d’Eylau où périrent 14 000 Français (il y en aura 30 000 à celle de Wagram), Napoléon déclara : « Une nuit de Paris réparera tout cela ». Le largage de la bombe atomique au dessus du Japon a été justifié comme ayant épargné beaucoup plus de morts qui auraient été à déplorer si la guerre avait dû se prolonger six mois de plus dans le Pacifique.

    Cette fois, contrairement à la grippe espagnole, qui se produisit à la fin de la pire boucherie de l’histoire, contrairement aux pandémies de la deuxième moitié du XXe siècle, le raisonnement qui consistait à mettre en balance (comme certains l’ont fait) les morts de cette « grippe », avec d’autres causes de mortalité, a été inaudible et sévèrement jugé, mais aussi impossible à assumer. Il n’y a pas de prix de la mort mesurable et donc acceptable. Son prix politique a été jugé exorbitant. D’où le « quoi qu’il en coûte » des gouvernements de toutes les nations vieillissantes (de la Chine à l’Europe aux États-Unis). Trump de ce point de vue, est beaucoup plus proche de Bolsonaro ou de Narendra Modi. Sauf chez ces illuminés « jeunistes » qui ont traité l’épidémie de « grippette » ou persistent encore à le faire, la décision de suspendre l’économie non « essentielle » a été prise quasiment immédiatement (tant en Chine qu’en Europe). Les chiffres du manque à gagner étaient d’emblée astronomiques même si les 1 à 2% d’évaluation initiale ont été multipliés par dix ou par vingt en deux mois.

    En cette période d’affaiblissement des valeurs universelles des droits de l’Homme comme du multilatéralisme international sous la montée des populismes et du bilatéralisme des néo-nationalistes, il y a là quelque chose d’étonnant, de réconfortant et même de décisif. Pourquoi les États et les gouvernements dont on attendrait un étalage de cynisme et d’égoïsme ont-ils été convertis au « quoiqu’il en coûte » même si certains pays s’y sont ralliés tardivement puisqu’ils ont mis en avant la théorie de l’immunisation collective (herd immunity) qui permettait de ne pas arrêter l’économie et de considérer les morts du Covid-19 comme le prix à payer pour que le gros de la population acquièrent des anticorps la protégeant ? Cette vue s’est au reste effondrée au Royaume-Uni et en Suède quand on s’est aperçu qu’un très faible pourcentage de la population avait été en contact avec le virus, que l’acquisition d’une immunité n’était pas garantie et que le nombre de morts sacrifiés sur l’autel de cette amélioration du « cheptel humain » était électoralement insoutenable.

    Le droit à la vie de l’ensemble de la population (y compris ses « aînés », ses « anciens », ses « vieux ») a prévalu. Seul Bolsonaro et Trump et quelques quarterons de mini-dictateurs font exception. C’est un progrès de l’humanité. Face à tous ceux qui se plaignent essentiellement d’une irruption croissante d’un régime policier d’exception permanente, outillé du numérique, d’un Big Brother du bio-pouvoir, on peut trouver l’irruption de cette puissance de la vie, de cette valeur de la bio-puissance bien plus intéressante et porteuse d’avenir. On verra dans cette émergence comme une réponse à la marchandisation néo-libérale du vivant, mais on peut aussi y vérifier le principe méthodologique et politique qu’il n’est d’histoire et de compréhension des inflexions du pouvoir et du bio-pouvoir que que dans la composition de la puissance de la vie.

    Quelles sont les raisons de cette affirmation de la valeur de la vie dans son ensemble et pas simplement la désignation des contaminés, leur isolement et leur traitement qu’ils le veuillent ou non selon un curseur qui va des régimes autoritaires ou démocraties scandinaves qui font plus appel au sens citoyen ? Le fait que le virus n’a pas touché exclusivement les personnes âgées à faible défense immunitaire mais aussi des adultes en surpoids, diabétiques (deux maladies endémiques désormais) ? Que les complications cardiaques, cérébrales se déclarent y compris même si c’est très rare chez des enfants ? La contagiosité de la maladie chez des personnes infectées par le virus mais ne présentant pas des symptômes ? Le fait aussi que beaucoup de ceux qui étaient affectés échappaient aux complications graves ou mortelles ? Tout cela a empêché de donner un contours très précis à la population à isoler (à la différence des fléaux comme la peste ou la lèpre). Un traitement de tri a priori de la totalité de la population, comme la prise en charge systématique de toute personne présentant un symptôme de la maladie n’a été possible que dans les régimes assez peu démocratiques.

