Government of Iceland | Iceland and UK to further strengthen relations

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  • Chronique islandaise – Mai 2020, par Michel Sallé)
    Association France-Islande·Dimanche 31 mai 2020·Temps de lecture estimé : 11 minutes - initialement sur Facebook.

    Covid suite et fin ?
    Au vu de la statistique au 30 mai, on aimerait le croire !

    Où l’on peut mesurer le chemin parcouru : 1806 personnes infectées depuis fin février, soit à population égale 2.5 fois plus qu’en France (mais ce constat incite plutôt à revoir les statistiques françaises, dont on sait qu’elles sont approximatives !), 20.400 personnes mises en quarantaine (près de 6% de la population) et, ce qui compte plus que tout, 10 morts, donc, toujours à population égale, 15 fois moins qu’en France. Les quelques commentateurs étrangers qui se sont penchés sur ces résultats commentent surtout le nombre de tests (17% de la population). C’est évidemment un facteur essentiel. Mais j’ai dans un dernier article de mon blog insisté sur la confiance qu’ont su créer les autorités islandaises, tant sanitaires que politiques, précisément en clarifiant leurs responsabilités respectives. Je me permets d’y renvoyer ceux que le sujet intéresse.


    Le 3 mai, dans un discours inhabituellement solennel, Katrín Jakobsdóttir lance le coup d’envoi du retour progressif à la normale. Ce n’est pas gagné mais… “Cet hiver horrible est derrière nous, l’été nous salue, le pluvier est arrivé, et il a fait doux cette semaine. Nous sommes ici ensemble sur notre île, et sentons comme la vie nous est chère, comme il est important de former une communauté dynamique, libre et ouverte. Ce n’est pas évident, mais cette communauté vaut la peine de se battre pour elle. Nous avons déjà fait nos preuves et savons que nous y parviendrons tous ensemble”.

    De fait, on ne relève que six nouvelles infections du 4 mai à ce jour, 30 mai.

    La situation économique

    Le pluvier est arrivé, ainsi que les sternes et les oies, mais il y avait très peu de touristes pour les admirer, et le nombre de ces admirateurs risque d’être très faible cet été. Dans une économie qui, malgré les appels à la prudence, s’est laissé envahir au point que le tourisme a atteint 1/3 des recettes d’exportations (et non du PIB comme je le lis souvent) et a fait en ce sens d’importants investissements publics et privés, les conséquences de Covid sont catastrophiques à court terme, peut-être moins à moyen terme si les entreprises opérant sur cette activité parviennent à franchir le gué, qu’il s’agisse d’Icelandair, des hôtels et autres B&B, des loueurs de voitures, ou encore des agences réceptionnaires, généralement petites, plus vulnérables mais aussi plus souples. Le tourisme est une activité importante pour la plupart des pays de la zone Schengen. Il serait donc étonnant que, sauf retour de Covid, ces pays ne s’attachent pas à lever dès que possible toutes les contraintes et relancer le transport aérien. Ils seront certainement plus frileux pour ce qui concerne les barrières avec les pays hors zone, dont deux au moins, USA et Chine, sont d’importantes sources de touristes pour l’Islande.

    Il n’empêche : Íslandsbanki prévoit une chute du PIB de 9.2% cette année, avant une croissance de 4.7% en 2021 et 4.5% l’année suivante. Le chômage est évidemment à l’avenant : 9.6 % en moyenne en 2020, avec une pointe au-delà de 15%., puis 5.8% en 2021 et 3.8% en 2022. Quant aux exportations, elles devraient baisser de 22.8% cette année, et les importations de 14.9%. Toutefois Íslandsbanki considère que la Banque Centrale a les ressources nécessaires pour faire face à cette diminution des recettes.

