Déconfinement et rebellitude - Mon blog sur l’écologie politique

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  • Interdit d’interdire - Geoffroy de Lagasnerie sur les impensés du confinement — RT en français
    https://francais.rt.com/magazines/interdit-d-interdire/74066-geoffroy-lagasnerie-sur-les-impenses-du-confinement

    Tiens, SeenThis n’est pas parfait !!! Personne n’a encore signalé cette très étonnante émission où Geoffroy de Lagasnerie (quel nom : Je ne connaissais pas, à ma grande honte) développe une pensée percutante, politiquement pertinente, du confinement et de ce qui va avec. Pour moi, c’est ce que j’ai lu/entendu de plus intéressant depuis que tout cela a commencé, on va dire grosso modo un mois... Bon, des fois, il pense un peu trop fort et il faut mettre le replay pour arriver à suivre mais ça en vaut la peine !

    (Au passage, sur RT popoff, et Tadéï qui continue à faire un travail de service public.)

    #covid-19 #geoffroy_de_Lagasnerie #philosophie

    • Ce truc m’a empêché de dormir une partie de la nuit. Beaucoup de choses intéressantes et qui poussent à réfléchir, mais aussi à mon goût pas mal d’éléments très très discutables.

      Le plus important à mon avis, c’est le côté « pas extraordinaire » de Covid-19, qui serait traité de manière « exceptionnelle » par le pouvoir politique comme par la population. Avec comme argument que je vois d’ailleurs énormément circuler ces jours-ci partout : la grippe de 69 et ses 31 000 morts en France qui n’ont intéressé personne d’ailleurs on l’a oubliée.

      Mais 31 000 morts, c’est effectivement pas extraordinaire. C’est beaucoup, mais ça reste dans les proportions de la grippe saisonnière. La grippe chaque année, c’est environ 10 000 morts. Une mauvaise année, c’est 17 000 morts. Alors 30 000, c’est beaucoup, mais ça reste dans des proportions similaires.

      Je ne retrouve pas les estimations qu’on avait des dégâts de Covid-19 début mars si on ne faisait rien, mais je pense que c’était au moins 100 000 à 250 000 morts, l’effondrement total de notre système de santé et, d’après ce qu’on constate maintenant, des centaines de milliers de personnes qui sortent de réanimation dans un état pas du tout enviable… Et comme on le sait aussi désormais : les soignants qui meurent (100 médecins morts en Italie), les enseignants qui crèvent (50 morts dans l’éducation à New York), etc.

      Et avec une telle situation, des risques de panique (phénomènes de « confinement » spontané, lynchages de gens suspectés de transmettre, etc.), et un impact politique, social et économique de toute façon terrible, donc même sans confinement.

      Il évoque aussi pas mal de « progrès » de la lutte contre le Sida. Mais en même temps : l’affaire du sang contaminé, on estime au pire que ce sont 1350 hémophiles contaminés, dont un millier de morts. Et ensuite, c’est un scandale politico-judiciaire qui a duré pendant des décennies.

      Du coup, toutes les considérations sur « épidémie pas extraordinaire traitée sur un mode exceptionnel », et donc les considérations sur les changements de paradigme, culturels, politiques, fascisants, nos sociétés qui ne sauraient plus gérer la mort, ça me semble particulièrement discutable.

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      Dans un thème proche : les gens qu’on sauve quelque part, ce sont des morts provoquées ailleurs. Suggérant lourdement que ces choix se font à somme nulle.

      Ben non. (Après, comme disait l’autre, sur le long terme, on sera tous morts.)

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      Dans le même temps, il dénonce les gens qui plaqueraient leur grilles de lecture sur l’épidémie (ce qu’il trouve absolument écœurant), mais pourquoi ne pas plaquer des grilles de lecture déjà existants si l’épidémie n’est pas à penser comme exceptionnelle ?

      Je pige l’idée que les catastrophes n’ont pas de « message », et qu’il est dangereux d’en chercher systématiquement ; mais la façon qu’ont les systèmes économiques et politiques d’accélérer la répétition de ces catastrophes, de répondre ou d’être détruits par ces catastrophes, ça me semble tout de même pertinent… Il le fait lui-même d’ailleurs de manière tout à fait intéressante (notamment son truc de confinement sur base sociale plutôt que sanitaire).

