• « L’éducation nationale n’était pas du tout prête à ce fait national total qu’a été le confinement »
    https://www.lemonde.fr/education/article/2020/06/16/l-education-nationale-n-etait-pas-du-tout-prete-a-ce-fait-national-total-qu-

    Les données qualitatives qui nous reviennent montrent encore une fois l’importance de la formation entre pairs. Parmi les 50 % d’enseignants qui ont fait du mieux qu’ils pouvaient, beaucoup se sont appuyés sur les compétences et conseils de leurs collègues déjà acculturés, ou sur ceux des référents « numérique » du premier ou du second degré qui existent dans chaque établissement. Encore faut-il que ceux-ci soient bien repérés comme personnes-ressources par les chefs d’établissement et les académies…

    Soyons clairs : l’éducation nationale en tant qu’institution n’était pas du tout préparée à ce fait social total qu’a été le confinement. Le monde numérique glisse depuis quarante ans sur le monde enseignant. Malgré la succession des plans numériques, il s’articule encore mal avec l’univers scolaire.

    Avec le déconfinement, le temps est venu de mettre des mots sur cette expérience inédite. La parole des élèves, qu’on a très peu entendus tant qu’ils étaient enfermés chez eux, se libère. Or ce qu’ils ont vu d’hésitations ou d’insuffisances chez leurs enseignants peut nourrir une mise en cause – voire une mise en accusation – qu’ils verbalisent souvent sans filtre.

    Ce sont des adolescents, ne l’oublions pas. Eux aussi ont entendu dire autour d’eux que « tout se passait au mieux ». Que l’enseignement était assuré « presque comme d’habitude ». Que le CNED [Centre national d’enseignement à distance] – qui était tout sauf un modèle avant la crise – les aiderait à surmonter l’épreuve. Ce discours volontariste, déconnecté de leurs difficultés quotidiennes, a pu être mal vécu.

    Résumer le décrochage des élèves de milieu populaire au manque d’équipement numérique, comme on l’entend parfois, c’est faire fi des autres problématiques – économique, sociale, immigration, etc. – qui touchent ces populations et qui expliquent, en grande partie, leur éloignement de l’institution scolaire. Autrement dit : on pouvait s’attendre à ce qu’ils décrochent.

    Ce que la crise a mis en avant de manière plus surprenante, ce sont les fragilités numériques de tous les autres. L’envahissement du numérique par l’école à la maison et le télétravail a mis en difficulté nombre de familles traditionnelles, recomposées, monoparentales, des personnes modestes comme des « cadres sup » ayant fait de bonnes études. Et je ne parle pas que de ceux qui se sont aperçus que leur maison de campagne ne disposait pas d’assez de réseau… Si on exclut les jeunes adultes sans enfants des grands centres urbains, tous les Français ont été concernés.

    #Education #Confinement