    L’une des situations les plus critiques est celle d’Icelandair souvent évoqué ici. Le 2 mai la compagnie annonce le licenciement de 2000 salariés dont 900 navigants (alors que je prépare l’envoi de cette chronique, je lis qu’Icelandair va programmer 9 vols pas semaine à destination de Copenhague à partir du 15 juin, et se demande si elle pourra réembaucher suffisamment de personnels !!!). Mais on sent bien qu’il s’agit d’une partie de bras de fer avec l’État. À la suite d’erreurs stratégiques, la compagnie est confrontée à de grosses difficultés depuis plusieurs mois sur un marché très concurrentiel. Paradoxalement, en réduisant cette concurrence, Covid met Icelandair en situation de force par rapport à l’État : il n’est pas de redressement imaginable de l’économie sans reprise des vols vers l’Islande. Or toutes les compagnies desservant l’Islande sont en difficultés, et notre destination favorite n’est peut-être pas prioritaire pour elles. L’État ne peut donc pas ne pas venir en aide à la compagnie locale. Par ailleurs une augmentation de capital est programmée pour juin. Nous verrons plus loin qu’est engagée une autre partie de bras de fer, avec ses salariés, notamment les navigants.

    Situation sociale


    Chômage annuel moyen

    On sait que depuis la 2ème guerre mondiale la société islandaise a toujours connu le plein emploi, à l’exception de quelques brèves périodes notamment 2009-2011, et fonctionne en conséquence : grande fluidité du marché du travail, alternance aisée entre emplois et études ou périodes sabbatiques, financement des études supérieures par des emplois à temps partiel ou d’été. En conséquence les dispositifs de protection de l’emploi sont limités : extrême facilité pour un employeur de procéder à des licenciements collectifs, même dans le secteur public, et, jusqu’à une époque récente, indemnisation légère (j’ai développé ces points dans mon blog ; je me permets de vous y renvoyer pour ne pas être trop fastidieux à l’égard des lecteurs de mes deux productions…). Il est donc usuel de licencier une large partie du personnel en cas de difficultés pour le réembaucher quelques semaines ou mois plus tard. Face au covid l’indemnisation a été améliorée et complétée par un système s’apparentant au chômage partiel, mais dont les bénéficiaires apparaissent dans les statistiques de chômage. Bien évidemment ce chômage affecte avant tout les activités liées au tourisme, donc beaucoup d’emplois tenus par des étrangers, dans de petites structures, très vulnérables. Déjà beaucoup de Polonais se préparent au retour dans leur pays.

    Un des facteurs essentiels de la sortie de crise de 2008, rarement cité pourtant, avait été l’Accord de Stabilité signé le 25 juin 2009 (voir chronique de juin 2009) par les confédérations de salariés et d’employeurs, tel que l’île n’a connu aucun jour de grève en trois ans malgré une perte moyenne de 30% de pouvoir d’achat. Un tel accord est-il possible aujourd’hui ?


    Sólveig Anna

    Le besoin de sérénité sociale est tout aussi crucial, mais les circonstances et les acteurs sont bien différents. Tout d’abord un accord essentiel a été signé en avril 2019 (voir chronique de d’avril 2019) pour le secteur privé après de très longues négociations et des débuts de grève. Il prévoit des augmentations de salaires étalées sur trois ans. De plus les dirigeants des syndicats de salariés ne sont plus les mêmes et ne défendent pas les mêmes intérêts. Sólveig Anna Jónsdóttir, présidente de Efling (personnels de l’hôtellerie et la restauration) et Ragnar Þór Ingólfsson, président de VR (employés du commerce) sont devenus les principaux animateurs du syndicalisme salariés alors que l’ASÍ, qui con-fédérait l’ensemble, semble en avoir perdu le contrôle. Dans le secteur public, Efling, engagée dans une difficile négociation avec les collectivités territoriales, n’hésite pas à lancer un mouvement de grève des personnels de service dans les écoles maternelles et primaires (dont je rappelle qu’elles restent ouvertes) alors que l’épidémie bat son plein, et finit par signer un accord approuvé par 117 des 118 votants.

    Et Icelandair ? En réponse à une lettre de Bogi Nils Bogason, son PDG, à tous les salariés du Groupe, les navigants techniques, bien que licenciés, acceptent de revoir leur situation, tant en ce qui concerne les salaires que le temps de travail et les congés. Par contre la négociation semble plus difficile avec les navigants commerciaux.

