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  • Ça va plaire à @simplicissimus : Raoult a terminé son intervention de 3 heures à l’Assemblée en répétant ce qu’il qualifie de « une des bases de la statistique ».

    Pour répondre à Philippe Berta qui lui demande pourquoi il n’a pas fait des « essais cliniques dignes de ce nom », et juste une publication « avec [à la fin] six patients » :

    Moins y’a de gens quand c’est significatif, et plus c’est significatif. Quand vous êtes obligé d’avoir 10 000 personnes dans un essai pour monter avec une significativité, c’est qu’il n’y a aucune différence. Parce que je vais vous dire, y’a 15% des gens qui ne prennent même pas les médicaments qu’on leur prescrit, donc quand vous cherchez des différences de 1%, vous n’êtes plus dans de la médecine, vous êtes dans du fantasme méthodologique. Donc tout essai qui comporte plus de 1000 personnes est un essai qui cherche à démontrer des choses qui n’existent pas. Et je suis désolé, c’est une des bases de la statistique.

    Ça commence à 3 heures 01 :
    https://www.youtube.com/watch?v=it3H53Q4Nik

    • Je vais commenter sur la base de ta transcription, sans l’avoir écouté. Merci d’avoir cherché le passage, mais je ne supporte vraiment pas sa position d’autorité affirmant ses évidences…

      Sur le fond, il a raison. Et ce qu’il décrit est en effet bien connu du statisticien. Et j’y reviens tout de suite. Mais ce n’est pas la question.

      La seule question à laquelle on attend une (vraie) réponse de sa part c’est : a-t-il prouvé un effet significatif de sa molécule ? La réponse «  scientifique  » à ce jour est non.

      Raoult, lui, affirme dans ses vidéos que l’effet est «  spectaculaire  ». Mais d’une part, cet effet n’a pas semblé tel aux yeux des praticiens un peu partout dans le monde qui se sont fiés à ses déclarations et qui, sans mener d’essais cliniques dans les règles mais devant l’absence de résultat probant, ont progressivement cessé d’appliquer le «  protocole Raoult  ». D’autre part, s’agissant de l’article originel, trois mois après, son statut scientifique n’est toujours pas déterminé.

      Ce fut le cas pour les deux premières études du Pr Raoult. Mais celles-ci furent contestées, notamment en raison de potentiels conflits d’intérêts (des coauteurs des études faisaient partie des rédactions des revues). Pour la première, les interrogations soulevées ont conduit à l’annonce d’une « relecture additionnelle par des pairs indépendants ». Hier, mardi 23 juin, deux mois et demi après cette annonce, le groupe éditorial de la revue en question indiquait au Télégramme que le processus était « toujours en cours ».

      https://www.letelegramme.fr/france/au-coeur-de-l-enquete-sur-la-crise-sanitaire-le-controverse-pr-raoult-2

      Sachant que l’étude en question,
      • portait sur des patients hospitalisés
      • et pour ce que l’on peut en conclure (sans s’arrêter aux - graves - problèmes méthodologiques) donnait une issue pour les patients pas fondamentalement différente de celle obtenue en l’absence de traitement
      Par la suite, le cadre d’emploi préconisé n’a cessé de changer (dès la contamination puis en préventif) sans qu’il y ait de publication scientifique à l’appui des déclarations des vidéos successives.

    • Pour revenir au passage que tu cites, il faut rappeler le cadre de ce qu’est un test statistique. Sachant que la façon classique de poser la question est suffisamment alambiquée pour qu’elle requière une grande concentration pour ne pas dire de bêtises et formuler les conclusions correctement.

      À la base, il s’agit de comparer deux traitements, l’un supposé de référence, l’autre nouveau. Il faut décider si le nouveau est meilleur que la référence. Comme dans toute décision fondée sur une expérience aléatoire, il y a deux façons de se tromper :
      • préférer le nouveau traitement alors qu’en fait il n’est pas meilleur (1ère espèce)
      • garder l’ancien alors que le nouveau est meilleur (2ème espèce)

      La procédure «  classique  » donne des rôles très différents aux deux risques associés à ces erreurs. Tout le système est bâti en fixant a priori une borne supérieure au risque de première espèce. Ce qui revient à dire qu’on ne veut pas lâcher trop facilement la méthode de référence.

      Avec un échantillon de taille n, on peut alors construire le test et on obtient, a posteriori, une estimation du risque de deuxième espèce : ne pas accepter un nouveau traitement qui serait meilleur. Et c’est là, toujours dans l’approche classique, qu’on en arrive à «  la base des statistiques  » évoquée et qu’intervient la taille de l’amélioration apportée par le nouveau traitement avec ce qu’on appelle le calcul de la puissance du test.

      À partir de cette taille de l’effet du nouveau traitement, on calcule a priori, la taille de l’échantillon qui permettra de détecter un tel écart.

