• Richard Horton, patron du « Lancet » : « Le #Covid-19 montre une faillite catastrophique des gouvernements occidentaux »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/06/20/richard-horton-le-covid-19-montre-une-faillite-catastrophique-des-gouverneme

    Vous venez de publier un livre dans lequel vous êtes très sévère sur la façon dont la #pandémie a été gérée, en particulier dans votre pays…

    La raison pour laquelle mes mots sont durs, c’est que nous avons publié à la fin du mois de janvier dans le Lancet cinq articles qui décrivaient parfaitement cette nouvelle maladie pour laquelle il n’y avait ni traitement ni vaccin, qui présentait une assez forte mortalité, et qui se transmettait entre humains. Pour reprendre les mots de Gabriel Leung (université de Hongkong), « ce mode de transmission indiquait une forte probabilité de pandémie mondiale ». On savait tout cela le 31 janvier. La veille, l’#OMS avait déclaré une urgence de #santé_publique de portée internationale.

    Et, pendant les six semaines qui ont suivi, la plupart des pays occidentaux n’ont absolument rien fait. C’est une erreur impardonnable. La question est : pourquoi le président [français Emmanuel] Macron, le président [du Conseil italien Giuseppe] Conte, pourquoi le premier ministre [britannique Boris] Johnson, pourquoi le président [américain Donald] Trump n’ont-ils rien fait ? Ne comprenaient-ils pas ce qui se passait en Chine ? Ne croyaient-ils pas les Chinois ? N’ont-ils pas demandé à leurs représentations diplomatiques à Pékin d’enquêter ? Je ne comprends pas. Les preuves étaient très claires, dès fin janvier. Donc je pense que les politiciens vont devoir s’expliquer.

    Et ce n’est pas correct de blâmer l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou la #Chine, comme le font Johnson ou Trump, dans une mystérieuse théorie du complot. L’OMS et la Chine ont expliqué dès janvier ce qui était en train de se passer. Mais il y a une défaillance systématique des gouvernements occidentaux qui n’ont pas pris ces messages au sérieux. Etait-ce du racisme envers les Chinois ? C’est une faillite catastrophique des exécutifs occidentaux. Cette pandémie est un #désastre que nous avons nous-mêmes créé.

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    • Des commissions d’enquête parlementaires ont-elles été mises en place au Royaume-Uni afin d’évaluer la gestion de la pandémie par le gouvernement ?

      Non. La France a un temps d’avance sur nous. Nos politiciens nous disent que ce n’est pas le bon moment. Ce que je trouve dément. Si nous avons une seconde vague plus tard cette année, nous ferions mieux d’avoir tiré les leçons de notre mauvaise gestion de la première. Nous devons être très clairs à ce sujet. Je ne veux blâmer aucun individu. Il n’y a pas une personne en France ou dans aucun autre pays européen qui soit responsable à elle seule d’une faillite nationale. C’est le système qui a failli, le système de conseils scientifiques qui a failli dans votre pays comme dans le mien. Le système de riposte politique a failli dans votre pays comme dans le mien.

      En quoi la France a-t-elle failli, selon vous ?

      Lorsqu’il y a eu proclamation d’une urgence de santé publique de portée internationale, le 30 janvier, pourquoi la ministre de la santé n’a-t-elle pas immédiatement envoyé un message à l’ambassade de France à Pékin pour lui demander son aide pour comprendre ce qui se passait à Wuhan, quel était ce virus, à quel point il était inquiétant, s’il était aussi préoccupant que l’indiquaient des articles dans The Lancet ? Si l’ambassade avait fait correctement son travail, elle aurait rassemblé en quarante-huit heures les informations du bureau de l’OMS à Pékin, de la Commission nationale de santé du gouvernement chinois. Elle aurait compris la nature de la menace, l’aurait immédiatement transmise au ministère de la santé et au Palais de l’Elysée et, à la fin de la première semaine de février, le gouvernement aurait disposé d’une vision très claire du danger.