    Impossible aussi d’attribuer la maladie à un comportement « irresponsable » (comme l’alcoolisme, la conduite automobile dangereuse, la sexualité non protégée). Donc la palette des réponses néo-libérales (vous êtes responsable de votre vie, c’est à vous de vous protéger et de vous assurer !) s’est trouvée complètement disqualifiée. La société a été touchée en bloc. La façon dont on traite les anciens, comme les pauvres (a fortiori si les deux se cumulent) dans les sociétés humaines constitue un révélateur. En ce sens, toute société est plus ou moins confucéenne, mais aujourd’hui, l’importance du savoir, des connaissances dans un capitalisme de régime cognitif qui met beaucoup moins les personnes âgées au rencard que le capitalisme industriel, joue certainement un rôle dans la valeur nouvelle attachée aux « vieux » devenus les « aînés ». Dès la fin des années 1970, des démographes avaient montré que les populations vieillissantes n’étaient nullement condamnées à la stagnation économiques à l’inverse des vieux schémas natalistes. La vieillesse a cessé de rimer avec mauvaise santé, décrépitude sociale et hospices.

    Retour à la normale, résilience, transformation, effets de cliquet ?

    Si nous nous tournons maintenant vers les effets de ce ré-encastrement brutal et temporaire de l’économie (pour parler comme Karl Polanyi), temporaire car il n’a jamais voulu s’installer dans la durée, même si cette parenthèse pourrait s’avérer plus longue qu’initialement escomptée, force est de constater qu’ils sont considérables. Dire que rien ne sera plus comme avant ne mange pas de pain puisqu’en histoire, jamais rien ne se répète deux fois. Plus modestement, contentons-nous d’énumérer quelques obstacles à un retour en arrière, ce que les économistes appellent les effets de cliquet, ou les prospectivistes et les théoriciens de la complexité appellent plus prudemment des points de bifurcation, et qui empêchent de prolonger une tendance passée soit que des accélérations ou des changements de plans se soient produits provoquant des seuils, soit que des nœuds ou des trous noirs apparaissent, ou bien simplement que des points d’accroche ou capitons (oh Lacan) bloquent les retours en arrière.

    Presque aussi rapidement qu’en Mai 68, le moment de la reprise du travail est venu. Reprise de l’activité, des transports, reprise de l’école, de l’université, du tourisme. Moultes espèrent fermer la parenthèse. Le Medef avec beaucoup de sagesse apprise à ses dépends après Mai 68, s’est inquiété de la persistance de cet arrêt, car plus longue est la pause, plus dur sera le retour à la normale. Pour certaines entreprises, la résilience serait un retour aux fondamentaux comme on dit de l’économie, de la discipline et du « business as usual ». Or ce satané virus qui n’a vraiment pas l’air de s’estomper avec les chaleurs estivales en Europe ou en Extrême Orient, est toujours-là. La reprise s’avère compliquée partout. Celle des écoles, pas mal merci ! Le concours de l’Eurovision a été lui aussi virtualité après tant de festivals. Même le sacro-saint sport (Jeux Olympiques, Tour de France, tournois de Tennis, championnats de football) est durablement touché jusqu’à la fin de l’année.

    Et puis quand bien même la reprise finirait par s’effectuer de façon désespérante, sur le modèle de l’extrait du film Sauve qui peut Trostky ! de Jacques Willemont[2] où une jeune ouvrière en pleurs se rebelle. « Non, je ne rentrerai pas, je ne foutrai plus les pieds dans cette taule, c’est trop dégueulasse ! », des transformations se sont produites par l’épreuve des faits mais aussi dans les têtes, réalité peut-être plus importante encore pour l’ « après ». Après 1968, la contestation ouvrière se prolongera comme une onde de choc pendant quatre ans pour finalement avoir largement la peau du travail à la chaîne en Europe Occidentale. Bien des transformations invisibles se sont produites durant ces deux mois d’arrêt quasi total (lock-down dit-on en anglais), ce qui fait écho au lockout patronal traditionnel, sauf que cette fois il a été ordonné par l’État et que les mis à l’arrêt ont continué dans une grande majorité des cas à être payées.

    Les transformations visibles

    Les mutations ont été largement commentées. Le télétravail qui avait tant de mal à être mis en place, s’est généralisé à tous ceux qui n’avaient pas les mains dans le cambouis (fût-il celui des ordinateurs, des infrastructures des réseaux). Le travail « immatériel » de bureau, la programmation de la logistique se sont mis en place finalement assez aisément. La persistance de l’épidémie et la lenteur du dé-confinement ont déjà conduit les gouvernements à encourager un passage plus long, voire définitif au travail à distance. PSA a annoncé que ses cadres ne reviendraient qu’une fois par semaine sur le site de production. Plus subtil mais non moins décisif, les relations de travail ont été mises à nu durant cette période d’exception. Les relations sociales également, que ce soit dans un sens négatif avec l’exacerbation des tensions ou au contraire positif quand l’activité associative, les initiatives locales se sont substituées à un État central peu réactif ou carrément incompétent.

