• Médecins, dentistes, psychiatres, gynécologues… Le refus de soins aux précaires bientôt sanctionné
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    Un décret à paraître organise la procédure de conciliation et d’éventuelles sanctions contre les professionnels de santé qui discrimineraient les patients. Par Isabelle Rey-Lefebvre

    Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux, troisième de la profession avec 8 000 adhérents, ne décolère pas : « Pendant que le “Ségur de la santé”, avec ses douzaines de sous-groupes et ses centaines de réunions, nous mobilise ou plutôt nous épuise, le gouvernement en profite pour faire resurgir des tréfonds de ses placards un projet de décret sur les refus de soins. »

    Le 9 juin, la commission de la réglementation de l’Assurance-maladie examinait en effet le texte d’un décret en application de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi Bachelot ». Elle prévoyait une procédure de plainte et de conciliation à la disposition des patients en cas de refus de soin par un professionnel de santé ou de dépassement exagéré de ses honoraires. Une disposition restée lettre morte faute de décret d’application.

    Le vide sera donc comblé dans quelques jours, avec l’accord du Conseil national de l’ordre des médecins. « Voilà onze ans que nous attendions ce texte qui était un peu tombé dans les oubliettes, se réjouit Féreuze Aziza, chargée de mission Assurance-maladie à France Assos Santé qui fédère les associations de patients. Nous avions remis le sujet sur la table en 2019, lors du débat sur la loi santé présenté par Agnès Buzyn, en vain, mais la ministre nous avait promis de publier ce décret. »

    « Clarification juridique »

    Le texte a le mérite de cerner la notion de « refus de soin illégitime » : « L’orientation répétée et abusive, sans justification médicale, vers un autre professionnel ou établissement de santé, ou la fixation d’un délai de rendez-vous manifestement excessif au regard des délais habituellement pratiqués par le professionnel », mais aussi « les pratiques engendrant des difficultés financières d’accès aux soins, c’est-à-dire ne pas respecter les tarifs opposables, les limitations d’honoraires ou les plafonds tarifaires, ou encore le refus d’appliquer le tiers payant ou d’élaborer un devis. »

    Mme Aziza se félicite « de cette clarification juridique et du fait qu’un usager ou une association pourront, désormais, dans chaque département, saisir une commission de conciliation, ce qui vaut plainte, et se faire assister ou représenter par une association d’usagers ».

    « N’importe qui pourra donc porter plainte, et nous devrons nous déplacer à la convocation de cette séance de conciliation, comme si nous avions le temps, peste M. Vermesch. Il existe déjà les chambres disciplinaires des différents ordres, médecins, dentistes, sages-femmes… D’ailleurs, les médecins soignent tout le monde, les discriminations sont très minoritaires », soutient-il, en dénonçant la sévérité des sanctions envisagées : pénalités financières (jusqu’à deux fois le montant des dépassements facturés), retrait du droit à dépassement d’honoraires, etc.

    Listes blanches de médecins accueillants

    Les discriminations ne sont pas si rares que cela, à en croire les différentes études sur le sujet, notamment auprès des plus de sept millions de patients bénéficiant d’une complémentaire santé solidaire.

    Un testing, réalisé en octobre 2019 par le Défenseur des droits auprès de 1 500 cabinets médicaux l’a révélé. Sur les 4 500 fausses demandes de rendez-vous adressées, dont la moitié au nom de patients classiques, l’autre des bénéficiaires de ces divers régimes, 9 % des chirurgiens-dentistes, 11 % des gynécologues et 15 % des psychiatres libéraux discriminent les patients en refusant de leur donner le rendez-vous qu’ils accordaient, dans le même temps, au patient lambda.

    A Paris, les refus explosent et mettent en cause 38 % des dentistes, 26 % des gynécologues et 31 % des psychiatres testés. Les spécialistes du secteur 2, autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires, sont plus discriminants (+ 6 points) que ceux du secteur 1, qui respectent les tarifs réglementés. Lorsqu’un patient cumule un nom à consonance africaine et un droit à bénéficier d’une couverture maladie universelle (CMU), les refus par les dentistes parisiens grimpent à 45 % et par les gynécologues à 35 %.

