• Le bus des femmes. Prostituées, histoire d’une mobilisation
    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/06/26/archives-femmes-lutte

    Car si ce livre émeut autant qu’il instruit, c’est que l’on assiste, page après page, à l’invention d’une manière de faire de la recherche dont on s’est aujourd’hui éloigné : une manière à la fois héritière du bricolage des années 1970 entre militantisme et savoir, et fruit de l’urgence de la lutte contre le sida attentive aux données épidémiologiques fines. En miroir de chaque lettre, la lecture d’Anne Coppel, ni en surplomb ni à la place de, simplement en regard. On comprendra, en lisant le texte de la chercheuse Malika Amaouche qui raconte la suite, que, depuis 2000, bien que des projets soient portés, cette magie n’opère plus. On se demandera pourquoi et on ne manquera pas d’admettre que nous sommes entrés depuis vingt ans dans la grande ère du soupçon : la recherche-action ne plait plus. On préfère une publication en anglais dans une revue de renommée internationale bien indexée et de haut niveau à un rapport photocopié dont chaque mot aura été discuté au petit matin autour d’un café servi dans des gobelets en carton. On préfère aux écritures malhabiles, aux mots rudes et à l’orthographe maladroite des femmes prostituées, les beaux graphiques et les présentations powerpoint des sociologues en santé publique. Nulle nostalgie ne se dégage de cet ouvrage, nulle colère non plus, juste le désir de témoigner qu’une autre recherche a été possible. Ce livre est ainsi une boite où sont conservées les confidences de femmes mais aussi un peu de la beauté du soulèvement qu’elles menèrent ensemble contre un ordre établi. C’est sans doute en cela les plus précieuses des archives de la lutte contre le sida.

    #bus_des_femmes #prostitution