    La devise de la République a été réécrite concrètement à l’envers : d’abord la fraternité, l’aide, puis l’égalité et seulement après la liberté. L’aspiration à l’égalité de traitement dans la maladie quel que soit son âge, sa condition sociale a été renforcée par le brassage des services d’urgence à l’hôpital. La hiérarchie des salaires est devenue d’autant plus palpable que les moins payés ont été aussi les moins confinés dans le télétravail, les plus exposés. Les comparaisons avec l’Allemagne dans le secteur de la santé ont fait mal. Le rôle indispensable des petits métiers sans lesquels la machine économique n’aurait pas pu tourner au ralenti, l’importance vitale des soignants, pompiers, infirmiers a suscité une reconnaissance avec ses rites au balcon tous les soirs. Dans les hôpitaux, malgré d’invraisemblables lenteurs, des moyens sont apparus comme par enchantement. Les gestionnaires de la tarification à l’acte, du coefficient de remplissage des lits, du rationnement permanent et courtelinesque, ont un temps disparus. Un administrateur qui n’avait pas bien compris le moment a parlé des réductions d’effectifs prévues. Il a été muté immédiatement.

    On peut, sans grand risque de se tromper, dire que pour les dix prochaines années les plans de rationalisation du système de santé, de mise en place du leaning management, d’économie d’échelle, d’organisation de l’hôpital comme une entreprise à flux tendus, de compressions d’effectifs, de blocage des rémunérations, ont été grillés par l’épisode coronavirus. Ils sont dorénavant persona non grata. Il deviendra très très difficile pour des pouvoirs publics où qu’ils soient en Europe mais aussi dans le monde de reprendre la partition néolibérale de l’efficience du système de santé entendue comme faire plus avec moins de moyens. Il en va de même avec les métiers d’enseignements. Combien de fois a-t-on entendu de la part de parents qui avaient tenté de faire classe à leurs enfants : « Pas commode, c’est un vrai métier ! ».

    Au chapitre encore des « invisibles » devenus visibles, il faut compter les inégalités que le modèle néo-libéral parvenait souvent à camoufler élégamment en « fragilité congénitale ». Le filet de protection sociale qui trônait au-dessus des autels de la République, comme les nuages vaporeux et délicats de Fragonard, est descendu sur la terre et là, les trous mités de ses draperies, les trompes-l’œil du décor, sont apparus pour de bon, de près et pas « en perspective ». Les gestionnaires parlent de « trous dans la raquette », mais ce sont plutôt des milliers de récifs apparus avec cette marée basse exceptionnelle dont il faudrait parler. Dans les pays d’Afrique ou d’Amérique, ce sont ces milliers d’enfants des rues qui comptent d’ordinaire sur la charité des passants pour manger. Il a fallu l’intervention d’organisations humanitaires plus habituées au camp de réfugiés ou aux zones de guerre. Chez nous, toute liste des professions, des secteurs d’activités, des salariés, des « populations en difficultés » s’allonge comme des tables gigognes et fait apparaître l’entrepreneur individuel, le gérant de société salarié, l’intérimaire, l’agent territorial recruté sur mission, le chômeur non indemnisé, le jeune de moins de 25 ans, les handicapés, les nounous des crèches privées, le vieillard aux minima sociaux.

    Plus frappant encore, dans les banlieues ouvrières particulièrement touchées car massivement demeurées au travail de manutention, de transport, de nettoyage, de service de soins, la pauvreté est apparue dans la sobriété glaçante de familles enfermées sur 50 m2 à 6 personnes dans des tours. Autrement dit, il a fallu le coronavirus et le confinement pour que nous nous apercevions que les 20% de familles incapables de payer la cantine scolaire (et donc le plus souvent prises en charges en catimini), souffraient durement de la fermeture des écoles car le repas de midi était souvent le seul repas complet de la journée. Autre réalité devenue visible : l’importance des revenus tirés du secteur informel, de l’économie grise, des myriades de petits boulots qui se sont souvent évaporés plaçant nombre de familles en difficulté immédiate.

    La société dite « d’abondance » a perdu ses atours, le carrosse s’est transformé en citrouille. Ce que les militants associatifs des Restos du Cœur, des Compagnons d’Emmaüs s’époumonaient à redire, dans le désert ouaté des micros de « tranche de vie », a soudain fait la une des chaînes d’info chaque jour, à chaque mesure nouvelle prise en catastrophe par le gouvernement. Et plus l’État Providence descendait en majesté parmi ses sujets, plus on a entendu « le roi est nu » ! Plus est apparu aussi le chemin qui reste à faire pour arriver à un État protecteur juste, c’est-à-dire traitant les 20% de la population les plus pauvres de façon acceptable.

