• Dans les collèges parisiens, le rectorat déprogramme un film d’animation sur une réfugiée palestinienne – Libération
    https://www.liberation.fr/culture/cinema/dans-les-colleges-parisiens-le-rectorat-deprogramme-un-film-danimation-su

    Le premier mail du #rectorat est tombé le 12 octobre, à l’attention de l’Association des cinémas indépendants parisiens (CIP), qui coordonne le dispositif « Collège au cinéma ». Au deuxième trimestre de cette année, les classes de sixièmes et de cinquièmes parisiennes n’étudieront finalement pas le film d’animation Wardi, qui a pour héroïne une fillette palestinienne vivant dans un camp de réfugiés à Beyrouth. Une décision du recteur de l’académie de #Paris, inédite en trente ans d’existence des dispositifs d’éducation à l’image (qui touchent 2 millions d’élèves par an), témoignent des professionnels désemparés. Un mail aux #enseignants la justifie par le « contexte d’extrême tension internationale et de ses conséquences potentielles sur notre territoire ». « Plusieurs enseignants ont fait remonter au rectorat des interrogations quant à l’opportunité de diffuser cette année ce film d’animation qui a pour cadre le conflit israélo-palestinien », étaye le courrier, estimant que « les circonstances dramatiques que connaît actuellement le Proche-Orient, la diffusion et l’exploitation pédagogique de Wardi pourrait se révéler très délicate ».

    Co-portée par le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Culture, l’association l’Archipel des lucioles et le CNC, l’opération « Collège au cinéma » vise à faire découvrir aux classes plusieurs films retenus par un comité de sélection national, paritairement composé de représentants de la culture, de professionnels de l’image et de l’enseignement. Dans Wardi, le Norvégien Mats Grorud raconte l’exclusion sociale et politique du peuple palestinien à travers le regard d’une enfant de 11 ans, et retrace l’histoire traumatique de son grand-père, chassé de son village au moment de la #Nakba en 1948. Commandes de dossiers pédagogiques, recherche d’intervenants pour les classes, tout était prêt – figurent également au programme les 400 coups de François Truffaut et Tous en scène de Vincente Minnelli.

    « Donner des clés »

    Le jour où les CIP sont informés de cette déprogrammation, les enseignants venaient de compléter leur formation, suivie d’un temps d’échanges. Contrairement à ce que le rectorat laisse entendre, rien ne permet alors de conclure à un mouvement de panique, affirme Patrick Facchinetti, délégué général de l’Archipel des lucioles : « Si c’étaient les enseignants eux-mêmes qui avaient souhaité déprogrammer le film au regard du contexte actuel ou d’un manque de formation, on n’aurait pas le pouvoir de leur imposer de le projeter. Au contraire, cela aurait été entendable ! » Et d’ajouter : « Cette décision unilatérale nous pose question. L’école doit rester plus que jamais un sanctuaire où construire l’#esprit_critique des #élèves, apprendre à décoder les images et former des citoyens éclairés. On trouve regrettable de mettre de côté ce #film au regard de son sujet, alors que les jeunes sont en permanence inondés par les images et qu’il est nécessaire de leur donner des clés. »

    Si une marge de discussion semblait encore possible au matin du 13 octobre, jour de l’attaque au couteau dans un lycée d’Arras où est tué l’enseignant Dominique Bernard, le ton du rectorat s’est soudain fait sans appel. Invoquée : l’impossibilité d’assurer la sécurité des enseignants, en première ligne quand il s’agit d’aborder des sujets si complexes. Un comité d’urgence convoqué le 24 octobre en présence de la Drac Ile-de-France et de la ville de Paris n’y fait rien. Contacté par Libération, le rectorat de l’académie de Paris parle plus prudemment d’un #report : « Tous les professeurs qui participent à “Collège au cinéma” ne sont pas professeurs d’#histoire #géographie et par conséquent, ne possèdent pas tous les outils pédagogiques pour expliciter la complexité du contexte actuel. En l’état il nous semblait plus opportun de reporter la projection du film Wardi. » Le film est par ailleurs maintenu par les recteurs des quatre autres départements qui l’avaient sélectionné (le Val-de-Marne, la Lozère, le Lot-et-Garonne et la Marne), dissipant les soupçons d’un arbitrage du ministère de l’Intérieur lui-même.

