Roland Gori déconstruit le progrès... et la collapsologie

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  • Roland Gori déconstruit le progrès... et la collapsologie
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    Dans son dernier essai, Et si l’effondrement avait déjà eu lieu ? (Les liens qui libèrent, 2020), le psychanalyste Roland Gori développe l’idée que le discours de l’effondrement relève de la croyance et oublie les fondamentaux de l’esprit critique qui ont mené aux progrès sociaux.

    Initiateur en 2018 de L’Appel des appels, lancé pour « résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social », infatigable pourfendeur des normes néolibérales, du new public management et de sa passion pour l’évaluation qui ne mesure jamais l’essentiel, Roland Gori est ce qu’on pourrait appeler un allié authentique du progrès social (au sens de progrès pour toutes et tous, à distinguer du « progressisme » visant à faire avancer des revendications particulières).

    À ce titre, les réserves que le psychanalyste exprime, dans son nouvel essai, contre la collapsologie ne s’inscrivent en rien dans une veine techno-solutionniste à la Laurent Alexandre et consorts, lesquels reçoivent d’ailleurs au passage quelques critiques acerbes de sa part. Non, Roland Gori veut plutôt nous secouer et nous montrer qu’un discours reposant sur de la croyance, de la spiritualité et une absence d’esprit critique n’est pas le chemin à suivre.

    [...] Et c’est là où le sous-titre du livre prend tout son sens : « L’étrange défaite de nos croyances » est un clin d’œil à L’étrange défaite de l’historien Marc Bloch, livre paru en 1940. Officier pendant la seconde guerre mondiale, Bloch ne décolérait pas contre la responsabilité partagée du commandement et du renseignement en amont du conflit, et contre le manque de concertation qui a poussé la France à capituler alors qu’elle pouvait encore combattre les nazis. Le livre ne cède pas à la tentation du point Godwin mais décortique plutôt notre abandon de l’idéal de progrès pour toutes et tous, et le fait que nous acceptons le joug progressiste qui réduit au strict minimum l’État social, comme si l’on attendait la libération de cet asservissement par l’effondrement...

    Roland Gori montre de façon très convaincante que le renoncement à un idéal n’est pas un projet de société et que nous devons retisser les contours d’un progrès social et écologique fort. Plus manuel de lutte contre un quotidien étouffant que manifeste politique, son essai permet de retrouver confiance dans l’existence d’un « après » vraiment différent de l’avant - ce qui n’est pas rien.

    [...] À propos de la propagande progressiste qui invente des découpages historiques artificiels pour raconter un progrès historique linéaire : « On reconnaît dans ce discours cette grande rhétorique de la séparation des temps qui, du même mouvement, invente les deux périodes qu’elle écarte : Moyen Âge et Renaissance » (l’historien Patrick Boucheron). Ou encore, à propos d’un possible effondrement (à l’époque à cause de la répression politique) : « Les questions de ce qui périra ou subsistera dans nos sociétés sont insolubles. Ce que nous savons d’avance, c’est que la vie sera d’autant moins inhumaine que la capacité individuelle de penser et d’agir sera plus grande » (la philosophe Simone Weil).

    #collapsologie