    Ces discriminations obligent les associations d’aide aux plus démunis à dresser des listes blanches de médecins accueillants, concentrant cette patientèle sur les mêmes professionnels. En la répartissant mieux, le décret espère corriger cette logique. « Il manque, hélas, dans le projet de décret, un volet sur l’information des patients, regrette Mme Aziza. Nous aurions aimé que le mode d’emploi de la plainte pour refus de soin soit affiché dans les cabinets médicaux et que, à tout le moins, un formulaire de plainte accessible par Internet soit proposé. »

    #refus_de_soin #CMU #AME #santé #santé_publique #accès_aux_soins #secteur_2 #honoraires #médecins

  • Affaire Kerviel : une information judiciaire ouverte pour « concussion » sur le volet fiscal
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/16/affaire-kerviel-une-information-judiciaire-ouverte-pour-concussion-sur-le-vo

    L’association Anticor s’est constituée partie civile. L’octroi contesté du crédit d’impôt de 2,2 milliards d’euros à la Société générale est au cœur de ce pan du dossier.

    C’est un nouvel épisode judiciaire dans l’interminable affaire Kerviel, cette fraude qui a coûté près de 5 milliards d’euros à la Société générale, en 2008. Il concerne le volet fiscal du dossier, soit les 2,2 milliards d’euros de crédit d’impôt controversé, accordés par l’Etat à la grande banque française pour compenser ses lourdes pertes financières d’alors.

    Selon nos informations, l’association de lutte contre la corruption Anticor a décidé de se constituer partie civile dans l’enquête en cours sur ce sujet au parquet de Paris, après un vote de son conseil d’administration, réuni à distance du 25 au 28 mars, pendant le confinement. Cette demande de constitution de partie civile a été enregistrée par le parquet, lundi 18 mai.

    De fait, une information judiciaire visant des faits de « concussion » liés à l’octroi de ce crédit d’impôt, et restée jusqu’ici confidentielle, a été ouverte par le parquet de Paris il y a plusieurs mois. Elle fait suite à une plainte contre X en ce sens, déposée le 6 février 2019, avec constitution de partie civile, par l’ex-porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts Julien Bayou, devenu depuis secrétaire national du parti écologiste.

    Failles dans le système de contrôle
    La concussion est un délit pénal qui consiste, pour une personne dépositaire de l’autorité publique, à percevoir des droits, contributions, impôts ou taxes publics indues, ou – et c’est ce qui est ici recherché – à accorder une exonération ou une franchise de droits, contributions, impôts ou taxes contraire à la loi. La procédure judiciaire, confiée à la juge d’instruction Aude Buresi, doit donc dire si des hauts fonctionnaires ou ministres ont pu enfreindre la loi, en octroyant cet avantage fiscal à la banque ou le maintenant ensuite.

  • Police : la technique dite de « la clé d’étranglement » maintenue provisoirement
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/16/police-la-technique-dite-de-la-cle-d-etranglement-maintenue-provisoirement_6

    En attendant les conclusions d’un groupe de travail sur de nouvelles techniques d’interpellation, la « clé d’étranglement » pourra être utilisée par les policiers jusqu’au 1er septembre.

    Dans une note datée de lundi 15 juin, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, a informé ses équipes que la technique controversée dite de « la clé d’étranglement » — qui permet, par une pression au cou, d’interpeller un individu récalcitrant ou corpulent — pourra continuer d’être utilisée « avec discernement » par les policiers jusqu’au 1er septembre.

    Le directeur général de la police nationale précise ainsi les mesures annoncées par Christophe Castaner, la semaine dernière. Dans une lettre adressée aux syndicats de police, vendredi 12 juin, le ministre de l’intérieur avait confirmé sa volonté de ne plus voir ces techniques utilisées, comme il l’avait exprimé lors d’une conférence de presse quelques jours plus tôt. Pour ce faire, Christophe Castaner s’est basé sur un rapport que lui ont remis, le 8 juin, les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie, et qui préconise que « les techniques dites “d’étranglement” ne soient plus enseignées ni pratiquées ». Le ministre a confirmé la fin « immédiate » de l’enseignement de ce mode d’interpellation dans les écoles de police. En revanche, aucune indication temporelle n’a été donnée quant à l’abandon de ces techniques sur le terrain.

    Christophe Castaner a simplement annoncé la mise en place d’un groupe de travail chargé de définir, d’ici au 1er septembre, « les gestes, les techniques et les moyens qui permettront de s’y substituer efficacement ». A l’avenir, le ministre a fait savoir qu’il serait possible, pour les policiers, de « réaliser une prise arrière sur les parties hautes du corps de façon à amener au sol » un individu, mais « sans chercher à affaiblir la personne concernée par une prise prolongée au niveau du cou ».