    Actualité politique

    Pour une fois c’est au politique que nous devons un peu de fraicheur. Le rapport des deux jours de réunion du Barnaþing (Parlement des enfants, composé de 160 enfants de 11 à 15 ans choisis par tirage au sort), en novembre, a été remis au gouvernement le 8 mai et publié (Voir https://grapevine.is/news/2020/05/08/icelands-first-childrens-assembly-presents-proposals-to-parliament). La palette des demandes est large, allant de plus de souplesse dans le temps scolaire à la parité femmes-hommes, la situation des immigrés et la paix dans le monde. Réuni pour la première fois fin novembre 2019, à l’initiative de Salvör Nordal, Médiateure des Enfants, ancienne présidente de la Commission Constitutionnelle, ce parlement doit siéger tous les deux ans.

    Relations extérieures

    Ces enfants soucieux de paix ont-ils fait le rapprochement ? 80 ans auparavant, le 10 mai 1940, très tôt le matin, 800 soldats, britanniques arrivés sur deux bateaux, envahissent l’Islande, pas très en forme, semble-t-il, car la traversée a été rude et la plupart ont eu le mal de mer. Il n’empêche : les Islandais, même s’ils le voulaient, ne sont pas en mesure de résister.

    Le premier acte des occupants est d’arrêter le Chargé d’Affaires allemand. Puis ils rencontrent Hermann Jónasson, Premier Ministre, pour le rassurer : ils sont venus protéger les Islandais afin que ceux-ci ne connaissent pas le sort des Danois, envahis un mois plus tôt par l’armée allemande. Hermann répond fièrement que les Islandais ne craignent pas une invasion allemande. Mais il sait bien que sous couvert d’études géologiques des Allemands sont venus reconnaître le terrain islandais et que la Lufthansa a à plusieurs reprises proposé d’installer une escale sur l’île. La situation n’en reste pas moins désagréable pour un gouvernement qui, constatant l’empêchement danois de remplir ses obligations, a prévu de révoquer l’Acte d’Union avec le Danemark et se proclamer État souverain. Ce qu’il fera dès le 15 mai en nommant un Régent. Très vite le contingent britannique atteint 28.000 hommes (les Islandais sont alors 120.000) ce qui est lourd pour un pays en guerre. En juin 1941 le Royaume Uni passe le relais aux États-Unis alors neutres. Un accord est signé. L’orgueil du nouvel état s’en trouve mieux.

    Si l’occupation est politiquement délicate pour le gouvernement, qui a le bon goût de demander à ses citoyens de traiter les Britanniques en « gestir », elle tombe à point nommé pour ce qui concerne l’économie. Celle-ci est en grosse difficulté depuis la guerre d’Espagne, donc la fermeture de l’un de ses principaux marchés. A peine arrivés, les Britanniques engagent d’importants travaux de génie civil notamment la construction d’un aéroport à Keflavík ; de plus il faut les nourrir ! Cette embellie économique sera encore amplifiée avec l’arrivée des Américains, dont le nombre atteint 60.000.

    80 ans plus tard

    Le 14 mai, Britanniques et Islandais signent un accord cadre de coopération (voir https://www.government.is/news/article/2020/05/14/Iceland-and-UK-to-further-strengthen-relations-) pour les 10 années à venir. Cet accord suit de quelques jours le lancement de négociations entre les pays de l’Espace Économique Européen et la Grande-Bretagne en conséquence du Brexit.

    Solidarité

    Et puisqu’aujourd’hui l’Islande est, malgré les difficultés du moment, une nation prospère, son gouvernement verse la somme de 276 millions d’Ikr (2 millions d’€, voir https://www.government.is/news/article/2020/05/08/276-million-ISK-in-response-to-COVID-19-in-developing-countries) à diverses organisations internationales en charge de la lutte contre Covid.
    Et pendant ce temps la vie continue…

    10/05 : la banquise descend !
    12/05 : ceci n’empêche pas le phoque Kári, arrivé épuisé sur la côte sud, de repartir, une fois requinqué dans le zoo de Reykjavík, vers le Groenland, où il arrivera deux semaines plus tard !

    14/05 : parce qu’il est naturaliste, attentif, et va travailler en vélo, Guðmundur a pu remarquer la présence d’anémones fausses renoncules, jamais encore vues en Islande. Prudence : il s’agit de plantes vénéneuses !,

    21/05 : et ceci, essentiel pour le rédacteur, qui y a pris ses premiers repas islandais : le restaurant Kaffivagninn, ouvert en 1935, va poursuivre son activité… Ouf !