      Si cela ne s’est pas produit, c’est une faillite catastrophique du gouvernement français et les Français doivent demander pourquoi le gouvernement n’a pas protégé les près de 30 000 vies qui ont été perdues, comme nous en avons perdu 40 000. C’étaient des morts évitables. Ces personnes devraient être en vie aujourd’hui. Pourquoi les gens ne sont-ils pas davantage en colère à ce sujet ? J’ai vu les manifestations des « gilets jaunes » dans les rues de Paris. Elles m’ont frappé. Pourquoi les « gilets jaunes » ne manifestent-ils pas dans la rue contre l’échec du gouvernement français à protéger les vies des près de 30 000 de ses citoyens ? Qui demande des comptes au gouvernement ?

      Tant qu’il n’y aura pas un vaccin disponible pour tous, le virus ne s’en ira pas de lui-même. Nous devrons vivre avec lui dans le futur proche. Selon toute probabilité, il reviendra cet hiver sous la forme d’une seconde vague. Il est possible lorsque nous assouplissons le confinement que nous ayons des flambées de la première vague. Donc, il n’y aura jamais un bon moment pour mener des enquêtes. Nous avons besoin d’une enquête qui démontre clairement qu’il ne s’agit pas de blâmer des individus, mais de comprendre ce qui n’a pas marché.

      Certains comparent ce qui s’est passé dans un laps de temps très court pour le Covid-19 avec le sujet du changement climatique, pour lequel nous savons ce qui va arriver mais n’agissons pas. Cela vous paraît-il pertinent ?

      C’est un peu différent. Dans une pandémie, nous parlons de la faible probabilité d’un événement à haut risque. Le changement climatique est en train de se produire, qui provoque une urgence si nous n’agissons pas. Je ferais plutôt la comparaison avec la protection contre les séismes. Si vous habitez Los Angeles ou San Francisco, on vous demande de vous préparer à un événement qui se produira à coup sûr mais à un moment inconnu. C’est très difficile de faire des plans pour ce type de situation.

      Au Royaume-Uni et, j’en suis sûr en France, une pandémie grippale figurait en tête de liste dans l’évaluation nationale des risques. Nous savons que nous avons une épidémie saisonnière tous les ans, que la grippe de 1919 fut une catastrophe et nous savons qu’un jour nous serons confrontés à un virus grippal beaucoup plus sévère même s’il l’est moins que celui de 1919. Et nous nous y préparons. Nous ne nous étions pas préparés à quelque chose du type SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère]. C’était une erreur, car le SRAS de 2002-2003 était un prototype de ce que nous avons aujourd’hui. Nous savons qu’au cours des vingt ou trente dernières années, la fréquence des infections chez l’animal qui passent à l’homme a augmenté. La raison en est connue : urbanisation massive, taudis urbains, marché avec des animaux vivants dans les villes, mauvaises conditions d’hygiène…

      Ces virus ne viennent pas par accident de Chine. Elle a connu l’industrialisation et l’urbanisation les plus rapides de la planète. Nous savions que nous étions en train de créer les conditions d’incubation d’une pandémie, mais nous ne savions pas exactement quand elle surviendrait. C’est sur ce point que nous avons trahi nos citoyens en ne nous préparant pas comme il fallait. En 2016, le Royaume-Uni a fait une simulation – l’exercice Cygnus – afin d’évaluer l’impact d’une pandémie grippale. Cet exercice a montré que nous n’étions pas prêts pour une pandémie. Et nous nous retrouvons aujourd’hui dans une pandémie à laquelle nous n’étions pas préparés. Un nouvel exemple d’échec gouvernemental et de la santé publique. Nous savions qu’il y avait un problème, nous ne l’avons pas réglé.

      En France, il y avait un plan pour une situation pandémique, mais il semble qu’il soit resté dans un placard…

      Exactement. Mais ce ne sont pas seulement les politiciens qui sont responsables. Votre pays comme le mien ont la chance d’avoir certains des meilleurs scientifiques au monde. L’Institut Pasteur est un réseau de classe mondiale d’institutions de recherche sur les maladies infectieuses. Où étaient les voix de l’Institut Pasteur pour pousser le gouvernement à se préparer à une pandémie, dès février ? Il faut poser ces questions sur les scientifiques, au Royaume-Uni comme en France, pour savoir pourquoi l’élite scientifique ne faisait pas valoir ces signaux d’inquiétude.

