Travail artistique et post-capitalisme. Entretien avec Dave Beech – CONTRETEMPS
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Beech étudie la spécificité de l’activité artistique au sein du mode de production capitaliste, tout en le confrontant aux théories postcapitalistes contemporaines dans lesquelles, remarque-t-il, l’art ne semble plus jouer le rôle exemplaire d’activité libérée qui était le sien dans les approches romantiques du postcapitalisme. Dans ce cadre, il interroge l’idée d’une hostilité au capitalisme intrinsèque à l’art et cherche à situer cette activité dans le champ de la théorie marxiste du travail. Sa réflexion sur le travail et partant, l’activité artistique, s’enrichit du croisement avec les thématiques de l’industrialisation, de la technologie, de l’automatisation ou encore du numérique.
L’auteur s’emploie tout d’abord à retracer l’évolution des pensées postcapitalistes, des Utopies au « Fully Automated Luxury Communism », en passant par le mouvement zapatiste. C’est la question du travail qui se trouve au centre de ses observations critiques. A l’évolution des courants de pensée postcapitalistes correspond celle des stratégies de lutte et des revendications : s’agit-il de lutter contre le travail salarié, le productivisme, la production de valeur ? Beech apporte des précisions quant à ce que pourrait être l’abolition du mode de production capitaliste et établit ainsi un lien avec le travail artistique, qu’il définit comme étant intrinsèquement hostile au capitalisme.
Il explore cette hypothèse en revenant sur les pensées de Kant, Schiller, mais aussi Marx, qui ont considéré l’art comme un modèle d’activité humaine non aliénée, mais surtout en revenant sur la distinction qui s’est progressivement creusée dès le XVesiècle entre l’artisanat et l’art, dont il explore les soubassements, les conséquences en termes de mode de production, de rapports à l’économie et au marché, ainsi que les évolutions de ceux-ci au fil des siècles.
Cette triangulation qui se dessine entre les figures de l’artisan, de l’artiste et du travailleur sert ensuite de base à une réflexion sur le statut de l’artiste, permettant d’aborder dialectiquement les débats sur les rapports entre l’art et le capitalisme. C’est le travail qui est véritablement en question ici, envisagé dans ses différentes facettes et nourri des apports théoriques féministes marxistes (notamment Silvia Federici). Quel genre de travailleur est l’artiste ? Son travail est-il productif ou improductif ? Peut-on étendre la revendication d’un « salaire contre le travail ménager » (et surtout, l’analyse politique qui la sous-tend) à l’activité artistique ?