theses.fr – Didier Desor , Contribution à l’étude du comportement social du rat

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  • Le saviez-tu ? → #éthologie de la #hiérarchie (trouvé sur FB)

    (C’est un long le saviez-tu, mais vous allez voir, ça vaut la peine.)
    Une étude a été menée dans les années 1990-2000 au laboratoire de biologie comportementale de la faculté de Nancy par Didier Desor. L’objectif était d’étudier l’aptitude à nager chez les rats. Dider Desor en a réuni six dans une cage dont l’unique issue débouche sur une piscine qu’il faut traverser pour atteindre une mangeoire qui donne des aliments.

    On a rapidement constaté que les six rats n’allaient pas chercher leur nourriture en nageant de concert. Des rôles sont apparus :
    – 2 nageurs exploités
    – 2 non-nageurs exploiteurs
    – 1 nageur autonome
    – 1 non nageur souffre-douleur
    Les deux nageurs exploités vont chercher de la nourriture en nageant sous l’eau. Lorsqu’ils reviennent à la cage, les deux exploiteurs les frappent et leur enfoncent la tête sous l’eau jusqu’à qu’ils lâchent la bouffe. L’autonome est un nageur assez robuste pour ramener sa nourriture et passer les exploiteurs pour se nourrir de son propre travail. Le souffre-douleur est incapable de nager et incapable d’effrayer les exploités, donc il ramasse les miettes tombées lors des combats.

    L’expérience fut reconduite dans une vingtaine de cages. Et à chaque fois, la même structure, le même schéma que dans la première expérience :
    – 2 nageurs exploités
    – 2 non-nageurs exploiteurs
    – 1 nageur autonome
    – 1 non nageur souffre-douleur
    L’expérience aurait pu en rester là, mais les chercheurs poussèrent encore les investigations.

    On plaça six rats exploiteurs ensemble.
    Ils se battirent toute la nuit et au matin il y avait :
    – 2 nageurs exploités
    – 2 non-nageurs exploiteurs
    – 1 nageur autonome
    – 1 non nageur souffre-douleur

    On plaça six rats exploités ensemble. Les combats furent un peu moins violents, mais au matin il y avait :
    – 2 nageurs exploités
    – 2 non-nageurs exploiteurs
    – 1 nageur autonome
    – 1 non nageur souffre-douleur

    On renouvela l’expérience avec six nageurs autonomes et six souffre-douleurs, et à chaque fois, le lendemain, on retrouva la même configuration.

    On poussa l’expérience un peu plus loin, avec deux cents rats. Ce fut la guerre toute la nuit. Trois rats furent retrouvés dépecés par leurs congénères. Les exploiteurs mirent en place une hiérarchie avec des lieutenants chargés de répercuter leur autorité sans même avoir besoin de se donner le mal de terroriser les exploités.
    Les indépendants étaient moins nombreux mais laissés tranquilles pour une raison indéterminée.

    La dernière phase de l’expérience consista à analyser, grâce à une autopsie, les cerveaux de l’ensemble des rats.
    Les plus stressés n’étaient ni les souffre-douleurs, ni les exploités
    ni les indépendants : c’était les exploiteurs. Il faut dire que s’ils perdaient leur statut d’exploiteurs, ils risquaient de devoir aller bosser, on comprend leur stress.

    Il n’y a rien d’impossible à ce que les humains soient tributaires de ce type de phénomènes hiérarchiques. Mais il est assez mal vu d’enfermer des humains dans une cage pour vérifier. Sauf si on le transforme en téléréalité, là, ça passe, mais il faut que l’expérience soit très cadrée et la présence de caméras crée des biais, tout ça est fort compliqué. Néanmoins, si nous autres humains, qui ne sommes après tout que des mammifères comme les autres, sommes sujets aux mêmes types de phénomènes, alors quel que soit le système de gouvernance, on retrouvera toujours plus ou moins les mêmes répartitions de population.

    L’expérience avec les rats montrent tout de même deux « détails » intéressants :
    – plus la population est nombreuse, plus la cruauté envers les souffre-douleurs est grande.
    – l’administration d’anxiolytiques ne modifie pas la hiérarchie quand elle est déjà établie mais crée un plus grand nombre de rats exploités si l’administration se fait avant la structuration de la hiérarchie.

    Je vous laisse en tirer d’éventuelles conclusions plus ou moins hâtives.