      Cette élite scientifique a parfois été divisée sur l’importance de cette menace pandémique, même assez tardivement, en France. Peut-être ces contradictions compliquaient-elles la tâche des politiques pour savoir à quoi on faisait face ?

      Je comprends cela. Mais, ce que je dis, c’est que les choses étaient claires en janvier. Quiconque disait en mars qu’il n’y avait pas un danger immédiat avec cette pandémie montrait une incompétence incroyable. En mars, le virus faisait rage en Italie du Nord.

      En France, des conseils scientifiques ont été créés pour éclairer le gouvernement. Quelle articulation peut-il y avoir entre la science et le politique ?

      Je connais Jean-François Delfraissy, le président d’un de ces conseils scientifiques. Vous ne pouviez avoir un meilleur scientifique pour conseiller le gouvernement. Je ne le critique pas. La responsabilité du système était de comprendre ce qui se passait exactement en Chine dès janvier. Je ne comprends pas pourquoi dès ce moment on n’a pas indiqué au gouvernement qu’il fallait prévoir des protections individuelles, se préparer à tester, tracer et isoler, éviter les rassemblements, envisager de fermer les écoles, pour se préparer à cette épidémie. Et ce n’est pas de la perspicacité. Relisez ces articles de janvier : tout y figurait déjà. Et rien ne s’est passé. Votre gouvernement a mieux répondu que le mien. C’est déjà ça…

      Autre question : où était l’Union européenne ? Une des raisons de l’échec britannique est le Brexit, l’exceptionnalisme, la mentalité îlienne : c’est un défaut psychologique classique en Grande-Bretagne, la croyance que nous sommes meilleurs que tous les autres. Eh bien on a prouvé tout le contraire dans la façon de gérer cette pandémie. Mais l’Union européenne avait une opportunité de s’assurer que non seulement les pays soient préparés, mais aussi coordonnés. Une des choses les plus marquantes est d’avoir vu 27 Etats avoir 27 stratégies différentes. Pourquoi l’UE n’a-t-elle pas réuni ses Etats membres pour qu’ils apprennent les uns des autres, coopèrent et s’aident d’une façon bien plus coordonnée ? Je sais que la réponse est que la santé est une responsabilité nationale. Mais on s’en fout ! C’était une pandémie, une urgence, une menace à la sécurité nationale ! L’UE aurait dû avoir une part bien plus active pour unifier les pays dans ces circonstances.

      Parlons du Lancet , qui a dû rétracter le 4 juin un article publié le 22 mai. Que s’est-il passé ?

      Il semble qu’il s’agisse d’une fraude monumentale, par le fondateur de la société Surgisphere, Sapan Desaihttps://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/06/04/hydroxychloroquine-trois-auteurs-de-l-etude-du-lancet-se-retractent_6041803_. Il y a une enquête en cours par le Brigham and Women’s Hospital (Boston) dont dépend l’auteur principal, Mandeep Mehra, pour comprendre ce qui s’est passé. Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il n’y a pas de données vérifiées ou validées de façon indépendante pour appuyer ce qu’avance l’article. Personne ne peut dire si ces données existent, à part Sapan Desai lui-même, qui a refusé de les partager avec Mandeep Mehra et les autres auteurs, et il a refusé de les montrer à des auditeurs indépendants. Si bien que personne ne connaît le statut exact de ces données.

      Cette affaire en évoque une autre, quand le Lancet avait dû rétracter en 2006 un article du Norvégien Jon Sudbo https://www.lemonde.fr/planete/article/2006/01/20/la-norvege-enquete-sur-les-resultats-fabriques-du-docteur-jon-sudbo_732881_3 après que celui-ci avait admis avoir inventé des données. Quelles leçons peut-on tirer de ces épisodes ?