    Bref la société existe bel et bien, n’en déplaise à feu la Dame de fer et surtout, elle sera bien plus difficile à gouverner que du temps où l’austérité, la peur inspirée par le terrorisme avaient largement réduit la contestation aux ronds-points du désert français. Contrôle numérique ou pas des populations, le virus a changé la donne sur la perception du numérique et de l’effet Big Brother. La potion chinoise n’a pas convaincu les autres pays car seule la liberté d’information aurait pu dissiper les soupçons qu’on nous a vendus en janvier-février ou carrément de l’épidémie dès novembre. D’autant que Taiwan et Hong Kong, en dissidence notoire avec la mère patrie, sont parmi les pays qui ont le mieux limité la casse du coronavirus. Les obstacles à la liberté d’aller et venir, le traçage numérique des patients et des relations avec lesquelles ils ont été en contact n’ont pas bonne presse. Les gouvernements en usent avec une prudence de chats craignant des retours de bâton.

    Les conséquences majeures d’une pluie d’argent « sans compter »

    La caractéristique la plus étonnante de cette crise aura été la suspension de tous les critères classiques de l’économie, l’intervention sans compter de l’État Providence (alors que l’on ne parlait que de sa crise depuis cinquante ans), et par conséquent cette pluie de liquidités, d’argent « sans compter » qui donne presque le vertige. Afin de financer l’aide sociale d’autant plus nécessaire outre-Atlantique que 30 millions de personnes ne sont pas couvertes par les assurances sociales, le Trésor américain vient de lancer un emprunt pour 2 900 milliards de dollars soit plus qu’un cinquième du PIB nord-américain. Entre le début de rédaction de cet article et la fin, il a rajouté encore au pot quelques milliers de milliards.

    À la différence de spéculations plus hasardeuses sur la suite, ce déversement astronomique d’argent a d’ores et déjà des conséquences fondamentales dans trois domaines majeurs où tout était bloqué par manque… d’argent justement : 1) la transformation écologique ; 2) la résorption de la pauvreté du fait de la croissance spectaculaire des inégalités à l’intérieur des pays malgré une réduction des inégalités entre les nations ; 3) la stagnation de l’intégration européenne sur le plan social, fiscal, des politiques industrielles et des nouvelles technologies européennes faute de dynamisme économique et de carburant financier. Les deux premières bifurcations concernent l’ensemble de la planète ; la troisième nous concerne particulièrement en Europe.

    Les politiques d’austérité sur la touche

    Dire, comme l’affirmait le ministre des Comptes Publics, Gérald Darmanin, venu de la droite et à un poste qui est par définition celui des économies, que « lorsqu’un incendie est en cours, on ne compte pas les seaux d’eau », ou bien répéter le mantra de Mario Draghi « quoi qu’il en coûtera », constituent une palinodie presque ahurissante pour le capitalisme néo-libéral que nous avions connu plus près de ses sous. Et lorsque l’application est immédiate, c’est un congé assez sec donné à la doctrine. De quoi faire se retourner dans leur tombe Reagan, Thatcher et Milton Friedman. Le néolibéralisme et les politiques d’austérité, de réduction des déficits budgétaires sont morts, et pas simplement au sein feutré et confidentiel des banquiers centraux. Eux étaient au courant depuis 2008.

    Pourquoi ? Tout simplement parce que chaque transformation urgente de l’économie mondiale – réduire les inégalités, sauver la planète, protéger la santé, l’éducation de la population (les programmes des Nations Unies parlent d’améliorer la qualité de la population) – se voyait opposée la même loi d’airain : il n’y a pas d’argent pour cela, il faut produire la richesse pour pouvoir la redistribuer, autrement dit, il faut continuer à saloper la planète pour avoir de quoi la sauver (éventuellement).

    De l’argent pour la transformation écologique

    Or quelle leçon les effondristes écologistes, les accélérationnistes, formes les plus radicales de contestation et de proposition d’alternative réelle, peuvent-ils tirer tranquillement de l’épisode coronavirus ? Que de l’argent, il peut y en avoir tant en quantité astronomique que très vite. C’est une question de volonté politique. Quand il y en a une, elle se traduit par de la création monétaire et la garantie par les banques centrales des emprunts des États et des prêts consentis par les banques de second rang. L’argent est le lien avec le futur. Il est créé par le crédit. Le crédit, c’est la confiance que l’on place dans le futur, dans la réalisation d’un cycle économique projeté. Même le très libéral Alain Minc, chantre de la « mondialisation heureuse » a rapidement prôné un régime de dette perpétuelle jamais remboursée pourvu que les intérêts très bas soient servis.

    Donc le financement de la transformation écologique, une urgence de premier ordre, est une décision politique. Ce n’est pas une question de contenance de la tire-lire des économies qui ferait qu’on ne pourrait pas se payer une atmosphère respirable, des énergies propres, une agriculture qui ne pollue pas les sols, une réduction drastique des transports grâce aux circuits courts. Aussi pouvons-nous tranquillement parier qu’on entendra Greta Thunberg dans les arènes internationales s’appuyer sur le précédent coronavirus : « Quand l’argent coulait à flots ». Les écologistes deviendront de plus en plus intolérants face à la procrastination coupable des grands argentiers du monde. Ils n’auront pas tort.

