Nouveau pathogène, vieille politique – CONTRETEMPS
▻https://www.contretemps.eu/nouveau-pathogene-vieille-politique
Les citoyens de Hambourg croyaient en un gouvernement réduit, à la discipline budgétaire, et à la responsabilité individuelle pour la santé et le bien-être. Investir l’argent des contribuables dans un site de filtration semblait être une extravagance propre à menacer tant la santé fiscale de la ville que l’éthique qui en avait assuré la prospérité. Ces doctrines du laissez-faire ressemblaient à celles qui avaient amené la Grande-Bretagne à pratiquement ne pas intervenir lors des famines en Irlande et en Inde : les administrateurs coloniaux s’accrochaient à l’idée que la dette publique constituait un péché plus insigne que la famine à échelle de masse, et que les crève-la-faim ne pouvaient améliorer leur sort qu’à force d’autodiscipline dans le du labeur et de saine gestion de ressources limitées.
Le second manquement des disciples de von Pettenkofer à Hambourg, surtout de l’officier médical en chef, le docteur Johann Kraus, fut le refus d’accepter les diagnostics de choléra et de faire une déclaration publique pendant ces journées critiques du mois d’août durant lesquelles le taux d’infection doublait chaque jour. Comme on le sait maintenant, les bacilles et les virus peuvent se multiplier exponentiellement. Le délai d’un seul jour peut faire la différence entre le contrôle ou non d’une épidémie.
Pourquoi ne firent-ils pas cette déclaration ? On peut l’expliquer en partie par la rigidité intellectuelle de ces hommes de bonne réputation. L’autre partie de l’explication vient de l’intérêt matériel. L’économie de Hambourg et la prospérité de ses ploutocrates dépendaient du maintien de l’ouverture du port et de la circulation des bateaux. Des marchandises provenaient de l’Angleterre et des États-Unis. La plupart des exportations allemandes arrivaient par péniche ou par train pour être expédiées par bateau vers tous les continents ; la compagnie Hambourg-Amérique organisait régulièrement des départs pour New York, les ponts des bateaux chargés de migrants recherchant une vie meilleure sur les lointaines cotes de l’Atlantique.