    « Un si beau témoignage »

    « Les œuvres ne sont pas coupables », déclarait justement l’Observatoire de la liberté de création dans son communiqué du 25 octobre, dénonçant « la vague de déprogrammations et de reports d’œuvres d’artistes palestiniennes et palestiniens, ou dont le sujet a un rapport avec la Palestine ». Peu d’annulations sèches ont été comptabilisées jusqu’ici, mais les ajournements d’événements (tels ceux proposés à l’Institut du monde arabe en marge de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde ») en disent long sur un climat inflammable.

    La sortie le 8 novembre du documentaire Yallah Gaza de Roland Nurier, collection de témoignages sur la situation dramatique de l’enclave palestinienne et le quotidien des civils #gazaouis, en offre encore un exemple. La tournée d’avant-premières prévues dans le réseau du GRAC (qui regroupe les salles Art et Essai de proximité en dehors de Paris) a connu trois déprogrammations en Rhône-Alpes, les exploitants se disant contraints de reporter des séances sous la pression des préfectures ou des mairies locales. « Ces gérants de salles ont cédé, explique Roland Nurier, mais dans 90 % des cas le film est maintenu, les exploitants répondent aux collectivités que le film n’est pas du tout un appel à la haine. Dans un petit village du Tarn-et-Garonne, on a quand même mis quatre gendarmes devant le cinéma… En cas de trouble à l’ordre public j’imagine, alors qu’il n’y a jamais eu aucun souci dans les débats que j’ai animés. »

    Sans nouvelles des protagonistes de son documentaire, à l’exception de son chef opérateur gazaoui Iyad Alasttal, le cinéaste ajoute, ému : « Je ne comprends pas les motivations de déprogrammer un film comme le mien ou comme Wardi, un si beau témoignage de transmission. C’en est presque ridicule. Je ne fais que constater dans mes déplacements une forte empathie du public, une demande de compréhension et de contextualisation de la situation. » La projection de Yallah Gaza prévue à l’Assemblée nationale le 9 novembre est encore à l’ordre du jour, malgré l’interdiction de la venue de la militante Mariam Abudaqa, membre du Front populaire de libération de la Palestine (classée comme organisation terroriste par l’Union européenne) et frappée d’un arrêté d’expulsion.

    « Wardi » : une jeune réfugiée palestinienne sur les traces de son passé
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/13/wardi-une-jeune-refugiee-palestinienne-sur-les-traces-de-son-passe_6042769_3
    Sortie du film "Yallah Gaza" de Roland Nurier
    https://www.france-palestine.org/Sortie-du-film-Yallah-Gaza-de-Roland-Nurier

    #déprogrammation #Palestine #Palestiniens #Proche-Orient

  • George #Orwell et son roman dystopique « #1984 » entrent dans « La Pléiade »
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/26/george-orwell-et-son-roman-dystopique-1984-entrent-dans-la-pleiade_6044344_3

    Cette édition sera dirigée par le grand spécialiste et traducteur de #littérature en #langue anglaise Philippe Jaworski, déjà à l’œuvre pour les éditions de Philip Roth, Herman Melville, Francis Scott Fitzgerald et Jack London publiées dans « La Pléiade ».

    Professeur de littérature américaine à l’université Paris-Diderot, il a lui-même retraduit le livre-phare de George Orwell, 1984. Cette nouvelle version d’un roman devenu monument de la littérature mondiale sera à n’en pas douter scrutée avec attention.

    [...] publié en français en 1950, ce roman d’Orwell, nom de plume d’Eric Arthur Blair, avait déjà bénéficié d’une nouvelle #traduction en français en 2018 due à la traductrice Josée Kamoun.