    Il n’y a pas que dans ce domaine que la réaction vitale face au coronavirus a semé les germes d’un autre futur possible. Le consensus relatif autour de la mondialisation, qui a tenu en échec la gauche et son refus de l’ordre néolibéral ou les tentatives de démocratiser le pouvoir en Chine et dans les pays du Tiers-Monde trouvaient largement leur origine dans la réduction de la pauvreté dans le monde. En quarante ans, c’est entre 350 et 450 millions d’humains qui ont été arrachés à la pauvreté, largement mais pas exclusivement en Chine. La stagnation de la croissance qui se heurte aux limites écologiques a largement compromis ce consensus mou depuis plusieurs années. Le déclin de la belle mécanique du commerce international, la remise en cause des divisions du travail qui s’étaient établies en fonction du libre-échange avec des conséquences sanitaires qu’on a vus, la récession qui va toucher non seulement l’Afrique mais toutes les économies, sont autant de signes qui indiquent qu’il va falloir beaucoup plus de protection pour éviter un chaos semblable à celui des années 1930. Le FMI prévoit un retour à la pauvreté de 400 millions d’humains.

    Le revenu universel, Acte 2

    La transition écologique, si elle est menée sérieusement, va affronter des coalitions d’intérêts si puissants que sans mobilisation du plus grand nombre possible de citoyens, elle n’a aucune chance de s’imposer. Mais cette « nouvelle donne productive » doit redessiner tellement profondément les industries, que le chantage à l’emploi qui servit déjà dans les années 1930 , puis après les chocs pétroliers 1974 et 1980 réapparaît sous forme à peine voilée quand nombre de chefs d’entreprises ont demandé que les contraintes environnementales soient reportées sine die. L’appui des populations n’est possible que si ces dernières sont protégées d’une régression sociale.

    Les instruments classiques de l’État-Providence ont été mobilisés avec une rapidité et des moyens qui auraient ravi J.M. Keynes et W.H. Beveridge, mais ils ont ainsi tirés leurs dernières cartouches. Si l’on ne profite pas de ce choc et des failles mises à nu dans le filet de la protection sociale, on risque de trouver les mêmes difficultés pour son financement dans un an ou deux à une échelle encore plus forte. Le système de protection sociale issue de la deuxième guerre mondiale et de la Grande dépression ne peut pas devenir un fort Chabrol de plus de la défense des statuts acquis quand tant de précaires et de « fragiles » ne sont pas protégés et risquent de l’être encore moins si l’on reconduit l’ancien système avec des taux de chômage dépassant les 10% de la population active.

    La revendication d’un revenu universel ou de base ou d’existence, peu importe le nom qu’on lui donne, est apparue depuis plus de vingt ans[3], au Nord comme au Sud. Elle a franchi avec la campagne de Benoit Hamon lors de l’élection présidentielle de 2017 en France, un seuil de visibilité. Cet objectif à l’horizon de la « question sociale » fait régulièrement l’objet de discussion, voire d’expérimentations au niveau de régions. En pleine crise de la pandémie, il a été mis en avant y compris par des parlementaires et élus locaux. Un revenu qui ne se confondrait pas avec la rationalisation des minima sociaux qui se trouvent à un niveau très bas (celui du RSA), un revenu individuel, inconditionnel (à l’envers des projets qui en font un revenu pour les pauvres !) cumulable avec une activité rémunérée, doit être le plus élevé possible en fonction du PIB d’un pays pour assurer à chacun l’autonomie en particulier pour se former à de nouveaux métiers. S’il remplace le salaire minimum dans une société largement ubérisée où nombre d’actifs dépendent d’un employeur qui ne dit pas son nom et qui se présente comme une plateforme de pur service, sans bénéficier d’aucune garantie de revenu entre les missions (tout comme les travailleurs intérimaires), il devrait se situer entre 1 000 et 1 200 euros net. Ce qui représente pas loin de 1 000 milliards en France.

    Cette somme qui représenterait pas loin du doublement du budget social de la nation paraît impossible à la plupart des économistes orthodoxes comme hétérodoxes sauf que la mise en place de l’État béveridgien à la Libération par le Conseil National de la Résistance a représenté un saut analogue et que cette somme devient concevable étant donné les ordres de grandeurs de l’argent mobilisé dans la crise du coronavirus. Une réforme de cette ampleur (qui seule parviendrait à éliminer le boulet croissant de la pauvreté qui oscille dorénavant entre 12 et 20% de la population au sein de la plupart des États membres de l’Union Européenne) devrait aller de pair avec une réforme fiscale qui n’a plus rien à voir avec les rafistolages que procureraient un rétablissement de l’ISF et une plus grand progressivité de l’impôt sur le revenu. Il faut changer également de regard sur la richesse, taxer la circulation et le chiffre d’affaire des multinationales du numérique, bref une taxe de 5% voire 6% sur toutes les transactions financières et monétaires. Mais ce type de reforme n’a de sens qu’à l’échelle européenne. Et nous découvrons alors qu’un programme social et environnemental des politiques à venir est étroitement dépendant de l’évolution des institutions de l’Union Européenne. Or sur ce dernier point, le Covid-19 a ouvert grande la porte d’un chargement décisif au sein de la Communauté Européenne.