      Il va nous falloir être plus méfiants. Aujourd’hui, nous faisons confiance à ce que nous disent les auteurs des articles scientifiques. S’ils nous disent qu’il y a une base de données et qu’ils signent une déclaration affirmant qu’elles sont fiables, nous leur faisons confiance, tout comme les reviewers extérieurs à qui nous demandons d’évaluer leurs travaux. Clairement, il va falloir élever notre niveau de méfiance à propos de ces bases de données pour avoir plus de chance d’identifier des cas de fraude. Mais il faut être très clair : c’est une perte pour la science, qui s’appuie sur la confiance. Quand vous perdez la confiance, parce que des gens malintentionnés mentent, c’est mauvais pour tout le monde.

      Pourrait-on imaginer des préenregistrements de ces données, comme dans les essais cliniques ?

      Il y a aussi de la fraude dans les essais cliniques : des patients et des données ont été inventés, et on ne s’en est aperçu qu’après la publication des résultats… La seule façon d’être 100 % certain de ne pas publier des travaux frauduleux serait que les éditeurs et les reviewers se rendent sur place et examinent chaque élément des données sur lesquelles s’appuie l’étude publiée dans la revue. Mais c’est clairement une tâche impossible, grotesque. Donc on ne peut se passer d’une part de confiance, sinon la science cessera de fonctionner.

      Pourrait-on imaginer des tiers de confiance qui vérifieraient une part de ces données, de façon aléatoire, comme c’est le cas dans l’industrie pharmaceutique, avec un effet dissuasif – un peu comme les contrôles routiers ?

      Les revues scientifiques ne peuvent être la police de la science, ce n’est pas notre rôle. Mais on pourrait envisager d’être plus attentif si une nouvelle base de données apparaît, comme c’était le cas avec celle de Surgisphere. Mandeep Mehra n’a lui-même pas eu accès aux données. Donc nous allons demander aux auteurs de signer une déclaration qui dise explicitement qu’ils ont eu accès aux données et qu’ils les ont effectivement vues. On peut avoir des demandes plus strictes vis-à-vis des auteurs.

      Dans le sport, le dopage semble avoir toujours une longueur d’avance sur les contrôles. Y a-t-il un parallèle avec l’activité scientifique ?

      C’est très vrai. A chaque fois, on essaie de tirer les leçons, mais la fraude continue : c’est assez facile pour les fraudeurs, précisément parce que l’activité scientifique est fondée sur la confiance. Mais pourquoi devrait-elle être différente d’autres secteurs de la société où des personnes malintentionnées se distinguent aussi. Avec Surgisphere, on a affaire à quelqu’un qui a pu mentir à ses coauteurs, dans une publication dans le New England Journal of Medicine , dans le Lancet , et peut-être d’autres revues. C’est assez incroyable qu’il ait pu tromper tant de gens en tant d’occasions. Cela ne veut pas dire que la science a failli, mais que le système sur lequel elle est fondée peut facilement être subverti.

      Mais faut-il, à cause de ces rares occasions où cela se produit, changer tout le système ? Il y a une expression anglaise qui dit « bad cases make bad law » – les mauvais exemples conduisent à de mauvaises lois. C’était un cas extrême, on doit en tirer les leçons, mais cela ne veut pas dire qu’on doive instituer un système bureaucratique énorme fondé sur l’idée que chaque article peut être l’objet d’une fraude.

      Peut-être pourrait-on avoir des incitations, du côté des reviewers, en rendant publiques leurs évaluations afin de les responsabiliser plus encore ? Car, dans ce cas précis, il n’a pas fallu longtemps à des observateurs extérieurs aux revues pour voir que quelque chose clochait dans les résultats…

      C’est vrai. Nous envisageons de poser une question très directe aux reviewers : pensez-vous qu’il y ait des problèmes d’intégrité scientifique dans cet article ? Y a-t-il une possibilité, même infime, de fraude ? Cela concentrerait leur attention sur cette question d’une façon inédite. Une des leçons est aussi qu’on ne peut faire confiance d’emblée aux bases de données. A l’avenir, si on a affaire à une base de données dont on n’a jamais entendu parler, il faudra être méfiant, et peut-être demander – dans cette situation – à ce que les reviewers aient accès aux données brutes.