  • https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/19/fete-de-la-musique-franck-riester-devoile-les-regles-qui-encadreront-la-soir

    Et donc on pourra aller échanger ses microbes dans les bars, mais pas jouer dehors dans des conditions ou généralement quelques personnes s’arrêtent pour écouter, et où de toutes façons il y a généralement de la place pour s’espacer (en tout cas dans le cas de ma petite ville ça fonctionne). Bande de nases...

    #défaite_de_la_musique #musique #contrôle_social et #peigne_cul pour faire bonne mesure.

  • Regarder Paname avec les yeux d’un bouquiniste
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/17/regarder-paname-avec-les-yeux-d-un-bouquiniste_6043220_3246.html

    Naaan, Thaï-Luc, j’y crois pas... moi qui suis un fan absolu de la Souris première version. J’ai tous les vinyls... et je pourrais les faire dédicacer. Ouah ;-)
    « On fera n’importe quoi, on fera comme les copains
    On fera n’importe quoi par solidarité ».

    Sous les platanes balayés par le vent qui remonte la Seine, Tai-Luc Nguyen Tan surveille d’un œil placide ses huit mètres linéaires de livres d’occasion. Une vieille édition d’Au pays des brigands gentilshommes, d’Alexandra David-Néel (Plon, 1933), côtoie Les Prévisions de Lénine sur les tempêtes révolutionnaires en Orient (Editions en langues étrangères, 1970, Pékin), Le Chamanisme des Kalash du Pakistan (Presses universitaires de Lyon, 1990) voisine avec une somme sur l’Internationale situationniste.

    L’étalage réglementaire de tout bouquiniste parisien : quatre boîtes en bois de deux mètres, vert bouteille, et aucun trou de fixation dans les lourds parapets de pierre de taille pour fixer ces bazars vétustes uniquement retenus par le poids des livres. Maintenues fermées pendant plusieurs mois en raison de la crise sanitaire, les boîtes, qui avaient déjà subi le contrecoup des manifestations des « gilets jaunes » et les grèves des transports, commencent à rouvrir.

    #Musique #Thaï-Luc #La_souris_déglinglée

    • Un jeune homme cherche Cantilènes en gelée (1950), de Boris Vian – « La version longue. » Chou blanc. Sourires. Antoine Assaf, écrivain libanais, tee-shirt rose et panama blanc, passe en voisin depuis Saint-Germain-des-Prés, de l’autre côté du fleuve. Il a dégoté une Histoire de France du duc de Castries pour sa mère : « Pas pour le sujet, pour l’écriture… Ils avaient du style, ces ducs. » Il désigne le bouquiniste : « Lui, faut voir, c’est un aventurier, il fait voyager ! » Surgi de nulle part, un biffin aux allures de conspirateur propose quelques ouvrages. Le bouquiniste inspecte : « Rien pour moi, là-dedans », répond-il poliment.

      Quai de Gesvres, à Paris, face au n° 2. Tai-Luc a le sourire discret. Il a tendu un tabouret. On s’est assis. Et, ensemble, on regarde la vie s’égrener dans le va-et-vient des quidams en goguette et des pétarades de bagnoles. Si on était à la Bibliothèque nationale, on irait rechercher dans l’incunable Guide des sergens de ville et autres préposés de l’administration de la police (1831, p. 216) cet amusant constat : « Ce quai, par sa situation, près des quartiers populeux, et son exposition au soleil du midi, est le rendez-vous des oisifs. »

      Un gosse des banlieues

      Voilà trois ans que Tai-Luc a posé ses guêtres ici. Avant, il était rockeur, leader d’un groupe rock punk parisien mythique, La Souris déglinguée alias LSD. « Combien y a-t-il de samedis soir/Pour tous les gens comme toi et moi ?/ Combien y a-t-il de faux espoirs/Au fond du cœur de la jeunesse ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour la main-d’œuvre bon marché ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour les rockeurs manutentionnaires ? », chantait Tai-Luc en 1981. Aujourd’hui, à bientôt 62 ans, il tient salon sur un morceau de trottoir.