      Que certaines lectures soient discutables et discutées, que les tendances apocalyptiques puissent être problématiques, je veux bien. Mais l’air de dégoût, bof.

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      Ricanement sur le fait que certains considèrent comme une crise de la modernité, alors que l’épidémie serait venue d’un marché traditionnel d’animaux sauvages. C’est particulièrement léger comme argumentation…

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      Les considérations sur les outils de traçage numérique sont d’une légèreté également coupable, surtout si c’est pour citer Foucault par ailleurs… Affirmer que la surveillance ne serait grave que s’il y a répression, j’ai trouvé ce passage très faible.

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      Pas mal de sous-entendus, plus ou moins explicités, sur le fait que la seule chose qui nous ferait accepter le confinement, ce sont nos tendances fascistes (je simplifie, mais c’est pas loin d’être balancé comme ça texto à un moment), dans un grand mouvement de moraline expiatoire. C’est une grosse réduction des enjeux…

      Il me semble que ce sont des points auxquels par exemple Zizk avait répondu il y a un mois, et que du coup, pour le moins, on ne peut prédendre qu’il s’agit d’« inpensés » :
      https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200318.OBS26237/tribune-surveiller-et-punir-oh-oui-s-il-vous-plait.html

    • Je l’ai conseillé mais en soulignant que tout n’était pas de même niveau et qu’il fallait se méfier de certains points de son discours car j’ai eu les mêmes réticences que toi @arno sur ce que tu soulignes parfaitement. Notamment sur le fait qu’il ne voit pas de problème à l’usage du traçage non répressif (alors que l’on voit sur l’écran son livre sur Snowden et Assange !). Avec ses références à Foucault ou Deleuze qui me fatiguent.

      Il parle de la / pandémie / grippe de HongKong en 1968 qui a fait un million de morts sans que ça n’émeuve beaucoup de monde …
      https://www.letemps.ch/suisse/leurope-se-moquait-epidemies

    • Oui, c’est très exactement de genre de considérations dont je parle, et tout ça pue le « grow a pair espèce de snowflake », sous des atours de concepts philosophiques.

      Professeur de philosophie dans un gymnase vaudois et libéral, Enzo Santacroce, lui, voit dans le confinement une ambition quasi prométhéenne : « Ces mesures de prudence résultent d’un orgueil à rester maître, à vouloir éradiquer la mort et la souffrance de la condition humaine, des réalités aujourd’hui intolérables, mais qui l’étaient encore en 1968. » Même si, pour cela, il faut mettre l’économie en veille, comme en manière de pénitence.

      C’est d’autant plus difficile au siècle de « l’euphorie perpétuelle », une thèse de Pascal Bruckner rappelée par le professeur : « Notre époque ne supporte plus ni l’échec, ni l’offense, ni les obstacles. Des Lumières, qui pensaient que le bonheur sur terre était possible, on est passé à l’impératif d’être heureux. Le coronavirus est un coup du sort vécu comme une offense. »

      Et le coup de la grippe de Hong-Kong est devenu la nouvelle tarte à la crème des médias, reprise partout depuis deux jours seulement…
      https://www.20minutes.fr/societe/2755815-20200414-coronavirus-entassait-morts-quand-france-frappee-grippe-h
      https://www.francebleu.fr/infos/societe/video-hiver-1969-la-grippe-de-hong-kong-revenait-par-le-sud-ouest-1586792
      https://blogs.mediapart.fr/nene09/blog/130420/la-grippe-de-hongkong-et-le-corona-virus
      https://www.atlantico.fr/decryptage/3588829/1957-1968--petits-et-utiles-rappels-des-annees-de-pandemie-benoit-rayski-c
      https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-comment-la-france-setait-elle-debrouillee-lors-depidemies-p
      https://www.lci.fr/sante/virus-coronavirus-covid-19-ah1n1-grippe-chinoise-grippe-de-hong-kong-ces-pandemi

      Du coup, quand une posture se croit radicale alors qu’elle va clairement dans le sens de la réouverture de l’économie réclamée par le Medef, pue la moraline inversée (il faut accepter de payer le prix dû à la nature, l’Homme n’est pas éternel…), et se répand comme une traînée de poudre en 48 heures, je ne peux m’empêcher de trouver que ça ressemble très fort à un élément de langage pas du tout spontané.

