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  • Mongolie : une démocratie devant les urnes
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    Bureau de vote en Mongolie
    REUTERS/Jason Lee

    La démocratie libérale de Mongolie, enclavée entre des puissants voisins, vote ce mercredi 24 juin pour relancer son avenir. Des élections législatives importantes dans un paysage politique fragmenté pour diriger un pays très dépendant de son secteur minier. Entretien avec le spécialiste de la Mongolie, Antoine Maire.

    Antoine Maire est chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste politique et économique de la Mongolie, auteur de l’ouvrage Les Mongols, insoumis publié en 2016 aux Ateliers Henry Dougier.

    RFI : Qu’est-ce qui se joue ce mercredi en Mongolie et quels sont les enjeux portés par ces élections législatives ?

    Antoine Maire : Le premier enjeu est économique. La Mongolie a été frappée comme tous les pays par le Covid-19, avec assez peu de cas et aucune victime. En revanche, cela a mis l’économie à l’arrêt. Le pays a subi une récession de 10,7% environ au 1er trimestre. Donc l’un des enjeux de cette élection, c’est de redémarrer l’économie dès que la crise sera passée avec un enjeu principal sur la diversification. La Mongolie est très dépendante du secteur minier qui représente plus de 90% de ses exportations et pratiquement 30% de son Produit intérieur brut. Un des enjeux sera donc de mettre en place une stratégie de développement et de croissance qui permette à la fois la diversification de l’activité économique, mais aussi l’intégration de l’ensemble de la population à la croissance. Car la Mongolie a encore un taux de pauvreté important, estimé à environ un tiers de la population.

    Le deuxième enjeu est politique. La Mongolie a fait sa transition démocratique en 1990 et c’est dotée d’une Constitution démocratique en 1992 plus, en 2019, d’un amendement important à cette Constitution qui vise à renforcer la stabilité gouvernementale et à favoriser une forme de décentralisation vers la prise de décision politique. Donc l’enjeu du nouveau gouvernement sera de mettre en œuvre cette nouvelle Constitution et de vérifier si tout se passe bien dans le nouveau cadre constitutionnel.

    Le troisième enjeu est lié à la lutte contre la corruption. La précédente mandature qui a débuté en 2016 a été marquée par des affaires de corruption importantes. Il y a eu notamment un scandale sur la distribution de prêts garantis par l’État à des PME qui étaient principalement utilisés par les parlementaires. Donc la confiance de la population s’est fortement érodée. Cela se traduit par un paysage politique assez fragmenté au moment de cette élection, avec un nombre de candidats indépendants particulièrement élevé, avec environ 200 candidats indépendants qui se présentent et qui témoignent de cette défiance du corps électoral à l’égard de ses élites politiques. Un des enjeux sera donc de restaurer la confiance avec l’opinion et avec la population. Cela passera par la mise en place d’une stratégie de croissance, mais aussi par une exemplarité dans la pratique du pouvoir.

    Et puis il y a un quatrième enjeu plus politique : c’est la préservation de cette spécificité mongole, qui est très marquée depuis le début des années 1990. La Mongolie est une démocratie libérale qui tranche avec les modèles autoritaires qui sont mis en place par ses voisins et il y a toujours une interrogation sur la pérennité de ce modèle, étant donné les principaux enjeux politiques qui peuvent s’exercer sur le pays. Le parlementarisme a été fortement critiqué. On a deux acteurs qui sont actuellement en place qui sont le président Khaltmaa Battulga (chef de l’État depuis 2017) et le Premier ministre Ukhnaa Khurelsukh (depuis 2016) qui sont plutôt en faveur d’un exécutif fort. Donc la préservation de cette spécificité mongole et la capacité des autorités à la faire vivre constituent le quatrième enjeu de cette élection.