      « Depuis l’adolescence, je passe mon temps à chiner, confie-t-il. Les puces de Montreuil ou de Saint-Ouen, pour moi, c’est les Galeries Lafayette. Cette tendance à ramasser, ça doit venir de ma grand-mère, elle était pucière dans les années 1950… Moi, je ne suis jamais que ça, un biffin de luxe. » Côté maternel, on est Breton et ch’ti de la baie de Somme. Un jour, sa mère, sténodactylo, tombe amoureuse d’un titi parisien, débarqué autrefois de Cochinchine (dans le sud de l’actuel Vietnam), qui tient une salle de sport dans le Quartier latin. L’homme est beau gosse, il a même joué les vedettes de cinéma dans un film vietnamien tourné en Camargue que le fiston découvrira soixante ans plus tard : Vi dau nen noi, de Pham Van Nhan (1954, titre français : La Justice des hommes).

      Fils unique et tardif, Tai-Luc, lui, est un gosse des banlieues : Montmagny (« 95360 »), Nogent, Saint-Ouen, Vélizy… Il gravite autour de la capitale. « Suivant mes interlocuteurs, quand je veux rassurer, je parle du lycée Hoche à Versailles où j’ai passé mon bac, ou de Sarcelles dont je connais tous les codes », explique-t-il en ajustant sur son crâne tondu ( « plus façon moine que skinhead ») son krama, le foulard cambodgien.

      Il a 14 ans lorsque ses parents se séparent. Un jour qu’il rend visite à son père, celui-ci l’emmène voir un copain qui travaille dans une boutique de disques de la rue des Lombards, l’Open Market. Le gamin vient d’entrer dans un lieu mythique dont le patron, Marc Zermati, va écrire une partie de l’histoire du mouvement punk. Le gosse repart avec un double disque d’Eddie Cochran offert par son père et un 45-tours des Flamin’ Groovies, aujourd’hui collector, qu’on lui a glissé dans la pochette.

      La suite est l’histoire mille fois répétée du rock’n’roll. La première guitare, les tremplins au Golf Drouot, les concerts bastons, les copains morts au champ d’honneur, dix-huit albums au compteur, mais aussi les livres, les voyages à Pékin avec sa « fiancée » qu’il a rencontrée en apprenant le chinois à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), une fille de 23 ans aujourd’hui… Et puis, il y a trois ans, le premier dossier jamais déposé dans sa vie, et qui reçoit une réponse positive : le voilà bouquiniste.

      L’Asie et des habitués

      Un homme s’est arrêté devant le stand. Il fouille. Et repart avec La Lettre perdue (1991), un roman chinois de Feng Jicai. Un autre achète Le Soleil de la mort (1966), du romancier crétois Pandelis Prevelakis. « Quand j’étais petit, je venais ici chercher des Bob Morane », sourit le vieil homme en s’éloignant. On fait remarquer à Tai-Luc que, hormis la jeune fille qui a acheté un Pearl Buck en poche, c’est d’abord un public d’hommes. Il sourit. « Tu aurais dû venir hier : un défilé d’étudiantes… J’ai un copain, un Birman, en mal d’amour, qui vient s’asseoir là où tu es, uniquement pour ça… Il a son carnet plein de 06. »

      Lui qui a étudié le viet, le chinois, le lao, le thaï, à l’Inalco, où il continue de donner des cours de linguistique comparée et d’« écriture des pagodes » (un alphabet à part), possède une boîte entière consacrée à l’Asie : essais, romans, guides, dictionnaires (tibétain-chinois et chinois-tibétain). On y trouve même un Petit Livre rouge de 1967 préfacé par Lin Piao, dirigeant chinois qui compila les citations de Mao pour les distribuer dans tout le pays, et qui sera ensuite accusé de complot et éliminé en 1971. « Malheureusement, il est en français, en chinois, cela vaudrait beaucoup plus cher », regrette notre homme en bon bouquiniste. « Mes meilleurs clients, ce sont eux, les Chinois. Ils viennent pour Notre-Dame et ils achètent des reliques du passé. Et puis il y a les Sud-Américains – Chiliens, Colombiens… –, eux aussi dépensent beaucoup. C’est là que tu vois que le tiers-monde, à présent, c’est ici. »