    Le cliquet du fédéralisme européen : la crise Covid-19, danger mortel pour l’Europe

    À l’arrière plan de la pandémie Covid-19 s’est déroulé un épisode moins médiatisé et pourtant capital. L’Italie, pays le plus touché de l’Union puisque le Royaume-Uni n’en fait plus partie, a demandé rapidement l’aide européenne. Après quelques piteux cafouillages au cours desquels les pays voisins essayaient de se procurer des masques, des respirateurs au détriment même de la Péninsule, rechignant à toute solidarité concrète, la Commission a mesuré les dégâts collatéraux que l’absence de solidarité ferait courir au projet européen tout entier. Lors d’une première réunion catastrophique du Conseil, au cours duquel les représentants néerlandais, danois et allemands n’avaient pas voulu entendre la demande italienne d’un concours financier, autre que celui d’emprunts souscrits sur la base nationale, Mario Monté, le chef du gouvernement italien refusa de signer le communiqué final et obtint l’appui de neuf pays représentant 60% du PIB de l’Union (tous les pays latins dont la France et la Slovénie, plus l’Irlande, la Belgique et le Luxembourg). La décision fut différée à la réunion des grands argentiers de l’Union, le 29 mars. La veille, Jacques Delors[4], 95 ans, tel la statue du Commandeur adjura les États membres à faire preuve de solidarité.

    Fourmis et cigales dans la crise

    L’Europe du Nord, vite dénommée « Club des radins » ou plus poliment, la « nouvelle Ligue Hanséatique », (les mêmes sans l’Allemagne, plus les pays Scandinaves et Baltes), admit qu’il fallait recourir à un concours financier extraordinaire, mais dans le cadre du MES (mécanisme européen de stabilité) forgé dans la douleur et les compromis en plein crise grecque (2010-2012), c’est-à-dire mobiliser une partie des 700 milliards de fonds mis en réserve. Le MES consent des prêts mais assortit ces derniers de conditions sur la politique économique et budgétaire du pays demandeur. Argument irrecevable pour l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. L’Allemagne lâcha du lest, et parla d’apporter un concours de 1 000 milliards d’euros au pot commun.

    Il faut dire qu’entre-temps, l’addition de la crise enflait d’heure en heure, que l’économie la plus forte voyait se profiler, malgré son faible nombre de mort, le même mouvement de baisse massive de la croissance que chez ses partenaires. La crise était symétrique ; il ne s’agissait plus d’apporter son concours à un pays qui avait mené une politique fautive, comme dans le cas de la Grèce. La Commission avait parlé d’un concours de 110 milliards pour financer le chômage partiel, la BCE dégaina une garantie de prêts pour 750 milliards. Il devint évident même aux fourmis de l’orthodoxie budgétaire stricte que le principe « les contribuables des pays vertueux qui ne doivent pas payer pour les cigales du sud », ne sauverait pas plus du désastre annoncé que lors de la crise de 2008.

    Comme d’habitude, notèrent les pessimistes, le Conseil renvoya le bébé encombrant à la Commission la chargeant de lui faire des propositions avant l’été. Néanmoins, des points non négligeables étaient acquis dès avril. Le caractère conditionnel des prêts du MES serait très vague : toutes les dépenses liées au coronavirus seraient éligibles. Le concours à un pays ne serait pas limité à un pourcentage de son PIB. Mais surtout les fonds du MES n’y suffiraient pas (son président avait au reste alerté à ce sujet). Et l’idée d’un plan de relance massif fut acquise même si ses modalités n’étaient pas encore arrêtées. L’idée qu’une bonne partie des sommes à financer seraient imputée au budget de la Commission, avait fait son nid. Ce principe n’avait l’air de rien, sauf qu’il ouvre à une Union budgétaire, donc des transferts (et plus de prêts remboursables). Que ces sommes soient financées par des bons du Trésor (Coronabonds) spécifiques, comme le demandaient le groupe des 9, ou par des bons de la Commission, est une une question de détail. Ce qui ne l’est pas du tout, c’est d’admettre que le budget européen connaisse, comme celui des États membres, un déficit et que l’Europe puisse emprunter sur la base de sa monnaie. Qu’il y aura une mutualisation des dettes.