      L’urgence à publier en temps de pandémie a-t-elle pu vous faire baisser la garde ?

      Non, cela serait arrivé même hors Covid-19. Si quelqu’un est déterminé à tromper son monde, on ne peut pas y faire grand-chose. Cet individu a tenté de tromper ses collègues, des institutions, des journaux et pour finir le public. Il a essayé et il a échoué.

      Certains observateurs estiment que les données de Desai pourraient exister, avoir été aspirées dans les registres électroniques des hôpitaux sans que les autorités soient au courant. Pensez-vous que ce soit le cas ?

      Je n’en sais rien, pour être honnête. Ce que Mandeep Mehra m’a dit, c’est que quand les auditeurs indépendants ont demandé à Desai de leur transférer les données, ils ont eu une discussion par Zoom, et Desai s’est contenté de leur montrer son écran d’ordinateur. Donc, à ma connaissance, personne n’a vu les données de Surgisphere. On pourrait croire que les coauteurs ont travaillé avec lui sur les données, mais ce n’est pas le cas. Quand Mandeep Mehra demandait des données, Sapan Desai lui fournissait des tableaux récapitulatifs, mais jamais les données brutes. Je ne sais pas quelle proportion de ces données a été inventée, mais suffisamment pour qu’il n’ait pas voulu les partager avec ses coauteurs.

      L’épisode ne donne-t-il pas raison à ceux qui plaident pour un système de prépublication qui permettrait une revue par les pairs qui soit publique ?

      Dans ce cas particulier, un preprint aurait pu permettre de découvrir la fraude – je peux le concevoir. Mais un des dangers des preprints est qu’ils peuvent gagner beaucoup d’attention avant d’avoir été relus. Nous avons signé une déclaration lancée par le Wellcome Trust reconnaissant qu’en période de pandémie les chercheurs peuvent souhaiter exposer leurs résultats dans le domaine public plus rapidement que d’habitude, et que s’ils choisissent de les prépublier, cela ne compromettra pas leur chance de les voir publiés dans une revue. Je soutiens fortement l’idée des preprints, en théorie. Mais il y a des problèmes aussi avec eux : certains ont donné lieu à l’exposition de théories complotistes sur l’origine du nouveau coronavirus, et il a fallu les retirer… Les preprints peuvent aussi être trompeurs. Ils ont leur place, mais ne sont pas la panacée pour ces problèmes.

      Pour revenir à la confiance que vous évoquiez, centrale dans le processus scientifique : le grand public ne va-t-il pas voir sa propre confiance envers la science érodée par cette crise ? Il a découvert que la vérité médicale était très labile. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

      Je pense que c’est bien si le public comprend que la science ne produit pas des vérités. Ce qu’elle fait, c’est se diriger vers la vérité, qu’elle n’atteint jamais complètement. Cela signifie qu’il y a toujours de la place pour l’erreur, l’incertitude et le doute. C’est toujours mauvais quand les politiciens disent avoir pris des décisions en accord avec la science. Cela ne veut absolument rien dire. De quelle science parlez-vous ? Quelles preuves, quelle incertitude, à quel point êtes-vous sûr des résultats ? La « science » dans ce sens-là est une invention des politiciens pour se protéger des critiques. Donc nous devons expliquer qu’une telle chose, « la vérité » ou « la science », cela n’existe pas. Il y a seulement des probabilités, et des possibilités.

      Si le Covid-19 a détruit l’illusion que la science délivre la vérité, c’est une bonne chose. Mais – et c’est un grand mais – cela ne devrait pas engendrer une perte de confiance dans la science. Bien au contraire : montrer la réalité de ce qu’est la science, la montrer dans son humilité, devrait renforcer la confiance que le public devrait avoir envers elle. Ce que nous faisons, humblement, est de faire de notre mieux dans des circonstances difficiles. Si nous le racontons, je pense que le public nous fera confiance. Si nous faisons des promesses infondées, le public, de façon compréhensible, ne nous croira pas.

      Cette crise est une opportunité pour la communauté scientifique de réécrire le contrat entre la science et la société. C’est très important. Et c’est le moment de le faire.