      Il a ses habitués. Une Vietnamienne qui achète pour son père des revues d’avant 1975, un libraire français de Hongkong… Mais, dit-il, « ce qui est amusant, c’est de mettre en valeur des livres dont tu maîtrises le contenu. Si tu sais ce que tu vends, tu peux lui donner le prix que tu veux. » Ainsi de cet essai de Serge Thion, coécrit avec Ben Kiernan, Khmers rouges ! Matériaux pour l’histoire du communisme au Cambodge, publié aux éditions Jean-Edern Hallier en 1981. Un an auparavant, le sociologue anticolonialiste s’était lourdement abîmé dans le négationnisme aux côtés de Robert Faurisson et avait été viré du CNRS. Prix : 60 euros. « A ce tarif, il faut la technique. Si tu vas chez Boulinier ou Gibert qui rachètent les livres d’occasion, ils t’en donneront 20 centimes. »

      « Une dimension patrimoniale »

      Collectionneur ( « forcément »), il raconte avec fierté sa première prise de guerre, il y a trente-cinq ans, dans un vide-greniers à Aubervilliers. Un livre sur le colonialisme signé NGuyen Ai Quoc acheté pour 1 franc. Car encore fallait-il savoir que ce nom inconnu était l’un des pseudos d’Hô Chi Minh…

      Un homme claudiquant avec de grands cabas sales s’est arrêté devant la collection des Que sais-je ? Il s’intéresse à celui sur Le Calcul vectoriel. On s’étonne. « Oh tu sais, même les clodos lisent et ils achètent », témoigne l’ancien rockeur qui en a vu d’autres question grandeur et misère. De ses années Souris déglinguée, il dit modestement : « On a eu des instantanés professionnels. » De son travail de bouquiniste, il constate : « La Mairie de Paris a besoin de figurants qui donnent une image de Paris telle qu’elle était avant. »
      « Bien sûr, cela a une dimension patrimoniale, comme la tour Eiffel », clame Olivia Polski, l’adjointe d’Anne Hidalgo pour le commerce, qui, à la tête du comité de sélection, octroie les places. « C’est la plus grande librairie à ciel ouvert du monde entier : trois kilomètres ! » Ni taxe ni loyer, mais l’obligation de pratiquer principalement la vente de livres anciens et de gravures (une seule boîte est autorisée pour d’autres produits) et d’ouvrir au moins quatre jours sur sept ( « On passe régulièrement pour vérifier, même si on est plus tolérant en hiver », précise-t-on à la mairie).

      Le métier est rude. Beaucoup de reconversions : des profs, des anciens de la pub, un ex-transformiste de chez Michou, un contrebassiste, quelques libraires… 227 personnalités hautes en couleur, et parfois aussi quelques « ouvre-boîtes », comme on appelle ici les salariés ou bénévoles qui leur filent un coup de main.

      Le vent est tombé. Les pollens des grands arbres recouvrent en partie les livres en vrac. C’est l’heure des passants du soir. Pantalon de velours côtelé jaune, gants de cuir assortis, lunettes d’écaille sur son masque, Pierre Bravo Gala, qui tient le rayon livres d’occasion à la librairie Le Genre urbain, rue de Belleville, fouille de manière compulsive dans le fourbi. Cet ancien de la Gauche prolétarienne repartira avec un Lacan pour sa fille, un roman de Willa Marsh pour lui-même, et quelques rares exemplaires de la revue Utopie créée en 1967 autour de Jean Baudrillard et l’idée d’une « sociologie de l’urbain », qu’il espère revendre, dûment complétés.

      Nous, on reste là, pensifs, à regarder le soleil plonger derrière l’île de la Cité en ruminant la phrase de Mao découverte dans le Petit Livre rouge : « En général est juste ce qui réussit, est faux ce qui échoue… » Certes.