    Tout le compromis européen depuis Maastricht entre fédéralistes et partisans d’une confédération avait été de fédéraliser (au moins dans la zone euro) la politique monétaire mais de laisser soigneusement la politique budgétaire à chaque État en stipulant même que la BCE ne devrait pas aider à combler les déficits budgétaires d’un pays. À la faveur de la crise du coronavirus qui replonge, comme après la crise de 2008, les budgets nationaux dans le rouge pour longtemps, mais cette fois-ci de façon plus forte et plus universelle, l’oxymoron fédération d’États-Nations se dénoue et le rapport de force se déplace en faveur des fédéralistes. Déjà, comme l’avaient noté les observateurs souverainistes, la BCE avait commencé à racheter des obligations de pays membres. Certes elle n’avait pas souscrit immédiatement et directement ces bons des Trésors nationaux. Distinguo ! Elle s’était contentée de les racheter sur le marché de second main, c’est-à-dire à des opérateurs les ayant acquis. Cela ne trompait personne. Les banquiers centraux moins que quiconque.

    Le vieux débat noyé sous l’énormité de la nouvelle dette

    Mais il n’était pas encore question de financer directement le déficit d’un budget européen qui par définition ne pouvait pas dépenser plus que ses recettes. Il n’était pas question d’un Trésor Européen car cela voulait dire une politique budgétaire commune. Or, juste avant la crise du coronavirus, le débat politique au Conseil Européen portait encore dans le vieux cadre des institutions existantes, sur l’augmentation ou la réduction modestes dans les deux cas du projet de budget 2021-2027. Les Pays-Bas suivis par l’Autriche, et derrière pas très loin, l’Allemagne voulaient contenir le budget d’à peine plus de 1% du PIB de l’Union (15 000 milliards) soit 154 milliards par an. Les plus ambitieux et dépensiers dont le Parlement européen, voulaient le porter à 200 milliards.

    Cette querelle souvent âpre et peu reluisante a été complètement noyée sous la pluie d’argent et de dettes futures. La ligne Maginot des anti-fédéralistes, une sorte de Ligue des contribuables (dont on avait eu des avant-goûts avec la Ligue Lombarde en Italie avec ce même refus du Nord de payer pour le Sud) a été complètement enfoncée. Cette bataille qui relègue le fameux Brexit au rang de péripétie subalterne, est capitale pour le futur de la construction européenne. Ceux qui auraient voulu qu’elle reste en coulisse, entre experts de l’Europe, cet édifice si complexe que son projet de Constitution en 2004 comprenait 448 articles en 475 pages, ont été rattrapés par la réalité. Le 5 mai 2020, la Cour Constitutionnelle allemande siégeant à Karlsruhe, a transformé le débat en véritable crise politique de l’Union Européenne.

    La bombe du 5 mai à Karlsruhe

    Épousant sur le fond les thèses confédéralistes, se référant à la lettre des Traités, l’arrêt de la Cour allemande a enjoint le gouvernement de contrôler la BCE qui rachète par la politique d’assouplissement quantitatif des milliards de dette publique des États sans respecter les règles de proportionnalité des crédits ainsi consentis au PIB des États membres (donc favorisant des transferts vers les pays bénéficiaires et une mutualisation de fait des dettes). Au passage, elle accuse la BCE par ses taux d’intérêt négatif de pénaliser l’épargne des citoyens allemands. Elle demande aussi que la Commission n’outrepasse pas ces mêmes limites. Enfin et c’est sans doute le plus grave, elle remet en question la prééminence du droit communautaire y compris en matière constitutionnelle (arrêt Costa,1965) et donc celle de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui siège à Luxembourg.

    Ce faisant, elle se déjuge elle-même car sur la question de l’aide à la Grèce et de la politique de la BCE, elle s’était dessaisie d’une plainte introduite par des contribuables allemands et avait renvoyé à cette Cour de Luxembourg puis à l’arrêt de cette même Cour qui avait avalisée la politique de la BCE (pour la petite histoire, la Cour et Luxembourg étaient présidés alors par un juge grec). Cette attaque inouïe a affolé les esprits qui y ont vu un signe avant coureur de l’implosion de l’Union sous l’effet de la crise du Covid-19.

    Les réactions européennes ont été d’autant plus vives que la position de la Cour de Karlsruhe apportait de l’eau au moulin du Club des Radins. La Commission Européenne dirigée par Ursula van der Leyen, une citoyenne allemande, n’a pas hésité à évoquer la menace d’une procédure en infraction contre l’Allemagne face à la remise en cause de la justice européenne. La Cour de Justice de Luxembourg, dans un communiqué glacial, a expliqué qu’elle n’avait pas à commenter le fond d’un arrêt d’une chambre inférieure dans la hiérarchie des juridictions, et elle s’est bornée à relever sur la forme que la démarche de ladite Cour violait les traités et mettait en péril l’ensemble de l’édifice institutionnel de l’Union.