      Sans passer par le formalisme du test, c’est assez intuitif : plus la taille de l’échantillon est faible, moins la précision de l’estimation est grande. Pour détecter de faibles différences, il faut donc des échantillons de grande taille. On peut formuler ça sous la forme : moins y’a de gens quand c’est significatif, et plus c’est significatif qui n’est pas la plus claire ni la plus pédagogique, notamment parce que le mot significatif est utilisé à la fois dans son sens technique (première occurrence) et dans un sens large et flou (c’est significatif, où le cela qui est significatif n’est pas autrement précisé…)

      Raoult réitère donc son attaque contre les essais cliniques classiques et particulièrement lorsqu’ils sont de grande taille (sous-entendu, on sodomiserait le diptère…)

      Il oublie totalement (on peut pas être bon partout…) le contexte général. La démarche de recherche pour tester un traitement d’une pathologie nouvelle (en l’absence donc de traitement de référence) peut se décomposer en deux phases :
      • la recherche de pistes de traitement : repérer les molécules actives contre la pathologie, avec un ratissage assez large et des méthodes de criblage (dans la littérature, on trouve plutôt screening)
      • et, une fois retenue une branche (ou quelques branches) des tests selon le formalisme présenté plus haut, pour valider (confirmer) l’efficacité du traitement

      Dans le contexte d’urgence du Sars-Cov-2, les deux phases sont télescopées et si l’effectif de l’échantillon est élevé, ce n’est pas parce qu’on cherche à détecter des pouièmes d’effet, mais parce qu’on teste plusieurs solutions thérapeutiques et qu’on souhaite pour chacune des branches disposer de résultats suffisamment solides.

      C’est sûr que si l’on dispose d’une solution à l’efficacité «  spectaculaire  » solidement étayée un tel essai large ne sert à rien. Et nous voilà ramenés au point de départ : le professeur Raoult affirme qu’il a une solution à l’efficacité spectaculaire. Et on est priés de le croire.

    • J’ai un pote médecin à La Réunion absolument pro-Raoult et habitué à prescrire de la chloroquine (d’où ma précision géographique). J’étais d’accord avec lui sur la liberté de prescrire (et pas d’accord sur tout le reste) qui a selon lui été bafouée puisqu’il dit ne pas avoir eu accès à la chloroquine. La restriction (partielle, générale ?) de cette liberté a empêché ce que tu décris, @simplicissimus, comme d’autres tests modestes, avec des praticiens qui prescrivent en ville et finalement bof, ça marche pas trop. Et ça a contribué à mythifier ce truc, à hystériser le débat.

    • Attention @antonin, il y a tout de même une autre grosse supercherie dans la nouvelle approche de Raoult et pro-Raoult : l’affirmation que Gilead est parvenu à ce qu’on ne fasse pas de tests sur HCQ, mais qu’on multiplierait les tests sur Remdesivir, son propre produit.

      Je rappelle donc un billet de Medicus le 10 mai :
      https://seenthis.net/messages/852802

      D’ici au mois de juin,
      – 20 études dans le monde sur l’hydroxychloroquine se termineront. Elles auront mobilisées 40 000 patients.
      – 4500 patients pour le remdesivir (5 études)
      – Moins de 1000 pour le tocilizumab (5 études).
      L’effet Raoult a totalement embolisé la recherche.

      […]

      En incluant 2020 et 2021, les essais cliniques dans le monde prévoient donc de recruter environ :
      – 93k personnes pour l’hydroxychloroquine
      – 20k pour le kaletra
      – 13k pour le remdesivir
      – 12k pour la chloroquine

      […]

      Le monde s’apprête à bruler entre 0,5 et 1 Milliard d’euros en recherche clinique pour démontrer que l’hydroxychloroquine ne fonctionne pas.

    • Même là dessus, le débat est complètement faussé, entre autres par les déclarations du même.

      La dose pour le covid est 6 à 10 fois celle pour le palu. À ce niveau, le risque est bien connu, documenté, quantifié : allongement du QT, SQTL détectable uniquement à l’ECG (électrocardiogramme) avec risque cardiaque grave (mort subite) http://www.filiere-cardiogen.fr/wp-content/uploads/2017/03/Consensus-QT-long-def.pdf . Raoult dit que ça marche en prévention et que, comme il est un gars sérieux, «  on a fait des milliers d’ECG à l’IHU et dès qu’il y a modification du QT, on arrête  » (désolé, je ne source pas, je suis saturé de ce bonhomme, il affirme ça dans la vidéo où il affirme que ça marche en prévention - récente donc). On est sur patients hospitalisés, suivis donc.

      OK, mettons.

      En médecine de ville, quelle est la part des praticiens qui disposent d’un ECG ? Et, surtout, quand ils en ont un, en dehors de la prescription initiale, à quel rythme ils vont faire les ECG de contrôle sur les patients ?

      Donc, non, on ne peut pas prescrire en ville à la dose recommandée par Raoult.