      Laurent Carpentier

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      Un appel à soutenir ces « braves marchands d’esprit »

      La crise sanitaire liée au Covid-19 a été un troisième coup dur pour les bouquinistes de Paris, après les manifestations des « gilets jaunes » et les grèves des transports, qui les ont privés de touristes et de promeneurs. Pour soutenir ces librairies à ciel ouvert, deux étudiants ont lancé sur Change.org une pétition, « Sauvez les bouquinistes, un enjeu de civilisation ! », avec le soutien de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris. Dans ce texte enflammé, les deux jeunes gens, dénonçant « une société ne jurant que par la viralité du numérique, qui, par son attrait maladif pour la nouveauté, en devient amnésique et néglige son passé », appellent chacun à retrouver le chemin des quais de Seine et à s’arrêter chez ces « braves marchands d’esprit », selon les mots d’Anatole France.

      Les bouquinistes de Paris se verraient bien au patrimoine culturel de l’Unesco (2018)
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/04/20/les-bouquinistes-de-paris-se-verraient-bien-au-patrimoine-culturel-de-l-unes

      Puisque l’ordure négationniste Serge Thion est incidemment cité, ajoutons aux motifs de fâcherie ce qui suit...

      "Le 31 juillet [2016], dans le cadre d’une tournée, La Souris Déglinguée a joué aux Arènes de Fréjus. Le groupe est resté très secret sur l’identité de sa première partie annoncée comme « une grosse surprise ». Au final, c’est le très connu groupe de rock identitaire français In Memoriam qui est apparu sur scène. De plus, le choix de se produire à Fréjus n’est pas anodin, la ville étant passée FN lors des dernières élections municipales."
      https://seenthis.net/messages/533737

      in memoriam

      Rockers - La souris déglinguée
      « Combien y a-t-il de samedis soir/Pour tous les gens comme toi et moi ?/ Combien y a-t-il de faux espoirs/Au fond du cœur de la jeunesse ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour la main-d’œuvre bon marché ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour les rockeurs manutentionnaires ? »
      https://www.youtube.com/watch?v=ajl3oDpFaX8

      Une cause à rallier - La souris déglinguée
      « On fera n’importe quoi, on fera comme les copains
      On fera n’importe quoi par solidarité »

      https://www.youtube.com/watch?v=Q9OVX0QAbsQ

      Zut ! Je ne trouve pas en ligne une version originale de Pour tous ceux de la banlieue rouge

      Banlieue rouge, oh banlieue rouge,
      Toi qui viens d’la banlieue rouge
      Par la Chapelle, Gare du Nord
      Qu’est-ce que tu vas faire ce soir ?

      “A vrai dire
      J’en sais rien,
      J’vais voir,
      J’m’en fous“

      lls ne veulent pas de toi
      Dans leurs surprises-parties
      Car ton père est communiste
      Et ton frère est garagiste.

      Comme t’aimes pas être tout seul,
      T’as appelé tous tes copains,
      Tous ceux de la banlieue
      Pour une vraie surprise-partie.

      Sarcelles ! Villetaneuse ! Villejuif ! Planète Marx !

      Banlieue rouge, oh banlieue rouge,
      Toi qui viens d’la banlieue rouge,
      T’as raison faut pas t’gêner,
      Sam’di soir faut t’la donner.

      [épiloque terrible "dans l’ordre alphabétique"] :
      La fin des années 70 - La souris déglinguée ()
      https://www.youtube.com/watch?v=BnT4F4Kh1OY

      #La_Souris_Déglinguée #LSD

    • Je ne sais pas pour Thaï-Luc en 2016 (qu’en 2020 il cite Serge Thion, l’air de rien, est plus que déplaisant). Je ne ne sais pas où s’arrêterait une première période. Mon impression est qu’il y a toujours eu chez LSD beaucoup d’ambiguïté, qui me paraissait attestée par leur tolérance pour toute une frange de leur public. Être « inconditionnel » était impossible, à regret. Je me suis tenu à une distance prudente. Suivre les concerts aurait impliqué de s’engager avec d’autres dans une « chasse aux fafs » résolue alors que je me souciais plutôt, grosso modo, de couper l’herbe sous le pied de cette « roue de secours du capital » par le biais d’autres investissements militants (loin des Halles), d’autres rapports à d’autres territoires.