    La déroute prévisible des confédéralistes

    La chancelière allemande devant la Chambre de Députés s’est contentée de dire : « Cela va nous inciter à faire davantage en matière de politique économique, afin de faire progresser l’intégration », mais en annonçant que l’Allemagne était prête à mettre 1 000 milliards d’euros sur la table, une somme qui dépasse le PIB annuel de 23 des 27 membres, elle a clairement indiqué que la politique économique, donc la politique budgétaire, allait être intégrée davantage, ce qui veut dire qu’en contrepartie de davantage de solidarité, il y aura davantage de fédéralisme. Donc un budget fédéral plus important et la possibilité pour Bruxelles d’emprunter directement sur le marché des capitaux.

    En fait, la charge désespérée des confédéralistes devant le risque de plus en plus patent de défaite en rase campagne qui les attend, va aboutir à l’effet inverse de ce qu’ils recherchaient : au lieu de re-consolider la souveraineté nationale, leur tentative ne laissera pas d’autre choix à l’Union européenne que de réformer les Traités dans le sens de « cette intégration toujours plus poussée » qui figure dans leur préambule et qui a conduit le Royaume-Uni à reprendre le large. Il faut comprendre la logique de la Cour allemande, héritière d’une tradition juridique dès la fin du XIXe siècle et qui a persisté même sous le régime nazi pour devenir, avec la république Fédérale, une obsession de la défense des individus (face au modèle communiste). La tradition allemande, ce qui va de pair avec une culture du compromis formalisé ex ante, veut que l’on procède selon ce qui est écrit. Elle n’aime pas beaucoup les fonctionnements en dehors des clous. Une dette est une dette, et elle doit être réglée (même si au passage se trouvent oubliées les réparations jamais payées rubis sur l’ongle après les secondes guerres mondiales).

    Au sein de la BCE, les membres de la Bundesbank ont été très réticents aux « mesures non conventionnelles » et à leur souplesse pour sauver l’euro. Régulièrement mis en minorité au sein du Directoire de la BCE, les faucons de la Bundesbank ont dû s’incliner. Lors de la crise grecque, Thilo Sarrazin, membre du Directoire de mai 2009 à septembre 2010, membre du SPD, démissionne en raison du scandale que suscite son best-seller L’Allemagne disparaît, et la même année il écrit un autre pamphlet L’Allemagne n’a pas besoin de l’Euro. Cette option constituera la base de la fondation d’Alternative Für Deutschland, le parti d’extrême droite dont le porte-parole sera pendant deux ans l’économiste libéral Bernd Lucke. La dénomination de ce nouveau parti était une réponse à Angela Merkel qui avait justifié l’aide à la Grèce endossée par la BCE, en disant qu’il n’y avait pas d’alternative à cette solution pour sauver l’Euro.

    Dix ans plus tard, on a l’impression d’une scène qui se rejoue à propos de l’Italie, puis rapidement de l’ensemble des États membres. L’issue sera la même : l’Allemagne ne pourra se dérober. Mais elle obtiendra grâce à ce verdict de sa Cour Constitutionnelle la formalisation dans les Traités de ce qui a été la pratique réelle de l’Union Européenne pour survivre. Le « fédéralisme rampant » comme le définissaient les Anglais, aptes eux à comprendre la jurisprudence qui innerve la constitution matérielle de l’édifice européen, est apparu aux yeux de tous. La constitution formelle de l’Europe va devoir rejoindre sa constitution matérielle. Et celle-ci sera de plus en plus fédérale. C’est de souveraineté européenne dans les domaines sanitaires, industriels, budgétaires qu’il sera question et plus du tout de la souveraineté chères aux néo-nationalistes. L’Europe n’avance que dans les crises. La Covid-19 aura rendu un sacré service à l’Europe. Et ses morts autant que les soignants des vivants auront bien mérité de la bannière étoilée de l’Union.

    [1] « Sans vouloir minimiser l’importance de l’épidémie, il faut pourtant se demander si celle-ci peut justifier des mesures de limitation de la liberté qui n’avaient jamais été prises dans l’histoire de notre pays, pas même durant les deux guerres mondiales. N’ait le doute légitime qu’en répandant la panique et en isolant les gens dans leurs maisons, l’on a voulu se décharger sur la population des gravissimes responsabilités des gouvernements qui avaient d’abord démantelé le service sanitaire nationale et ensuite, en Lombardie commis une série d’erreurs non moins graves dans la façon d’affronter l’épidémie » (Georgio Agamben le 22 avril 2020 dans sa rubrique sur le site de l’éditeur Quodlibet)

    [2] Dans le cadre de ce film, la petite équipe d’étudiants en cinéma, dont Pierre Bonneau à la caméra, Liane Estiez au son, réalise le 10 juin 1968 un plan-séquence de neuf minutes, Wonder, mai 68, qui portera aussi le titre La Reprise du travail aux usines Wonder.

    [3] Voir par exemple le site du BIEN (Basic Income Earth Network)

    [4] « Le manque de solidarité fait courir un danger mortel à l’Union Européenne », estime-t-il dans « Coronavirus : l’Europe en danger de mort, selon Jacques Delors », Huffington Post.

    #austérité #revenu #Europe