      On prend ces considérations, et on pourrait tout aussi bien écrire « ah mais les hémophiles nous ont fait chier pendant 20 ans pour à peine 1000 décès avec le sang contaminé, dans le temps au moins on savait crever avec dignité d’une maladie nosocomiale sans faire chier tout le monde ».

    • Sauf que l’échantilon est moyen moyen...

      @gonzo
      je ne vois rien à redire aux statistiques officielles de décès hebdomadaires du Royaume-Uni
      (source : ONS, comme indiqué dans le graphique)

      données, année par année de 2010 à 2020, fichiers Excel annuel (dans un format merdique…) là

      https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/deaths/datasets/weeklyprovisionalfiguresondeathsregisteredinenglandandwales

      dernière semaine, semaine 14, se terminant le 3/04/2020

    • Ouille, ce fil est en train de devenir un câble (essayons de ne pas en péter un !)
      @simplicissimus, comme toujours, merci de ton regard. Je voulais dire que le biais est toujours possible sur deux repères seulement, qu’il faudrait élargir les données, intégrer des zones différemment touchées, etc.
      @arno : « trainée de poudre » ? Dans mon premier post je me montrais moi-même surpris que, un jour et demi après, il n’y ait pas eu d’écho sur SeenThis. Ne pas outrer les choses, ni dans un sens ni dans un autre : ce jeune type (qui parle trop vite) pose des questions qui font réfléchir... Il est bien dans son rôle de « philosophe », c’est déjà pas mal !

    • J’insiste : je trouve son interview vraiment très intéressante, hein, ça pose plein de questions, et c’est bien pour ça que je n’ai pas réussi à dormir, parce que ça tournait là-dedans. Comme le reste de notre petite bande, je te remercie de l’avoir partagée.

      Sur le dernier message, j’étais plutôt parti sur le fait que cette histoire de grippe de Hong-Kong soit en train de tourner à vitesse accélérée depuis 2 ou 3 jours (je l’ai comme par hasard reçue ce matin d’un proche ; ça fait un peu comme l’enthousiasme pour les textes du fan boy de Raoult, quand je recevais le texte par une multitude de canaux différents, y compris des liens personnels). Ce n’est plus l’intervention de Lagasnerie que je souligne là, mais le buzz plus général, dont je trouve qu’il « tombe bien ». Buzz dont le philosophe n’est évidemment pas responsable. Même évidemment, par contre-coup, je pense que ça minore l’aspect impertinent de son propos sur ce point. :-)

    • Je ne retrouve plus le texte de Lagasnerie sur ça. Il y a effectivement des trucs intéressants, par exemple sur le familialisme et les normes, mais globalement c’est très individualiste libéral et ça contribue à la même soupe que les BHL qui sortent un bouquin en ce moment qui conspue la servilité de « les gens ».

      Notre supposée soumission servile pendant le confinement – La Médiatrice
      https://mediateur.radiofrance.fr/message/notre-supposee-soumission-servile-pendant-le-confinement

      Vous avez reçu ce matin Mr BHL qui s’est permis de nous cracher son mépris en fustigeant notre supposée soumission servile pendant le confinement et aujourd’hui encore .... (..)

      (en ce qui me concerne j’ai 64 ans, je suis directrice d’école et j’ai été tout le temps sans masque avec les enfants de médecins et aujourd’hui je me bats pour essayer de trouver des solutions pour accueillir le maximum d’enfants dont les parents sont épuisés ou contraints par leurs employeurs au présentiel , et ce malgré un protocole sanitaire démentiel) Je ne suis pas dans la servilité, je suis dans la résistance active pour que nous puissions continuer à grandir ensemble en humanité.

      Ou encore : http://blog.ecologie-politique.eu/post/Deconfinement-et-rebellitude
      sur la rebellitude des critiques du confinement, qui ne proposent aucune prise en charge autonome et par en-bas de la crise sanitaire, se contentant de critiquer l’action d’un État qu’ils ne feront jamais dépérir.