  • La Rumeur : « L’affaire George Floyd est un miroir tendu par les Etats-Unis » , Stéphanie Binet
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/05/la-rumeur-l-affaire-george-floyd-est-un-miroir-tendu-par-les-etats-unis_6041

    Le groupe de rap La Rumeur, qui a gagné un procès contre le ministère de l’intérieur en 2010 sur les violences policières, réalise un documentaire sur Adama Traoré.

    Parmi les plus de 20 000 personnes présentes lors de la manifestation du 2 juin devant le Tribunal de grande instance de Paris à l’appel du comité Vérité et justice pour Adama Traoré, il y avait le groupe de rap La Rumeur. Hamé Bourokba, un de ses deux leaders, y filmait des images pour le documentaire Pour Adama , qu’il compte diffuser en 2021 et qui retrace le combat de la famille Traoré pour déterminer les responsabilités dans la mort d’Adama en juillet 2016.

    Rappeurs engagés dans les années 1990 et 2000, aujourd’hui cinéastes, Hamé Bourokba et Ekoué Labitey n’ont cessé, dans leurs textes et leurs films, de dénoncer les violences policières. A la suite de la publication en 2002 d’un article titré « Insécurité sous la plume d’un barbare » dans le fanzine qui accompagnait leur premier album, L’Ombre sur la mesure , et évoquait les « centaines de [leurs] frères abattus par les forces de police, sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété » , le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, leur avait intenté un procès pour « atteinte à l’honneur et à la considération de la police nationale » . Après huit ans de procédure, la justice leur donnait raison en cassation en 2010. Dix ans plus tard, Hamé et Ekoué analysent la situation actuelle.

    Comment expliquer cette mobilisation en France ? Les pancartes dans les manifestations à Paris, Toulouse et Montpellier indiquent : « Black lives matter, ici aussi, en France ».

    H. B. : L’affaire George Floyd est un miroir tendu par les Etats-Unis et les gens, ici, s’y voient. Ils y reconnaissent des aspects de leur réalité qui se produisent aussi en France. Il y a eu quelque chose aussi d’assez troublant : dans les jours qui ont suivi la mort de Floyd, la première expertise a tout de suite cherché à exonérer les policiers en dépit de l’évidence et des images vues par tous. Ceux qui s’intéressent de près à l’affaire Adama Traoré ont assisté à la même volonté d’enterrer une affaire en exonérant les forces de l’ordre de leur responsabilité et en produisant des expertises douteuses. Ça n’arrive pas dans n’importe quel contexte non plus.

    Pourquoi maintenant, justement ?

    H. B. : Nous avons tous été mis entre parenthèses pendant deux mois et, à peine déconfinés, nous sommes face à une crise. La crise politique est consommée avec la défiance vis-à-vis du gouvernement actuel, la façon dont il a géré les débuts de la crise sanitaire, son incapacité à mettre la population en sécurité en livrant ne serait-ce que du gel et des masques, l’imbroglio de la communication, sa volonté de maintenir mordicus les élections municipales pour décréter deux jours plus tard le début du confinement… On est dans une crise de confiance politique, et nous basculons dans une crise économique et financière d’une ampleur inédite. Il y a un contexte général où on a l’impression d’être tous à poil. Il y a de quoi provoquer l’inquiétude et la colère. Avant de décréter le confinement, le gouvernement était occupé à parachever le démantèlement du système des retraites par répartition. C’est comme si, au cours de ces semaines, tout s’était vu : le visage hideux et peu reluisant de l’avenir qui nous attend. Ce rassemblement a eu une espèce de vertu cathartique, comme s’il sonnait un déconfinement populaire et militant. Ce n’est pas un hasard si c’est la question des violences policières qui cristallise cette colère, car elles sont un condensé assez flagrant de la violence sociale et politique.

    Depuis combien de temps préparez-vous ce documentaire sur l’affaire Adama Traoré ?

    H. B. : Depuis trois ans. C’est un projet au long cours, il s’agit à la fois de documenter un combat, d’entrer dans le détail de l’affaire et faire aussi le portrait d’une famille. Avant mon arrivée à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), le comité Vérité et justice pour Adama filmait déjà beaucoup sa lutte, postait ses vidéos, des lives sur sa page Facebook. L’idée était de rassembler cette mémoire du combat en train de se faire, de l’organiser en un film et d’y ajouter mon regard. Ce film est le nôtre et le leur.

    En quoi cela résonne-t-il avec l’histoire de La Rumeur ?

    E. L. : En vingt ans, il suffit de se plonger dans nos archives pour se rendre compte que nous étions à l’avant-garde de ces questions. Nous avons été en procès pendant huit ans avec l’Etat. Nous prenons le parti des gens qui n’intéressent personne, dont les vies sont tout sauf spectaculaires mais qui sont finalement les forces vives de ce pays et qui, dans une crise sociale et économique, subissent le système silencieusement mais avec la plus grande violence.

    Que vous inspire aujourd’hui la présence, dans les manifestations, de célébrités comme Omar Sy, Camélia Jordana ou Sara Forestier ?

    H. B. : C’est très bien qu’un maximum de monde s’empare de cette question-là. Elle ne nous appartient pas. Ce dont je me félicite, c’est qu’elle se pose aujourd’hui dans des termes qui étaient peu consensuels il y a quinze ou vingt ans. Le ministère de l’intérieur nous a attaqués en justice pour un article qui ne dévoilait pourtant aucun scoop. Nous pointions des brutalités qui avaient conduit à des morts et qui étaient jusque-là impunies. La réaction du pouvoir policier à cette époque étant disproportionnée, c’est dire la panique qui a pu les gagner devant l’ampleur du rassemblement du mardi 2 juin. Pourtant le mot d’ordre du comité Vérité et justice pour Adama est que la justice s’applique avec la même rigueur quels que soient la victime et le coupable présumés. Il ne demande pas la lune, juste l’égalité de traitement.

    Quand le ministère de l’intérieur vous intente un procès pour diffamation en 2002, comment l’interprétez-vous ?

    H. B. : Ils nous ont fait un grand honneur en nous permettant d’exposer nos arguments devant cinq cours différentes. Attaquer un groupe de rap, il y a quinze ans… Il y avait déjà quelque chose de bête et méchant dans la censure. Nous refuser le droit de légitimement poser des mots sur la réalité des violences policières qui touche de plein fouet les cités et les quartiers depuis des décennies ne les fait en rien disparaître.

    Depuis que vous avez gagné votre procès, avez-vous vu les choses évoluer ?

    H. B. : Ce qui a changé, c’est que les violences policières frappent désormais des catégories de la population qui jusque-là ne les connaissaient pas. Je pense aux récents mouvements sociaux depuis la loi travail et aux « gilets jaunes », dont certains ont même perdu un œil, une main. Il y a eu des incarcérations, puis une lenteur en revanche à instruire les plaintes de manifestants violentés. Ce qui a changé, c’est que la société française devient plus violente, dans le sens où la proportion de personnes et de familles qui sont sur la paille ou vont s’y retrouver explose.

    Le député La République en marche de Paris, Hugues Renson, affirme que « notre modèle républicain est fort heureusement très éloigné du passé ségrégationniste américain ». Qu’en pensez-vous ?

    E. L. : Qu’il continue de le penser, que voulez-vous que je vous dise ? Force est de reconnaître, par exemple, que la situation des Antilles n’est pas historiquement si éloignée. Il y a évidemment des différences et j’invite ce responsable politique à plus de nuance. Nous, dans nos disques, on dresse des constats et, depuis une vingtaine d’années, les faits nous donnent raison.

    H. B. : Nous ne sommes pas idiots au point de dire que la France, c’est les Etats-Unis. Ce sont deux pays différents avec des histoires différentes, un rapport au rôle de l’Etat différent, etc. Ce qui nous a relativement préservés de la violence très crue du modèle américain, ce sont les quelques protections sociales qui nous restaient.

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